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Implantologie unitaire dans le secteur esthétique : considérations biologiques et stratégies prothétiques

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Partie 1

L’implant unitaire antérieur est un vrai défi esthétique. Nous cherchons à obtenir des résultats prévisibles, proches des dents naturelles adjacentes et à conserver une harmonie entre le sourire, les dents, les tissus durs et les tissus mous. La préservation est toujours plus aisée que la reconstruction.

En tant que cliniciens avertis, nous nous devons de poser quotidiennement un diagnostic juste et un plan de traitement rigoureux. Le résultat esthétique ne doit pas être décevant, ce qui serait inacceptable aussi bien pour le dentiste que pour son patient.

L’extraction-implantation immédiate gagne en popularité ces dernières années grâce aux avancées technologiques du matériel employé, à la maîtrise des praticiens et se présente comme un acte séduisant, tant pour le praticien que pour le patient. L’intégration de la nouvelle dent aux tissus gingivaux est essentielle pour qualifier le traitement de succès bio-esthétique et non pas de simple intégration fonctionnelle. La chirurgie implantaire dans le secteur antérieur a aujourd’hui une approche moins invasive, plus biologique et plus esthétique, intégrant une préparation soignée afin d’assurer la prévisibilité du résultat.

Analyse préliminaire et critères de sélection

L’analyse préliminaire et l’élaboration de la stratégie du plan de traitement nous permettront de faire le choix du protocole (d’extraction/d’implantation/de mise en charge) ainsi que le choix de l’implant, de son pilier, de sa céramique. Les facteurs à prendre en compte avant de réaliser une restauration esthétique sur implant dans le secteur antérieur sont décrits ci-dessous.

Examens cliniques

  • anamnèse médicale
  • antécédents et cause de l’extraction (traumatisme, orthodontie, infection endodontique ou parodontale à répétition, traitements iatrogènes, carie, obturation défectueuse…)
  • sondage parodontal ; il permet de déterminer :
  1.  l’état de la corticale vestibulaire
  2. le niveau des pics osseux interdentaires (la stabilité d’une papille est prévisible si le pic osseux est à moins de 4,5 mm du point de contact interproximal, d’après la règle de Tarnow [16])
  3. l’épaisseur de la gencive

Examens radiologiques

  • radiographie apicale
  • radiographie panoramique
  • Cone Beam CBCT : il permet de visualiser dans les 3 dimensions de l’espace :
  1.  les tissus mous
  2. les obstacles anatomiques
  3. le volume osseux, notamment la présence d’au moins 4 à 5 mm d’os au-delà de la racine pour assurer la stabilité primaire de l’implant
  4. permet de modéliser le placement idéal de l’implant grâce au logiciel de planification (Nobel Clinician®)
  • guide radiographique : élaboré si besoin à partir du projet prothétique et esthétique
  • clichés photographiques : un protocole photographique complet doit être fait afin d’analyser le cas une fois le patient parti. Cela permet de dialoguer et de communiquer avec lui ainsi qu’avec les autres intervenants du traitement (chirurgien, dentiste, prothésiste, orthodontiste…). La photographie permet de voir des détails que l’on ne voit pas cliniquement sur le moment, avec un autre angle.

Le biotype tissulaire

biotype-gingival

Nous pouvons distinguer 3 types de biotype : épais, fin et intermédiaire (Fig. 1a et 1b). Les pourcentages de répartition dans la population sont respectivement 20, 20 et 60 %.

Biotype tissulaire fin

  • épaisseur de 0,3 – 0,7 mm
  • profil festonné
  • papilles hautes
  • os fin
  • dents triangulaires

Biotype tissulaire épais

  • épaisseur ≥1 mm
  • profil plat
  • papilles basses
  • os plus ou moins épais
  • dents carrées

Le type d’alvéole

classification-d-Ellian

Nous pouvons distinguer 3 situations cliniques initiales (Fig. 2a, 2b, 2c) selon la classification d’Ellian [6].

  • classe 1 : tissus durs et mous suffisants, alvéole intacte
  • classe 2 : tissus durs faiblement altérés (petite perte osseuse) mais tissus mous intacts (gencive au niveau normal)
  • classe 3 : pertes osseuse et gingivale importantes

Évaluation du risque esthétique

Il est possible de déterminer le niveau de difficulté d’une réhabilitation implantaire en zone esthétique, selon un ensemble de critères et ainsi, d’adapter le protocole thérapeutique en fonction [5].

evaluation-du-risque-esthetique

En plus de tous ces éléments, nous pouvons établir un score initial d’après le « White and Pink Esthetic Score » WES/PES [9]. Le score sera réévalué en fin de traitement pour déterminer le niveau de succès esthétique de la réhabilitation.

