Être praticien ou assistante en 2011, nous oblige à réfléchir sur la nature de notre collaboration. L’objectif est de bien travailler ensemble (non pas côte à côte) tout en évitant une routine destructrice. Le but recherché est évidemment une efficacité au quotidien. Cependant, il faut également y voir la recherche d’un épanouissement professionnel et personnel. J’ai même la conviction que la meilleure démarche de développement personnel consiste à s’épanouir dans sa vie professionnelle.
Il est communément d’usage de parler de la relation entre le praticien et le patient (le soignant et le soigné). J’aimerais aujourd’hui davantage insister sur la relation triangulaire entre le praticien, le patient et l’assistante. En effet, cette dernière, qu’elle soit secrétaire, assistante ou encore aide dentaire, a de plus en plus une place prépondérante dans la vie quotidienne et le fonctionnement du cabinet. Aussi, je ne peux que me réjouir des évolutions récentes avec la reconnaissance de la profession d’assistante dentaire comme faisant partie à part entière des professions de Santé.
L’ère de l’assistante « ouvre-porte et porte-canule » est bien révolue. Cependant, cela reste encore malheureusement une réalité dans certains cabinets.
L’assistante joue le rôle de confidente et devient une interlocutrice privilégiée pour le patient. Sa présence est sécurisante. D’ailleurs, la réaction de certains patients en témoigne lorsque l’assistante n’est pas là. Le patient s’en inquiète, il pose des questions. En même temps, d’un autre côté, elle joue un rôle tampon pour préserver le praticien de certaines sollicitations inutiles des patients. Elle est alors l’alliée et la partenaire du praticien.
Grâce à sa présence et aux tâches qu’il lui confie, le praticien peut se concentrer sur l’essentiel : la réalisation des traitements en bouche et le temps passé avec le patient. Le praticien et l’assistante forme un couple où le praticien renonce à une partie de son pouvoir au sein du cabinet en acceptant une tierce personne sur son territoire. Une alliance thérapeutique est ainsi formée pour prodiguer les meilleurs traitements et services au patient. Cela contribue à projeter une image de marque professionnelle et à accroître la satisfaction du patient.
Cependant, après cette description idyllique, alors que tout semble si simple en théorie, la réalité n’est pas aussi évidente.
Le constat que j’ai pu faire au fil de mes années de rencontres avec les membres des équipes dentaires est fait autant d’expériences positives que négatives.
Il est intéressant de connaître les différents types de situations qui, classiquement, seraient susceptibles d’aboutir à des désillusions :
Tout d’abord, je rencontre un(e) praticien (ne) travaillant généralement seul(e) et désireux(se) de réaliser les meilleurs traitements possibles. Afin de se consacrer en priorité aux tâches cliniques, il décide donc d’embaucher une assistante en vue de gérer l’accueil des patients, de répondre au téléphone, de prendre les rendez-vous, de réaliser les encaissements, l’explication du détail des devis, des ententes financières, de suivre la comptabilité et les stocks, d’effectuer la stérilisation, le rangement, l’asepsie, etc.
Pour ce faire, il recrute :
- Soit une assistante stagiaire en contrat de professionnalisation. Afin de la former, il l’inscrit à une école pour être qualifiée. Au bout de 18 mois, elle obtient son diplôme. Malheureusement, il n’est pas rare qu’il soit déçu car malgré tous ses efforts, elle ne réalise pas les tâches demandées comme lui, le souhaite !
- Soit une assistante dentaire qualifiée. Partant du principe qu’elle est déjà formée, le praticien ne prend pas le temps de lui expliquer en détail le mode de fonctionnement spécifique du cabinet. Là encore, la désillusion est partagée. Malgré un curriculum vitae fourni et un entretien alléchant, elle n’est pas opérationnelle ou elle s’entête à vouloir imposer la façon dont elle travaillait dans le cabinet précédent !
Le dialogue qui s’instaure entre eux alors pourrait être le suivant :
« Ce n’est pas comme ça que je vous demande de travailler pourtant c’est évident ! »
Ce à quoi l’assistante pourrait répondre : « Appelez moi Shiva, je cours partout toute la journée. S’il le faut, je reste en plus le soir, je ne dis jamais non, je me plie en quatre pour être aimable avec les patients. Malgré cela, vous ne semblez jamais satisfait(e). Je ne peux quand même pas être à la fois en stérilisation et au fauteuil !!! »
Au risque de paraître caricatural, nul doute que cet exemple parlera à certains d’entre vous, praticiens ou assistantes. Nous sommes en présence de deux personnes de bonne volonté, prêtes à se donner les moyens pour bien travailler ensemble. Alors pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas ?
