L’usage des concentrés plaquettaires et du PRF est de plus en plus répandu dans les cabinets dentaires. En effet, ses capacités à améliorer la cicatrisation des tissus mous et durs au cours des chirurgies implantaires ou muco-gingivales sont maintenant reconnues.
Lorsque la technique PRF® fut proposée en 2000 (1), l’absence d’un véritable cadre médico-légal a été un frein à son développement. En effet, la manipulation du sang à visée thérapeutique n’était pas encore codifiée pour son utilisation par les chirurgiens-dentistes.
Depuis 2006, l’encadrement juridique et médico-légal du prélèvement sanguin et des injections intra-veineuses a été publié par les autorités sanitaires et les formations requises précisées.
L’objet de cet article est de familiariser le lecteur à l’ensemble des données médico-légales, anatomiques et pratiques concernant l’accès à la voie veineuse. Nous avons également souhaité faire un rappel des conduites à tenir lors d’un accident d’exposition au sang (AES).
Aspects medico-legaux
Le 8 juin 2004, la loi de Bioéthique est adoptée par le parlement. Le SNPI (Syndicat National de Paro-Implantologie) engage alors des pourparlers avec le ministère de la Santé afin d’établir un cadre légal, clair et défini pour l’utilisation du PRF. Le PRF sera désormais classé comme dispositif médical selon les directives 2000/70/CE et 2001/104/CE. Son utilisation doit répondre à des « garanties de qualité, sécurité et efficacité ».
En juillet 2006, la DGS (Direction Générale de la Santé) publie son « guide de prévention des infections liées aux soins en chirurgie dentaire et en stomatologie ». Dans sa première version,
le PRF, classé comme une « technique de transfusion sanguine », était initialement interdit en cabinet dentaire (paragraphe 10.3 sur les produits d’origine humaine). Ce paragraphe sera modifié au mois de décembre de la même année : le PRF est désormais défini comme une « activité de soins » et autorisé en cabinet dentaire (article 1242-1 et 1243-6 du code de la santé) (3).
La place du chirurgien-dentiste est également précisée : dans la mesure où le PRF est considéré comme une technique de soins des pathologies buccales, alors le Diplôme de Chirurgiendentiste l’autorise à réaliser un prélèvement ou une injection intraveineuse.
L’ordonnance N° 2007-613 du 24 avril 2007 (Article 7, section tissus et cellules) (3) précisera également dans la nouvelle rédaction de l’article L. 1211-8 du Code de la Santé Pubique : « tous les produits du corps humain prélevés et utilisés à des fins thérapeutiques autologues, dans le cadre d’une seule et même intervention médicale, sans être conservés ou préparés, ne sont pas soumis aux limitations d’utilisation des produits et cellules humaines ». Le cadre du PRF est bien précisé : étant un produit autologue, sans conservation ni transformation, il n’est pas soumis aux mêmes obligations que les autres thérapies et prélèvements cellulaires.
Le prélèvement sanguin, la préparation du PRF et son utilisation sont néanmoins soumis à certaines obligations médico-légales et déontologiques :
- Le chirurgien dentiste peut réaliser un prélèvement ou une injection sanguine à condition qu’ils demeurent dans le cadre d’un soin buccal (siège anatomique : bouche, dents, maxillaires et tissus attenants, selon l’article L 4127-1 du code de la santé).
- Le praticien doit être formé :
- Au prélèvement sanguin
- À la préparation extemporanée et à l’utilisation du PRF
- Et assurer la sécurité des patients vis-à-vis du risque infectieux.
La pratique du PRF est couverte par l’ensemble des assurances professionnelles, à conditions que le prélèvement soit pratiqué par une personne compétente (chirurgien-dentiste formé ou infirmière diplômée d’Etat).
A propos des tubes utilisés pour la préparation du PRF : ils sont soumis, depuis 2013, aux normes CEE 93/42/CEE. Ces tubes doivent être spécifiquement destinés à la réalisation du PRF (à la différence des tubes pour examens laboratoires, ne permettant pas légalement la réinjection de leur contenu dans l’organisme). Ce marquage signifie le respect d’exigences de sécurité du fabricant. L’utilisation de ces tubes fait partie des conditions de couverture par les assurances professionnelles. L’utilisation de tubes non homologués peut être reprochée par ses dernières en cas de litiges (4).
