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Gestion des complications en prothèse supra-implantaire

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Dans l’univers de l’odontologie, l’implantologie s’impose plus que jamais comme le symbole de la fiabilité. Les grands systèmes implantaires s’efforcent de conduire des études prospectives à long terme qui montrent, pour la plupart, des taux de survie implantaires à 10 ans supérieurs à 95%, voire à 98% [2]. Ces excellents résultats masquent néanmoins un certain nombre de complications. Les mucosites et péri-implantites restent les plus médiatiques, mais les complications prothétiques en prothèse supra-implantaire [3] ne sont pas négligeables.

Les complications prothétiques les plus fréquentes sont les pertes de rétention, les fractures de cosmétique et les dévissages.

Les fractures de vis ou de pilier, ainsi que les dommages causés aux têtes de vis ou aux filetages implantaires, sont plus rares mais souvent plus graves, car une mauvaise prise en charge peut altérer l’implant et contraindre à sa dépose [4].

C’est pourquoi, devant la profusion de marques et de types d’implants, une rigoureuse analyse préalable est nécessaire à la bonne gestion de la complication implanto-prothétique.

L’examen radiologique est un élément indispensable de l’étude pré-opératoire. Combinées aux données cliniques, les données radiographiques permettent en général de déterminer le type d’implant utilisé, ainsi que le type de connexion et le mode d’assemblage prothétique.

Si le doute persiste, il est préférable de contacter soit l’implantologiste qui a pratiqué l’acte opératoire, soit la hotline du fabricant implantaire, afin de faire confirmer la provenance de l’implant à partir du cliché radiographique.

La démarche diagnostique permettra à l’opérateur de déterminer si la complication concerne l’étage prothétique ou l’étage implantaire.

A- Complications à l’étage prothétique

Les complications à l’étage prothétique regroupent les pertes de rétention (dévissage ou descellement, fracture de cosmétique, fracture d’une vis dans un pilier prothétique ou une tête de vis endommagée).

Une revue de littérature de 2008 évalue les pertes de rétention par dévissage à 12,7% à 5 ans. Sur la même durée, les risques de fractures de vis et/ou de pilier s’élèvent à 0,35% et les fractures de cosmétique à 4,5% [5].

1. Les pertes de rétention

Complications les plus fréquentes, les pertes de rétention ont deux origines possibles : le descellement et le dévissage.

En cas de descellement, il convient de s’interroger sur le type de scellement utilisé : quelle est la résistance mécanique du ciment ? L’utilisation d’un ciment plus solide est-elle suffisante pour résoudre le problème ? Une restauration vissée serait-elle plus appropriée ?

Bien souvent, le descellement d’une reconstruction est le signe avant-coureur d’un défaut de conception ou de réalisation prothétique susceptible de générer une complication plus grave (fracture de vis, de pilier ou même d’implant) [6].

Pour éviter des dommages plus importants, il est sage de vérifier l’occlusion statique, dynamique et d’analyser l’architecture prothétique. L’existence d’un bras de levier généré par une extension peut être remise en question.

Si la perte de rétention est causée par un dévissage, il faut savoir que les couronnes ou bridges vissés de plus de cinq ans peuvent présenter des pertes de rétention.

La vis prothétique joue le rôle d’un ressort plaquant l’armature contre le pilier. Un vissage non conforme aux données du constructeur (torque trop important ou trop faible) n’exploitera pas au mieux l’élasticité de la vis et occasionnera des pertes de rétention plus fréquentes.

Avec le temps, la vis en or ou en titane peut perdre de son élasticité. En cas de dévissage il est conseillé de la changer. Des contraintes mécaniques trop importantes ou inappropriées provoqueront des dévissages fréquents. Les cantilevers distaux exercent de fortes contraintes sur la vis de prothèse et conduisent à des dévissages. La solution consiste en une modification du concept prothétique ou en l’ajout d’un implant.

2. Les fractures de cosmétique

L’absence de ligament parodontal autour des implants est à l’origine de contacts occlusaux très fermes et plus puissants. Ce support privé d’amortisseur et de proprioception fine peut faciliter l’apparition de micro-fêlures qui risquent d’évoluer en fractures de céramique.

fonctionnement-d'une-vis

Comment « fonctionne » une vis ?

Une vis agit comme un ressort reliant deux éléments. La tension s’effectue au moment du serrage [1]. Dans l’implant, cette tension se crée entre la tête de vis appuyée sur la base du pilier d’une part, et les spires de la vis dans le pas de vis d’autre part, l’ensemble constituant les points d’ancrage du ressort. L’élasticité de celui-ci correspond à celle du métal utilisé pour le corps de la vis (Fig. A).

