Conférence d’exception organisée par le COEFI
Une des nombreuses manifestations aussi instructives que conviviales auxquelles le Cercle Odontologique d’Echanges franco-israélienne nous a habitué depuis de nombreuses années. Il faut remercier une fois de plus tous ceux qui s’engagent régulièrement auprès du COEFI afin de rendre ces conférences possibles et de stimuler un groupe dynamique de dentistes qui croient vraiment en leur profession et au développement scientifique et social de celle-ci.
On salue à cette occasion les initiatives caritatives du COEFI car tous les bénéfices de cette association vont à des actions philanthropiques comme par exemple, la construction d’un centre dentaire dans un hôpital en Israël, ou l’ouverture d’un centre d’accueil pour les enfants défavorisés éthiopiens et beaucoup d’autres projets réalisés ou en cours.
Pendant que l’organisation de cette soirée a été comme d’habitude sans faille, la particularité de cette conférence était un invité de marque que se disputent les organisateurs de manifestations dentaires aux quatre coins du monde.
Ecrivain prolifique dans le monde dentaire, conférencier globe-trotter, enseignant passionné et passionnant, il accumule les mérites professionnels. Mais il est reconnu bien au-delà de la profession dentaire, étant membre de la plus haute décoration française en tant que Chevalier de la Légion d’honneur, ainsi qu’un artiste épanoui qui a présenté ses créations au public lors d’une exposition parisienne il n’y a pas si longtemps.
Les mots clés de cette conférence exceptionnelle ont été : Esthétique, Biologie, Implant, Prothèse.
Avec les restaurations implanto-portées nous souhaitons obtenir les mêmes résultats qu’avec les dents naturelles, surtout des résultats que les patients attendent. Si auparavant obtenir l’ostéointégration était notre but, témoin du succès fonctionnel et biologique, de nos jours l’évolution des systèmes implantaires rend cette tâche relativement facile.
Aujourd’hui, ce qui fait le succès d’une restauration est surtout son esthétique. Mais obtenir le tant recherché succès esthétique est toujours très compliqué car beaucoup de paramètres qu’on ne maîtrise pas, entrent en jeu.
La chirurgie implantaire dans le secteur antérieur nécessite une approche moins invasive, plus biologique, plus esthétique, et faisant appel autant que possible aux technologies numériques.
Un bon examen et l’analyse des antécédents du patient peuvent souligner davantage les attentes du patient ou en révéler de nouvelles ; ces informations doivent absolument être transmises au technicien de laboratoire pendant la phase de planification du traitement.
En plus de l’évaluation esthétique, le RDV initial doit aussi prévoir des empreintes pour des modèles de diagnostic, des radiographies et des photographies numériques. Une simple documentation est suffisante pour une couronne unitaire mais les cas complexes nécessitent des données supplémentaires (CT scan, IRM, arc facial).
Pour réussir le défi de l’intégration esthétique des implants il est conseillé de travailler avec des loupes avec un grossissement de 2,5 ou 3. Il faut équiper le cabinet avec un ordinateur connecté à l’internet, un appareil photo numérique, un système de transmission rapide de données avec le laboratoire de prothèse, un Cone Beam.
L’avantage d’avoir un Cone Beam au cabinet est d’avoir des radiographies panoramiques et des coupes tomographiques très précises avec des résultats immédiats afin de pouvoir établir le diagnostic et d’informer le patient dans la même séance. C’est un outil qui permet de visualiser les tissus osseux, les obstacles anatomiques, mais également les tissus mous.
Januario et son équipe brésilienne ont mis au point une technique qui nous permet de mesurer l’épaisseur de la gencive marginale avec le Cone Beam : en utilisant les écarteurs pour tenir les lèvres à distance des dents, on demande au patient de mettre la langue sur le plancher de la bouche.
Ceci nous permet de savoir à l’avance, par exemple, si on peut faire un prélèvement de tissu conjonctif au niveau du palais ou réaliser une élongation coronaire (Januario, 2008).
Quels sont les facteurs déterminants avant de réaliser une restauration esthétique dans le secteur antérieur dans le cas d’une extraction-implantation immédiate ?
Il est nécessaire d’effectuer une analyse minutieuse du cas avant de démarrer :
- Déterminer le biotype :
- Réaliser les examens radiologiques,
- Sonder tout autour de la dent pour déterminer si l’os buccal est intact, partiel ou manquant, réaliser un examen clinique rigoureux et établir les antécédents (traumatisme, bruxisme, orthodontie).
