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Dyschromie des incisives – Éclaircissement et composites stratifiés au service de la préservation tissulaire

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Introduction

L’esthétique du sourire et la réalisation de restaurations directes ou indirectes collées sur dents vitales ne se conçoivent plus sans la notion de préservation tissulaire.

Les restaurations antérieures associées à des dyschromies importantes, en particulier sur dents dévitalisées, ne passent pas obligatoirement par la mise en œuvre de restaurations indirectes de type facettes ou couronnes périphériques. Le choix doit d’abord se porter sur les protocoles les plus simples (traitements chimiques et composites directs) avant d’envisager des techniques plus sophistiquées (facettes et couronnes), en cas de nécessité absolue. La maîtrise de ces techniques et une sélection précise des indications permettent souvent d’éviter des traitements plus invasifs et donc tout risque d’atteinte de la biomécanique de la dent (1).

Dans cet esprit, G. Tirlet et J-P. Attal (2) ont proposé en 2009 un concept pratique appelé « le gradient thérapeutique » dans le but de guider la réflexion du praticien face à une demande esthétique.

Parfois, une seule thérapeutique peut être entreprise mais il est fréquent de devoir en associer plusieurs pour améliorer les résultats. Dans ce cas, il peut être utile de commencer par la moins invasive, puis d’en évaluer les résultats avec le patient. En cas d’insatisfaction, il est toujours possible d’envisager une technique plus invasive.

Dans le respect de cette philosophie, la combinaison des matériaux adhésifs et des techniques d’éclaircissement permet souvent de restaurer l’esthétique antérieure à moindre coût tissulaire.

Cette dentisterie minimalement invasive

  • diminue le risque de sensibilité post opératoire (2)
  • préserve au maximum la vitalité pulpaire
  • respecte les points de contact et les crêtes marginales si importantes pour la résistance mécanique
  • permettent un collage amélaire très performant
  • augmente la confiance du patient et l’image de marque du praticien

masses-de-caractérisation

Cas clinique 1

Melle L., 27 ans, se présente à la consultation pour un motif d’ordre esthétique, à 3 mois de son mariage. La 21 est dévitalisée et dyschromiée et 11 21 22 présentent des composites mono-teinte infiltrés, disgracieux et mal intégrés au niveau des joints d’émail périphérique.

Le recours à une technique indirecte de type couronne céramo-céramique sur la 21 s’avérerait particulièrement complexe et très céramiste dépendante pour l’obtention d’un résultat satisfaisant. Cette couronne se ferait en outre au prix d’un coût tissulaire non négligeable au regard des restaurations en présence qui sont de volume moyen.

Il est donc proposé à la patiente de démarrer le traitement par un éclaircissement interne de la 21. Ce traitement est réalisé à l’aide de perborate de sodium mélangé à de l’eau distillée pendant 2 à 3 semaines suivi, 3 semaines après la fin de l’éclaircissement, par la réalisation de nouvelles restaurations en composite montées par stratification. Ces restaurations collées ont l’avantage de n’entraîner aucun coût tissulaire autre que celui dicté par la reprise de biseaux d’émail plus larges pour optimiser le collage et l’intégration esthétique.

Les composites de stratification améliorent nettement les résultats de nos restaurations directes et se différencient des coffrets de composites conventionnels par la présence de 3 types de seringues :

  • les seringues de masses émail vont permettre de jouer sur la luminosité qui est le facteur principal dans la reproduction de la couleur
  • les seringues de masses dentine amènent la teinte recherchée et surtout l’opacité de la restauration en masquant le fond noir de la bouche et empêchent ainsi l’obtention d’un résultat parfois grisâtre des restaurations
  • les seringues de masses de caractérisation offrent la possibilité de recréer des zones de caractérisation spécifiques (translucidité, opalescence, fluorose blanchâtre, taches ambrées etc.)

Ces différentes masses de composite permettent de recréer les cinq paramètres fondamentaux de la couleur des dents (Vanini L., 2001) (6) : la chromaticité (teinte et saturation), la luminosité, les taches blanches intensives, la zone opalescente et les caractérisations.

La chromaticité : elle regroupe la teinte et la saturation qui apparaissent indissociables l’une de l’autre. Cette chromaticité correspond à la teinte A du teintier Vita dans 90 à 100 % des cas dans le monde occidental.

La luminosité : elle est essentiellement caractérisée par l’émail et varie selon son état de surface et son degré d’usure. La luminosité de l’émail doit donc être choisie en fonction de la situation clinique et de l’âge du patient.

Les taches blanches intensives : on les trouve sous forme de taches, de bandes, de nuages ou flocons de neige. Elles sont d’un blanc plus ou moins intense et doivent particulièrement être reproduites chez les patients jeunes dont l’émail est très lumineux.

L’opalescence : la zone opalescente est essentiellement située au niveau du tiers incisif. Elle se présente sous forme de mamelons, de lignes verticales, d’une bande horizontale ou de halo bleu ou ambré.

