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La chirurgie guidée implantaire : du « all-inclusive » au « self-service »

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L’ouverture des logiciels de planification implantaire ainsi que l’offre croissante en imprimantes 3D nous permettent aujourd’hui de repenser notre rôle dans la conception de nos guides chirurgicaux.

Ils étaient généralement réalisés par un laboratoire ou fournisseurs implantaires qui imposaient leurs prix et leurs méthodes.

Aujourd’hui, nous pouvons planifier, concevoir et fabriquer nous-même un guide chirurgical, pour un coût souvent bien inférieur !

Introduction

Dans le but de toujours mieux soigner nos patients, le recours à la chirurgie guidée est devenu un moyen pour gagner en précision lors des chirurgies implantaires1. Nos outils informatiques étant en constante évolution, leur complexité peut aussi aller crescendo. Il y a encore peu de temps, la conception de guides chirurgicaux passait par un laboratoire ou un fournisseur implantaire mais surtout par un circuit dit « fermé » : ils ont proposé leurs propres solutions sous licences payantes, quitte à enfermer l’utilisateur dans leur écosystème. Ainsi, les laboratoires restent maîtres de leur conception, et le dentiste n’a au final que peu de pouvoir décisionnel sur ses desiderata.

Face à la demande croissante et la pression de nouveaux concurrents, un nouveau business plan a vu le jour : les logiciels de planification se sont ouverts et vous pouvez exporter les données pour, par exemple, imprimer le guide où vous le souhaitez.

Un logiciel de planification en particulier va encore plus loin puisque son utilisation est gratuite : Il s’agit de BlueskyPlan, développé par l’entreprise BlueSkyBio. L’objet de cet article est de décrire cette nouvelle proposition logicielle et de pouvoir vérifier les possibilités de création d‘un guide chirurgical à travers un cas clinique.

ecran de demarrage du logiciel BlueSkyPlan

Fig. 1 : écran de démarrage du logiciel BlueSkyPlan. La planification a déjà été réalisée.

Planification et conception du guide chirurgical

Dès l’ouverture du fichier DICOM, nous retrouvons les vues axiales, sagittales et panoramiques d’un logiciel de planification implantaire (fig. 1).

Dans notre exemple, nous avons le cas d’un homme qui a perdu la dent 37 suite à une fracture radiculaire. Il s’agit donc de remplacer cette dent extraite il y a 4 mois. En outre, il est à noter qu’une infection péri-apicale a été traitée par pulpectomie sur la dent 35 ; elle est en cours de cicatrisation.

Une prévisualisation d’un implant (diamètre 4,1mm et longueur 8mm) et du nerf alvéolaire inférieur a été créée pour vérifier la compatibilité de l’environnement osseux. Il est même possible de visualiser la future couronne pour nous aider dans la position idéale de l’implant (fig. 2).

previsualisation du projet implantaire

Fig. 2 : prévisualisation du projet implantaire avec modélisation de la couronne (en rouge).

schematisation-des-differentes-possibilites

Tableau 1 : schématisation des différentes possibilités d’acquisition d’un fichier 3D de l’arcade du patient.

Pour pouvoir concevoir le guide chirurgical, il est nécessaire d’être en possession d’un fichier 3D de l’arcade du patient (format *.STL). Pour cela, il est possible de faire une empreinte classique de l’arcade puis de la scanner grâce à un scan optique de laboratoire.

Nous pouvons aussi réaliser une empreinte 3D grâce à une caméra intra-buccale. Cependant, il est à savoir qu’aujourd’hui les caméras intra-buccales peuvent ne pas apporter assez de précisions lors d’un scan d’une arcade complète puisque certaines études retrouvent des déformations de l’ordre du demi-millimètre lors d’une empreinte d’arcade complète2.

Il est aussi possible de réaliser un scanner X avec repères radio-opaques en bouche. Dans ce cas, le patient fait un premier scanner avec un porte-empreinte personnalisé en bouche et ce même guide est scanné seul dans un deuxième temps; cette méthode est recommandée si le patient possède beaucoup de restaurations métalliques pouvant générer des artéfacts lors du scanner X (tab. 1).

Cette étape est nécessaire dans le but de réaliser ce que l’on appelle le « matching » c’est-à-dire faire correspondre les données radiologiques (DICOM) avec les surfaces dentaires et gingivales (STL) sur lesquelles le guide va s’appuyer.

L’intrados du guide est fabriqué à partir des données STL alors que les axes implantaires sont déterminés à partir des données DICOM.

Dans notre exemple, nous avons choisi la première solution : une empreinte alginate de l’arcade a été coulée puis scannée par un scan optique de laboratoire.

module de matching

Fig. 3 : module de « matching ». Chaque point vert sur le scan optique (à gauche) doit correspondre à un point rouge sur le scanner X (à droite).