Donnees anatomiques
Le réseau veineux au pli du coude est dense et permet dans la plupart des cas la réussite du prélèvement. Toute zone cutanée présentant une lésion de type infectieuse ou autre doit être formellement évitée pour un prélèvement.
a. Les veines du pli du coude
Au niveau du pli du coude, les veines sont de gros calibre et la zone peu innervée. La ponction y sera aisée et peu douloureuse.
on retrouve principalement les veines suivantes :
- La veine basilique, du côté interne du bras
- La veine céphalique, du côté externe du bras
- La veine médiale basilique
- La veine médiale céphalique
- La veine cubitale superficielle
- La veine radiale superficielle
- La veine médiane anté-brachiale
Par soucis de simplification, on retiendra 2 veines :
- La veine basilique, interne
- La veine céphalique, externe
b. Les veines de la main
La ponction est déconseillée sur la main car les veines y sont de petit calibre et se collabent facilement sous l’effet du vide, propre aux tubes. Le débit y est souvent réduit, diminuant significativement la qualité du PRF obtenu.
Les injections par contre, peuvent, elles, se faire aisément sur la face dorsale de la main voir même au niveau de la cheville.
on distingue :
- La veine cubitale superficielle, faisant suite à la veine basilique
- La veine cubitale accessoire ou médiane
- La veine radiale superficielle, faisant suite à la veine céphalique
- L’arc palmaire superficiel
Donnees pratiques
a. Matériel
Le matériel nécessaire à la prise de sang doit être prêt et déballé avant même la pose du garrot, dans un souci de rapidité. La centrifugeuse est allumée et prête à l’emploi.
Le matériel nécessaire :
- Un garrot
- Alcool à 70° ou 90° pour désinfecter la zone
- Un préleveur stérile à usage unique (aiguille épicrânienne et corps de pompe relié par une tubulure)
- Un pansement adhésif
- Tubes de A-PRF ou i-PRF stériles sous vide (emballage individuel et stérile, norme CE selon la directive 93/42/CEE)
Dans le cas d’une injection intra veineuse, le praticien devra disposer également de seringues et d’aiguilles stériles.
b. Techniques de repérage des veines
Le repérage des veines ne doit absolument pas passer par une analyse visuelle (bien que tentante). Certaines veines peuvent apparaitre visibles et bleutées, surtout en cas de peau fine et claire. Mais il peut s’agir en réalité de veinules ou capillaires, inadaptées à la ponction veineuse.
La seule méthode valable reste la palpation, le plus souvent avec l’index en raison de sa sensibilité tactile. La palpation permet ainsi d’apprécier :
- Le volume des veines
- Leur trajet
- Leur mobilité
- Et leur profondeur.
La palpation systématique, même dans les cas les plus simples où les veines sont visibles et de gros calibre, permettra de développer une sensibilité tactile afin de pouvoir les identifier dans les cas les plus difficiles (non visibles).
Lorsque les veines ne sont pas visibles, la zone de recherche par palpation est simple : les veines céphalique et basilique dessinent une forme de « M », théorique. La recherche de la veine à ponctionner doit se faire dans cette zone.
Il existe également des aides lumineuses au repérage des veines tel que le veinlite®. Cet outil, grâce à des diodes de couleur rouge, permet de mettre en évidence les veines à travers la peau. Elles apparaissent ainsi comme un tube foncé, contrastant avec la peau.
C’est un outil très pratique, notamment pour les premières ponctions ou dans les cas difficiles.
c. Introduction de l’inguinale
L’angle d’insertion de l’aiguille au niveau de la peau doit être de 15 à 30°, selon la profondeur de la veine. Une fois la veine atteinte, redressez l’aiguille à l’horizontale afin de suivre son trajet.
d. Fixation de l’aiguille
Une fois l’aiguille dans la veine, il est important de l’immobiliser avec le pansement, afin d’éviter un retrait accidentel de l’aiguille lors des manipulations des tubes.
e. Remplissage du tube
Les tubes sont connectés au travers du corps de pompe et leur remplissage se fait grâce au vide. Il doit être rapide : 10-15 secondes par tube, maximum. En cas de remplissage lent, le sang commence à coaguler dans le tube, épuisant le fibrinogène présent. Il y aura donc moins de fibrinogène disponible pour la constitution du caillot de fibrine. Les caillots seront alors de taille réduite voire inexistants.
