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Dentisterie numérique occlusion jaw motion : pourquoi le mouvement est la clé

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Basée sur des travaux notamment Français – Pr François DURET – qui ont aujourd’hui pas loin de quarante ans! et poussée par des systèmes historiques tels que le CEREC, la prise d’empreinte optique a pris un essor important ces dernières années (fig.1).

Fig. 1 : le Pr François Duret réalise une empreinte optique en 1983.

Il est communément admis que ce sera l’une des principales évolution de nos exercices ces dix prochaines années, en association avec l’intégration des flux numériques dans nos cabinets.

Ces technologies nous permettent aujourd’hui de proposer des traitements toujours plus prédictibles et reproductibles, tout en réduisant la durée et le nombre de séances nécessaires à la réalisation d’un même acte. On s’aperçoit aujourd’hui que si les acquis « analogiques » fondamentaux sont essentiels, l’adoption de ces technologies implique l’apprentissage de nouveaux protocoles, nous permettant de mieux intégrer ces outils dans nos exercices quotidiens et de les rendre plus efficients.

La première consultation est aujourd’hui volontiers consacrée à la collecte de données, cliniques, numériques, photographiques aboutissant à la création d’un patient virtuel, véritable avatar, nous permettant a posteriori d’établir des diagnostics, des planifications et des propositions de traitement. (fig.2)

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Fig.2 : superposition des couches numériques : scanner facial, empreinte intra-orale, CBCT

L’avènement des scanners faciaux, couplés aux examens CBCT et à la numérisation intra-orale des arcades dentaires permet ce type de prouesses, mais on a longtemps négligé l’occlusion, laissant aux articulateurs virtuels des logiciels de conception dentaire, le soin de simplement simuler la cinématique du patient.

Des sociétés comme 3Shape ont commencé à travailler sur cette problématique, en permettant l’enregistrement de la cinématique propre du patient sur un petit cadrant et cela uniquement avec la caméra de numérisation intra-orale. C’est un premier pas déjà important qui apporte énormément sur les reconstructions sectorielles simples (fig.3).

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Fig.3 : le 3Shape Patient Specific Motion

Mais cela reste insuffisant pour des besoins de plus grande étendue, d’analyse fonctionnelle ou d’augmentation de dimension verticale.

Des dispositifs externes se sont développés pour tenter de pallier à cette lacune et permettre un enregistrement plus fin des paramètres de l’occlusion (SICAT Function (fig.4), Zebris JMA (fig.5) voire même de développer un logiciel très puissant d’analyse et de traitement des données occlusales (ModJaw) (fig.6).

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Fig.4 : le system SICAT / Fig.5 : le système Zebris / Fig.6 : le système ModJaw /

Occlusion statique

Traditionnellement, une caméra de prise d’empreinte optique numérise les arcades, puis enregistre la position du maxillaire et de la mandibule grâce à un troisième enregistrement correspondant à un mordu latéral.

Le principal écueil de cette technique est que la caméra intra-orale n’enregistre pas la dépressibilité ligamentaire des dents et la relative flexibilité osseuse. Cela aboutit inéluctablement à des interpénétrations entre les fichiers numériques maxillaires et mandibulaires que les logiciels de conception dentaire éliminent pour permettre les simulations sur articulateurs virtuels. (figs. 7 et 8)

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Figs.7 et 8 : illustration des interpénétrations entre les empreintes numériques

En outre, s’il est unanimement admis que la reproductibilité de l’occlusion sectorielle est excellente dans tous les systèmes, il n’en est pas de même sur les numérisations en arcade complète, ou l’on retrouve des disparités bien plus importantes, avec les traditionnels écueils de la distorsion.

Occlusion dynamique

Il existe sur le marché plusieurs systèmes d’enregistrement de l’occlusion dynamique. Certains sont directement intégrés à la caméra de prise d’empreinte intra-orale, c’est le cas pour la caméra 3Shape TRIOS®, qui permet d’enregistrer les mouvements mandibulaires directement lors de la prise d’empreinte intra-orale (Patient Specific Motion) et ce sans avoir recours à un quelconque appareillage externe (Fig.3). C’est une solution extrêmement séduisante et rapide pour aller plus loin qu’un simple enregistrement occlusal statique dans le cas de reconstruction de petite étendue.

