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Quid des produits génériques en implantologie

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De la responsabilité du chirurgien-dentiste…

Notre responsabilité de praticien en implantologie est grande… Mais pas plus qu’en endodontie, en parodontie, en prothèse… Pourtant nous n’avions jamais abordé la notion de « consentement éclairé » au cours du cursus universitaire aboutissant au doctorat d’Etat; cette mention s’est imposée à nous avec l’avènement de l’implantologie ! Personne n’a été capable à ce jour d’expliciter clairement le pourquoi de cette spécificité.

LA PEUR engendrée par la pratique d’une spécialité hors nomenclature, enseignée dans un cadre post-universitaire, est vraisemblablement à l’origine de cette précaution particulière… Mais ça, c’était avant !

Rappels historiques

C’est vraisemblablement cette même appréhension qui a poussé les premiers implantologues de l’ère ostéointégrée à avoir recours aux implants de la marque originale générée par le père fondateur du concept éponyme tout en dénigrant les premières autres marques concurrentes auxquelles on reprochait l’absence de recul clinique comparativement aux implants du « Brånemark Système ». Ces autres marques apparaissaient dès lors comme de mauvaises copies, voire des clones non autorisés… Car le terme de générique – qui creusait déjà son chemin en pharmacologie – n’avait pas encore trouvé sa place en implantologie.

Pour ma part, j’avoue n’avoir jamais craint de recourir aux diverses marques d’implants sur le marché. En effet, s’il convient de reconnaitre à P-I Brånemark la paternité du concept original basé sur la découverte – fortuite – des propriétés extraordinaires de la liaison os/oxyde de titane, il ne m’est jamais paru indispensable d’y souscrire en termes commerciaux.

C’est aussi ridicule que si nous prétendions que seul l’inventeur de l’automobile était capable de produire des voitures fiables: ce serait confondre l’importance d’une découverte scientifique avec ses déclinaisons industrielles et commerciales. A ma connaissance, cette confusion n’existe dans aucun domaine. Ainsi, si c’est à PANHART & LEVASSOR que l’on reconnait la primauté industrielle dans la production de voitures automobiles à moteur à explosion, ce sont d’autres industriels « génériqueurs » (FORD, VOLKSWAGEN…) qui ont véritablement permis la démocratisation de ce moyen de transport !

Pratiques cliniques et commerciales

Au cours de mes longues années d’exercice en implantologie, j’ai ainsi eu le privilège de travailler avec différentes marques d’implants et je dois reconnaitre ici :

  • n’avoir que rarement observé des différences significatives de comportement entre elles sur les plan clinique et radiologique ;
  • avoir surtout noté une grande diversité en termes d’ergonomie, de disponibilités et caractéristiques physiques (dimensions / états de surfaces / connectiques) ainsi qu’en termes de services et tarifs (politiques commerciales et SAV des sociétés distributrices);
  • souvent profiter en avant-première, à titre de « leader », de progrès technologiques dont je fais la promotion pour les marques initiatrices, en même temps que ces marques contribuent à ma propre notoriété professionnelle à travers les conférences et autres symposiums qu’elles organisent.

A l’image des chaines de télévision qui concourent sur le marché de l’audience au sein du PAF, celui de l’implantologie fait appel à des praticiens et des concepts marketing censés habiller et valoriser les produits commercialisés.

Et, comme en radio-télévision, il n’aura échappé à personne que chaque année de nouvelles têtes de leaders apparaissent, tandis que d’autres tombent ou changent «d’écurie» (1).

pratiques-cliniques-et-commerciales

L’implant générique décomplexe

Tout comme en pharmacie, on peut distinguer 3 formes de génériques :

  • la copie-copie (clone)
  • l’implant similaire
  • la copie modifiée

Ces 3 types de génériques sont régulièrement commercialisés et utilisés. Si la copie-copie parfaite est quasiment impossible à obtenir dans la mesure où le fabricant original ne communique jamais sur la totalité des composants et traitements inhérents à son produit, elle est interdite en droit tant que dure la validité des brevets du produit original. Il est clair en revanche que les deux autres variantes ont bien prospéré ces dernières années, jusqu’à dépasser parfois le leader originel sur le plan commercial. Ce fut ainsi le cas de la marque Steri-Oss devenue numéro 1 aux USA et rachetée par Nobelbiocare à la fin des années 90. Au milieu des années 2000, la société Nobelbiocare s’est aussi vue dans l’obligation d’acquérir la société israélienne Alphabio Tec détentrice d’une partie des brevets nécessaires à l’émergence du concept Nobelactive. La société 3I (qui deviendra Biomet 3I puis Zimmer Biomet) s’était initialement imposée sur le marché en corrigeant les défauts patents de certains implants (IMZ, Steri-Oss, Nobelpharma) ou en leur apportant des accessoires prothétiques inédits… Jusqu’à ce qu’elle affirme et conforte sa propre marque en créant de nouveaux concepts implantaires (implants larges, switching plateformes…). La société Straumann n’est pas en reste dans cette guerre internationale, puisqu’elle a pris le contrôle de Medentika qui fabrique des pièces prothétiques compatibles avec la plupart des grands systèmes implantaires du marché (2).

