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Choix thérapeutique pour un futur édenté complet bimaxillaire : à propos d’un cas clinique

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Alors que la population générale vieillit, les besoins en traitement du futur édenté complet par une prothèse confortable augmentent fortement. Les bridges implanto-portés répondent à ces exigences pour les fonctions et l’esthétique qu’ils restaurent durablement. Si les principes fondamentaux de ces traitements n’ont pas changé depuis Brånemark, leurs modalités ont en revanche considérablement évolué vers une simplification des procédures, une réduction des temps de traitement comme une moindre invasivité des interventions chirurgicales. Dans ce sens, l’évolution des états de surface implantaires conduit à la réduction des délais d’ostéointégration, la mise en charge immédiate permet une temporisation idéale et les protocoles chirurgicaux minimalement invasifs offrent une alternative aux lambeaux de grande étendue. L’objet de cet article est de présenter une stratégie thérapeutique raisonnée pour le traitement d’une future édentée complète bimaxillaire.

Cas clinique

Madame A, 64 ans, est adressée par son chirurgien-dentiste traitant pour une réhabilitation implanto-portée des secteurs édentés.

Lors de la première consultation la patiente formule les objectifs suivants :

  • « remplacer le bridge en haut à droite qui me permettait de mâcher à peu près avant que je ne perde la canine qui le tenait »
  • « améliorer l’esthétique de mes dents de devant qui sont noircies à leur base »
  • « envisager une solution fiable et logistiquement acceptable » (patiente adressée, habitant loin de la clinique)

La patiente est en bon état de santé général, ne prend aucun traitement et ne fume pas.

Diagnostics

Diagnostic dentaire

  • absence des dents n° 18-16-15-14-13-24-25-26-27-28 / 34-35-36-37-38-45-46-47 pour raisons carieuses et endodontiques (Fig. 2)
  • reprises de caries multiples sous les reconstitutions coronaires des dents n° 17-23 -31-32-33-41-42-43-44-48 (Fig. 1)
  • lésions chroniques d’origine endodontique sur les dents : 31 / 42-43-44

Diagnostic-parodontal

Diagnostic parodontal

Parodonte sain de morphotype moyen, très festonné. Le volume osseux disponible au maxillaire est suffisant pour envisager la pose d’implants dans de bonnes conditions entre les dents 16 et 26. À la mandibule, l’os alvéolaire semble très fin et sera confirmé par les examens radiologiques complémentaires.

Diagnostic occlusal

  • une dimension verticale préservée par l’égression du secteur incisivo-canin mandibulaire compensatrice de l’abrasion des incisives
  • un plan d’occlusion perturbé par

• la version mésiale de 48
• l’égression du bridge 17-13 causé par la perte du calage postérieur depuis 10 ans

  • des antécédents de bruxisme

Diagnostic esthétique (Fig. 1)

  • existence de papilles très festonnées
  • collets en secteur esthétique alignés
  • morphologies dentaires irrégulières au maxillaire
  • incisives très courtes à la mandibule
  • teintes dentaires hétérogènes
  • sourire qui découvre les dents maxillaires jusqu’au collet dentaire permettant aux papilles interdentaires de participer à l’harmonie du sourire. À l’exception des dents 12, 11 et 22, le pronostic des dents restantes apparaît très aléatoire.

En effet, les reprises de caries radiculaires multiples obligeraient à procéder à l’élongation coronaire des dents pour les reconstituer dans de bonnes conditions.

Leurs racines grêles ne se prêtent pas à des reconstitutions corono-radiculaires pérennes. Selon l’endodontiste consulté, les reprises de traitements seraient techniquement réalisables pour traiter les lésions de 31-42-43-44, mais de mauvais pronostic à cause du rapport couronne/racine défavorable suite aux élongations coronaires.

Constatant que le capital dentaire de Madame A paraissait très fragile pour participer à la réhabilitation de sa bouche, nous avons donc décidé d’utiliser son capital osseux pour fixer deux bridges complets sur implants.

Choix thérapeutique

Au maxillaire : bridge complet céramique de 12 dents transvissé sur 6 implants (sans fausse gencive) (Fig. 7)

Ce choix thérapeutique est justifié par la revue littérature de Lambert en 2009 suggérant un taux d’échec prothétique accru lorsque la réhabilitation complète au maxillaire est fixée sur un nombre d’implants inférieur à 6.