Pour des réhabilitations plus importantes, ou sur des terrains dysfonctionnels, le recours à des systèmes externes est indispensable.

On retrouve parmi eux les systèmes SICAT JMT + et ZEBRIS JMA qui sont des systèmes de mesure des déplacements de la mandibule aux moyens d’ultrasons pour l’un et optique pour l’autre (Fig. 4 et 5). Ils se composent d’un arc facial fixe équipé de capteurs qui suivent les déplacements d’une fourchette mandibulaire. Ces technologies peuvent être couplées avec des électrodes d’électro-myogramme permettant l’analyse musculaire associée aux déplacements. Les déplacements mandibulaires sont retranscrits à l’écran sous forme d’un avatar 3D (pas de visualisation des mouvements en temps réels sur les STL du patient). Leur fonction principale est l’enregistrement de la cinématique mandibulaire et l’export de ces données brutes (au format .XML) pour lecture dans les logiciels de conception d’éléments prothétique type Exocad.

En 2017, MODJAW, une start up française créée par le Dr Maxime Jaisson et Antoine Rodrigue a présenté une innovation de rupture, le dispositif tech in Motion. Ce système commercialisé depuis 2019, diffère des autres en plusieurs points : c’est une solution qui intègre un ordinateur tactile doté d’un logiciel et une caméra optique externe de tracking. La caméra de métrologie industrielle capture 60 images par seconde soit 60 déplacements effectués par la mandibule. a la différence de ses compétiteurs, le système MODJAW a été conçu pour fonctionner sur les empreintes réelles du patients (import STL ou PLY). Cela permet de visualiser et d’enregistrer tous les mouvements, les contacts occlusaux et de les revoir à l’infini après le départ du patient. Le logiciel permet de superposer d’autres modèles comme un CT scanner, un Face Scan ou tout autre modèle utile à l’examen. Une fois l’enregistrement effectué, toutes les séquences sont modifiables (couper les zones d’intérêt, réduire des séquences d’enregistrement etc..) de manière à ne transmettre au laboratoire que les données ayant un intérêt réel.

Analyse, diagnostic, traitement : tout savoir sur le modjaw

Questions à Maxime JAISSON et Antoine RODRIGUE, inventeurs et cofondateurs du système MODJAW

Quelles sont les principales applications cliniques du dispositif MODJAW ?
MODJAW Tech in Motion aide à établir une évaluation claire et précise du patient au stade du diagnostic. L’enregistrement des mouvements en temps réel donne une vision complète et objective du patient et de ses problèmes, que ce dernier ait été capable de les formuler ou non. En quelques minutes, on a tous les paramètres statiques et dynamiques (cartographie dynamique des contacts, plan d’occlusion, pente condylienne, angles de bennet, plan axio-orbital, etc.) et on peut détecter les prématurités, les contacts occlusaux, comprendre le guidage, l’usure des dents, toute malocclusion ou même les troubles de l’ATM. Les applications sont donc infinies et adaptables à chaque patient. Ensuite, MODJAW Tech in Motion, et plus précisément l’ensemble des données qui en découlent, est utilisé au stade thérapeutique en vue de personnaliser totalement les soins dentaires des cas simples aux cas complexes et dans toutes les spécialités, de la dentisterie adhésive, de la prothèse amovible, de la prothèse complète, de l’implantologie à l’orthodontie. (fig.9)

fig6

Peut-on enregistrer la relation centrée ? Comment l’exploite-t-on ?

Modjaw peut enregistrer tous les mouvements que le patient exécute ou qui sont guidés par le praticien. C’est le cas pour la manipulation en relation centrée.une fois cela fait, vous obtiendrez une vidéo dans laquelle vous observerez simultanément les mouvements des arcades dentaires et les graphiques des déplacements des points condyliens.