Cependant, l’inconvénient de ce type d’analyse est qu’elle ne prend pas en compte le volume tissulaire vestibulaire ou proximal, qui s’apprécie en 3D et non en 2D. Le seul critère de hauteur des tissus ne suffit pas, il faut y ajouter l’épaisseur des tissus.

Arbre décisionnel et conduite à tenir dans les zones antérieures

La détermination du délai d’implantation (extraction implantation immédiate, précoce, ou différée) se fera donc [17] :

  • en fonction du biotype gingival
  1. si biotype fin => implantation immédiate + greffe de conjonctif enfoui
  2. si biotype épais => implantation immédiate favorable (absence de greffe de conjonctif)
  • en fonction de l’alvéole
  1. alvéole intacte => implantation-immédiate + comblement du gap avec du Bio-oss
  2. alvéole compromise + perte d’os importante => ROG avec Bio-oss + membrane + implantation-différée 3-4 mois

Sur la base de la classification d’Ellian, d’autres auteurs ont proposé des lignes de conduite [17] :

  • classe 1 = extraction-implantation immédiate possible
  • classe 2 = extraction-implantation immédiate encore possible mais avec ROG vestibulaire
  • classe 3 = extraction et comblement de l’alvéole puis implantation différée

La littérature rapporte qu’il est plus facile de maintenir les papilles avec l’Extraction Implantation Mise en Esthétique Immédiate (EIMEI). Pourtant ce type de protocole ne permet pas pour autant de maintenir la stabilité de la muqueuse vestibulaire à long terme de manière prédictible. Au contraire, la pose d’un implant différé permettra un meilleur contrôle des tissus vestibulaires, mais avec en revanche une moindre prévisibilité pour la reconstruction des papilles [1, 12].

Description des différents protocoles d’implantation en secteur esthétique

description-protocoles-implantations

Conclusion

À partir de cette analyse préliminaire, l’indication entre la pose immédiate ou différée d’un implant en secteur esthétique peut être décidée. Bien entendu, le sens clinique et les aptitudes du praticien sont aussi à prendre en compte.

Partie 2

Le défi esthétique en implantologie est de reproduire les dents naturelles adjacentes au niveau forme, couleur, émergence, mais aussi, et cela est beaucoup plus compliqué, de reproduire les tissus qui les entourent, au niveau de leur architecture, leur volume, leur couleur, leur texture ainsi que les papilles interdentaires. À la notion « fonctionnelle » de l’ostéointégration s’est ajoutée la notion de « biologie » ou « bio-esthétique ».

La philosophie actuelle en implantologie est de réaliser une chirurgie minimalement invasive, si possible sans lambeau afin de ne pas perturber la vascularisation des tissus et de l’os. Pour cela, une planification rigoureuse du cas est indispensable. On cherchera à réaliser une mise en fonction rapide ou immédiate, avec un pilier provisoire adapté, voire un pilier définitif, pour assurer la stabilité des tissus osseux et muqueux et éviter les manoeuvres d’insertion-désinsertion néfastes pour l’attache conjonctive.

Le but de cet article est de clarifier les différents protocoles et leurs indications afin d’aider le praticien dans sa prise de décision face à un cas clinique.

Extraction – implantation différée EID

Gestion de l’alvéole

Dans ce cas précis, la stabilité de l’implant ne pouvant être obtenue, nous devons gérer le maintien du volume alvéolaire ainsi que la stabilité des tissus mous. Pour cela nous réaliserons le comblement alvéolaire avec un biomatériau à résorption lente mélangé à du sang (Bio-Oss® – Geistlich) afin de limiter la résorption osseuse [8].

En cas de lésion de la corticale vestibulaire, la mise en place d’une membrane résorbable tapissant la partie vestibulaire de l’alvéole sera nécessaire.

L’alvéole est ensuite fermée soit avec un tissu punch prélevé à la tubérosité si possible, sinon au palais et suturé délicatement aux parois sans tension, ou par un greffon conjonctif enfoui en selle, glissé dans 2 enveloppes, en vestibulaire et en palatin (Fig. 3).

technique-du-cornet-de-glace

Nous attendons ensuite le temps nécessaire à la cicatrisation et à la stabilisation de l’alvéole pour pouvoir mettre l’implant dans de bonnes conditions (4-8 semaines EIP, 10-12 semaines EID, > 16 semaines EIT).