Les caractérisations : elles sont la touche finale dans la reproduction du naturel et se présentent sous des formes variées telles que taches, fêlures, bandes… Ces composites stratifiés présentent en outre de superbes aptitudes au polissage.

Fig. 1 et 2 : vues préopératoires. La 21 est dévitalisée et la dyschromie de cette dent et des résines composites dérange la patiente qui doit se marier dans 3 mois.

Fig. 2 : on note en outre la quasi-absence de biseau d’émail permettant une intégration des composites sur 11 et 21 et un recouvrement par contre insuffisant du biseau de 22.

Fig. 3 : un éclaircissement au perborate de sodium mélangé avec de l’eau distillée a été réalisé dans la 21 pendant 15 jours. Il n’est pas nécessaire de renouveler le produit durant ce laps de temps (4). Il ne faut pas hésiter à laisser l’éclaircissement aller au-delà de la couleur recherchée car une légère récidive est inhérente à ce type de traitement.

Fig. 4 : 3 semaines après la fin de l’éclaircissement, la couleur étant stabilisée, les anciennes obturations composites sont déposées a minima.

l-intégration-esthétique

Fig. 5 : l’exérèse carieuse est réalisée en veillant à respecter la conservation maximale de l’émail périphérique. Le champ opératoire est mis en place à ce stade.

Fig. 6 : un congé quart de rond est réalisé puis poli avec un insert diamanté de sono-abrasion (sonic flex®, Komet) ou avec une pointe siliconée. Ce polissage aura pour effet d’améliorer l’intégration esthétique du joint collé.

Fig. 7 : après un mordançage à l’acide orthophosphorique, une résine adhésive (Excite®, Ivoclar Vivadent) est frottée sur l’émail et la dentine. Les adhésifs avec mordançage et rinçage sont à privilégier aux adhésifs automordançants lors de la réalisation de composites antérieurs.

En effet, les automordançants contiennent un acide plus faible et ne permettent donc pas une attaque de l’émail aussi efficace que l’acide orthophosphorique.

Leur utilisation ne serait donc pas recommandée pour les composites antérieurs où l’on veut assurer un vieillissement optimal du joint collé au niveau du biseau d’émail. L’adhésif est légèrement étalé à la soufflette pour l’affiner et éviter que n’apparaisse une couche translucide entre l’émail et la résine composite. Une première stratification est effectuée sur la 22.

corps-de-la-restauration

Fig. 8 : sur 21, la stratification débute par un montage du mur d’émail A2 (Empress Direct®, Ivoclar Vivadent) en palatin et en mésial en couche d’environ 1 mm.

Fig. 9 : le corps de la restauration est ensuite reconstitué avec la masse dentine A2 en ménageant toutefois l’espace nécessaire le long du mur d’émail mésial pour un liséré opalescent en harmonie avec le bord incisal.

Fig. 10 : une bordure de composite opalescent est placée le long du mur d’émail mésial.

Fig. 11 : une fine couche de masse émail A2 finit de recouvrir la restauration en vestibulaire (1 mm maximum). Les masses d’émail n’ont en réalité pas de teinte A2 mais uniquement une luminosité adaptée, améliorant ainsi le mimétisme final. Une épaisseur trop importante de cette couche de masse émail aurait pour effet de masquer la stratification interne et les caractérisations et donnerait un rendu plus gris à notre reconstitution.

Fig. 12 : à l’aide d’une lame de bistouri courbe, la face mésiale est retouchée et les débordements sont supprimés afin d’aménager l’espace nécessaire à une reconstitution symétrique et harmonieuse de la 11. Le protocole de collage doit donc être mis en oeuvre dent par dent.

Fig. 13 : la 11 est stratifiée selon le même protocole.

restauration-en-vestibulaire

Fig. 14 et 15 : une fraise diamantée bague rouge est passée légèrement et sans spray. Cette étape permet de contrôler visuellement les limites de la restauration et d’affiner ou d’éliminer la résine en surépaisseur sur les biseaux amélaires. L’état de surface du composite doit reproduire au mieux celui de l’émail naturel.

Fig. 16 : un polissage soigneux par l’intermédiaire de pointes en silicone de granulométrie décroissante suivi d’un brillantage à l’aide de pâtes diamantées terminent les restaurations. Ce polissage ne doit toutefois pas effacer l’état de surface reproduit.

fraise-diamantée

Fig. 17 à 19 : vues finales à 1 semaine postopératoire sur dents séchées.

Cas clinique 2

Mme H. est adressée par son praticien pour réaliser 3 facettes en céramique sur 12, 11 et 21 qui ont jaunies après leur dévitalisation. La patiente est particulièrement gênée par la dyschromie plus marquée des bords incisifs des incisives centrales et souhaiterait fermer le diastème interincisif qu’elle juge disgracieux.

L’analyse clinique montre une perte tissulaire moyenne sur 12, 11 et 21 avec des composites mésiopalatins sur 11 et 21 et uniquement palatin sur 12. Le défaut esthétique ressenti par la patiente est essentiellement lié à la chromaticité de ces 3 dents.