  •  Identifier une prématurité

Grâce à la visualisation des contacts occlusaux, il est possible de visualiser les points d’impacts lors de l’élévation de la mandibule grâce à la fonctionnalité carte des contacts occlusaux tout comme pourrait le faire le papier d’occlusion (sans les difficultés d’enregistrement inhérentes à la salive ou les faux positifs…). Les contacts prématurés sont plus facilement mis en évidence. (figs. 10 et 11)

  •  Exporter la position d’une frame

La vidéo de l’enregistrement de la relation centrée contient plusieurs images (frames) et la fréquence d’acquisition est d’environ 60hz. Ce qui signifie qu’il y a 60 images par seconde et donc 60 positions mandibulaires par seconde. L’avantage majeur sera que le praticien pourra exporter n’importe quelle position mandibulaire (export des modèles 3D des arcades) attachée correspondant à la frame sélectionnée. Il existe donc 60 positions mandibulaire exploitables par seconde.

  • Calculer l’hinge axis (axe charnière) d’une séquence

La définition des points condyliens étant arbitraire, ceux-ci ne passent pas forcément par l’hinge axis. En cas de besoin, leurs positions peuvent être corrigées grâce à l’enregistrement du mouvement de relation centrée. Le praticien peut sélectionner une séquence de ce mouvement pendant laquelle il a ressenti la rotation de la mandibule et où il peut voir sur le graphique l’arc de fermeture. Puis il demandera au logiciel de calculer l’hinge axis et les points condyliens seront replacés sur cet axe.

  • Simuler une équilibration

Grâce à cela, et après avoir trouvé le contact prématuré, il est possible de faire tourner la mandibule autour de son axe de rotation. Le point de départ peut justement être ce contact prématuré. Les maillages des modèles vont s’interpénétrer, faisant apparaître d’autres contacts. Cela est comparable à une équilibration en centrée montrant les conséquences d’une suppression de prématurité. Et comme précédemment, il est possible d’exporter les modèles dans cette nouvelle position.

fig7

En quoi MODJAW est plus prédictible pour l’enregistrement de la relation centrée ?

Dans la technique classique, il existe plusieurs méthodes manuelles d’enregistrement de la relation centrée. Elles auront en commun le fait de devoir enregistrer cette position sur un matériau déformable type cire ou silicone d’occlusion qui sera interposé entre les dents. Puis cette relation centrée sera validée grâce à un split cast une fois que les modèles seront montés en articulateur. dans ce cas, il faut qu’il réitère plusieurs fois son enregistrement en bouche. Aussi, le praticien pourra essayer de comparer les contacts repérés en bouche suite à l’utilisation de papier d’occlusion avec ceux observés sur les modèles en plâtre. tout ceci reste chronophage, fastidieux et garde un certain degré d’imprécision.

Modjaw pallie à pas mal d’inconvénients de cette technique. Déjà, les contacts, pouvant correspondre aux prématurités, apparaissent instantanément à l’écran, il ne faut pas attendre d’avoir les modèles en plâtre montés sur articulateur pour les objectiver en technique classique. Ensuite, en rejouant la séquence enregistrée, pour pouvez voir la reproductibilité de votre manipulation et constater que les mêmes points d’impact apparaissent. Cela donne une certaine assurance dans la détermination de la bonne relation centrée. Cette fonctionnalité surclasse la méthode du split cast.

Enfin, il n’y a pas de matériau à interposer entre les dents pour enregistrer la position centrée. En un clic la position vue à l’écran est envoyée au laboratoire. Et cette position est facilement choisie de façon éclairée parmi plusieurs milliers de frames.

MODJAW est-il utile pour planifier des réhabilitations prothétiques complexes, telles que les prothèses fixes sur implants ?

Nous pourrions envisager la question de cette manière : Pourquoi est-il si important d’envisager l’occlusion dans les réhabilitations complexes ? D’abord, d’un point de vue esthétique, trouver la bonne orientation du plan d’occlusion aura un impact sur le résultat en équilibrant la prothèse au visage du patient. Ensuite, d’un point de vue “mécanique”, le bon équilibre de notre prothèse en statique et en dynamique aura un rôle central dans la répartition harmonieuse des contraintes occlusales et la sécurisation indirecte des implants sous-jacents. C’est la garantie de la longévité : l’occlusion préserve la prothèse, et la prothèse préserve les implants. Ceci est d’autant plus important avec les prothèses fixes sur implants, car il n’y a plus de proprioception. En premier lieu, c’est la mémoire musculaire qui guidera la mandibule. Par exemple, en cas d’extraction avec implantation immédiate, la transition doit être douce. Si l’impact sur le schéma fonctionnel est drastique, il peut y avoir quelques conséquences sur l’acceptation et le confort perçu. Le point de départ est de savoir si le patient est fonctionnel ou non.

