Nous allons aborder ce moisci un premier article sur la radiographie dentaire en trois dimensions. La progression des performances de l’informatique étant fulgurante, on peut aujourd’hui envisager des acquisitions d’images de plusieurs millions d’informations avec des micro-ordinateurs classiques, chose impossible quelques petites années en arrière.
L’imagerie en 3D nécessite en effet énormement plus d’informations et de calculs que l’image en 2D (autrement dit une photo).
En simplifiant à l’extrême, la photo 2D de gauche aurait 9 pixels (si un carré représentait un pixel) et l’autre image en volume (sous entendu d’avoir un logiciel de 3D, pour la faire tourner) aurait 54 “pixels” (27 voxels).
Un Pixel est par définition un point carré ! Plus petit élément d’une image informatique, il n’a que deux côtés que l’on appelle communément X et Y.
Pour une image en 3D, notre pixel se retrouve avec une dimension supplémentaire, “la profondeur”; il ne ressemble plus à un carré plat, mais à un cube, on ne peut donc plus l’appeler “Pixel”. Il a donc été baptisé “Voxel” et se matérialise par trois coordonnées : X, Y et Z. Un Voxel n’est pas nécessairement un cube, il peut aussi se présenter sous forme de parallélépipède.
Ce voxel est également utilisé dans les jeux vidéo, qui comme chacun sait, sont très gourmands en calculs et en affichage vidéo.
Tout d’abord, il faut préciser que l’on n’obtient pas une image 3D, mais une reconstitution 3D.
Car dès que l’image est affichée sur l’écran de l’ordinateur, elle n’est qu’en 2D ; la 3D est toujours virtuelle, et on ne l’exploite qu’en se déplaçant avec la souris dans les axes X, Y et Z et en constatant les changements continus de plans qu’engendrent ces déplacements de souris. La seule image que l’on pourrait réellement qualifier de 3D est l’hologramme.
Comment obtenir des acquisitions de radiographie 3D en dentaire ?
Tout d’abord, avec un Scanner (“CT Scan”). Le coût d’acquisition d’un tel appareil n’est pas envisageable au sein d’un cabinet dentaire, même de haut niveau.
Une autre possibilité est l’acquisition d’un tomographe volumétrique à faisceau conique, appelé encore “CBCT” (Cone Beam Computerized Tomography).
Bien que ne coûtant “que” quelques 200 K€, ces appareils peuvent prétendre équiper efficacement des cabinets spécialisés d’implantologie, d’endodontie exclusive, de chirurgie maxillo-faciale, d’orthodontie… tout en étant rentables.
Nous verrons dans un prochain article, les offres potentielles et examinerons ensemble les caractéristiques des principaux challengers. Pour cette fois, restons dans les généralités.
Quelle est la différence de fonctionnement de ces appareils (CBCT) par rapport à un scanner (CT-Scan) ?
Le scanner effectue des coupes linéaires à chaque révolution. Suivant sa précision (résolution) et le champ que l’on souhaitera radiographier, il faudra effectuer un certain nombre de coupes pour un examen.
Le tomographe volumétrique à faisceau conique, que nous appelerons “CBCT” pour faire plus rapide, travaille non plus sur un faisceau RX mince, mais avec un faisceau conique, ce qui lui permettra en une seule révolution de balayer l’ensemble(*) de la zone à radiographier.
Avec ce type d’appareils la dose effective administrée au patient est environ 10 à 30 fois inférieure à celle dispensée par un CTScan, pour le même examen.
Enfin, le coût d’un examen est un peu plus abordable pour le patient qu’avec un scanner. Il faut compter en moyenne de 80 à 200 €, contre 200 à 380 € pour un scan implantaire (non codifié S.S.).
Il ne faut surtout pas faire d’amalgame trop rapide et réducteur entre ce type d’appareil et un panoramique dentaire, les deux étant tout à fait complémentaires. Nous verrons plus tard les avantages et contraintes d’un examen dentaire 3D.
Avec notre CBCT, nous allons radiographier un patient. Tout d’abord, le positionnement, bien que très important, n’est pas aussi pointu et critique pour la qualité du résultat que sur un panoramique.
La raison est extrêmement facile à comprendre : avec le panoramique, nous travaillons sur une épaisseur de coupe tomographique de quelques millimètres au niveau antérieur et de quelques centimètres au niveau postérieur.
Avec notre CBCT, nous travaillons dans l’espace, et n’avons pas les mêmes contraintes de profondeur de coupe limitée, ni de chevauchement des structures (ex: de la voûte palatine avec les apex du bloc incisivo-canin…).
Une fois notre patient positionné, nous préparons l’informatique à une acquisition. La première chose à faire étant de déterminer une zone d’examen (le champ).
Ensuite, la résolution des images virtuelles. Il faut bien avoir à l’esprit, pour travailler en 3D, et même pour le praticien “correspondant” qui demandera ce type d’examen, que le poids d’un examen est très lourd, en fichier informatique (de quelques dizaines de Mo à plusieurs centaines). Nous ne stockons pas des images, mais des piles d’images qui, reconstituées par calculs, donneront alors des images 3D.