Cas n°1 :
Patiente de 45 ans se présentant avec une fracture de la 21. Elle présente un biotype épais. Après l’analyse du cas, une extraction et implantation immédiate sont prévues ainsi que la mise en place immédiate du faux moignon et de la couronne provisoire.
L’extraction atraumatique de la dent réalisée à l’aide du périotome, laisse une alvéole favorable à l’insertion de l’implant. Le curetage minutieux du tissu de granulation dans l’alvéole est une étape primordiale pour l’ostéointégration de l’implant. Dans certains cas, le rinçage de l’alvéole post-extractionnelle avec de la tétracycline est indiqué.
L’implant doit être positionné plutôt aux dépens de la paroi linguale pour préserver la paroi vestibulaire.
Il ne doit pas avoir un diamètre trop grand pour ne pas remplir l’alvéole entièrement dans sa partie coronaire. Idéalement, la table vestibulaire doit avoir minimum 2 mm d’épaisseur (Spray 2000). Le gap vestibulaire sera rempli avec du BioOss dans 100 % des cas.
Il y a une distance obligatoire à respecter de 2 mm ou minimum 1, 5 mm entre l’implant et la dent adjacente (Esposito 1993). Laisser cet espace évite de porter atteinte au pic interdentaire et va permettre de récupérer des papilles interdentaires, pyramidales.
Il n’est pas conseillé d’utiliser des fraises d’évasement.
L’avantage de connecter le faux moignon en zircone tout de suite est d’éviter de manipuler plusieurs fois les tissus mous. De plus, dans le monde scientifique il est bien connu et accepté aujourd’hui que l’oxyde de zirconium est biocompatible et attire très peu la plaque bactérienne (Glauser, 2004). La cicatrisation est plus rapide qu’autour du titane. Le faux moignon doit présenter une base concave au contact de la gencive et non pas un grand évasement qui comprime la gencive. Il faut vernir les dents provisoires (Palaseal® ou Biscover®), sousdimensionner au niveau du collet et vérifier que le profil enfoui n’est pas traumatique. Par ailleurs, il faut éviter les contacts occlusaux dynamiques.
Après 3 mois de cicatrisation, des empreintes pickup sont réalisées, pour enregistrer l’anatomie gingivale après maturation.
Quels sont les critères de quantification du résultat esthétique d’une restauration implanto-portée ?
Cas n°2:
Jeune femme adressée par son dentiste pour le remplacement de la 11. L’examen clinique révèle une résorption externe importante de la table vestibulaire (traumatisme ou iatrogène dû au traitement orthodontique).
Pour mesurer la perte osseuse, l’examen le plus important est le sondage avec la sonde parodontale. Si le pic osseux est à 4,5 mm sous le niveau gingival, il sera très difficile de garder les papilles Inter-dentaires.
Dans ces cas, il faut planifier une régénération des tissus et prévenir le patient à l’établissement du plan de traitement.
L’extraction doit être réalisée de manière atraumatique, en utilisant le scalpel et le périotome pour ne pas détériorer l’alvéole. Parfois, l’extraction nécessite beaucoup plus de temps que la pose de l’implant et la réalisation de la greffe. Après l’extraction de la dent, l’alvéole est désépithélialisée à la fraise et curetée. Dans certains cas, il faut également l’irriguer avec une solution antibiotique.
Pour la pose de l’implant tout a été préparé : un guide chirurgical amélioré, le moignon ainsi que la dent provisoire, qu’il va falloir légèrement rebaser.
L’implant a été mis en place sans problème particulier et un pilier de cicatrisation a été vissé pour quelques minutes (le temps de remplir l’alvéole autour de l’implant avec du BioOss).
Le moignon Curvy® qui favorise l’épaississement du tissu conjonctif est mis en place et serré avec un torque de 25N/cm (car ce n’est pas le serrage définitif).
Trois mois plus tard la couronne définitive est posée sur un moignon serré à 32N/cm.
Pilier Curvy® en titane et en zircone
Avec les Dr Eric Van Dooren et Eric Rompen, le Dr Touati a mis au point des moignons avec une concavité transmuqueuse pour développer une meilleure esthétique et une meilleure épaisseur au niveau des tissus mous. Ils vont permettre d’avoir un espace biologique stable car il va se positionner dans ce design concave. L’avantage est l’augmentation de l’interface entre les tissus mous et le moignon. Le conjonctif va créer un joint torique en s’épaississant.