Lorsque les forces exercées sur le système sont supérieures à la tension de la vis, les deux pièces unies sont susceptibles de s’écarter, ce qui peut entraîner un dévissage. On peut rencontrer cette situation soit lorsque les forces extérieures (mastication, occlusion…) sont trop importantes ou mal orientées, soit lorsque la tension de la vis se relâche. L’usure des pièces en contact — piliers et implant — diminue la distance qui sépare les points d’ancrage du ressort, ce qui crée un relâchement des tensions dans la vis. C’est la raison pour laquelle les piliers usinés seront préférés aux piliers coulés : concernant ces derniers, les irrégularités de la surface en contact avec l’implant s’usent avec le temps, ce qui augmente les risques de dévissage (Fig. B).

La vis doit être serrée au couple conseillé par le fabricant. Celui-ci permet d’obtenir un allongement de la vis générant une tension suffisante, tout en restant dans le domaine élastique du matériau. Si le serrage est trop fort, non seulement l’hexagone de la tête de vis peut se déformer, mais on risque également de faire subir un allongement trop important à la vis elle-même. On entre alors dans le domaine plastique ; la déformation devient permanente jusqu’à la rupture.

a. En prothèse unitaire

La parfaite adaptation entre armature et pilier empêche toute zone de rétention nécessaire à l’utilisation d’un arrache-couronne. Dans la majorité des cas, le découpage de la restauration scellée est la seule solution. La prothèse est perdue, mais le challenge consiste à analyser parfaitement la situation clinique pour préserver le pilier et, surtout, l’implant (Fig. 1).

b. En prothèse plurale

Lorsque le bridge est de conception récente, le dévissage ou le descellement de l’élément prothétique permettra une re-céramisation au laboratoire de prothèse.

Lorsque la céramisation est ancienne, le technicien devra remettre à nu l’armature afin de la re-céramiser complètement. En effet, l’hydratation progressive de la céramique occasionne des fractures lors de l’élévation thermique de cuisson. On peut prévenir ces complications avec la réalisation d’armatures métalliques adéquates (Fig. 2).

Si l’armature est homothétique, les épaisseurs de céramique sont homogènes pour éviter des contraintes disparates générées par la rétraction de cuisson. En proximal, la céramique est soutenue par des extensions de l’armature pour privilégier les contraintes en compression. Les maquettes de fonderie trop simplistes seront le siège de fractures cohésives de la céramique, dans les zones où celle-ci subira des contraintes en cisaillement. Comme en prothèse conjointe dento-portée, il est impératif de respecter l’épaisseur des jonctions métalliques entre les différents éléments en fonction du matériau choisi. Des jonctions de faible volume peuvent être à l’origine de déformations de l’armature et de fractures de céramique, voire de fractures de fatigue de l’armature. Quant aux jonctions trop volumineuses empiétant sur l’embrasure et rendant le contrôle de plaque difficile, elles ne sont bien entendu pas davantage souhaitables (Fig. 3).

3. Fracture d’une vis dans un pilier prothétique ou une tête de vis endommagée

C’est la complication majeure de l’étage prothétique. Sa mauvaise gestion peut contraindre le clinicien au fraisage de l’armature et donc à la réfection complète de la prothèse supra-implantaire.

Lorsqu’une tête de vis de prothèse est endommagée à la suite de dérapages successifs, on pourra tenter d’utiliser des ultra-sons au centre de la vis, puis de dévisser à la sonde de Rhein. Si cette manœuvre est infructueuse comme c’est souvent le cas, il sera nécessaire de contacter la hotline du fabricant implantaire afin d’obtenir un « tourne-à-gauche » adapté.

Cette « vrille » avec pas de vis inversé se bloquera dans la tête de vis tout en imposant le sens du dévissage (Fig. 4 et 5).

Lorsque la vis est fracturée, le démontage de l’ensemble du dispositif prothétique s’impose afin d’avoir le meilleur accès visuel possible. Dans la plupart des situations cliniques, la fracture libère les contraintes d’élasticité de la vis et permet un dévissage à la sonde.

En cas d’échec, des forets « tourne à gauche » très fins facilitent le travail de récupération de la vis. En dernier recours, on devra changer le pilier prothétique (Fig. 6).