F. Centrifugation
Une fois les tubes remplis, la centrifugation doit être lancée immédiatement.
Une centrifugation tardive aboutit à une altération de la taille des caillots et de la qualité du PRF.
Le chirurgien-dentiste peut, s’il le désire, faire appel à une infirmière diplômée d’Etat pour le prélèvement sanguin. La codification de l’acte est la suivante : AMI 1,5 : « Prélèvement par ponction veineuse directe », soit 4,725 euros.
Des frais d’indemnités kilométriques de déplacement (IFD) et de majoration d’acte unique (MAU) peuvent s’appliquer soit au total : 1 AMI 1.5 + 1MAU +IFD = 8.58 euros
Accidents d’exposition au sang
La manipulation de liquides biologiques peut conduire à un accident d’exposition au sang (A.E.S). C’est-à-dire : tout contact avec du sang/liquide biologique souillé ou potentiellement contaminant lors d’un piqure, coupure, contact avec une peau lésée ou une projection sur une muqueuse. Cet accident ne doit pas être minimisé par le professionnel de santé.
En cas d’A.E.S, le délai entre l’exposition et la prise en charge doit être le plus court possible (5) :
l Immédiatement, il faut s’assurer que les premiers gestes aient bien été effectués :
- En cas d’exposition cutanée : nettoyer à l’eau courante et savon puis avec une solution antiseptique (Dakin ou Betadine dermique) pendant au moins 5 minutes.
- En cas d’exposition muqueuse (oculaire ou buccale) : nettoyer avec du sérum physiologique pendant au moins 5 minutes.Ne surtout pas faire saigner la plaie.
l Puis, la priorité est de rechercher le statut sérologique du patient, dans l’heure.
Une consultation avec un médecin référent (service des urgences ou d’infectiologie de l’établissements public le plus proche) permettra de répondre aux différentes interrogations : sévérité de l’exposition, importance de l’inoculum, statut sérologique du patient, délai écoulé…
Il est primordial que le patient soit dépisté afin d’évaluer sa sérologie et les risques de transmission (vIH, Ac Anti HBS, vHC…) : une décision concernant la thérapeutique doit être prise rapidement.
Si un traitement antirétroviral est préconisé, sa prise doit se faire dans les 4 heures.
Il vaut mieux traiter par excès que par défaut.
Pour rappel, le risque de transmission en cas d’A.E.S en l’absence de traitement antirétroviral est de 30% pour l’hépatite B, 1,8% pour l’hépatite C et 0,32% pour le vIH.
l Reconnaissance de l’origine professionnelle : il est nécessaire de déclarer un accident de travail à la CPAM dans les 24 heures.
S’il s’agit d’un employé du cabinet dentaire, le praticien devra en être informé. Le référent AES délivrera un certificat médical avec mention « potentiellement contaminant ».
l En cas de contamination avérée, un suivi clinique et sérologique est recommandé.
Bibliographie
- « Une opportunité en paro-implantologie : le PRF (Platelet Rich Fibrin) » CHoUKRoUN J, ADDA F, SCHoEFFLER C et vERvELLE A. – Implantodontie 2001;42:55-62.
- Guide de prevention des infections liees aux soins realises en chirurgie dentaire et stomatologie Ministère de la santé et des solidarités, Direction Générale de la Santé, juillet 2006 page 60-61.
- Code de la santé publique, L1242-1 et 12436 Aida.ineris.fr/sites/default/files/gesdoc/68625/code_sante_publique.pdf
- « Tube PRF : l’indispensable marquage CE » La Lettre ordinale n°128 2015;128:27-28.
- Guide de prise en charge des Accidents d’Exposition au Sang et Accidents d’Exposition au risque Viral-Corevih Haute Normandie- Février 2015 –
Vihclic.fr