La temporisation

Pendant la période de cicatrisation, il faudra pouvoir assurer au patient une solution temporaire esthétique et fonctionnelle. Trois possibilités peuvent alors être envisagées.

Prothèse amovible résine avec une dent ajustée

prothese-amovible

  • technique : une prothèse amovible résine conventionnelle est réalisée ; néanmoins un soin particulier sera à apporter au niveau du calage sur les faces cingulaires des dents adjacentes afin d’éviter toute rotation de la prothèse susceptible de mobiliser les tissus mous ; la dent sera gérée comme un pontic, dans un premier temps non compressif, puis transformé ultérieurement en pontic ovoïde par ajout de résine composite (Fig. 4)
  • avantages : simple, économique, peut être retirée facilement (par le patient et par le praticien), les ajustages de forme peuvent facilement être réalisés
  • inconvénient : induit des mouvements défavorables à la cicatrisation gingivale, souvent inconfortables ou irrecevables pour le patient qui souhaite une réhabilitation fixe

Bridge collé type bridge de Rochette

bridge-de-rochette

  • technique : nous réaliserons un bridge à ailettes métalliques perforées, recouvrant seulement la moitié cervicale de la face palatine des dents adjacentes, afin de limiter l’aspect grisâtre par transparence au niveau du bord libre ; cette attelle est scellée au ciment IOV modifié (Fuji +® GC) afin d’assurer une tenue correcte tout en permettant un descellement aisé [17] ; dans certains cas nous pourrons réaliser des griffes de contrôle de positionnement sur le bord libre qui seront sectionnées après scellement (Fig. 5)
  • avantages : solution fixe sans micromouvement parasite, permet de gérer les tissus mous par le travail au niveau du pontic ovoïde
  • inconvénient : doit être descellé lors de chaque étape prothétique

Utilisation de la dent extraite

utilisation-de-la-dent-extraite

  • technique : on récupère la dent extraite après avoir séparé la racine de la couronne et obturé la pulpe à l’aide de composite, puis on la colle aux dents voisines avec une attelle en fibre de verre noyée dans du composite (Fig. 6)
  • avantage : esthétique conforme à la situation initiale
  • inconvénients : la situation initiale ne permet que rarement la conservation de la dent, la teinte de la dent peut se modifier par déshydratation ; technique de collage aléatoire du fait de la difficulté de mise en place d’un champ opératoire, le décollement de cet artifice prothétique sera unique et ne permettra donc aucune modification.

Extraction – implantation immédiate EII

Prévisibilité de stabilité primaire

Deux indices peuvent nous permettre d’apprécier la future stabilité primaire de l’implant :

  • le ratio longueur de l’implant dans l’alvéole d’extraction/ longueur de l’implant dans l’os résiduel ; même si aucune étude ne le quantifie de manière précise, il apparaît qu’un minimum d’un tiers de la hauteur totale semble être satisfaisant, soit en moyenne 4 à 5 mm
  • étude des UH (Unités Hounsfield) sur le CBCT : même si aucune étude à ce jour n’établit de corrélation exacte entre UH observé sur la CBCT et le type d’os en présence selon la classification de Lekohm et Zarb, on peut tout de même établir une correspondance [18]
  1. type I : ≥ 850 NH
  2. type II-III : entre 500 et 850 NH
  3. type IV : ≤ 500 NH