  • Si la fonction du patient est saine, MODJAW fournira les enregistrement de l’occlusion fonctionnelle à transférer directement sur les futures restaurations. Il n’y a plus besoin d’articulateur, le patient devient l’articulateur !
  • Si le patient est dysfonctionnel (besoin de correction de la dynamique mandibulaire et/ou changement de position mandibulaire), MODJAW fournira les paramètres spécifiques/ propres au patient – angle de Bennet, pentes condyliennes…
  • pour programmer l’articulateur virtuel de n’importe quel logiciel de CAO, pour des traitements vraiment personnalisés. Ensuite, lors du passage à la version définitive, vous pourrez optimiser l’anatomie dentaire des provisoires (après rééducation du patient, le cas échéant) en reproduisant les schémas fonctionnels obtenus pour concevoir la version finale.

Quel est le niveau d’intégration du MODJAW avec les logiciels de conception assistée par ordinateur (CAO) les plus couramment utilisés pour les prothèses ? Est-il compatible avec Exocad et 3Shape ?

Il n’y a pas d’aide spécifique. Le praticien peut choisir tous les moyens qui lui semblent bons pour enregistrer la relation centrée. Aucun matériau n’est nécessaire pour enregistrer la position mandibulaire puisque le choix de la position se fera sur la vidéo par sélection de la frame la plus pertinente. C’est tout l’avantage du dispositif de ne pas encombrer la bouche et de ne pas perturber la proprioception. S’il le souhaite, il pourra utiliser une butée antérieur type jig pour laisser la mandibule se guider par elle-même ou tout autre dispositifs si ses croyances ne se portent pas vers une manipulation manuelle.

Comment la valeur de mesure numérique du centrique avec les modèles en plâtre est-elle transférée à l’articulateur analogique ?

MODJAW est un système ouvert et a été conçu pour rendre les données accessibles à tous les prothésistes dentaires. Cependant, pour répondre pleinement à cette question, nous devons différencier les données statiques – tous les paramètres du patient, des données dynamiques – le mouvement de la mâchoire lui-même.toutes les données statiques sont disponibles au format STL, donc compatibles avec n’importe quel logiciel de CAO. tout, des plans aux arcs dans une position spécifique, en passant par l’axe des charnières, les condyles, etc. sera directement transférable. Pour les données dynamiques, les mouvements du patient sont directement exportables de différentes manières.

Pour le logiciel 3Shape et tout autre logiciel : Le logiciel MODJAW vous permet de générer l’enveloppe de fonction du patient pendant le mouvement sélectionné (FGS : Functionnaly Generated Surface). Il est possible d’importer ce fichier STL dans le logiciel 3Shape et de supprimer les interférences et d’équilibrer les contacts automatiquement.

Pour le logiciel Exocad : Il est possible d’exporter les fichiers XML dans Exocad et de rejouer toute la dynamique dans le logiciel, c’est la version la plus intégrée jusqu’à présent qui permet de concevoir en dynamique et de mieux contrôler la morphologie dentaire. Nous travaillons continuellement à une meilleure intégration avec d’autres logiciels de CAO- FaO et nous espérons que l’enregistrement des mouvements au format XML de MODJAW sera bientôt disponible dans d’autres logiciels de CAO, y compris 3Shape.

fig8

 

Conclusion

On comprend donc qu’au-delà de l’enregistrement de la cinématique mandibulaire, il existe aujourd’hui des systèmes tels que le MODJAW qui permettent l’analyse fine de l’occlusion, à des fins de traitement fonctionnel, mais aussi de diagnostic.

Le dernier chaînon manquant sera de permettre un couplage de cette cinématique mandibulaire avec l’enveloppe faciale pour recréer les mouvements des lèvres et du visage. Nous disposerons alors d’un avatar virtuel complet de notre patient.

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A propos de l'auteur

Dr. CASAS Thibaud

Chirurgien - Dentiste Diplômé de la Faculté de Chirurgie Dentaire de Nantes DU d’Implantologie Orale
Exercice Privé Orvault (44)
Exercice Hospitalier (Service de Chirurgie MaxilloFaciale CHU de Nantes) Nantes (44)

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