Le logiciel superpose le scan en vue panoramique et l’empreinte, c’est au praticien de repérer chaque dent (fig. 3).

Il existe aussi d’autres méthodes comme pointer des repères radio-opaques ou les cuspides. Nous pouvons alors juger de la précision de cette fusion lors de l’étape suivante et au besoin corriger (fig. 4).

controle du matching

Fig. 4 : contrôle du « matching » entre l’empreinte (en jaune) et le scanner du patient (en gris).

La conception du guide peut alors commencer : En pointant avec la souris sur la visualisation 3D, nous délimitons les extrémités de notre guide en fonction d’appuis dentaires bien choisis. Par ailleurs, il est également possible de prévoir un guide à appui osseux en cas de nécessité (fig. 5).

trace manuel des limites

Fig. 5 : tracé manuel des limites choisies du futur guide.

En validant nos limites, le logiciel va alors procéder au calcul tridimensionnel. Nous pouvons alors apprécier numériquement le volume du guide ainsi réalisé (fig. 6).

vue en 3D du guide numerique

Fig. 6 : vue en 3D du guide numérique (en vert).

Enfin, nous allons finaliser le guide par la prévision du placement de la douille sur le guide. Si le logiciel permet d’acheter des kits de douilles/forets, nous préférons utiliser des douilles approuvées par des fournisseurs implantaires adaptées aux forets utilisés. Dans ce cas, il est nécessaire de connaître les côtes exactes des forets et douilles pour pouvoir fabriquer notre guide : le diamètre et la hauteur de douille correspondent bien entendu aux données fournies par le constructeur.

Mais il faudra calculer le décalage de la douille : il correspond à la distance entre la tête de l’implant et le bord supérieur de la douille. Il faut donc connaître la longueur des forets pour calculer au mieux cette donnée. Attention, il faut aussi prendre en compte l’épaisseur de « lèvre » de la douille, car celle-ci reposera sur le guide et amènera un décalage d’autant plus grand que la lèvre est épaisse (fig. 7).

douille de chirurgie guidee

Fig. 7 : a. foret de chirurgie guidée présentant une butée ; b. douille de chirurgie guidée ; c. personnalisation de l’emplacement de la douille de guidage en fonction des données fournies par le constructeur, et du calcul préalable du décalage.

Pour mieux comprendre, nous allons décrire notre cas : nous prévoyons un implant de longueur 8 mm et l’utilisation d’un foret de longueur 20 mm entre la pointe et la butée, aussi notre douille a un diamètre externe de 4,65 mm, une hauteur de 4 mm et une lèvre de 1 mm d’épaisseur.

Le calcul du décalage se fait ainsi :

[Décalage] = [longueur du foret]– ([longueur de l’implant]+ [épaisseur de lèvre de douille])

Soit dans notre exemple :
= 20 – (8+1)
= 11

Nous aurons donc un décalage de 11 mm entre la tête de l’implant et le bord supérieur de la douille.

Toutes les données étant enregistrées, il ne reste plus qu’à exporter notre guide, moyennant une vingtaine d’euros. Nous récupérons un fichier STL, standard dans la conception 3D. A partir de ce moment, nous pouvons procéder à l’impression du guide.

Fabrication du guide et pose implantaire

La fabrication du guide peut être faite de plusieurs manières : soit par un imprimeur professionnel soit au cabinet si l’on possède une imprimante 3D. Il existe aussi plusieurs techniques d’impression. Il est recommandé d’utiliser la technique dite par stéréolithographie qui permet une meilleure précision et une stérilisation en autoclave selon la résine choisie3. Dans tous les cas, il est conseillé de procéder à un calibrage de l’imprimante car le diamètre prévu pour la douille peut varier selon les imprimantes et leur précision, et il peut être nécessaire de modifier notre configuration de « trou de guidage » de l’ordre du 1/10ème de millimètre selon les résines et/ou l’imprimante choisies.

guide chirurgical imprime

Fig. 8 : guide chirurgical imprimé par stéréolithographie

Dans notre exemple, nous avons retenu un imprimeur professionnel et imprimé le guide par stéréolithographie (fig. 8). Notre marge d’erreur pour l’emplacement de la douille fut de 0,05 mm. La douille s’insère avec une légère friction évitant des imprécisions lors du forage.

Nous avons alors tous les éléments pour procéder à la chirurgie. Le guide est d’abord essayé, puis un forage « flapless » est réalisé avec le couple guide/foret. Nous pouvons alors juger l’axe de forage réalisé grâce à un guide de parallélisme.

essayage-du-guide

Fig. 9 : a. essayage du guide ; b. passage du foret pilote à travers le guide en technique « flapless » ; c. vérification de l’axe de forage ; d. pose de l’implant.