Position 3D de l’implant

placement-de-l-implant

  • il est très important pour le résultat esthétique que le positionnement de l’implant soit correct dans les trois dimensions, guidé par la restauration prothétique finale. Chen et al. ont étudié sur 42 implants immédiats l’influence du biotype gingival, du positionnement de l’implant et de la conception de deux systèmes implantaires sur l’ampleur de la récession vestibulaire [5]. Ils ont constaté que le facteur le plus influent était le positionnement de l’implant. L’implant ne doit donc pas être trop incliné vestibulairement, mais légèrement décalé en direction palatine et/ou linguale, sinon les tentatives chirurgicales menées ultérieurement pour remédier à la récession gingivale seront vouées à l’échec (Fig. 7)
  • l’implant doit être placé à distance de la paroi osseuse vestibulaire afin de générer un volume et une épaisseur maximale de tissus en vestibulaire, garants de leur stabilité dans le temps ; le forage se fera donc aux dépens de la paroi palatine (Fig. 8)
  • la table osseuse vestibulaire devrait avoir idéalement une épaisseur de 2 mm [15] mais les dernières études ont démontré que cela était vrai dans seulement 2,4 % des cas dans les secteurs esthétiques maxillaires [10]
  • le gap entre la table osseuse et l’implant (1-1,5 mm) sera rempli avec du Bio-Oss quasi systématiquement [14]
  • l’implant ne doit pas avoir un diamètre trop important pour ne pas remplir ou comprimer les parois de l’alvéole (surtout dans la partie coronaire) [1]
  • on doit respecter une distance minimale de 1,5 mm – 2 mm entre l’implant et les dents voisines [7] (Fig. 9)
  • le positionnement vertical de l’implant doit se faire à 1 mm du rebord osseux et 3 mm du rebord gingival idéal ; il faut faire attention à ne pas trop enfouir l’implant (surtout avec les implants à col rugueux), afin de respecter un espace biologique correct [3] (Fig. 10)
  • il faut faire attention à ne pas comprimer ou altérer les pics osseux interdentaires qui soutiennent les papilles ; le col de l’implant doit se situer à une distance maximale de 4,5 mm du point de contact, sinon la papille risque de disparaître : d’où l’importance primordiale du sondage parodontal pour repérer le niveau osseux des pics interdentaires [16]
  • l’implant doit avoir un design qui nous permette d’obtenir une stabilité primaire supérieure à 35 N/cm ; c’est pour cela que les macro et microspires des implants bone-level modernes (comme le Nobel Active par exemple) ont toute leur importance : il nous faut également une hauteur d’os > 3-4 mm au-delà de l’apex de la dent à extraire pour assurer cette stabilité primaire dans un axe compatible avec la future prothèse et pouvoir placer un implant de longueur correcte

gestion-du-gapGestion du gap et des tissus

  • on comble le gap avec du Bio-Oss si celui-ci est supérieur à 1,5 mm [8]
  • on laisse le caillot sanguin cicatriser spontanément s’il est < 1 mm [14]

Une fois la vis de cicatrisation temporairement connectée, une poche ou une enveloppe d’épaisseur partielle est réalisée en vestibulaire. Une greffe de tissus conjonctifs prélevée au palais ou à la tubérosité y est insérée [2]. Le greffon est glissé à l’intérieur de la poche à l’aide d’un fil de suture et de petits instruments, puis est stabilisé avec un ou deux points, quelquefois aucun. Le greffon doit s’adapter passivement et sans tension dans la poche. Il doit être fin et peu graisseux (Fig. 11).

Mise en esthétique immédiate MEI

La partie prothétique est tout aussi importante pour obtenir un résultat bio-esthétique optimal. Le choix des piliers et des couronnes (provisoires et définitives) est très important en termes de biocompatibilité, forme et couleur. L’élaboration de la provisoire sera faite au fauteuil, avec un pilier provisoire, de préférence vissé, et une dent du commerce (ou même la dent extraite). Une coque en résine cuite pourra (pour raison esthétique par exemple) être préparée au laboratoire quand c’est nécessaire. Nous lui demandons de la livrer avec deux petites ailettes sur les dents voisines, de manière à la repositionner et à la stabiliser lors de sa solidarisation avec le pilier en bouche. Ce petit artifice peut également nous servir de guide pendant la chirurgie. Dans certains cas, la chirurgie peut même être anticipée sur le modèle en plâtre : on simule alors sur le plâtre le positionnement idéal de l’implant, en prenant soin de placer le méplat en vestibulaire. Un guide chirurgical avancé et quelquefois même un pilier personnalisé, pourront être réalisés à l’avance et utilisés immédiatement lors de la chirurgie. Ce travail d’anticipation et de planification est primordial : le résultat esthétique en dépend en grande partie, autant que la gestion des tissus durs et mous (Touati).

Critères de sélection du pilier

Quel est le cahier des charges ? Le pilier doit être en matériaux biocompatibles, avoir un design et un profil d’émergence permettant de soutenir le tissu, être vissé de préférence avec une connexion précise pour éviter tout mouvement, être éventuellement modifiable si les tissus venaient à évoluer avec la cicatrisation, avoir un platform-switching pour assurer une épaisseur maximale de tissus et une étanchéité du joint muqueux [4], être dévissé le moins possible, voire pas du tout, pour éviter de léser l’attache fibreuse qui entraîne automatiquement une récession gingivale. Il doit présenter un profil concave en transmuqueux, ne pas être trop évasé pour ne pas comprimer la gencive, tout cela à un coût acceptable.