L’histoire des copies devient cocasse lorsque ce sont de grandes marques qui sont accusées de promouvoir de « nouveaux concepts » en reprenant des idées originales déposées plusieurs années auparavant par leurs concurrents directs! On peut ainsi sourire à la lecture de deux messages sarcastiques rédigés par Gérald Niznick, fondateur et ex-Président de la société Core Vent – aujourd’hui Zimmer-Biomet – avant de fonder et présider la société Implant Direct ; ces messages sont écrits à titre de « commentaires » sur le réseau Linkedin en réaction à des publi-rédactionnels de la marque MIS pour l’un (3) et de la marque Nobelbiocare pour l’autre (4).

implant-generique-decomplexe

Le bouchon est poussé encore plus loin quand une marque initialement « générique » se trouve rachetée par le groupe qui possède déjà la licence de fabrication et de distribution de la marque originale ! C’est dans cet esprit que réagit le docteur Gérald Niznick – encore une fois à titre de commentaire – à un autre publi-rédactionnel de la marque Nobelbiocare intitulé JUST BECAUSE IT FITS, DOESN’T MEAN IT WORKS… Destiné à mettre en garde les utilisateurs qui seraient tentés de franchir le pas du générique.

approche-medico-legale

Pour ma part, en tant que praticien utilisateur de systèmes originaux et de certains systèmes génériques (de qualité), je n’ai jamais constaté de différences cliniques significatives sauf avec les premiers produits de la société Medical Production, pionnier historique dans le domaine des copies en implantologie. Je dois ajouter que j’ai en revanche constaté des difficultés d’ergonomie ainsi que des échecs implanto-prothétiques récurrents et difficiles à expliquer avec de véritables marques originales loin de se positionner en génériques !

Nonobstant l’existence indéniable et malheureuse de produits relevant de la pure escroquerie (5), l’intérêt de la copie modifiée, consiste à bénéficier des acquis de l’original en commercialisant une variante dont au moins une caractéristique change. C’est la principale caractéristique de ce qu’on appelle communément le « générique » aujourd’hui. Il peut dès lors être commercialisé à moindre coût à type d’implant compatible sous réserve :

  • de ne pas empiéter sur les brevets de l’original en cours de validité ;
  • de ne pas nuire à l’image de marque de l’original ;
  • de garantir le respect des normes compatibles avec l’original d’un point de vue clinique ;
  • de répondre aux exigences requises en termes de DM (dispositifs médicaux).

Aspects juridiques et approche medico-legale

Obligation réglementaire :

Qui dit dispositif médical dit Marquage CE obligatoire selon la Directive 93/42/CEE, avec le contrôle qualité qui en dépend (6).

Notons simplement à ce niveau que la notion de compatibilité n’est que très peu explicitée.

La norme ISO 13485 précise les exigences des systèmes de management de la qualité (SMQ) pour l’industrie des dispositifs médicaux. Elle s’appuie sur les exigences de la norme plus générale ISO 9001:2000, dans le contexte de cette industrie.

L’intitulé exact de l’ISO 13485:2012 est Dispositifs médicaux — Systèmes de management de la qualité — Exigences à des fins réglementaires.

Pour obtenir la certification ISO 13485, une société doit faire appel à un organisme certificateur qui établira avec elle, sur base de la norme, les procédures à mettre en oeuvre pour garantir la sécurité et la qualité des produits ou services qu’elle commercialise, depuis la conception jusqu’au recyclage.

La certification ISO 13485 n’est pas obligatoire pour commercialiser des produits médicaux et n’est pas un garant absolu de leur qualité ou de leur sécurité. Toutefois, elle donne l’indication que la société suit une procédure reconnue par un organisme indépendant qui l’audite régulièrement.

La certification simplifie également le marquage CE des produits commercialisés par une société, notamment en permettant des auto-certifications internes régis par les procédures mises en place.

Obligation commerciale :

Elle consiste en la vérification de la propriété commerciale (brevets) en considérant les notions d’utilisation des marques et de concurrence « déloyale ».

