Les chirurgiens-dentistes sont occasionnellement confrontés à l’arrivée dans leurs cabinets de patients issus de litiges avec d’autres praticiens. Lorsqu’il s’agit du domaine de l’orthodontie, des spécificités en rapport avec cette discipline sont à prendre en considération au moment de la décision de prise en charge ou pas du patient en question. En effet, des considérations éthiques, déontologiques et cliniques sont à analyser dans le cadre de cette décision de prise en charge.
Deux cas de figure peuvent se présenter :
1- le patient demande un transfert d’un cabinet vers un autre et la procédure judiciaire n’est pas entamée.
2- le patient est déjà dans le cadre d’une procédure judiciaire et dans l’attente d’une expertise judiciaire.
Nous allons développer les précautions à prendre dans chacune des deux hypothèses.
1. Le cas d’un patient issu d’un litige avec son orthodontiste en l’absence de procédure judiciaire.
Dans ce cas, il n’y a pas de cas de conscience pour l’orthodontiste qui reçoit le patient. Il s’agit d’un cas de transfert dans lequel le patient doit suivre une démarche habituelle de demande de récupération de son dossier orthodontique contre signature d’une décharge après avoir soldé la totalité du montant des honoraires dus à l’ancien praticien.
Idéalement, et dans le cadre des principes de déontologie, le nouvel orthodontiste devrait entrer en contact avec l’ancien afin de l’informer de la réception du nouveau patient accompagné de son dossier.
Il est évident qu’en présence d’un litige, la récupération du dossier orthodontique peut se dérouler dans des conditions difficiles d’autant plus qu’au conflit d’ordre clinique ou relationnel peut s’ajouter un conflit d’ordre financier.
Dans tous les cas, l’orthodontiste qui reçoit le patient issu du litige n’a pas à interférer dans une décision antérieure à sa prise en charge du patient.
La responsabilité de celui-ci débute avec la reprise de traitement et, dans le cadre du contrat de soins conclu avec le patient, cette responsabilité s’applique à la situation de début de reprise de traitement et ne peut être étendue à un état antérieur.
C’est la raison pour laquelle, il est recommandé au praticien qui prend la suite du traitement de se munir de toutes les précautions d’usage à savoir :
- réalisation d’un dossier radiographique récent malgré la présence (ou leur absence) d’un dossier radiographique remontant au début des soins réalisés par le précédent praticien
- réalisation de photographies exo et endobuccales permettant d’objectiver la situation au moment de la reprise des soins orthodontiques
- établissement d’un dossier orthodontique complet comportant :
– un volet clinique avec diagnostic, plan de traitement, pronostic et index de difficulté
– un volet administratif avec un devis (établi en double exemplaire dont un remis au patient et l’autre signé par celui-ci), un formulaire de consentement éclairé dument signé par le patient et une fiche de traçabilité.
2. Le cas d’un patient issu d’un litige avec son orthodontiste en présence d’une procédure judiciaire avec expertise judiciaire
Dans ces circonstances, de nombreuses questions peuvent se poser à l’orthodontiste qui reçoit ce patient.
Doit-il attendre la fin du procès pour entamer les travaux ou les commencer sans attendre la fin de celui-ci ?
Doit-il attendre l’avis de l’expert judiciaire qui aura été nommé par le président du tribunal ?
S’il décide de reprendre le traitement, doit-il prendre des précautions légales, administratives et cliniques ?
Nous allons tenter de répondre à toutes ces questions.
La reprise du traitement orthodontique
Celle-ci ne doit pas attendre la fin de la procédure judiciaire.
En effet, la présence d’un appareil orthodontique lequel est souvent un appareil fixe collé sur les dents ne permet pas à une longue attente pour des raisons physiologiques et biomécaniques de déplacement dentaire provoqué. De même, les raisons évidentes d’hygiène et d’entretien de la bouche nécessitent une reprise de traitement dans des délais relativement courts.
Malgré l’amélioration des délais d’instruction des dossiers dans les tribunaux, il demeure des règles de procédure qui nécessitent le respect de délais incompressibles dans le cadre de la saisine du tribunal, de l’audience suivie de l’établissement d’une ordonnance de nomination d’un expert judiciaire.
Les travaux de cet expert judiciaire ne pourront être entamés avant un certain délai (versement d’une consignation au tribunal, consignation représentant une provision sur ses honoraires). Ce délai sera complété par la durée nécessaire pour la convocation des parties à la réunion d’expertise, l’élaboration d’un document de synthèse (lequel appellera des dires) puis par l’établissement d’un rapport d’expertise définitif qui permettra aux magistrats de prendre des décisions pour prononcer un jugement.
L’expertise judiciaire
Il est possible voire même souhaitable d’éviter toute reprise de traitement avant la fin de l’expertise judiciaire décidée par le tribunal. En effet, l’expertise judiciaire comporte un volet clinique qui doit se baser sur l’état du demandeur (le patient qui attaque son orthodontiste sur le plan judiciaire) au moment de l’interruption du contrat de soins.
Par conséquent, le nouveau praticien orthodontiste devra temporiser toute reprise définitive de traitement en attendant le passage obligé par la réunion d’expertise.
La décision de reprise ou la poursuite du traitement orthodontique
Lors de la reprise du traitement orthodontique, il existe certaines précautions nécessaires que le nouveau praticien doit impérativement prendre.
- l’enregistrement de la situation clinique dans laquelle se trouve le patient en litige : il est nécessaire d’établir un dossier radiographique complet (radiographie panoramique des maxillaires, téléradiographie du crâne de profil et dans certains cas d’un bilan long-cône) permettant d’objectiver l’état que le praticien aura trouvé au moment de la reprise des soins orthodontiques. Cette situation est d’autant plus nécessaire que, comme nous l’avons signalé précédemment, la responsabilité du praticien commence à partir de ce stade de reprise de traitement.
Ainsi, toute perte osseuse, toute inclinaison néfaste des axes dentaires dans les trois sens de l’espace (vertical, antéropostérieur et transversal) ainsi que tout mouvement parasite constaté sur les radiographies ne relèvent aucunement de la responsabilité du nouveau praticien puisqu’il s’agit d’un état antérieur.
Parallèlement à l’établissement d’un dossier radiographique, la réalisation de photographies exo et endo buccales demeure une excellente preuve de la situation clinique dans laquelle se trouve le patient au moment du changement de praticien.
- la dépose de l’ancien appareil orthodontique. Celle-ci est souvent recommandée car elle permet au nouveau praticien de reprendre les soins avec des appareils qui lui sont habituels.
En effet, les techniques orthodontiques fixes utilisent différentes sortes de bagues et de boîtiers qui diffèrent en fonction des fournisseurs, des techniques et des dimensions des gorges. Par conséquent, le nouvel orthodontiste pourra exercer son art dans des conditions optimales en utilisant la technique qu’il contrôle et dont il a l’habitude dans son exercice quotidien.
- sur le plan administratif, il est nécessaire d’établir un devis d’honoraires comportant la durée complète résiduelle de traitement, devis accompagné d’un plan de traitement accepté et signé par le patient. Le document de consentement éclairé doit être signé par ce dernier après avoir été intégralement lu comme pour tout début de traitement orthodontique.
En ayant respecté toutes ces précautions, l’orthodontiste qui prend en charge un patient issu d’un litige s’assure du respect de tous les points tant sur le plan éthique que sur le plan légal lui permettant, de même qu’à son patient, une reprise ou une poursuite du traitement orthodontique dans des conditions de clarté et de tranquillité optimales.
Un commentaire
bonjours très bon site .