Les salariés des cabinets dentaires ne cessent de remettre en question les compétences de management des praticiens. Qu’il s’agisse de gestion prévisionnelle ou stratégique, force est de reconnaître que ce ne sont pas les points forts qui ressortent des performances des chirurgiens-dentistes en exercice. Le constat est le même dans les centres dentaires privés comme mutualistes : les directeurs administratifs et directeurs RH reconnaissent leurs insuffisances professionnelles dans la gestion humaine des équipes cliniques, administratives ou logistiques.
Les Centres dentaires : un problème de proximité entre les managers et les équipes de soin
Dans les centres dentaires privés et mutualistes, les assistantes comme les praticiens ont tendance à s’opposer, du moins à ne pas adhérer facilement à la politique de santé dictée par la direction opérationnelle et générale. Les dentistes et les assistantes dentaires tout particulièrement font parfois barrage à toute intrusion des managers dans leur sphère de soins qu’ils ont tendance à privatiser, rejetant tout point de vue critique extérieur, quand bien même il serait constructif.
Les managers quant à eux se justifient de cette distanciation parfois involontaire entre eux et les équipes soignantes en mettant en avant leur défaut de compétences techniques en dentisterie, ce qui est totalement aberrant. Il faut parfois forcer la porte des équipes soignantes et s’immerger dans leur activité clinique quotidienne afin de (mieux) comprendre les difficultés qu’elles rencontrent, tant dans leur organisation (préparation des plateaux, travail au fauteuil/ ergonomie, décontamination, gestion des cycles de stérilisation) que dans leur modes de communication interne (gestion de la relation dentiste/assistante) et externe (gestion de la relation au patient : co-diagnostic, bilan, présentation du plan de traitement et du devis).
Le management : une compétence comportementale et humaine majeure
Comme l’explique un manager Google : « la plupart de nos ingénieurs ont toujours pensé que le management les détournait de leur vrai travail, c’est-à-dire des tâches tangibles visant un objectif »1.
Praticiens, directeurs administratifs ou DRH, directeurs opérationnels de structures médico-dentaires ont un avis souvent comparable : les indicateurs de productivité priment sur les performances humaines, la qualité des interrelations au sein de l’équipe, la communication et l’ambiance générale de travail. Or, force est de constater depuis les fameuses expériences d’Elton Mayo auprès de Western Electric, que l’argent pèse bien moins que les normes sociales et le sentiment de sécurité au sein d’une entreprise, quelle qu’elle soit. En 2002, les fondateurs de Google ont tenté de mettre en place une organisation de type horizontal en supprimant tous les postes de support managérial afin de libérer la créativité et le développement des idées ; ce fut un échec flagrant, cette expérience n’ayant duré que quelques mois. De la même manière, nombre de chirurgiens-dentistes et gérants de cabinets dentaires rechignent à s’accaparer certaines fonctions élémentaires de direction ou de gouvernance (management directif). Ces responsabilités prennent justement tout leur sens lorsqu’il s’agit d’aider les employés à gérer leurs tâches de travail au quotidien et à trouver du sens et du plaisir dans leurs réalisations (management participatif).
Lutter contre le micromanagement
Chez Google, sur la base d’enquêtes internes, il est apparu que les techniciens et ingénieurs « détestaient être micromanagés2 mais qu’ils adoraient que l’on s’occupe de près de leur carrière ». Il est capital de ne pas réduire les fonctions de management à celles de contrôle du travail a posteriori de son employé. Mais il y a bien pire : c’est le contrôle a priori d’une tâche de travail qui n’a pas encore été réalisée. Les chirurgiens-dentistes sont des pros aguerris de ce mode de supervision intuitif et impulsif, malhabile et totalement improductif souvent mis en œuvre entre 2 patients : « Vous souvenez-vous qu’il faut aujourd’hui…, n’oubliez surtout pas de…, pensez à… ». La réponse de l’assistante ou de la secrétaire ne se fait pas attendre : « Docteur, je sais bien ; Docteur, je m’apprêtais à le faire… ; Docteur, vous me l’avez déjà dit… ».
Le micromanagement doit absolument être abandonné au profit du management par projet qui donne la possibilité aux employés d’innover et de résoudre les problèmes par eux-mêmes. Dans les cabinets dentaires aussi bien que dans les centres dentaires, il est temps de faire émerger le potentiel immense de développement dont regorge le personnel de support clinique et administratif, trop souvent relégué à des fonctions de simple exécution. Les assistantes n’ont de cesse de le rappeler aux consultants en organisation qui reçoivent leurs doléances : « nous savons tout ce qui se passe et se trame au cabinet, nous entendons tout,… et surtout nous ne disons pas la moitié de ce que l’on sait à nos praticiens. Les problèmes d’organisation et de communication de nos patrons, on les subit tous les jours, et on ne peut rien y faire tant la distance qui nous sépare est grande : on a parfois l’impression qu’ils ne nous font même pas confiance ».
Les 8 comportements clés des managers, selon Google
Google a mis sur pied un système d’évaluation des performances incluant des entretiens annuels d’évaluation à 360°. Ils ont également recruté des consultants à fort potentiel intellectuel au moins titulaires d’un Master/ doctorat3 afin de mettre en place des groupes de travail pour s’attacher aux aspects liés au bien-être et à la productivité des employés. Ces études ont fait ressortir 8 comportements clés à l’œuvre dans les performances managériales.
Un bon Manager doit :
1. Être un bon coach.
2. Donner du pouvoir à son équipe et ne pas micro-manager.
3. Se préoccuper de la réussite et du bien-être des membres de son équipe.
4. Être productif et orienté “résultats”.
5. Être un bon communicant qui écoute et partage l’information.
6. Favoriser l’évolution de carrière de ses collaborateurs.
7. Avoir une vision claire et une stratégie pour son équipe.
8. Avoir les compétences techniques et humaines nécessaires pour conseiller son équipe.
L’intérêt des outils d’évaluation comportementale et le coaching
Désormais, tous les personnels de Google prennent le management au sérieux. Grâce entre autres aux bilans psychotechniques initiaux de compétences des Managers ainsi qu’aux entretiens d’évaluation à 360 degrés4 portant sur les 8 comportements clés évoqués, la productivité et les performances techniques et relationnelles de leurs Managers et employés sont bien meilleures et surtout pérennes. Aussi, un bon ingénieur ayant un fort potentiel de développement peut être recalé en vue d’une promotion si son comportement managérial avec ses subordonnés est trop directif ou arrogant.
Google met alors à disposition de leurs Managers les plus prometteurs des équipes externes de consultants et coaches afin de les aider à passer le cap et à atteindre leurs objectifs.
- Harvard Businesss Review, septembre 2014, page 71 à 79.
- Le micromanagement se caractérise par un souci obsessionnel du détail et par un contrôle pointilleux des faits et gestes de chacun des membres de son équipe.
- A contrario, en dentisterie, c’est l’amateurisme qui règne parfois en Maître. Les chirurgiens-dentistes relativement dilettantes en management et totalement démunis d’outils de développement font parfois appel à des prestataires sous qualifiés qui s’arrogent le titre de “consultant”.
- Synthèse des auto-évaluations des managers et des évaluations de leurs subordonnés.