Praticiens / patients…choix et tarifs

En pratique, chaque praticien reste responsable de ses choix et prescriptions. Il devra cependant respecter une double obligation :

  1. s’assurer du respect des normes requises s’il recourt à un dM générique… Mais cette obligation est la même s’il utilise une « marque originale » non générique !
  2. informer loyalement le patient qui en fait la demande.

En pratique également, si le choix du générique peut se justifier par un moindre coût pour le praticien utilisateur, cette économie pourra impacter favorablement (pour le patient) le devis du traitement implantaire… Mais pas obligatoirement (1) : en effet, cette économie s’inscrit dans un sous-ensemble constituant une partie des frais de gestion de l’activité du praticien.

Or, il est bien connu que certains paramètres de cette activité (charges sociales etc…) ne dépendent en aucun cas du choix du praticien alors qu’il doit les subir sur le plan réglementaire. L’économie tarifaire peut alors se concevoir comme un moyen de régulation économique praticien-dépendant.

Nonobstant que cette observation est applicable à l’ensemble des produits génériques susceptibles d’être utilisés dans notre exercice de chirurgien-dentiste ! Par ailleurs, nous avons tous des patients sensibles qui insistent pour que nos ordonnances ne comportent pas de prescriptions en médicaments génériques, nous incitant à renseigner la marque originale avec la mention « non substituable ».

Chaque patient / chaque praticien a ses propres raisons de souscrire ou non à cette pratique. S’il est patent que le principe actif du médicament est le même dans tous les cas, certains paramètres comme les excipients qui accompagnent la molécule active sont souvent mis en cause dans l’efficacité et/ou la tolérance du traitement médicamenteux (« excipients a effets notoires »).

Mais, comme le souligne l’ANSM, l’effet délétère peut survenir autant avec le générique qu’avec son princeps (7). En tout état de cause, ce reproche n’a jamais été fait – à ma connaissance – à l’encontre des implants dentaires génériques.

Enfin, s’il est vrai qu’il est plus flatteur d’associer son image de marque de praticien avec celle d’une grande marque d’implants (1)… En pratique encore, mon expérience de ce milieu me permet d’observer que nombre de praticiens « têtes d’affiche » de grandes marques d’implants finissent par céder – officiellement ou officieusement – aux sirènes des génériques, pour peu que ces derniers offrent les gages de qualités requis.

Merci quand-même à nos grandes marques d’implants d’avoir participé et de continuer à contribuer au développement de cette discipline (8, 9) ; c’est un effort exigeant en termes de R&D (Recherche et Développement) qui incombe le plus souvent, il est vrai, aux marques premium et qui justifie – en partie – leurs tarifs plus élevés… Même si certains aspects du progrès peuvent parfois être remis en question à la lumière des acquis de l’expérience clinique (10).

Lire la réponse du docteur Paul ROUSSEAU

Consultez la bibliographie

1. Carole LECONTE : Billet d’humeur Dentistes de France sur Facebook, 26 Mai 2017
2. Straumann prend le contrôle de Medentika, Dental Tribune International – 06 dec 2016
3. Gerald NIZNICK : Commentaire sur l’implant V3 de la société MIS LINKEDIN, 09 Août 2017
4. Gerald NIZNICK : Commentaire sur le concept prothétique ON1 de la société NOBELBIOCARE LINKEDIN, 09 Août 2017
5. INTERPOL – Opération « PANGEA X » : Faux implants dentaires Information dentaire, 11 Octobre 2017
6. ANSM : Décision de police sanitaire du 20-06-2017 : L’ANSM retire du marché des implants dentaires
Pourquoi docteur – Comprendre pour agir (30-06-2017)
7. ANSM : Médicaments génériques : lever l’opacité
http://www.ansm.sante.fr/(déc. 2012)
8. Michel ABBOU : New sensations with latest implant generations allowing high performance strategies in implantology
Periodontics and Prosthodontics 2016; 2 (3): 1-13
9. STRAUMANN® : 25 years of excellence in the U.S Implant practice – US, 2014; May 12.
10. Michel ABBOU, Jacques BESSADE, Philippe KHAYAT, Carole LECONTE, Rémi TANIMURA, Christine ROMAGNA, Pascal VALENTINI : Péri-implantites – la faute aux implants, aux implanteurs ou aux implantés ? Colloque SICT MIEUX – Paris, 11 janvier 2018

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A propos de l'auteur

Dr. Michel ABBOU

Exercice en implantologie et parodontologie à Paris
Ex-Enseignant aux DU de Paris VII et Corté
Fondateur et directeur scientifique de Si-Ct MIEUX

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