La technique d’augmentation osseuse par coffrage faisant appel aux greffes osseuses autogènes prélevées au niveau de la zone ramique associée à une membrane résorbable présente de nombreux avantages. Le recul clinique de cette approche et le soutien bibliographique décrivent un risque réduit de résorption osseuse et de complications. La qualité osseuse obtenue lors de la pose des implants dans un deuxième temps, permet d’obtenir une bonne stabilité primaire et un positionnement optimal de l’implant. Cette approche reste néanmoins dépendante de l’expérience de l’équipe thérapeutique et devrait être choisie après avoir évalué les autres options thérapeutiques.
Dans ce cas clinique, il s’agit d’une patiente de 56 ans adressée par son praticien traitant dans l’objectif de remplacer la 22 absente après un échec implantaire pour rétablir l’esthétique à travers une solution prothétique implanto-portée.
L’entretien médical préalable ne met en évidence aucune pathologie générale, ni aucune contre-indication à la pratique de la chirurgie orale sous anesthésie locale. La patiente ne fume pas, ne présente pas d’allergie, et n’a aucun traitement médicamenteux.
Examens clinique, radiographique et décisions thérapeutiques (fig. 1 à 3)
L’observation de la face et du profil de la patiente montre une répartition harmonieuse des étages et un sourire large découvrant les papilles et les collets.
A l’examen endo-buccal, on relève plusieurs restaurations sur dents naturelles.
Sur le plan parodontal, la patiente présente une parodontite chronique généralisée localisée au tiers moyen et un parodonte de type II de Maynard et Wilson. Le contrôle de plaque est moyen avec la présence de tartre. Un détartrage approfondi sera réalisé avant l’intervention.
L’occlusion de la patiente est stable et ne présente pas de dysfonctionnement.
L’espace prothétique est convenable avec une hauteur acceptable au niveau de la 22. L’ouverture buccale de la patiente est ample.
Sur la radiographie panoramique, la hauteur osseuse résiduelle semble suffisante au niveau du futur site mais l’examen 3D montre qu’on est dans l’impossibilité de mettre en place un implant sans augmentation osseuse préalable. Une greffe osseuse est prescrite et la pose de l’implant sera différée de 6 mois afin d’assurer les bonnes conditions de stabilité primaire et de positionnement selon un axe prothétique favorable.
Phases chirurgicales (fig. 4 à 13)
Une greffe osseuse autogène d’apposition en épaisseur sur le site de la 22 est réalisée.
Au niveau du site receveur, une incision crestale suivie d’une intra-sulculaire de 11 à 23 et de décharge distale ainsi qu’un lambeau de pleine épaisseur ont permis de découvrir le site receveur qui est cureté puis troué à l’aide d’une petite fraise boule tungstène.
Le prélèvement se fait au niveau de la zone ramique gauche.
Après dégagement de la ligne oblique externe essentiellement, l’ostéotomie réalisée à l’aide d’inserts piézo-électriques et d’une fraise boule tungstène permet de prélever un greffon cortical (Fig. 4).
Après ce prélèvement, une membrane collagène d’origine équine comble le site afin de favoriser une régénération osseuse et permettre un éventuel autre prélèvement dans le futur.
Le greffon principal est découpé en 2 parties dans le sens de l’épaisseur puis un des blocs est fixé en vestibulaire, l’autre est broyé en particules. L’espace créé entre le greffon et la crête est comblé par cet os particulé. L’ensemble est recouvert de Bio-Oss® (Geistlich) et d’une membrane Bio-Gide® (Gesitlich) fixée par 2 clous en titane en vestibulaire et un autre en palatin (Mondeal, IPP Pharma). Pour stabiliser le greffon, 3 vis d’ostéosynthèse en titane de 1,2 mm de diamètre sont utilisées (Mondeal, IPP Pharma). Une fraise boule diamantée a permis enfin d’éliminer toutes les parties saillantes du greffon.
Le lambeau vestibulaire est préalablement disséqué au niveau du périoste afin de permettre la couverture du greffon sans tension évitant ainsi toute source de complication par son exposition. Des sutures 5/0 Velosrob (IPP Pharma) ont permis de rapprocher les berges de la plaie des sites donneur et receveur puis un monofilament 6/0 pour l’incision de décharge. (Fig. 5 et 6)
A 4 mois, l’examen clinique avant la pose de l’implant laisse apparaître une muqueuse saine avec une quantité de gencive kératinisée adéquate. Le contrôle radiographique montre un volume osseux suffisant et homogène pour la pose d’un implant dans de bonnes conditions. (Fig. 7).
La pose de l’implant est faite suite à une incision crestale suivie d’une incision intra-sulculaire mésiale et distale, et aussi de décharge distale permettant le décollement d’un lambeau vestibulaire et la dépose des vis d’ostéosynthèse. Un implant de petit diamètre est choisi afin de ne pas créer trop de compression sur la greffe osseuse. Le torque final d’insertion chirurgicale ne dépassera pas les 35 Ncm.
L’implant n’est pas enfoui pour gagner du temps sur la cicatrisation gingivale et éviter un second temps opératoire.
Un pilier de cicatrisation est connecté puis serré à 20 Ncm (Fig. 8 à 13).
Phases prothétiques et suivi (fig. 14 à 17)
3 mois plus tard, une empreinte traditionnelle à ciel ouvert (pick up) est réalisée puis une couronne d’usage céramométallique est scellée sur un pilier usiné (Zirconia Abutment, Nobel Biocare) (Fig. 14 à 16).
Un suivi implantaire est mis en place en moyenne une fois par an avec un contrôle clinique et radiographique. Il permet de vérifier l’intégration de la restauration prothétique, de suivre l’état de la muqueuse et du niveau osseux périimplantaire (Fig. 17).
Discussion
Même si les augmentations osseuses autogènes restent la référence, elles doivent être mises en confrontation avec d’autres solutions possibles qui peuvent dans certaines situations avoir moins de morbidité. La régénération osseuse guidée ou encore l’expansion osseuse avec des matériaux de substitution osseuse allogéniques ou d’origine animale associés à des membranes résorbables ou non résorbables sont de vraies alternatives.
L’option thérapeutique sera choisie en fonction de nombreux paramètres dont la taille et la configuration du défaut. Le choix du patient reste aussi un élément à prendre en considération dans cette approche.
Plusieurs points clés doivent être revus avant de retenir cette technique ; on en énumère :
- certains défauts osseux nécessitent une augmentation osseuse préalable à la pose des implants
- la zone ramique est la zone de référence quand il s’agit de prélèvement intra-oral
- il est nécessaire d’affiner la corticale osseuse pour assurer au mieux sa revascularisation
- le broyat osseux facilite la revascularisation des particules et permet de retrouver une architecture osseuse trabéculaire naturelle
- les incisions, la gestion des tissus mous, le positionnement implantaire, les sutures, la restauration prothétique sont aussi des éléments à maitriser pour l’obtention d’un résultat optimal.
Bibliographie
1. Khoury F, Antoun A, Missika P. Bone Augmentation in Oral Implantology. Berlin, London: Quintessenz, 2007.
2. Antoun H, Sitbon M, Martinez H, Missika P. A prospective randomized study comparing two techniques of bone augmentation: onlay graft alone or associated with a membrane. Clin Oral Impl Res. 12, 2001; 631-639
3 – Khoury F, Hanser T. Mandibular bone block harvesting from the retro molar region: a 10-year prospective clinical study. Int J Oral Maxillofac Implants. 2015;30:688-397.