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Restaurations adhésives céramiques/composites au service de l’usure : a propos d’un cas clinique

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Introduction

L’usure dentaire est la détérioration produite par l’usage. Elle peut être d’origine mécanique (attrition, abrasion, abfraction) et/ou chimique (érosion).

Dans la grande majorité des cas, elle est considérée comme physiologique. Dans certaines circonstances, actuellement de plus en plus fréquentes, elle prend cependant une forme pathologique lorsqu’elle engendre de la douleur, modifie la fonction, altère l’esthétique et/ou lorsqu’elle n’est pas corrélée à l’âge des individus (1).

Des mesures de prévention et éventuellement de restauration sont alors requises. Ces dernières doivent être à la fois peu invasives et assorties d’un bon pronostic (2). Ceci est rendu possible par l’amélioration des propriétés des matériaux cosmétiques (composite, céramique), l’optimisation des systèmes de collage et la mise en application de techniques adaptées telle que la 3-Step Technique développée par Vailati et Bulser (3).

L’objectif principal de cet article est d’illustrer ces avancées en faisant le rapport d’un cas de restauration étendue liée à une importante usure tribo-chimique.

Présentation du cas et des différentes phases du plan de traitement

Un patient âgé de 46 ans se présente en consultation au CHU de Bordeaux (Hopital Pellegrin) pour améliorer ses fonctions manducatrices et l’esthétique de son sourire. Il nous dit être complexé depuis plusieurs années.

Lors de l’interrogatoire, nous mettons en évidence une consommation passée excessive de soda, qui ne semble plus active.

Nous décidons, après validation avec le patient, de réaliser une réhabilitation étendue au niveau maxillaire, alliant la prothèse et l’orthodontie.

Cette dernière doit permettre :

  • de lever la supraclusion.
  • de mettre en place des cales de composites au niveau des canines par l’orthodontiste vers la fin du traitement pour maintenir le nouveau calage. Ces cales sont aussi placées, en concertation avec l’équipe de prothèse, pour valider une augmentation de Dimension

Verticale d’Occlusion (DVO). En effet, tout le maxillaire sera réhabilité suite à des soins défaillants et une usure pathologique.

  • en fin de traitement orthodontique, (juste après débaguage) de réaliser empreintes et montage sur articulateur. La dimension verticale est guidée par les cales de composites. Un Wax-up postérieur est demandé ainsi que des facettes palatines composites de 12 à 22.
  • la mise en place des facettes composites et provisoires postérieures issues du wax up.
  • la réalisation des Restaurations adhésives céramiques postérieures.
  • la réalisation des facettes vestibulaires antérieures.
traitement-orthodontique

Fig. 1 : situation initiale avant traitement orthodontique.

fin-de-traitement 

 Fig. 2 et 3 : fin de traitement orthodontique : vue occlusale multi-attaches en place, cales de composites (flèches bleues selon modèle ci-après) sur les canines et mise en évidence des plages d’usures et des nombreuses restaurations

 

Réhabilitation prothétique

  • Etape 1 : prise d’empreinte pour facettes palatines de 12 à 22.

La préparation est très sommaire. En effet, lors de l’érosion, un bandeau amélaire est souvent présent au niveau cervical lié à un effet tampon du fluide sulculaire et de la pellicule exogène acquise. Nous retrouvons donc un congé naturel dont les irrégularités ont été lissées à l’aide d’instruments ultrasonores (Perfect Margin, Acteon).

Nous demandons au laboratoire de rallonger le bord libre des 4 incisives. Une fois les facettes collées, nous pouvons dans un premier temps supprimer les tiges de préhension avec une fraise bague rouge puis orienter le « bord libre provisoire » en fonction des lignes du visage, directement sur le patient. En effet, durant cette période les patients ne se plaignent pas du joint visible entre le composite et la dent : Ils sont, au contraire, contents de retrouver une longueur physiologique de leurs dents. (4)

Wax-up-posterieur-maxillaire

Fig. 4 : Wax up postérieur maxillaire et facettes composites palatines de 12 a 22. Nous remarquons les tiges de préhension au niveau des bords libres permettant une meilleure précision lors du collage.

  • Etape 2 : la prochaine étape clinique est le collage des facettes palatines. Dans cette séance, la dépose des anciennes restaurations postérieures est réalisée avec une première phase de préparation, suivie par la mise en place d’un « mock up » ou masque issu du wax up.
    Une deuxième séquence clinique a été consacrée à la préparation finale des secteurs postérieurs et mise en place ici de deux provisoires jumelés (toujours issues du Wax up), facilitant la prise d’empreinte et le transfert du rapport inter arcade.
Facettes-palatines-en-place

Fig. 5 et 6 : Facettes palatines en place, première préparation secteurs postérieurs et mise en place de deux provisoires jumelées assurant la nouvelle DVO et le nouveau calage.

