La complexité des procédures manuelles employées en dentisterie reste sous-estimée par une large proportion de praticiens. Le travail au fauteuil implique un grand nombre de compétences spécifiques qu’il est vital de maitriser, d’autant plus lorsque l’on opère à quatre mains.
Car une chose est sûre : installés, les patients seront aux premières loges pour assister à la moindre anicroche.
Gestion pratique des procédures au fauteuil
Organisez votre espace au fauteuil de manière à toujours garder les patients ainsi que vos instruments à portée, en tenant compte des éventuels déplacements per-opératoires nécessaires en fonction des procédures. Cela implique de prendre en compte de nombreux facteurs : position des patients, du chirurgien-dentiste et de l’assistante, inclinaison des scialytiques et d’éventuels miroirs, maintien de distances de travail optimales permettant aux opérateurs de conserver le recul nécessaire à l’appréciation, positionnement des doigts et prise en main des instruments en position statique ou en mouvement, sans oublier les caractéristiques propres au travail à quatre mains : coordination de l’équipe dans le maniement et le transfert des instruments à mains, des systèmes d’imagerie ou des consommables.
Pour chaque intervention, chacun de ces éléments entre plus ou moins en compte et ils se combinent de façon spécifique en fonction de l’endroit de la bouche qu’il vous faut opérer et donc auquel il vous faut accéder avec aise. Pour plus de 100 exemples de positions ergonomiques à adopter en fonction des procédures, consultez mon livre “DANCING HANDS”.
La première étape étant de réaliser la complexité des compétences manuelles requises et donc d’apprendre les bonnes postures à adopter pour chaque type de tache, pour ensuite répéter ces gestes régulièrement de manière à les intégrer dans nos routines opératoires. Or, nous sommes encore trop peu nombreux à avoir mis en place des méthodes de travail adaptées et ce faisant, nous œuvrons de façon potentiellement améliorable, avec à la clé, des gains de temps et d’efficacité et un flux de travail plus détendu.
Pour opérer sans surprise et avec fluidité, la clé est de MICROPLANIFIER chaque intervention, la préparer dans tous ses détails en parant à toute éventualité. En d’autres mots, sachez ce que vous devriez faire dans n’importe quelle situation avant que celle-ci ne se présente au fauteuil.
Pour tendre vers la perfection dans notre flux de travail, chaque détail d’une intervention doit ainsi être anticipé et être répété lors d’entrainements réguliers aux objectifs explicitement mis en évidence
- Cela peut être fait par la verbalisation des étapes d’une procédure. “Je fais cela, puis cela, puis cela parce que…”
C’est un bon début… - Vous pouvez aussi visualiser ce que vous vous apprêtez à faire. Mais cela vous aide-t-il dans votre pratique ? Pastant que cela, vous ne pouvez pas voir les choses avant qu’elles ne se produisent.
- La troisième solution est différente ; vous faites le planning mental de s mouvement s de mains que vous vous apprêtez à réaliser ( pré-animation des mouvements de mains ). Il ne s’agit pas d’imaginer, mais bien de visualiser les actions nécessaires à la réalisation d’une opération : dans quelle position vous et le patient vous trouverez, les instruments dont vous aurez besoin ainsi que leur emplacement sur le poste de travail, les gestes à pratiquer dans l’ordre, etc.
Pratiquée par les pilotes de chasse et les athlètes de haut niveau, la planification mentale des mouvements permet à l’esprit de passer en revue chaque détail et au corps d’imprimer précisément les différents gestes et mouvements à réaliser.
De nombreux dentistes semblent –par intuition- utiliser la planification mentale des mouvements, toutefois bon nombre gagneraient à l’utiliser pour planifier leurs interventions et ainsi limiter les micro-déplacements parasites qui une fois accumulés s’avèrent chronophages sur une année.
La recherche de la perfection pratique à travers l’adoption de bonnes postures de travail et de protocoles éprouvés rend le travail au fauteuil hautement efficace et augmente vos performances, ce faisant vous êtes plus effectif tout en étant plus relaxé : vous opérez dans une forme d’automatisme et pouvez ainsi profiter pleinement de vos prouesses manuelles.
