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Mon rendez-vous avec le Docteur Norbert Saffar

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Dr P. Pirnay : A 40 ans, vous avez quitté votre exercice au fauteuil pour assouvir votre passion : le théâtre. Cette décision est-elle l’aboutissement d’une période de doutes entretenue par votre devoir et votre passion, ou le fruit d’un évènement précis ?

Dr. N. Saffar : Oh oui ! Une longue période de doutes et d’hésitation… Fermer la porte de son cabinet un beau matin et se retrouver sur les planches n’est pas chose facile car ouvrir un cabinet peut prêter à réfléchir. Mais fermer un cabinet qui marche de longue date nécessite un électrochoc car la passion inassouvie s’est transformée en fantasme… jusqu’au jour où le rideau s’est levé !

Dr P. : Votre spectacle montre un homme happé par ses obligations professionnelles et familiales qui perçoit tous ses rapports avec l’extérieur comme une agression… Est-ce plus votre activité de chirurgien-dentiste ou votre vie familiale qui vous a conduit à écrire de cette façon ce personnage ?

Dr. N. S. : Je crois que la vie professionnelle et la vie familiale sont les deux composantes inséparables de la vie émotionnelle d’un chirurgien dentiste. Oui, je suis marqué par ces années d’exercice… Si l’activité à mes débuts me semblait équilibrante et stimulante… au fil du temps je me suis senti fragilisé par les tentatives probablement orchestrées par quelque pouvoir médiatique ou public (connaissance de tarifs des prothèse brut sans en mesurer le coût réel …contrôle à répétitions et j’en passe!)… Ajoutez à cela des patients plus exigeants, plus tendus par un environnement dégradé… J’ai joué mon personnage de cette manière-là (fragile et dépassé, sensible à son environnement) pour qu’il échappe à l’image caricaturale du chirurgien-dentiste lisse, véhiculé et auquel personne ne s’est attaqué… avec humour et humanité.

Dr P. : Vous entretenez une relation étroite, voire intime avec le philosophe Arthur Schopenhauer qui fut le fondateur du pessimisme. Pourtant, votre spectacle reste très drôle (La scène du « dentiste heureux » est irrésistible !). Pensez-vous que l’on puisse rire de tout, ou utilisez-vous le rire pour effacer la tragédie humaine si chère au philosophe, auquel votre personnage fait appel dans les moments de faiblesse ?

Dr. N. S. : On peut rire de tout, mais encore faut-il que ce tout ne concerne que soi-même… On rit de tout surtout pour ne pas pleurer… Le rire moqueur est un rire vulgaire et méchant qui rabaisse celui qui rit et celui qui fait rire. C’est vrai qu’il y a de quoi être pessimiste… Mais ce pessimisme n’est pas celui qu’on nous balance par voix médiatique : accumulation de catastrophes en tout genre etc. J’ai voulu tordre le cou au catastrophisme par le rire…. Le vrai risque pessimiste, c’est de ne plus croire à ce que nous voulons, ni à ceux que nous aimons. Le pessimisme, c’est de baisser les bras, et Schopenhauer, par sa philosophie, nous montre le chemin… pour rester vivant. C’est à chacun de nous de créer son propre monde…

Dr P. : Schopenhauer a dit : « Personne ne peut sortir de son individualité. » Selon vous, est-ce vrai pour un chirurgien dentiste ?

Dr. N. S. : Je crois plutôt qu’on ne peut changer son caractère. Mais une individualité évolue en bien ou en mal… et le chirurgien-dentiste dans le fond est un rêveur… les gestes devenant automatiques…. Le rêve lui permet d’atténuer la tension liée à son activité. Attention tout de même au dérapage! Il imagine alors une autre vie… professionnelle ou affective. Passer à l’acte est une autre histoire.

Dr P. : Schopenhauer a dit : « La richesse est comme de l’eau salée : plus on en boit, plus elle altère ; il en est de même aussi de la gloire. » Selon vous, est-ce vrai pour un comédien ?

Dr. N. S. : Probablement… C’est pour cela que j’ai en tête deux phrases : L’une de Graucho Marx : «Parti de rien je suis arrivé à rien mais tout seul.» Et l’autre de Cyrano : «Ne pas monter bien haut peut-être, mais tout seul.» Boire de l’eau salée, oui, mais goutte à goutte… pour pouvoir juste étancher sa soif, mais pas en devenir ivre. Ceci-dit, si cela devait m’arriver, je boirais tout d’un coup et j’en redemanderais probablement un deuxième verre !

Dr P. : Quel est votre plus agréable souvenir dans votre exercice de praticien ?

Dr. N. S. : Mes plus agréables souvenirs comme praticien ont été de rendre le sourire à ceux qui l’ont perdu tout en gardant le mien ! Les voir quitter le cabinet avec un sourire qui va leur permettre d’affronter le monde avec plus de confiance et de soulager leur souffrance…et aussi de créer parfois un vrai lien d’amitié avec des patients…

Dr P. : Et celui d’une expérience que vous aimeriez partager avec nos confrères ?

Dr. N. S. : Une expérience que j’aimerais partager avec mes confrères… impossible car je ne peux la partager qu’avec une seule… ma remplaçante… je l’ai épousé ! La dentisterie mène à tout… au mariage !… au théâtre !

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A propos de l'auteur

Dr. Norbert SAFFAR

Docteur en Chirurgie Dentaire
Comédien et auteur du spectacle "Schopenhauer et moi"

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