Si vous souhaitez par exemple une résolution de 0,125 mm et l’équivalent du champ 2D d’un panoramique, comptez 500 ou 600 Mo de données. Votre disque dur de 250 Go, sera alors vite saturé. Ce qui est nouveau dans l’esprit est donc le volume radiographié. Comme on le voit sur l’image ci-avant, il faut donc intégrer une zone d’examen dans ses prescriptions.
Ce qui va être également très inhabituel, c’est le résultat obtenu. Il n’est pas question ici de se contenter de récupérer une ou deux images radiologiques.
Soit il est possible d’éditer une planche constituée de plusieurs vues, comme vous en recevez lors d’examens avec scanner.
Soit vous recevrez (si vous n’êtes pas équipé du CBCT et de sa station de travail) un fichier informatique, sous forme de CD ou DVD. Bien entendu, il est techniquement possible d’envoyer le tout par email, mais bien souvent les envois sont limités à quelques Mo par email, reste alors la solution de serveur FTP. Les radiologues utilisent le DICOM, système de transcription et d’envoi d’imagerie médicale par le Net, mais ce protocole nécessite la détention de licence à un coût non négligeable, ou de travailler avec des versions limitées.
En restant pragmatique, vous pourrez recevoir ou envoyer le fichier d’examen sur CD ou DVD, en joignant avec, “un Viewer”, une “Visionneuse” qui permettra au correspondant, sans disposer du logiciel d’application spécifique (à souvent plusieurs dizaines de milliers d’Euros) de pouvoir déplacer des lignes de coupes dans les trois axes X, Y et Z.
Vous pouvez voir une mini vidéo du résultat obtenu, sur le site “www.foxy-ed.fr” rubrique “Articles rédactionnels” “page suivante”.
Voici un écran de visualisation classique d’un fichier images 3D, où vous pourrez de votre micro-ordinateur déplacer la ligne de coupe dans l’une des trois fenêtres des plans : Axial, Coronal et Sagittal.
Il est également possible de lancer une reconstitution en pseudo 3D, à partir des images radiologiques.
Mais dans la plupart des cas, cela ne sert à rien au niveau du diagnostic, sauf exception (ATM, Traumato ou Ortho, ORL,…).
Quelques informations sur les CBCT
- Ce type d’appareil peut réaliser suivant la taille des coupes que l’on aura programmé, de 100 à 600 coupes en une seule rotation !
- Cerise sur le gâteau, l’émission de rayons X n’est pas continue mais pulsée, ce qui veut dire que, par exemple, pour une rotation sur 360° de 20”, on aura un temps de rayonnement effectif de seulement 3,5”. C’est ce qui explique l’énorme facteur de différence avec le CT-Scan.
- La taille des coupes peut être déterminée par avance en fonction du type d’examen à pratiquer. On n’aura pas les mêmes exigences en implanto et en ortho. En fonction de la qualité des appareils et de la taille de leurs voxels, on obtiendra des résultats de 2 à 4 paires de lignes / mm.
- Les types de capteurs d’images ne sont pas les mêmes pour chaque appareil. Certains utilisent la technique de l’amplificateur de brillance (bien connue pour la “scopie” sur les tables d’examen des radiologues), d’autres des capteurs plats (avec différentes technologies là aussi).
- Chacune ayant ses avantages et inconvénients, bien entendu !
- L’ampli de brillance (inventé en 1950) est un tube à vide avec des besoins en haute tension, une cible légèrement bombée provoquant des distorsions, qu’il faut corriger informatiquement, ce qui rallongera les temps de calculs d’images. Enfin, il nécessite de régulières recalibrations et son volume est également très important.
- Son principal avantage est une très grande sensibilité lumineuse, ce qui permet de travailler avec de faibles doses de rayons X.
- On voit ici (de manière un peu exagérée, il faut le reconnaître) les distorsions que peut générer un ampli de brillance.
- Les capteurs plats, soit CCD, C-Mos ou en Silicone Amorphe. Ils utilisent “un peu” la technique du capteur de votre appareil photo, à ceci près qu’ils peuvent atteindre des tailles de plus de 20 cm ! Et que le coût d’un de ces joujoux vous permettrait d’acheter un bon paquet de Nikon D2Xs.
- Le tube à rayons X, et ce qui va autour, est aussi important que pour un panoramique dentaire classique. On regardera donc aussi ses caractéristiques, son foyer, son alimentation, etc.
- Les niveaux de gris : un CBCT, tout comme un scanner est capable d’enregistrer une multitude de niveaux de gris, beaucoup plus que l’oeil humain est capable d’en distinguer. Un CBCT qui fonctionne en 12 bits, par exemple, est capable de restituer 4 096 niveaux de gris par voxel !
A quoi cela sert-il, vu que nous n’en distinguons qu’une trentaine ?