Les mouvements précis et hautement maitrisés effectués en parfaite osmose par les différents opérateurs dans la continuité du flux de travail communiquent votre professionnalisme bien plus efficacement que ne le ferait la meilleure campagne publicitaire. Nos procédures sont comprises à différents degrés par les patients, les praticiens et assistantes. Ce sont autant de formes de communication qui créent des émotions et influencent la relation patient praticien.
Ayez du tact (soft touch, soft hands)
La dentisterie, c’est aussi de la communication. La vraie question étant : QUE COMMUNIQUEZ-VOUS ?
Votre façon de toucher le patient est-elle ressentie comme douce et respectueuse ou au contraire brusque et intrusive ?
Vos mouvements et votre tenue per-opératoire vous dépeignent-ils comme un professionnel rigoureux ou à l’inverse transmettent-ils aux patients une forme d’insécurité ?
Car l’expérience-patient dépend en partie de cela.
Les contacts physiques ne sont dans nos sociétés occidentales pas considérés comme anodins, ce sont même la plupart du temps des gestes que nous réservons aux personnes qui nous sont proches et que nous connaissons bien. Pour autant, nous devons outrepasser ces considérations et toucher les patients à l’intérieur de leur bouche–une zone naturellement très sensible-. Cette nécessaire intrusion est de nature à augmenter leur sensibilité aux stimuli négatifs, ce d’autant plus chez les patients anxieux.
Étant conférencier en compétences manuelles et ergonomie dentaire depuis près de 40 ans, j’ai, au cours de mes quelques 200 interventions, pu observer un grand nombre de chirurgiens-dentistes et d’assistantes dans la prise en charge de leurs patients.
Ces praticiens et leurs assistantes avaient souvent en commun le fait que peu étaient conscients des éléments communicatifs et émotionnels découlant des procédures mises en application. Au cours de notre vie professionnelle, nous devrions d’ailleurs tous réapprendre à être conscients de la façon dont les patients se sentent lorsque nous travaillons.
Des micros délais pour préparer les patients au traitement
Les micros délais ? Qu’est-ce donc et comment agissent-ils sur les patients? Un exemple pour comprendre :
Afin de faciliter l’accès visuel et instrumental à la zone de travail, l’assistante doit guider manuellement la tête du patient sur le côté.
Improvisée, cette manipulation pourrait être ressentie comme désagréable et intrusive par le patient.
Elle pourrait d’un autre côté être mieux acceptée par le patient si l’assistante délayait cette action en laissant ses mains en contact une seconde avec la nuque ou le maxillaire du patient avant d’entreprendre la rotation de la tête. Ainsi, le patient sent que quelque chose s’apprête à se passer puis, après ce micro délai seulement, la main de l’assistante guide sa tête en douceur dans la position la plus adaptée à l’accès visuel et instrumental. Ce faisant, il n’est pas surpris.
Ce micro délai avant une manipulation impliquant un contact fait passer l’expérience ressentie par le patient d’intrusive à douce et positive.
Les patients ont besoin d’un court instant pour comprendre et accepter les contacts.
Assurez-vous que le temps du micro délai n’excède pas 0.8 à 1 seconde pour éviter que cela soit perçu comme une intrusion.
Ces micro délais sont à utiliser dans tous les cas ou des contacts doivent être initiés, qu’ils soient courts ou continus.
Les exemples propices à l’utilisation des micro-délais sont nombreux : lors de l’ajustement de l’inclinaison de la tête du patient, lors du retrait des miroirs ou des tubes à succion, lors du positionnement des instruments dans la bouche ou lors de la mise en contact des mains du praticien avec la bouche ou le visage du patient. De même, avant d’enclencher le dryer ou le jet, un court coup de semonce aura un effet avertisseur similaire.
Ce pour le bien de vos patients autant que pour celui de votre réputation.