  • Etape 3 : grâce aux deux provisoires postérieures, l’enregistrement du Rapport Inter Arcade (RIA) peut être réalisé à l’aide de clés sectorielles postérieures faites en résine (Duralay, Reliance), simplifiant de manière évidente cette étape.
    Des RAC en vitrocéramiques renforcées au disilicate de lithium (Emax, Ivoclar) ont été demandées (les facettes composites palatines 13 et 23) : les anciennes restaurations nous ont orientées a la fois vers des couronnes périphériques, des overlays et des veneerlays.
    Le collage du secteur 1 a été réalisé dans un premier temps, puis celui du secteur 2, sous champ opératoire. Les réglages occlusaux statiques et dynamiques ont été réalisés.
facettes-palatines

Fig. 7 : Vue vestibulaire des facettes palatines composites qui « rallongent » les incisives. Collage du secteur 1 réalisé. Clef sectorielle en résine secteur 2.

sous-champ-operatoire

Fig. 8,9,10 et 11 : collage des pièces sous champ opératoire. Mise en évidence de la précision de l’ajustage des RAC. Utilisation du Téflon pour ne pas « solidariser » les dents adjacentes. Vue occlusale du biomimétisme de la morphologie occlusale.

  • Etape 4 : une fois les restaurations postérieures terminées, nous réalisons la préparation des 6 facettes vestibulaires, de 13 à 23. Des clefs de pénétrations contrôlées nous permettent de guider ces préparations et de rester dans l’émail, afin d’optimiser le collage (5). Nous optons pour une finition ad vestibulum ou « buttmargin » dans le but de rallonger les dents. Un retour palatin aurait aussi pu être réalisé. (6)
    Lors des préparations, afin d’avoir une limite sous-gingivale sans traumatiser les tissus mous lors du fraisage, il est nécessaire d’utiliser les cordonnets rétracteurs (7). Nous avons réalisé les préparations dans un premier temps en juxtagingival.
    Ensuite, en fonction de la profondeur sulculaire, un premier cordonnet (ici 00, Ultrapak) est placé dans le sulcus pour une rétraction verticale de la moitié de ce dernier.
    Nos limites se situent donc premièrement en supra-gingival.
    Ensuite, nous reprenons la préparations afin de les déplacer en juxta-gingival : cela nous permet donc d’être en sous gingival sans traumatiser les tissus mous.
    A ce stade, un autre cordonnet (ici, 000) est placé afin de réaliser une rétraction horizontale pour la réalisation de l’empreinte. Celui-ci ne sera retiré qu’avant d’injecter le silicone light.
    Au préalable, des coques provisoires en résine ont été demandées au laboratoire. Afin de définir exactement lalongueur des dents, leurs morphologies et leurs lignes de transitions, nous avons rajouté du composite de restauration en fines couches sur ces coques (8). Suite à cela, une empreinte est réalisée et envoyée au laboratoire afin que la nouvelle anatomie coronaire puisse être reproduite par les restaurations céramiques.
le-sulcus

Fig. 12 et 13 : préparations des 6 dents antérieures, présence des deux cordonnets dans le sulcus (00 et 000). Visibilité des formes hémisphériques de centrage pour éviter le phénomène d’aquaplanning lors du collage. Vue macro de la préparation sur 22 montrant la limite dent/composite qui sera recouverte par la céramique.

 

empreinte-double-melange

Fig. 14 : empreinte double mélange objectivant les formes de centrage.

coques-provisoires

Fig. 15 : modification des coques provisoires, rebasage a la résine acrylique (Unifast), modification au composite des restaurations et polissage.

  • Etape 5 : réalisation du collage des 6 facettes céramiques, sous champ opératoire. On note l’importance des ligatures qui permettent d’éverser la digue afin d’obtenir une étanchéité parfaite, mais aussi d’avoir un accès aux limites cervicales. Ceci se fait au dépend de la moitié du sulcus : une anesthésie est au préalable nécessaire.

Les deux canines sont collées en premier, puis les deux centrales et pour finir les deux latérales. Il est nécessaire dans ces étapes de contrôler l’ajustage inter proximal à l’aide d’un papier marqueur 40 microns, avant collage.

Ici, nous utilisons un système M&R 3 (Optibond FL et Nexus 3,Kerr) qui est un système de colle sans potentiel adhésif. Les excès avant polymérisation sont enlevés à l’aide d’un pinceau nylon imprégné d’un modeleur à composite (Heliobond, Ivoclar).