En-prothèse-plurale

Fig. 1 : pilier plein et col de l’implant trans-gingival fraisés, suite à une manoeuvre inappropriée de dépose de couronne Fig. 2 : armature métallique homothétique Fig. 3 : fracture de fatigue d’une armature présentant une section trop faible Fig. 4 : tête de vis endommagée Fig. 5 : vis récupérée grâce à un tourne à gauche

B-Complication à l’étage implantaire

Le traitement de l’ensemble de ces complications impose une parfaite analyse préalable. L’analyse clinique et le cliché rétro-alvéolaire permettront de déterminer le type de rétention (vissé ou scellé), le type d’implant (juxta-osseux ou trans-gingival), la connectique implantaire (connexion plan/plan = hexa/octogonale ou cône/cône = cône morse)

1. Dévissage du pilier

En réhabilitation scellée, le dévissage du pilier est une complication fréquente. La cohésion du ciment d’assemblage est alors décisive dans le traitement.

Quel que soit le ciment utilisé, un descellement à l’arrache-couronne doit être tenté. Lorsque c’est possible, un instrument de type spatule de bouche peut être inséré entre le col implantaire et le pilier dévissé, ceci afin de stabiliser le pilier et de rendre l’utilisation de l’arrache-couronne plus efficace.

Si la prise n’est pas suffisante, il est possible de réaliser une rétention en fraisant horizontalement la jonction pilier/couronne pour ménager une petite ouverture où positionner l’arrache-couronne.

Attention : cette opération doit être tentée le plus délicatement possible. En effet, on risque de détériorer le pas de vis de l’implant si le fraisage est effectué de manière trop brutale, ou si la force de l’arrache- couronne est orientée de manière oblique.

En cas d’échec, un fraisage occlusal facilitera l’accès à la vis du pilier pour un dévissage de l’ensemble. L’élément prothétique peut alors être revissé comme le serait une couronne transvissée (Fig. 7). Il est également possible de récupérer le pilier prothétique en vue de réaliser une nouvelle couronne.

Au laboratoire, la flamme bleue du bec benzène fait monter en température le ciment et permet de dissocier les deux éléments. En dernier recours, l’élément prothétique est entièrement découpé (Fig. 8).

2. Fracture d’un pilier

Complication rare, la fracture d’un pilier peut survenir après un traumatisme impliquant une couronne supra-implantaire. En connexion plan/plan, l’accès à la vis implantaire est simple. La partie apicale du pilier fracturé sera déposée simplement après dévissage (Fig. 9 et 10).

En connexion cône/cône, un pilier plein vissé peut se fracturer au raz de la connectique implantaire. L’utilisation du kit de ré-intervention de la firme implantaire est alors requise. La première tentative consiste à fraiser deux stries perpendiculaires afin de graver une croix dans le pilier, ce qui permet d’utiliser un tournevis cruciforme associé à une clé dynamométrique.

L’alternative requiert l’utilisation d’un foret avec un guide de centrage sur le pilier, puis le dévissage de ce dernier à l’aide d’un « tourne à gauche » s’ancrant dans le forage (Fig. 11 à 13).

Complication-à-l’étage-implantiare

Fig. 6 : foret tourne à gauche pour récupération de vis fracturée. (Je n’ai pas d’icono, je pense que tu en cas avec le système nobel, sinon Cauris a des photos avec Zimmer) Fig. 7 : fraisage occlusal pour accéder à la vis de pilier Fig. 8 : pilier trans-vissé dévissé. Notez le hiatus radio-clair entre col implantaire et limite prothétique Fig. 9 : fracture d’un pilier Estheticone Fig. 10 : la dépose du pilier est effectuée par fraisage complet de la tête vis de trans-fixation du pilier Fig. 11 : pilier plein fracturé Fig. 12 : l’élément résiduel a été désolidarisé du cône morse après réalisation d’une encoche cruciforme Fig. 13 : l’utilisation d’une clé à cliquet est indispensable

3. Fracture d’une vis dans un implant

a. Fracture haute

Une fracture de la vis juste en dessous de la tête de vis est une complication simple à gérer. Les tensions de la vis étant relâchées, le dévissage peut s’effectuer à la sonde de Rhein. Il est également possible de s’aider d’ultra-sons, tout en veillant à ne pas toucher des zones critiques de la connectique (début du filetage, hexagone interne ou cône morse).

Attention : les ultra-sons attaquent le titane [7]. L’opération se fait donc par petites touches sous irrigation forte. Il existe également un second risque : sous l’effet de la vibration, la vis peut s’enfoncer dans le pas de vis (Fig. 14 et 15).

b. Fracture basse

Dans certains cas peu fréquents, la vis peut se fracturer très apicalement dans le filetage implantaire. En fonction des systèmes implantaires, des dispositifs « guides » se bloquant sur la connectique permettent de conduire un foret tourne-à-gauche au contact de la vis. Les vibrations ou la rotation inversée contraignent l’élément fracturé au dévissage (Fig. 16a, 16b, 16c, 16d).