Les piliers provisoires

piliers-provisoiresDeux types de piliers provisoires peuvent être utilisés : scellés ou vissés (Fig. 12). Nous privilégions, quand cela est possible et que l’axe prothétique le permet, un pilier vissé, qui évite de laisser des excès de ciment provisoire néfastes à la cicatrisation des tissus. Le matériau de choix pour le pilier provisoire est le titane car il est biocompatible, contrairement aux piliers en résine ou en plastique (peek) où les cellules épithéliales ne vont pas adhérer. Au contraire, elles vont migrer apicalement vers le col de l’implant, qui lui, est en titane, où elles adhéreront grâce aux protéines adhésives et aux hémidesmosomes.

Intérêt du placement précoce du pilier définitif

Quand la situation le permet, on place un pilier définitif immédiatement lors de la pose de l’implant. L’avantage est d’éviter de manipuler plusieurs fois les éléments prothétiques (pilier, transfert) et de perturber ainsi la barrière muqueuse.

L’empreinte sera réalisée facilement, comme une prothèse dentaire traditionnelle. Après avoir placé un cordonnet 000, on affine les limites prothétiques à la fraise, en prenant soin de copier les contours gingivaux de l’incisive controlatérale. Puisque la couronne devra offrir le support approprié aux tissus mous, la préparation de la face vestibulaire sera légèrement sous-gingivale. La partie la plus critique de la préparation finale est le positionnement du zénith de la future gencive marginale. Le pilier définitif pourra être en titane ou en zircone. Le matériau de choix dans les secteurs antérieurs reste la zircone, surtout dans les cas de biotype gingival fin. Il y a encore peu de recul clinique, mais les résultats à moyen terme sont très encourageants, notamment sur le plan esthétique. La zircone est encore plus biocompatible que le titane et retient très peu la plaque bactérienne [10]. De plus, la cicatrisation est plus rapide qu’autour du titane.

Le pilier définitif pourra être préfabriqué ou réalisé par CFAO.

Préfabriqué (pilier de catalogue) (Fig. 13)

utilisation-du-pilier-Procera-Esthetic

Il existe aujourd’hui des piliers anatomiques de différentes formes, permettant un soutien optimal des tissus mous dans la plupart des situations (Procera Esthetic Abutment® Ti + Zi Nobelbiocare) mais ils ne peuvent pas être utilisés dans toutes les situations. En effet, il est rare que ces piliers aient la forme, les contours, l’émergence et la limite à une hauteur idéale. Leur section est le plus souvent ronde au lieu d’être ovale ou triangulaire. Le second problème est de bien choisir le diamètre. Très souvent, il n’est pas du tout comparable à celui de l’incisive centrale controlatérale.

Afin de résoudre ce problème, nous sommes contraints de positionner l’implant plus profondément pour compenser le manque de soutien de l’émergence par une gestion sous-gingivale de la couronne (Van Dooren). Le contour cervical de la couronne provisoire devra optimiser le support des tissus mous dans les derniers 1,5 mm de la zone transmuqueuse, afin d’arriver à un support des tissus mous idéal. C’est là la limite de l’utilisation de ces piliers comparés aux piliers CFAO Procera qui occupent une grande majorité du volume transmuqueux et évitent les éliminations de ciment fastidieuses tout en optimisant la biocompatibilité.

CFAO

Le gold standard reste bien entendu les piliers CFAO, avec un profil individualisé (Procera®-NobelBiocare), mais leur délai de réalisation est souvent trop long (8-10 jours) pour être compatible avec la mise en esthétique immédiate.

Perspectives

Céramique pressée sur pilier provisoire titane (ITA)

Les piliers provisoires peuvent être individualisés au laboratoire à l’aide de céramique pressée. Un pilier est modélisé en résine calcinable sur une embase provisoire en titane, puis la résine est pressée avec de l’Emax®- Ivoclar. La pièce ainsi obtenue est collée à l’embase préalablement silanisée.

ceramique-presse-sur-pilier

Ce type de pilier personnalisé pourrait même dans l’absolu rester en bouche et servir de pilier définitif lors de la réalisation de la couronne, mais le recul clinique est encore insuffisant pour assurer que ce matériau est biocompatible, notamment de par la présence et la qualité du joint de collage.

Céramique pressée sur pilier Zircone (Fig. 14)

Dans les cas de MEI où nous devons travailler avec des piliers préfabriqués dont les contours ne sont pas toujours idéaux, nous sommes contraints d’utiliser un protocole prothétique différent.