Un éclaircissement interne des dents 12, 11, et 21 couplé à un éclaircissement ambulatoire global, avant la réalisation de composites antérieurs par stratification, nous semble suffisant pour répondre à la demande de la patiente.

Ce choix thérapeutique à moindre coût tissulaire n’empêche pas un éventuel recours à des techniques indirectes en céramique en cas d’insatisfaction finale.

Des facettes pelliculaires en céramique vitreuses translucides collées nécessitent d’ailleurs la conservation maximale de l’émail vestibulaire, gage d’une résistance mécanique et d’un collage optimal et ne réussiraient pas à résoudre à elle seules, de ce fait, la dyschromie sous-jacente.

éclaircissement-ambulatoire

Fig. 20 et 21 : vues préopératoires. La patiente est gênée par la dyschromie de 12, 11 et 21, en particulier au niveau des bords libres des centrales et souhaiterait fermer son diastème interincisif. Elle trouve aussi l’ensemble de ses dents globalement trop « jaunes ».

Fig. 22 : un accès aux obturations radiculaires étanches est réalisé en palatin et la gutta est abaissée à 1 mm sous le niveau du collet clinique vestibulaire. Un bouchon d’oxyphosphate est tassé sur une hauteur de 1 mm contre la gutta pour isoler le canal radiculaire. On note à ce stade la taille excessive des cavités aux dépens de la dentine coronaire, ceci étant certainement lié à un abord cavitaire trop vestibulaire. La réalisation de facettes vestibulaires semble donc peu indiquée au vu de la perte tissulaire interne.

pâte-de-perborate

Fig. 23 : une poudre de perborate de sodium (commandée en pharmacie) est mélangée avec de l’eau distillée (l’eau oxygénée augmente le risque de résorption radiculaire) en écrasant les grains sur une plaque de verre jusqu’à obtention d’une consistance crémeuse. Cette pâte est tassée dans la cavité en ménageant une rigole d’émail périphérique sèche pour permettre une fermeture étanche de la zone au CVIMAR. Quelques fibres de coton sont appliquées contre le perborate humide pour encore améliorer la mise en place d’un bouchon palatin étanche.

Fig. 24 : la pâte de perborate de sodium mélangée à l’eau distillée est laissé en place 2 à 3 semaines sans être renouvelée. On note un éclaircissement du corps des 3 dents et une harmonie retrouvée dans la couleur des dents mais il persiste une saturation plus jaune des bords incisifs de 11 et 21, essentiellement en regard des anciens composites.

Fig. 25 : un éclaircissement ambulatoire global est ensuite entrepris à l’aide de gouttières remplies de péroxyde de carbamide à 10 % portées toutes les nuits pendant 15 jours.

Fig. 26 et 27 : 3 semaines après l’éclaircissement ambulatoire, la couleur étant stabilisée, les composites sont déposés et recréés par stratification en veillant à fermer le diastème.

Conclusion

La biomimétique obtenue avec les composites stratifiés permet d’être beaucoup plus conservateur avec les tissus dentaires, tout en respectant les attentes esthétiques du patient. Ces techniques peuvent souvent être combinées aux techniques préservatrices que sont les éclaircissements internes ou externes ainsi que la micro-abrasion ou l’infiltration résineuse (7). Le résultat en est optimisé et permet d’éviter ou de reporter de plusieurs années l’échéance d’une couronne périphérique associée à une reconstitution corono-radiculaire.

Comme le disait Peters et Mc Lean (5), la dentisterie a minima n’est pas une technique, c’est une philosophie.

Bibliographie

1. Magne P. Belser U. Restaurations adhésives en céramique sur dents antérieures : approche biomimétique. Quintessence International.
2. Tirlet G., Attal, JP. Le gradient thérapeutique : un concept médical pour les traitements esthétiques. L’Information Dentaire Spécial Esthétique 2009 ; 91 : 2561-2568.
3. Étienne O., Toledano C., Paladino F., Serfaty R., Restaurations tout-céramique sur dents vitales ; Éditions CdP Paris, 2011 – 128 p.
Bonnet E. Techniques d’éclaircissement sur dents dépulpées. – Le Fil Dentaire – N° 23: 30-33 – Mai 2007.
4. Peters MC., McLean ME. Minimally invasive operative care. I. Minimal intervention and concepts for minimally invasive cavity preparations. J Adhes Dent. 2001 Spring;3(1): 7-16.
5. Vanini L., Mangani FM. Determination and communication of colorusing the five color dimensions of teeth; PPAD 2001; 13(1): 19-26.
6. Toledano C. Dyschromies des incisives : l’infiltration résineuse au service de la préservation tissulaire. Le Fil Dentaire – N° 63 : 40-42 – Mai 2011.

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A propos de l'auteur

Dr. Charles TOLEDANO

Ancien AHU, Strasbourg
Chargé d'enseignement universitaire
Coordinateur du DU d'esthétique du sourire de Strasbourg

Dr. Olivier ETIENNE

MCU-PH, Strasbourg

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