Dévissage-du-pilier

Fig. 14 : fracture haute d’une vis suite à un traumatisme Fig. 15 : dévissage avec une sonde de Rhein Fig. 16 : dépose d’une vis fracturée au raz du filetage a : la vis est fracturée dans un implant à hexagone externe b : un cylindre guide est clipé sur l’hexagone c : ce cylindre permet de guider un foret « tourneà- gauche » jusqu’au fragment de vis d : en rotation lente, le foret mord sur la vis fracturée et la dévisse

Conclusion

Même si les systèmes implantaires semblent gagner en fiabilité [8], le nombre d’implants en forte croissance et les performances de l’ostéo-intégration augurent d’une grande diversité de complications prothétiques. Pjetursson, dans une revue de littérature, estime à 61,3% les patients n’ayant souffert d’aucune complication à cinq ans [9]. La prévention des complications passe par une bonne analyse du projet prothétique. La prise de risque mécanique liée aux paramètres propres au patient (supra-clusion, bruxisme, bras de lévier prothétique) doit être évaluée.

La décision thérapeutique doit se faire non en fonction du domaine de compétence du chirurgien mais en considérant l’ensemble de l’arsenal : orthodontie, greffe sinusienne ou greffe d’onlay osseux…

Plus que jamais c’est la prothèse qui doit être au cœur du projet ; à tous les intervenants de s’entendre pour mener l’intervention à bien !

Enfin, il convient de considérer les nouveautés avec la plus grande prudence, et de laisser les équipes de recherche juges de la pérennité des reconstructions [10] [11].

Bibliographie

1. Site internet. http://technocalcul.celeonet.fr/FR/index.html
2. Meijer HJ and Coll, Mandibular overdenture supported by two branemark, IMZ or ITI implants : a ten-year prospective randomized study. J Clin Periodontol. 2009 Sep; 36(9):799-806
3. Pjetursson BE, Brägger U, Lang NP, Zwahlen M. Comparison of survival and complication rates of tooth-supported fixed dental prostheses (FDPs) and implant-supported FDPs and single crowns (SCs). Clin Oral Implants Res. 2007 Jun;18 Suppl 3:97-113.
4. Theoharidou A, Petridis HP, Tzannas K, Garefis P. Abutment screw loosening in single-implant restorations: a systematic review. Int J Oral Maxillofac Implants. 2008 Jul-Aug;23(4):681-90.
5. Jung RE, Pjetursson BE, Glauser R, Zembic A, Zwahlen M, Lang NP. A systematic review of the 5-year survival and complication rates of implant-supported single crowns. Clin Oral Implants Res. 2008 Feb;19(2):119-30. Epub 2007 Dec 7.
6. Bert M. Gestion des Complications implantaires. Quintescence International, Paris, 2005
7. Bert M. Dépose d’une vis cassée dans un implant. Fil dentaire 24 juin 2007.
8. Bonde MJ, Stokholm R, Isidor F, Schou S. Outcome of implant-supported single-tooth replacements performed by dental students. A 10-year clinical and radiographic retrospective study. Eur J Oral Implantol. 2010 Spring;3(1):37-46.
9. Pjetursson BE, Tan K, Lang NP, Brägger U, Egger M, Zwahlen M. A systematic review of the survival and complication rates of fixed partial dentures (FPDs) after an observation period of at least 5 years. Clin Oral Implants Res. 2004 Dec;15(6):625-42.
10. Andreiotelli M, Wenz HJ, Kohal RJ. Are ceramic implants a viable alternative to titanium implants? A systematic literature review. Clin Oral Implants Res. 2009 Sep;20 Suppl 4:32-47.
11. Zembic A, Sailer I, Jung RE, Hämmerle CH. Randomized-controlled clinical trial of customized zirconia and titanium implant abutments for single-tooth implants in canine and posterior regions: 3-year results. Clin Oral Implants Res. 2009 Aug;20(8):802-8. Epub 2009 May 26.

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A propos de l'auteur

Dr. Mathieu FILLION

Exercice restreint à la parodontologie et à l’implantologie
DCD Clermont-Ferrand Dom’Implant Formation

Dr. Boris JAKUBOWICZ-KOHEN

Ancien assistant hospitalo-universitaire, Paris Descartes
Exercice privé
ADDA-SFDE

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