La question de l’hygiène en cabinet dentaire est l’un des points fondamentaux qui définissent non seulement la qualité des services cliniques du praticien, mais encore l’une des missions primordiales de l’assistante dentaire : « l’assistante dentaire décontamine, nettoie et stérilise le matériel » (Art. 2.2.1 de la CCN des cabinets dentaires).
Pour autant, une assistante dentaire non qualifiée qui débute son exercice au sein d’un cabinet hôte n’a par exemple aucune notion claire ni précise des termes d’asepsie et de contamination : alors même que c’est la responsabilité qui est le plus rapidement déléguée aux assistantes dentaires avec la gestion des appels entrants et l’accueil physique. Le cœur du problème est dès lors ciblé: donne-t-on les moyens suffisants et nécessaires à une assistante dentaire débutante de prendre les précautions de principes et d’usage qui s’imposent en matière d’hygiène et d’asepsie ?
Formation et déformation
Des bases théoriques et pratiques parfois insuffisantes
« Il ne suffit pas de nous montrer comment manipuler les instruments (nettoyage, désinfection) dans le cadre de la chaine de stérilisation, mais il faut que l’on comprenne précisément pourquoi et comment la contamination se propage. Nous manquons de bases théoriques, sans parler de la formation pratique telle qu’elle doit être assurée par notre praticien. Lui-même est-il d’ailleurs formé à ce sujet ?»
Valérie C., assistante dentaire qualifiée à Nice
L’assistante dentaire est d’emblée confrontée à un risque de contamination. Le praticien, dont le rôle consiste aussi à encadrer et former son assistante, doit lui apprendre à :
- Se préserver et donc à préserver les autres,
- Reconnaitre les facteurs de contamination pour les maîtriser,
- Discerner les produits et apprendre à gérer le stock (extrêmement important, car il est inenvisageable d’être en rupture dans certaines catégories de produits),
- Etablir, revoir, corriger les protocoles d’hygiène et d’asepsie (circulation propre/sale, stérilisation, stock, contamination dans l’air, contamination croisée,…).
Les conseils préliminaires de Laurence – AD’INFOS
- L’hygiène doit ainsi être présentée à toute assistante dès son arrivée au sein du cabinet-hôte :
- Question de la tenue : tunique et pantalon, cheveux noués
- Se protéger : masque, gants et lunettes
- Présenter les produits et matériels
- Situer les containers
- Visualiser les points de contamination à traiter
- entre chaque patient
- chaque jour
- Respecter la circulation propre/sale
- Respecter la chaine de stérilisation
- Rédiger des protocoles adaptés
Des incohérences
«Je débute ma formation d’assistante dentaire : à l’école, nous entamons la biologie et au cabinet, je suis les instructions parfois approximatives de mon praticien quant à l’hygiène. C’est le bon sens qui domine».
Sandrine D., assistante dentaire stagiaire depuis 2 mois, à Pau.
S’il y a bien une tâche dite « improductive » que le praticien s’empresse de déléguer à son personnel, c’est bien la gestion de l’hygiène au cabinet. Et la moindre des choses que l’on puisse affirmer, c’est que cette délégation ne se fait pas souvent en temps opportun, ni dans les règles de l’art d’une formation pratique dite « professionnelle », ou plus simplement « rigoureuse » telle qu’elle incombe au « chef des soins ». Que celui-ci n’ait pas à enseigner à son assistante de direction la maîtrise du Pack Office s’entend… Il lui revient a contrario et a fortiori de s’assurer que son assistante a la maîtrise suffisante des compétences afférentes au respect des règles fondamentales d’hygiène.
Contrôle et supervision
Mauvaises manipulations : Éviter le pire
«Une fois, je me suis trouvée en rupture de produit décontaminant. Les bidons se ressemblent, j’ai confondu…nous avons dû remuer ciel et terre pour remédier à cette grosse et lourde erreur…».
Mélodie T., assistante dentaire qualifiée depuis 2 mois, à Mont-de-Marsan.