Le service aux patients confort et attention
Rincer la bouche du patient – alors que celui-ci est allongé – en utilisant le tube à aspiration large dans la main droite et le spray 3 en 1 dans la gauche doit se faire en coordination : on balaye dans un sens puis dans l’autre avec le jet dirigé vers le tube à aspiration large placé sur le côté gauche de la bouche au niveau des dernières molaires inférieures.
Le côté droit de la bouche est rincé pendant que le bout de la seringue est utilisé pour écarter en douceur les muqueuses du menton. Côté gauche, on utilise l’embout à aspiration large et le bout de la seringue pour le côté droit.
La face des dents antérieures est rincée en utilisant un jet très doux afin d’éviter tout rinçage extra-oral ! Les retraits peuvent être effectués par le bout de la seringue ou celui du tube d’aspiration. Pour cette procédure, le tube à aspiration large doit être légèrement courbé de manière à ce que la main de l’assistante ne gêne pas sa vision sur la zone à opérer. Une extension de l’embout à succion améliore le nettoyage des tissus mous. Les meilleurs types de grips en termes de préhension sont les Power-grips.
Le dosage de la pression des jets doux est difficile à appréhender sur les seringues les plus répandues. Un entrainement répété à l’utilisation de cet instrument est donc fortement recommandé.
Rincer soi-même la bouche du patient plutôt que celui-ci n’utilise le crachoir, outre le confort et le sentiment d’attention que cela lui procure, vous permet surtout d’économiser un temps précieux (On gagne souvent environ 1 heure par jour), ceux-ci n’ayant plus à se rincer la bouche pendant plusieurs minutes.
Si les muqueuses intra-buccales des patients sont sèches, celles-ci doivent être humidifiées au jet doux. 1 à 2 mm d’eau doit aussi être conservé dans leur bouche pour leur laisser une impression de fraicheur postopératoire.
Le tube à aspiration court est utilisé sans embout et est légèrement incliné de manière à évacuer la salive pendant les détartrages. Il est utilisé sur les dents au fur et à mesure qu’elles sont détartrées.
Expérience de fin : dernier souvenir
Lorsqu’une intervention est terminée, vous pouvez, avant qu’il parte, demander au patient de se rincer la bouche au crachoir.
Or, même la plus petite quantité de sang (comme ceux qui se produisent très souvent à la suite d’un détartrage) suffira dans ce cas à colorer l’eau du crachoir.
Problème : les patients ne sont en général pas conscients de cela et certains peuvent par conséquent s’en inquiéter et donc garder un mauvais souvenir de fin de traitement qui viendra gâcher l’appréciation générale du déroulement de la procédure.
Comment créer, dès lors, de meilleurs souvenirs de fin d’opération chez les patients ? Entre autres en veillant à ce que leur bouche soit soigneusement rincée (comme décrit ci-dessus)
L’assistante aura, en parallèle de la fin de l’intervention, préparé un Kleenex humidifié avec de l’eau et nettoiera en douceur les contours de la bouche du patient encore allongé.
Pour finir, le fauteuil est mis en position rinçage et le patient se rince lui-même la bouche une dernière fois en utilisant le gobelet et le crachoir à sa disposition. Aucune coloration rougeâtre n’est alors constatée. Un second Kleenex est place près du gobelet à disposition du patient.
Flux
Entretenir votre précision, votre dextérité ainsi que vos autres compétences manuelles est ressenti par les patients comme une vraie forme de professionnalisme.
La maitrise des compétences techniques à haute valeur ajoutée a aussi un impact positif sur le travail d’équipe tout en augmentant la concentration des opérateurs, car leser procédures se mettent en place sans que les différents participants aient à se concerter ou y penser sauf en cas de déviation du schéma préétabli. Vous pouvez dès lors travailler dans un environnement calme en étant profondément relaxé sans avoir à penser dans l’instant.
De cette façon, le travail en équipe peut être aussi précis que rapide et efficace, se révélant au passage être une expérience relaxante où il vous arrive d’oublier ce qui vous entoure pour ne vous concentrer que sur le “flux”.