Enfin, la chirurgie se poursuit avec la fin du forage puis la pose de l’implant. Pour rappel, nous avons choisi un implant de diamètre 4,1 mm et longueur 8 mm (fig. 9).

Nous pouvons alors vérifier la pose implantaire sur la radiographie post-opératoire et comparer avec notre projet implantaire initial. Notre cas montre une position amplement satisfaisante (fig. 10).

comparaison-de-la-radiographie

Discussion

L’utilisation du logiciel BlueskyPlan aura permis la réalisation d’une chirurgie guidée. Il est à noter que nous avons délibérément choisi un cas simple, idéal pour pouvoir démontrer la réalisation d’une chirurgie guidée avec ce type de logiciel. Il serait d’autant plus intéressant de répéter l’opération dans un cas demandant une précision atteignable uniquement par guide chirurgical.

avantages-et-inconvenients-des-differents-logiciels

Tableau 2 : avantages et inconvénients des différents logiciels, à licence gratuite ou payante.

Le guide a rempli son rôle et a permis l’implantation dans une position tridimensionnelle idéale. Il est aussi temps d’apprécier le coût final de notre guide chirurgical : l’exportation du fichier STL a été facturé 20 €, l’impression du guide 50 €. Il faudrait ajouter le prix de la douille et du foret. Nous avons donc pu réaliser un guide fonctionnel et précis pour moins de 100 €.

Les coûts classiques d’un guide étant situés entre 250 € à 500 €, l’économie réalisée est donc substantielle.

La force de ce logiciel réside dans le fait qu’il est complet, précis, et comporte une bibliothèque d’implants des différentes marques sur le marché. Aussi, il permet de concevoir un guide chirurgical en laissant le soin au praticien de paramétrer le design du guide. Mais s’il n’y a pas de licence d’utilisation à payer, vous devrez vous acquitter d’une somme modique pour pouvoir exporter le fichier d’impression 3D. Enfin, il faudra prévoir l’impression du guide, les douilles et les forets adaptés qui bien entendu permettront tous ensembles de réaliser la chirurgie elle-même.

L’utilisation d’un guide pouvant être freinée par son coût et l’équipement logiciel nécessaire, nous pouvons aujourd’hui nous défaire de ce frein financier, pour peu que l’utilisateur soit averti et sache utiliser les « geek solutions ». Si les possibilités de design et de conception sont largement ouvertes, cela n’est pas sans concessions : une courbe d’apprentissage est nécessaire pour obtenir un résultat satisfaisant et il faut être à l’aise avec les outils informatiques et quelques bases mathématiques. Pour autant, il n’est pas envisageable d’exclure les logiciels à licence payante qui présentent certains avantages, à commencer par leur facilité de prise en main. Ils présentent aussi pour certains des fonctionnalités plus avancées, par exemple esthétiques, morphing, etc… (tab. 2)

Conclusion

La réalisation d’un guide à travers l’utilisation d’un logiciel gratuit a donc été possible grâce à ces nouvelles offres. Par l’évolution de l’offre logicielle, nous pouvons entrevoir un futur prometteur dans la facilité d’accès de la chirurgie guidée implantaire dans la pratique quotidienne car au vue du prix de fabrication final d’une centaine d’euros, il serait regrettable de ne pas en profiter !

Bibliographie

1. Colombo M, Mangano C, Mijiritsky E, Krebs M, Hauschild U, Fortin T, Clinical applications and effectiveness of guided implant surgery: a critical review based on randomized controlled trials, BMC Oral Health, 2017 Dec 13;17(1):150
2. Wesemann C, Muallah J, Mah J, Bumann A., Accuracy and efficiency of full-arch digitalization and 3D printing: A comparison between desktop model scanners, an intraoral scanner, a CBCT model scan, and stereolithographic 3D printing,
3. Matta R-E and al., The impact of the fabrication method on the three-dimensional accuracy of an implant surgery template, Journal of Cranio-Maxillofacial Surgery, 2017, 45(6), pp. 804-808.

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A propos de l'auteur

Dr. Teddy ALTIMANI

Chirurgien-Dentiste
Attaché au service de chirurgie orale HCL – Lyon

Franck BEZU

Interne en Médecine Bucco-dentaire HCL Lyon

Dr. Benjamin FITOUCHI

Interne en Médecine Bucco-dentaire HCL Lyon

Dr. Thomas FORTIN

Maître de conférences des universités
Praticien hospitalier
Exercice privé à Bourgoin Jallieu

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