L’espace prothétique faible et sa biocompatibilité impose la céramique comme le matériau de choix pour la réalisation du bridge complet maxillaire.

Le parodonte sain et intact nous autorisera à nous affranchir d’une fausse gencive que nous éviterons à chaque fois que nous le pourrons.

Une procédure chirurgicale permettant de conserver le parodonte maxillaire autour des implants sera adoptée pour préserver le parodonte marginal exposé lors du sourire.

Pour cela, nous avons choisi, dans le même temps opératoire, d’extraire, d’implanter et de fixer à 24 heures un bridge complet provisoire transvissé.

À la mandibule : bridge complet type Brånemark de 12 dents en résine transvissées sur 5 implants, avec fausse gencive (Fig. 6)

Ce choix thérapeutique a été évalué sur 20 ans avec 100 % de succès prothétique et 98,9 % de succès implantaire par Ekelund en 2003. Le matériau prothétique (résine) a été préféré à la céramique pour des raisons de confort et de prévention de la fracture de la céramique antagoniste. En effet, les prothèses complètes en céramique sont très bruyantes quand elles s’affrontent, alors que la résine permet un certain amortissement au moment des contacts occlusaux.

Enfin, la fausse gencive permettra de compenser l’alvéolectomie nécessaire à la pose des implants entre les foramina mentonniers (Fig. 8 et 9). La mise en charge immédiate des implants mandibulaires est réalisée à 24 heures postopératoires, en même temps que les implants maxillaires.

bridge-complet-céramique

Protocole de traitement

L’étude pré-implantaire comporte des modèles d’étude montés sur articulateur avec arc facial pour réaliser le montage directeur qui validera le projet prothétique (Fig. 4).

Ce montage directeur permet de concevoir un guide radiologique permettant de planifier la position et les axes des implants en fonction du projet prothétique sur le logiciel de planification Facilitate® (Astratech ®) (Fig. 3 et 5).

Après extraction des dents 17, 12 et 22, le guide chirurgical élaboré par stéréolithographie sera clippé sur les dents 11, 21 et 23 pour forer et positionner les implants maxillaires (fig. 12, 13, 14 et 15) conformément à la planification (Fig. 10 et 11).

Le positionnement transgingival des implants en place de 16, 14, 12, 22, 24 et 26 à travers le guide permet ainsi la réalisation d’une chirurgie minimalement invasive, rapide et précise sans élever de lambeau.

Les piliers prothétiques sont vissés, l’empreinte maxillaire de type pick-up est prise à l’aide d’un polyether (Impregum™, 3M Espe), la chirurgie maxillaire a duré un minimum de temps.

À la mandibule, les dents sont extraites et une alvéolectomie de 7 mm permettra le rétablissement de l’espace prothétique. Seule la dent 31 sera maintenue sur l’arcade le temps d’enregistrer la dimension verticale d’occlusion (DVO) et la relation intermaxillaire (RIM) (Fig. 17) après la pose à main levée des implants 35, 33, 43, 45.

La dent 31 est ensuite extraite pour permettre la pose du cinquième implant mandibulaire (Fig. 16). Les sutures des lambeaux précèdent l’empreinte pick-up. La chirurgie se termine sur l’enregistrement du plan d’occlusion à l’aide de l’arc facial. Le lendemain, les bridges provisoires sont prêts, la mise en charge immédiate peut être commencée.

La patiente est anesthésiée localement pour les extractions des dents 11, 21, et 23 et 47. Les alvéoles des dents 11, 21 et 23 sont comblées à l’aide d’une hydroxyapatite à résorption lente (Biooss ®, Geitslich) pour maintenir le volume vestibulaire sur les sites d’extraction.

Les bridges provisoires sont transvissés et des greffons de tissu conjonctif enfouis viennent fermer les alvéoles d’extraction et épaissir le parodonte en regard de 11, 21 et 23.

À 4 mois, une gingivectomie au bistouri électrique est réalisée pour allonger les couronnes cliniques de 11 et 21 et aligner les collets (Fig. 18).

À 6 mois, réalisation des bridges définitifs (Fig. 19, 20, 22, 25, 24, 26).

Notons la stabilité osseuse autour des implants à 24 mois post-opératoires (Fig. 21 et 23).