La gestion et le stockage des produits sont très importants, et il n’est pas rare qu’une assistante dentaire travaillant seule au cabinet et polyvalente (assistance fauteuil, stérilisation secrétariat) rencontre du moins une fois dans sa carrière ce genre de problème. Si l’on ne s’en tient qu’à un point de vue empirique, il ne semble en effet pas évident de tout pouvoir contrôler en amont et en aval des soins :
«sinon au départ avec les normes liées au produit, s’assurer qu’ils couvrent un maximum, qu’ils répondent aux critères de base (bactéricides, fongicides, virucides, herpès, hépatite, sida). Après, seuls les marqueurs au niveau de la sté sont vérifiables (sachets sté qui changent de couleur, test de vide, test chimique…).».
Valérie C., assistante dentaire stagiaire depuis 4 mois, région parisienne (78).
Se remettre en question ?
« Au fil de ma formation et après plusieurs mois de présence au sein du cabinet, je m’aperçois que je commets des erreurs récurrentes dont je n’ose pas parler à mon praticien ».
Claudine V., assistante dentaire stagiaire depuis 9 mois, à Lyon.
Effectivement, les praticiens n’ont pas nécessairement le réflexe d’interroger leur assistante pour savoir si la conduite des règles d’hygiène est respectée. Ils considèrent par principe qu’elles le sont, tellement les protocoles leur semblent élémentaires. A la question suivante posée : « savez-vous ce qui se passe en salle de stérilisation et si votre personnel respecte les protocoles établis ?», nombre de praticiens que nous avons interviewés répondent qu’ils n’en savent effectivement pas grand chose et pis, qu’aucun protocole n’a été édicté ni rédigé. En somme, s’il arrive à l’assistante clinique de commettre des erreurs récurrentes dans ce domaine, le praticien n’a quasiment aucun moyen de s’en apercevoir, sauf par inadvertance, c’est-à-dire toujours trop tard !
Collaborer
«Grâce aux cours de la CNQAOS, j’ai réalisé l’imperfection de notre système de stérilisation. Avec mon praticien nous en avons discuté lors de notre réunion mensuelle de développement, et nous avons décidé de travailler à l’améliorer. Nous avons passé en revue le gros matériel, les sachets de sté mal collés & non datés, les tests chimiques ou de vide…».
Sylvie S., assistante dentaire stagiaire depuis 7 mois, à Rennes.
L’assistante ne doit pas hésiter à parler de ses difficultés à son patron. Mais la communication interne est inexistante dans nombre de cabinets (ni briefing organisationnel, ni réunion de développement, ni entretien annuel d’évaluation), au point que les assistantes stagiaires ont des difficultés certaines à mobiliser l’attention du praticien, souvent indisponible.
Démarche Qualité
Responsabilisation et autonomisation
«Qualifiée depuis peu, je gère l’hygiène au cabinet, selon des protocoles établis par toute l’équipe. Ma collègue est responsable de la gestion des stocks et fournitures, j’ai quant à moi la responsabilité de l’hygiène au cabinet selon les protocoles que nous avons établis avec nos praticiens.»
Bénédicte F., assistante dentaire qualifiée depuis 6 mois, à Toulouse.
« Ayant bénéficié d’une formation complémentaire en hygiène et asepsie, j’ai moi-même choisi notre dernier autoclave selon les normes en vigueur et ai arrangé son financement ».
Laurence P., assistante dentaire qualifiée, 15 années exp., à Paris.
Il n’est absolument pas nécessaire d’attendre de suivre un processus parfois très contraignant de certification pour se mettre aux normes élémentaires d’hygiène et d’asepsie.
Le principe de précaution doit ici prévaloir. Les praticiens et leurs assistantes se doivent d’assurer une veille informationnelle sur la réglementation en vigueur.
Des connaissances et des pratiques non (ré) actualisées
«Arrivée depuis peu en formation, mon praticien me dit que c’est à l’école de me former sur l’hygiène et pas à lui, m’indiquant en plus qu’il ne s’est jamais préoccupé de la stérilisation, ayant toujours délégué cette tâche à ses assistantes précédentes, ajoutant que cela avait toujours bien fonctionné ainsi et qu’il n’avait jamais rencontré le moindre problème.» Michèle A., assistante dentaire stagiaire depuis 15 jours, à Nantes.
Il est nécessaire que les praticiens valident les connaissances et les compétences de leurs assistantes en matière de contamination : par exemple, qu’est-ce qu’une contamination, simple et croisée, comment la reconnaître et l’intercepter ? On ne peut pas se reposer constamment sur les organismes de formation et dès lors nier une part importante de ses responsabilités inaliénables de chirurgien-dentiste : informer, former et diriger son personnel.