La résorption de la corticale vestibulaire après une extraction est un problème majeur dans les secteurs visibles, notamment au maxillaire. De nombreuses techniques de préservation d’alvéole à l’aide de biomatériaux, avec ou sans fermeture conjonctive, ont été décrites dans la littérature.
Avec la présentation d’un cas clinique, nous voudrions revenir sur une technique innovante proposée par le Dr Markus Hürtzeler [5] ayant pour objectif de conserver le volume osseux crestal vestibulaire après extraction.
Même si le recul clinique est encore insuffisant, c’est une voie de réflexion destinée à faire réfléchir les praticiens sur d’éventuelles perspectives futures.
Quel en est le protocole ? Quelles en sont les indications ?
Depuis plusieurs années des protocoles permettant d’obtenir de meilleurs résultats esthétiques pour les implants antérieurs ont été proposés.
La plupart des recherches se sont concentrées sur la préservation tissulaire (osseuse et muqueuse) au moment de l’extraction, de l’implantation et de la mise en esthétique des implants, le but étant de conserver l’architecture et le design des tissus.
Comme l’ont prouvé les travaux d’Araujo et Boticelli [1,2], le seul fait de placer un implant dans une alvéole ne prévient pas la résorption osseuse post-extractionelle.
Même avec le placement immédiat d’un implant, il y a des modifications osseuses et tissulaires qui vont intervenir dans le temps.
Le consensus est qu’une alvéole intacte doit être comblée avec un substitut osseux à résorption lente afin de maîtriser ou de limiter la résorption osseuse [6].
C’est principalement la dimension vestibulolinguale de la crête qui diminue inexorablement les mois qui suivent l’implantation [4].
De plus, chaque alvéole ne va pas réagir de la même manière : les modifications ne seront ni de la même ampleur, ni à la même vitesse selon que le biotype est épais ou fin (Cho, Froum, 2007). En effet, les biotypes fins auront une récession plus grande, que ce soit verticalement ou horizontalement, de l’ordre de 1 mm, contre 0,7 mm pour le biotype épais [4]. L’épaisseur des tissus joue donc un rôle crucial dans leur stabilité.
Enfin, l’épaisseur de la corticale vestibulaire en zone maxillaire antérieure est très fine : comme l’a récemment démontré une étude [6], 97,6 % des incisives et canines maxillaires ont une épaisseur de corticale inférieure à 2 mm.
La cicatrisation des alvéoles d’extraction et les processus de résorption qui se produisent après ont fait l’objet de nombreuses recherches approfondies. Les études cliniques les plus récentes (Araujo, Lindhe, Zuhr, Achermann) ont montré que :
- après une extraction, l’os fasciculé (Bundle-Bone) se résorbe et avec lui, une partie de la corticale vestibulaire (Araujo-Lindhe) ; l’os fasciculé étant intimement lié aux fibres de Sharpey, c’est l’arrachement de celles-ci qui entraîne sa résorption
- l’implantation immédiate ne peut pas prévenir la résorption de l’os fasciculé (Araujo-Lindhe)
- la mise en place d’un substitut osseux ne peut que compenser la perte de la table vestibulaire et préserver le contour de la crête alvéolaire (Zuhr, Hurzeler, Rasperinu)
C’est donc de ce constat qu’une réflexion a été entreprise : aussi surprenant que cela puisse paraître, quand les conditions le permettent, pourquoi extraire la dent dans sa totalité ?
Quel est le protocole ?
L’idée de l’auteur est de préserver la paroi radiculaire vestibulaire de la racine à extraire et de poser l’implant à son contact, en position palatine ou linguale, après avoir recouvert la racine résiduelle de dérivés de la matrice amélaire.
L’étude histologique à 4 mois chez un beagle dog a permis de valider cette approche puisqu’un néo-cément a pu être observé à l’interface racine-implant, en l’absence de toute réaction inflammatoire.
Quelles sont les indications ?
Les indications et les contre-indications de cette nouvelle approche sont encore à définir. Bien entendu, un examen radiologique par cône beam ou scanner est impératif avant de poser l’indication.
Les 3 indications principales sont :
- les dents ankylosées, comme certaines incisives ayant subi un choc quelques années plus tôt, ou ayant été réimplantées suite à une expulsion
- les dents incluses, comme le plus souvent les canines maxillaires
- les racines résiduelles asymptomatiques enclavées et recouvertes par de l’os
- les dents fêlées ou fracturées, verticalement par exemple, mais sans mobilisation du fragment vestibulaire
Toutes ces dents sont souvent difficiles à extraire et demandent pour cela un délabrement très important, notamment de la corticale vestibulaire, avec souvent la nécessité de reconstruire le site.
En revanche, un délabrement trop important de la dent, une suspicion d’infection, de kyste ou une lésion fibreuse apicale sont des contre-indications à cette technique.
Le net avantage est aussi psychologique car cela rend l’intervention plus simple, tout en soulageant le patient au plus vite. Même en cas d’échec, il est toujours possible de revenir à une technique plus conventionnelle.
Bibliographie
1. Araujo M, Sukekava F, Wennström J, Lindhe J. Ridge alterations following implant placement in fresh extraction sockets: an experimental study in the dog. Journal of Clinical Periodontology. 2005; 32: 645-652.
2. Botticelli D, Berglundh T, Lindhe J. Hard-tissue alterations following immediate placement in extraction sites. Journal of Clinical Periodontology. 2004; 31: 820-828.
3. Davarpanah M, Szmuckler-Moncler S. Unconventional implant treatment. I. Implant placement in contact with ankylosed root fragments. A series of 5 case reports. Clinical Oral Implants Research 2009, 20, 851-856.
4. Evans CD, Chen S. Esthetic outcomes of immediate implant placements. Clinical Oral Implants Research. 2008; 19: 73-80.
5. Markus B. Hürzeler, Otto Zuhr, Peter Schupbach, Stephan F. Rebele, Notis Emmanouilidis, Stefan Fickl, The socket-shield technique: a proof-of-principle report. J Clin Periodontol 2010; 37: 855–862
6. Huynh-Ba G, Pjetursson BE, Sanz M et al. Analysis of the socket bone wall dimensions in the upper maxilla in relation to immediate implant placement. Clin Oral Implants Res. 2010; 21(1): 37-42.