Protocole-de-traitement

Discussion

Le protocole d’extraction-implantation et mise en charge immédiate bimaxillaire tel que décrit dans cet article semble permettre :

  • un enregistrement de la RIM facilitée le jour de la chirurgie grâce à la conservation d’un couple dentaire opposable (21, 31), cette approche permet de contourner la difficulté majeure de la mise en charge immédiate qu’est l’enregistrement de la RIM sous anesthésie locale sans repère dentaire
  • de conserver la DVO, la RIM et la situation du plan d’occlusion (PO) avec beaucoup de fiabilité, ce qui facilite les étapes prothétiques ultérieures.

En effet, les modèles montés sur articulateur à l’aide des enregistrements réalisés le jour de la chirurgie affranchiront le praticien réalisant la prothèse de ces étapes empiriques et délicates en l’absence de toute référence occlusale ; le traitement prothétique simplifié consistera alors en une prise d’empreintes, la validation de celles-ci, les essayages d’armatures et la pose des bridges terminés Pour ce faire, la situation du PO, l’enregistrement de la RIM et de la DVO, déterminantes du succès prothétique, sont transmises au praticien réalisant la prothèse.

  • la préservation des structures parodontales garantes de l’intégration esthétique du bridge maxillaire
  • la temporisation la plus confortable pour le patient (bridges fixes) en une seule intervention chirurgicale
  • de rationnaliser le temps de traitement et le nombre de rendez-vous
  • la réduction du coût du traitement
  • la préservation papillaire garantissant une esthétique et un confort optimaux (pas de tassement alimentaire, sensation d’avoir retrouvé ses dents).

La préservation des papilles (Fig. 25) semble résulter d’un protocole chirurgical ayant combiné :

  • le respect de la vascularisation parodontale par le placement des implants sans élever de lambeau grâce à la chirurgie guidée
  • le positionnement d’un bridge provisoire soutenant le parodonte pendant la cicatrisation
  • la préservation du volume des alvéoles par leur comblement avec un matériau à résorption lente et à l’épaississement gingival associé

Conclusion

Ce cas vient illustrer les nouvelles possibilités qu’autorisent les dernières avancées en implantologie au travers de deux procédures concomitantes d’extraction-implantation et mise en charge immédiate, pour la réhabilitation complète d’un même patient.

Entre l’implantologie d’hier et celle de demain, les procédures maxillaire et mandibulaire se montrent rassemblées dans le traitement de cette patiente mais opposées dans leurs caractéristiques :

  • une chirurgie transmuqueuse et non invasive au maxillaire et une chirurgie invasive et ressectrice à la mandibule
  • une chirurgie guidée au maxillaire et une chirurgie à main levée à la mandibule
  • un parodonte préservé et festonné au maxillaire et une fausse gencive à la mandibule
  • un bridge complet céramique au maxillaire et un bridge complet résine avec fausse gencive à mandibule

Ce cas permet de mieux comprendre les indications de ces deux concepts prothétiques (céramique et résine) dans la réhabilitation prothétique du futur édenté complet.

Il permet de montrer, en outre, que la préservation du parodonte maxillaire est le garant de l’intégration d’un bridge complet céramique.

Remerciements

Aux Drs Stéphanie VALENTIN, Marc BERDOUGO, Antoine BLOMART et Isy POLITI pour leur contribution à la réalisation de ce cas.
Prothèses provisoires et d’usage : laboratoire MURAT CANQUE (69).

Bibliographie

1. Ekelund JA, Lindquist LW, Carlsson GE, Jemt T. Implant treatment in the edentulous mandible: a prospective study on Brånemark system implants over more than 20 years. Int J Prosthodont. 2003 Nov-Dec;16(6):602-8.
2. Lambert FE, Weber HP, Susarla SM, Belser UC, Gallucci GO. Descriptive analysis of implant and prosthodontic survival rates with fixed implantsupported rehabilitations in the edentulous maxilla. J Periodontol. 2009 Aug;80(8):1220-30.

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A propos de l'auteur

Dr. Roch DE VALBRAY

Docteur en Chirurgie Dentaire
Parodontologie - Implantologie exclusives (Lyon)

Dr. Marc BERDOUGO

Docteur en Chirurgie Dentaire
Ancien Assistant Hospitalo-Universitaire
Ancien Interne des Hôpitaux de Lyon
Attaché Hospitalier (service de CMF du CHU Croix Rousse, Lyon)
Formateur Génération Implant
Exercice privé en Parodontologie et Implantologie, Lyon

Dr Isy POLITI

Exercice privé Villefontaine (69)

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