Par contre, il faut faire très attention lors du scellement de la couronne à ne pas envoyer du ciment dans cette espace (par exemple mettre un cordonnet rétracteur avant de sceller).
Dans quels cas peut-on envisager une extraction implantation immédiate?
D’après la classification du Tarnow, il est conseillé d’en faire une seulement dans les cas qui se situe en classe 1:
Cas n°3 :
Patiente qui se présente avec des douleurs dans la région incisive du maxillaire supérieur. L’examen relève une mobilité de la 11, ainsi qu’une fistule.
Il faut envisager l’extraction de cette dent ainsi que la régénération des tissus, observer un délai de cicatrisation suffisant et la mise en place d’un implant.
L’extraction est réalisée, la racine présente une extrême résorption et comme prévu l’alvéole est très atrophiée. En réalité, la paroi vestibulaire est quasi inexistante.
Dans ce cas, la technique du cône de glace du Tarnow est envisageable pour régénérer l’alvéole :
Tapisser l’alvéole avec une membrane et la remplir avec du BioOss Collagen® ou tout autre xénogreffe. Suturer au niveau palatin et attendre 4 mois. La dent provisoire va venir au contact du BioOss qui a rempli l’alvéole.
Pour éviter l’affaissement des tissus mous, la couronne provisoire doit arriver au niveau de la gencive et donner un support aux tissus mous et aux papilles, mais le rapport est très subtil :
Il ne faut pas la comprimer car il va y avoir une récession mais il ne faut pas non plus rester à distance car elle va s’invaginer.
La dent est vernie et légèrement raccourcie au bord incisif. Une tranchée est réalisée à la fraise dans la dent provisoire sur sa face buccale pour coller un ruban en polyethyléne embibé dans du bonding. Le ruban va être fixé à la dent à l’aide de la résine.
Ensuite il faut mordancer les dents adjacentes et coller la dent ; bien entendu la dent n’est pas en occlusion. Quatre mois après, la cicatrisation s’est faite sans complications et l’os est suffisant pour poser l’implant.
Une dent monobloc a été réalisée au laboratoire, avec une concavité au niveau cervical et un sous dimensionnement cervical. Ce profil particulier, en zircone en transmuqueux, évite la compression des tissus mous et favorise l’épaississement du conjonctif. La maquette en cire a été transformée par le procédé Procera® en une coque monobloc en oxyde de zircone. Là-dessus, le technicien réalise la stratification en céramique. C’est une dent transvissée avec certains avantages : insertion passive, pas de ciment, peut être dévissée facilement. Le puits d’accès est fermé avec une petite éponge au Téflon et un composite Charisma®.
Une alternative à la réalisation d’une dent provisoire est de garder la dent extraite. Il faut la couper en dôme, la vernir avec du Biscover®, Palaseal® au niveau du collet, la mordancer et la coller aux dents adjacentes à l’aide d’un fil d’orthodontie et un composite.
Cas clinique conforme au mail du secrétariat du Dr Touati
Conclusion
Le Dr Bernard TOUATI est un chirurgien hors pair, spécialiste de l’implantologie et de la prothèse dont le travail est reconnu au niveau international. L’implantologie est une des parties les plus difficiles mais aussi des plus dynamiques de la médecine dentaire, un des rares domaines où la recherche avance toujours à grand pas, et où le chirurgien-dentiste est encore un artiste qui invente et découvre et dont le savoir et l’imagination sont sollicités au quotidien.
Remerciements au Docteur Bernard TOUATI pour sa précieuse collaboration et le temps accordé et au Dr Gilles CATTAN le Président du COEFI.
Bibliographie
1. Touati B, Etienne J-M, Van Dooren E. Esthetic intégration of digital-ceramic restorations. Montage Media publishing, 2008
2. Januario A. et al. Soft tissue cone beam computed tomography : a novel method for the mesurement of gingival tissue and the dimensions of the dentogingival unit. J Esthet Restor Dent 20 ; 366-74, 2008
3. Glauser et al , Zirconia Abutments reliable and biocompatible to hard and soft tissues I. J. P. May/ June 2004
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