Avec l’apport de la CFAO, il existe aujourd’hui des protocoles accessibles aux omnipraticiens concernant l’implantologie. Ces procédures ne sont pas réservées aux cas complexes mais plutôt à la grande majorité des cas qui se présentent dans nos cabinets dentaires : le remplacement d’une dent unitaire.
Nous proposons de démontrer que la complexité apparente d’un tel cas, peut être gérée et contrôlée grâce à une chaîne numérique complète et cohérente.
L’apport du numérique permet un transfert sans faille des informations quelles que soient les étapes nécessaires au traitement. En effet, l’enregistrement initial des rapports anatomiques est conservé tout au long du processus de soins. La situation initiale sert de référence constante depuis l’extraction jusqu’à la réalisation de la prothèse d’usage.
Grâce à la CFAO et l’empreinte optique, le projet prothétique numérique est très rapidement réalisé et le cas échéant, une fois confronté à l’acquisition volumique CBCT du patient, permet la planification chirurgicale. A l’issue de cette dernière, un guide chirurgical est designé au sein du système de CFAO puis usiné. Après la chirurgie implantaire, la phase prothétique pourra être gérée à l’aide du même système de CFAO.
Ces protocoles de soin sont un gage de sécurité et de tranquillité autant pour les patients que pour l’équipe soignante.
Il est à noter que toutes ces étapes se déroulent sans aucune empreinte physique ni modèle en plâtre. Nous allons reprendre ces différents éléments au travers d’un cas clinique.
Présentation du cas clinique
Un patient se présente pour remplacer une ancienne couronne à tenon sur 21 qui présente de fréquents descellements. La demande du patient est d’avoir une réhabilitation plus esthétique mais surtout pérenne afin ne plus se retrouver édenté.
La racine résiduelle étant infiltrée la conservation de celle-ci impliquerait une élongation coronaire avec un déficit esthétique ainsi qu’un rapport racine-clinique/couronne-clinique défavorable (Figures 1 et 2).
Il est décidé de réaliser le remplacement de cette dent par une extraction avec implantation immédiate. Cette chirurgie est prévue sans lambeau (technique flapless) afin de diminuer les complications opératoires (1).
Enregistrement de la situation initiale
La position de la couronne initiale, ainsi que de l’émergence de la racine est enregistrée à l’aide du système CEREC Omnicam (Sirona), en mode “copie biogénérique”. La conception virtuelle de la future restauration est réalisée en quelques minutes en effectuant une reproduction de la prothèse du patient.
Corrélation des acquisitions volumiques et surfaciques et planification implantaire
Après réalisation d’une acquisition radiologique volumique CBCT (Orthophos XG 3D, Sirona), le projet prothétique est importé dans le logiciel Galaxis (Sirona) afin de corréler les deux types de fichiers. Cela permet d’optimiser la planification du futur implant (2) : la conception préalable de la restauration correspond à un wax-up virtuel qui permet un positionnement 3D virtuel de l’implant idéal en fonction de la future émergence.
L’implant est positionné de manière à pouvoir réaliser une prothèse transvissée. La planification permet de bien visualiser le gap osseux de 2 mm de l’alvéole d’extraction qui devra être comblé ainsi que le volume gingival vestibulaire (figure 3).
Une fois le projet implantaire bien défini dans les 3 sens de l’espace, il suffit de déterminer la position des manchons en fonction de la longueur des forêts utilisés pour la chirurgie (en vert sur la figure 3). Ce manchon sert de cylindre de guidage pour le système de forage au moment de la chirurgie. La position de ce manchon est définie en fonction du placement optimisé de notre futur implant et ne sera plus modifiée.
Conception du guide chirurgical
Les données sont transférées dans le logiciel CEREC pour concevoir le guide. Le guide doit être positionné dans le bloc PMMA sélectionné (figure 4).
Des fenêtres d’inspection peuvent être ajoutées (figure 5). Elles permettent de vérifier le parfait positionnement du guide en bouche (3).
L’usinage est réalisé au cabinet dentaire dans une unité de fraisage (MCXL, Sirona) en 45 minutes environ.