A mes yeux, les raisons principales pourraient être les suivantes :
- Parce que le praticien cumule les fonctions : Il a appris à soigner, il n’a pas été formé à gérer, manager et communiquer. Par ailleurs, il ne sait pas vraiment déléguer. De même qu’il effectue une approche globale de la bouche du patient, il doit apprendre à avoir une vision globale de son cabinet, en particulier de la cohésion d’équipe. Pour ce faire, une délégation appropriée est la clé d’une efficacité accrue. Sinon, le recrutement peut laisser un goût amer.
- Parce que le praticien a énormément de choses en tête mais donne les informations à son assistante à l’oral, au coup par coup, souvent en présence des patients. Aucun manuel du cabinet n’existe. Il n’y a pas non plus de plan d’intégration d’une nouvelle arrivante.
- Parce que derrière l’intitulé d’assistante dentaire, plusieurs métiers sont confondus. Pour certains c’est le métier d’aide dentaire, pour d’autres d’assistante dentaire polyvalente, d’autres encore de secrétaire de direction ou bien d’assistante technique au fauteuil.
- Parce que l’assistante dentaire pense que son travail est de s’occuper du patient d’abord. Dans ce cas, à ses yeux, le travail au fauteuil vient en second. Au fil du temps, elle oublie que son travail est d’assister le chirurgien-dentiste, de l’aider à clarifier ses attentes, à mettre en place une organisation. Je constate également le cas inverse où l’assistante se considère comme en priorité une aide technique au fauteuil et est agacée par les demandes d’information des patients.
- Parce que l’assistante dentaire est persuadée d’être efficace, puisqu’elle est expérimentée, diplômée et qu’elle convenait à son ancien employeur. En réalité, elle devrait accepter le fait que chaque cabinet est différent et s’adapter à CHAQUE praticien.
- Parce que notre métier est un secteur en perpétuelle évolution où l’innovation est constante. Je constate que, dans les aspects organisationnels, la formation initiale des chirurgiens-dentistes et des assistantes dentaires n’est pas en phase avec la réalité du terrain. Leur formation ne les prépare pas suffisamment au fonctionnement quotidien d’un cabinet.
- Parce que, enfin, chacun des acteurs a naturellement tendance à vouloir se justifier au lieu de faire preuve d’écoute et d’empathie. Il faut bien reconnaître toutefois que le stress actuel dans les cabinets explique souvent ce type de comportement.
Comment donc arriver à surmonter ces difficultés et instaurer une collaboration efficace ?
Pour cela, j’aimerais tout d’abord, rappeler la définition d’efficacité : « la capacité d’une personne d’un groupe ou d’un système de parvenir à ses fins, à ses objectifs ou à ceux qu’on lui a fixés … La compréhension précise d’une tâche (ce qu’on veut, peut, ou doit faire) est un premier facteur d’efficacité. » Wikipédia
Si l’on décompose cette définition, on trouverait :
- Avoir un but (c’est au praticien de le fixer), une mission, un objectif, une tâche.
- Se comprendre, se mettre d’accord avant d’agir. Est ce que l’on parle de la même chose ?
- Définir l’action, la mise en œuvre.
- Réaliser une évaluation (savoir si l’on a atteint son but). Ce qui sous-entend aussi, accepter d’être évalué.
- Accepter, enfin, que c’est le praticien qui doit diriger.
C’est bien la responsabilité de chacun qui est ici engagée.
Le praticien doit avoir une vision globale de son métier. L’assistante elle, doit aussi réfléchir à son projet professionnel, en fonction de ses contraintes personnelles et de son désir d’acquérir de nouvelles compétences. Elle doit se positionner de façon responsable, ce qui n’est pas facile. La recherche d’un poste doit être ciblée, l’entretien d’embauche doit servir non pas à se vendre à tout prix mais à montrer ce que l’on peut apporter au cabinet et à l’équipe en place.
Etre efficaces ensemble au cabinet, c’est :
- Définir un projet professionnel (donner du sens)
- Ecrire et décrire l’organisation du cabinet – Manuel du cabinet
- Clarifier et hiérarchiser les priorités de l’assistante (fauteuil ou accueil, par exemple) – Description de poste écrite
- Vouloir apprendre
- Avoir de l’empathie (prendre du recul)
- Pouvoir s’auto-évaluer (se remettre en question et se former)
L’assistante dentaire (avec toutes les réalités que cette fonction revêt) doit être là pour aider le praticien à passer du stade de technicien de la dentisterie à celui de médecin de la bouche et véritable professionnel de Santé.
Dans cet esprit, il est possible de vraiment arriver à travailler en harmonie. Lorsque c’est le cas, je n’hésite pas à parler de « paradis professionnel ».
Remerciements à Michel CAMBON pour ses illustrations.