Focus clinic

Fig. 12 et 13 : préparations des 6 dents antérieures, présence des deux cordonnets dans le sulcus (00 et 000). Visibilité des formes hémisphériques de centrage pour éviter le phénomène d’aquaplanning lors du collage. Vue macro de la préparation sur 22 montrant la limite dent/composite qui sera recouverte par la céramique.
Fig. 14 : empreinte double mélange objectivant les formes de centrage.
Fig. 16 : mise en place du champ opératoire avec stabilisation par clamps au niveau de
14 et 24 et ligatures de 13 à 23.
Fig. 15 : modification des coques provisoires, rebasage a la résine acrylique (Unifast), modification au composite des restaurations et polissage.
Fig. 18

Restaurations adhesives céramiques

Fig. 16 : mise en place du champ opératoire avec stabilisation par clamps au niveau de 14 et 24 et ligatures de 13 à 23.

validation-de-l-ajustage-des-facettes 

Fig. 17 : étape de validation de l’ajustage des facettes, utilisation de bandes métalliques pour la préparation : mordancage et application de primer puis adhésif (Optibond FL, Kerr)

 

Fig. 18 : résultat final a 15 jours après la pose. Noter les effets de translucidité des bords libres, des mamelons ainsi que l’intégration parodontale.

 

arcade-en-OIM 

Fig. 19 : arcade en OIM : Il aurait été intéressant de jouer sur les tissus mous en proposant des élongations coronaires au niveau de 11 et 21 afin d’harmoniser la ligne des collets. Cependant, le patient ne souhaitait pas de chirurgie et la typologie carrée de ces dents correspondait à sa morphologie faciale.

 

Fig. 20 : vue occlusale de l’intégralité des restaurations maxillaires

 

Conclusion

La Three step technique décrite par Valiati est très utile dans les cas de réhabilitation globale d’usure. Les impératifs financiers, tissulaires et biologiques impliquent de pouvoir l’adapter à chaque situation clinique. Dans ce cas clinique, les « tours de mains » décris permettent de faciliter ce type de traitement et d’obtenir des résultats prédictibles. En effet, les techniques de collage sont aujourd’hui des plus performantes, mais il est nécessaire de les réaliser dans des conditions optimales pour en tirer tout le bénéfice.

Bibliographie

1. D’incau, Rouzé L’Alzit, Génique,Usures dentaires : origines et formes des lésions, Réalités Cliniques, Juin 2018.
2. Magne P, Belser U.C, Novel Porcelain laminate preparation approach driven by a diagnosis mock up, J Esthet Restor Dent, 2004.
3. Valiati F, Belser U.C, Full-mouth adhesive rehabilitation in case of severe dental erosion, a minimally invasive approach following the 3-step technique, Eur J Esthet Dent, 2013.
4. Valiati F, Belser U.C Palatal and facial veneers to treat severe dental : a case report following the three-step technique and the sandwich aprroach, Eur J Esthet Dent, 2011.
5. Magne P, Crack propensity of porcelain laminate veneers : a simulated operatory evaluation, J Prosthe Dent, 1999.
6. Lassere J.F, Laborde G, Koubi S, Restaurations céramiques antérieures : préparations partielles et adhésions, Réalité clinique, 2010.
7. Lazar D, Subgingival preparation limit – Step by step, styleitaliano.org, 2017
8. Magne P, Use of additive waxup and direct intraoral mock-up for enamel preservation with porcelain laminate veneers, Eur J esthet Dent, 2006.

Remerciements :

  • Dr Sarah LEZAUN (Spécialiste Qualifié en Orthopédie Dento- Facial) pour le travail orthodontique
  • Sonia BETIN, du laboratoire Bertin (Bordeaux) pour la qualité des pièces céramiques.

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A propos de l'auteur

Dr. Jean-François LASSERRE

MCU/PH
Université de Bordeaux
Pratique libérale
Professeur Associé à l'Université Médicale de Cluj-Napoca
Professeur Associé à l'Université d'Ho Chi Minh Ville
Professeur Honoris Causa à l'Université Médicale de Hanoi

Dr. Yannis GÉNIQUE

Interne en Médecine Bucco-Dentaire MBD
3ème année
Faculté de Bordeaux Membre du groupe Symbiose

Dr. Emmanuel D'INCAU

Docteur en Chirurgie Dentaire
Docteur en Anthropologie Biologique
Maître de Conférences des Universités - Université de Bordeaux
UFR des Sciences Odontologiques de Bordeaux - sous section Prothèses
CHU de Bordeaux

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