Nous utilisons le plus souvent un pilier zircone anatomique dont la forme est légèrement modifiée au fauteuil puis poli au laboratoire. Sur un modèle issu d’une empreinte ou d’une clé de repositionnement, le prothésiste retouche par meulages légers les points de surcontour et rajoute de la céramique pressée (Emax®-Ivoclar) aux points de sous-contour, donnant ainsi au pilier l’anatomie idéale pour soutenir les tissus mous, les papilles et l’émergence idéale pour la future couronne.

Élaboration de la prothèse provisoire

adaptation-du-provisoire

Pour éviter l’affaissement des tissus mous, la couronne provisoire doit les soutenir au niveau de la muqueuse marginale et des papilles, mais de façon très subtile : ne pas comprimer, sinon il y a une récession et ne pas rester trop à distance, sinon elle va s’invaginer. Dans sa zone enfouie, la dent provisoire doit être sous-dimensionnée pour guider la croissance du tissu conjonctif. Pendant 3-4 mois, qui correspondent au temps d’ostéointégration, il va y avoir une prolifération de tissu. Nous allons donc guider la croissance conjonctive afin d’obtenir une épaisseur maximale de tissu, qui sera bloqué dans la concavité du pilier. Ce n’est qu’au quatrième mois que l’on pourra jouer sur le contour critique et souscritique de la provisoire, pour faire migrer les tissus et optimiser le résultat esthétique (Rompen, Touati, Van Dooren). Ces modifications pourront se faire par meulage ou addition de résine. Si la forme de la couronne implantaire est bonne, on ne touchera pas au contour critique mais uniquement au contour sous-critique. La dent provisoire doit être soigneusement polie et vernie (Biscover® Bisico). On doit vérifier que son profil n’est pas traumatique pour les tissus et éviter les contacts occlusaux statiques et dynamiques. Le patient conserve sa restauration provisoire 4 à 6 mois (4 mois pour une prémolaire, 6 mois pour le secteur incisivo-canin). Puis, une empreinte est prise comme en denture naturelle, après avoir placé un cordonnet 000 (si l’on a utilisé un pilier définitif) ou bien selon la méthode de Hinds, avec un transfert personnalisé (si l’on a utilisé un pilier provisoire ou une couronne provisoire transvissée) (Fig. 15).

Le prothésiste joue un rôle critique à cette étape du traitement, il doit comprendre le principe du « soutien gingival prothétique ». Il est essentiel de contrôler l’impact de la prothèse sur le niveau des tissus mous. Une pression excessive, visible par un blanchiment des tissus donc une ischémie, est généralement associée à des contours de couronne trop convexes et mènera souvent à une migration apicale du niveau marginal de la gencive. Dans la plupart des cas en restauration implantaire esthétique, le contour cervical de la couronne sur le dernier millimètre sera concave. Il devra être dans le prolongement du contour vestibulaire concave du pilier, afin d’assurer une épaisseur maximum de tissus mous (Fig. 16). Il semblerait que ce sont l’épaisseur et la qualité des tissus mous qui soient les plus importantes pour garantir le succès esthétique à long terme en implantologie, particulièrement en secteur antérieur.

11-avec-biotype-fin

Conclusion

On peut dire en conclusion que, dans le cas de restaurations implantaires situées dans une zone esthétique, l’élaboration consciencieuse du plan de traitement est primordiale. Une bonne connaissance des processus biologiques et des facteurs spécifiques au patient est par ailleurs indispensable pour une évaluation correcte du cas à traiter et une élaboration adéquate du plan de traitement. Une chirurgie de préservation ou de reconstruction des tissus durs et des tissus mous, de même qu’un positionnement correct de l’implant dans les trois dimensions, sont eux aussi indispensables, afin de garantir un contexte gingival péri-implantaire harmonieux et stable. Enfin, la connaissance des propriétés des composants prothétiques en termes de biocompatibilité, teinte et design assurera la réussite du traitement prothétique.

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A propos de l'auteur

Dr. Vincent JEANNIN

Chirurgien-dentiste, DSO
Licencié en science dentaire de l’université catholique de Louvain
D.U. de biomatériaux
D.U. d’implantologie
Président fondateur de l’APEX (groupe d’étude et de recherche en esthétique et en implantologie)

Dr. Benjamin CORTASSE

Chirurgien-dentiste
Diplômé de la faculté de Montpellier

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