Chirurgie guidée
On note la parfaite correspondance entre le projet virtuel et l’adaptation en bouche du guide chirurgical (figure 6).
L’extraction atraumatique de la racine fracturée et le respect de l’intégrité de la table osseuse vestibulaire permet de réaliser la séquence de forage prévue avec les cuillères de diamètre adapté jusqu’au forêt terminal en position palatine (figures 8 et 9).
La mise en place de l’implant se fait sans guide mais sa position est déterminée à plus de 95 % par la séquence de forage réalisée au préalable (figure 9).
La corrélation entre la vis de cicatrisation de l’implant et le guide chirurgical respecte le projet initial (figure 10) (4).
La stabilité primaire est excellente (50N/cm). La temporisation est réalisée avec un bridge collé (figure 11).
Aménagement tissulaire et provisoire
Après une maturation de 3 mois, une augmentation de volume gingival est réalisée à l’aide d’un lambeau déplacé apicalement.
L’enregistrement de la position de l’implant est réalisé grâce à un scanpost (transfert d’empreinte numérique) sur lequel un scanbody est positionné selon le détrompeur anti-rotationnel.
Le design de la couronne provisoire est creusé en concave en vestibulaire pour aspirer la gencive kératinisée et aménager les tissus gingivaux.
Phase prothétique
Après 3 mois supplémentaires de maturation gingivale, la phase de réhabilitation d’usage peut enfin être réalisée (figure 12). Les fichiers enregistrés au départ sont alors réutilisés en découpant l’empreinte au niveau de la zone 21. L’empreinte est ensuite actualisée en repassant la caméra optique afin d’enregistrer le profil d’émergence de la gencive dans le catalogue d’images séparé pour permettre au logiciel de concevoir la future prothèse en tenant compte des paramètres muqueux (figure 13).
Le catalogue “copie biogénérique” est bien entendu d’une grande aide pour réaliser la prothèse d’usage (photo 14). Il nous permet de réaliser une copie conforme au projet prothétique initial (figure 15).
Le choix de la prothèse d’usage va vers une solution monobloc transvissée pour éviter le collage en bouche : couronne monobloc en disilicate de lithium (e.max, Ivoclar Vivadent) collée sur ti-base camlog compatible (figures 16 et 17).
La réalisation de la prothèse d’usage va reproduire les formes validées avec le provisoire en bouche. On note les facettes d’usure palatines. Le réglage de l’occlusion se fait en propulsion avec des contacts dynamiques très légers (figure 18). La position des lèvres est bien soutenue et le patient retrouve le sourire (figure 19).
Conclusion
Nous voulions présenter à la lumière d’un cas clinique complet l’utilisation d’un protocole reproductible et utilisable au quotidien.
Au delà des aspects sécurisants pour l’ensemble des intervenants, le positionnement des implants ainsi que la réalisation à qualité constante des restaurations prothétiques, il apparait clair que ces protocoles amènent une expérience patient totalement différente et positive par rapport à l’approche traditionnelle.
La planification de toutes les étapes en CFAO avant chaque intervention permet une approche moins mécaniste et plus réfléchie du geste chirurgical. Avec une formation adaptée et progressive, cette technologie est parfaitement applicable en omnipratique.
Bibliographie
1. Caneva M, Salata La, Scombatti De Souza S et Al. Influence of positioning in extraction sockets on osseointegration. Histomorphometric analyses in dogs. Clin Oral Implant Res. 2010 ; 21 : 43-49.
2. Reiz SD, Neugebauer J, Karapetian VE, Ritter L. Cerec meets Galileos–integrated implantology for completely virtual implant planning. Int J Comput Dent. 2014;17(2):145-57.
3. Bindl A. Clinical application of fully digital Cerec surgical guides made-in-house. Int J Comput Dent. 2015;18(2):163-75.
4. Ritter L, Palmer J, Bindl A, Irsen S, Cizek J, Karapetian VE, Zöller JE. Accuracy of chairsidemilled CAD/CAM drill guides for dental implants. Int J Comput Dent. 2014;17(2):115-24.