Le but est de créer d’énormes distinctions entre les différents tissus, de manière à les isoler le mieux possible. Les systèmes d’imagerie de ces appareils offrant la possibilité de déplacer une “fenêtre” de visualisation de quelques dizaines de niveaux de gris, que l’on pourra monter ou descendre (un peu comme un ascenseur) entre la densité minimum et maximum.
On verra alors apparaître ou disparaître par exemple les tissus osseux, pour laisser place aux tissus mous.
Cette possibilité n’est pas seulement apportée par l’informatique et ses bits de cryptage, mais résulte aussi de la qualité de la chaîne de génération des rayons X et de la qualité et précision des capteurs qui recueillent les données de l’irradiation du patient.
Le nombre de bits de cryptage des niveaux de gris dans un système d’imagerie médicale (à ne pas confondre avec celui des pixels ou voxels) est donc primordial pour affiner les diagnostics. On trouve aujourd’hui des appareils offrant un cryptage sur 14 bits, soit 16 384 niveaux de gris ! On constate que les2 bits de cryptage supplémentaires multiplient par 4 les niveaux de gris !
Il va de soit qu’on ne peut également prétendre réaliser des interprétations d’images radiologiques correctes avec un moniteur informatique bon marché.
- L’informatique et le traitement d’images : c’est une grosse part des réflexions, avant l’achat d’une machine. Combien de temps prend une reconstitution d’image ? Le tracé d’une incidence tomographique ? D’un rendu en 3D-VR (ce que j’ai dénommé tout à l’heure la pseudo 3D) ? Le temps de sortir l’impression d’une planche d’images ?
- L’ergonomie du logiciel, et les possibilités d’interopérabilité avec des logiciels de tierce partie ? Comme ceux de Nobel Guide, Simplant, Dolphin, ou de la plupart des fabricants d’implants,… Logiciels permettant le positionnement précis d’implants et la réalisation externalisée de gouttières et de guides de perçage… Pour les orthos, les logiciels de tracés, etc.
- Les possibilités et facilités de mesures de tout objet radiographié. Il est en effet possible de mesurer n’importe quel objet, dans n’importe quelle direction (racine, os, kyste,…).
- Les possibilités d’exportation de fichiers 3D ou de séries d’images 2D, à des tiers par CD, DVD ou par le Net.
- La question de la maintenance, des mises à jour, et de l’assistance.
Soit pas mal de questions !
Nous y verrons un peu plus clair dans la suite de cet article, où nous tenterons d’explorer les caractéristiques des quatre ou cinq principaux matériels proposés en France.
Continuons à explorer les possibilités de ces CBCT, parfois aussi appelés “CBVT” (Cone Beam Volumetric Tomography).
La reconstitution 3D donne des possibilités immenses et encore extensibles, d’obtenir une multitude d’explorations et de résultats, tout en ayant libéré le patient, et en manipulant ensuite informatiquement les données acquises lors de l’examen initial.
Par exemple, il est possible de tracer des coupes axiales (cross sectionals) et d’obtenir quasi immédiatement les résultats sous forme d’images individuelles.
Ou bien des coupes coronales à n’importe quel niveau souhaité et dans la définition et l’épaisseur adéquates.
Enfin, des coupes sagittales, avec une simplicité enfantine, et des coupes en toutes incidences sur les ATM. Ici, nous pouvons comparer le résultat obtenu avec un CBCT à celui obtenu en réalisant une coupe tomographique avec un appareil réalisant des coupes spiralées (même genre avec des coupes dites “transacan” réalisées sur une panoramique adaptée).
De la reconstitution 3D-VR (Virtual Reality) si le besoin s’en fait sentir, et que l’on a un peu de temps à passer.
En ce qui concerne le traditionnel “panoramique dentaire”, l’affaire est un peu plus corsée !
Le cliché panoramique classique, souvent encore appelé “orthopantomogramme” par les praticiens un peu compliqués, date tout de même de 1954 !
Pour obtenir un panoramique “nouvelle méthode” issu de calculs 3D, il ne suffit pas de faire tourner la machine et de mettre le nez sur l’écran.
En effet, vous disposez d’un bloc de données dans l’espace, et pouvez en faire ce que vous en souhaitez. Premier avantage notoire, ici il n’y aura jamais de problème de projection de l’Atlas et de l’Axis perturbant la lecture du bloc incisif. Ensuite, il vous faudra déterminer la trajectoire de coupe (tout cela, je le reprécise, avec le patient libéré depuis longtemps) et l’épaisseur de la coupe !
Vous devenez donc dessinateur, et avec la souris, vous tracerez le cheminement de votre tomographie sur l’arcade dentaire de la vue axiale (le plan occlusal) et programmerez l’épaisseur de votre “tranche” d’image dans l’espace.
Rien ne vous empêchera de programmer différentes épaisseurs de coupes (comme c’est le cas ci-dessus) ou une trajectoire pour la mandibule et une autre pour le maxillaire.
Mais ces beaux clichés ne peuvent pas toujours être obtenus tels qu’ils se présenteraient avec la “bonne vieille pano”.
Pour comprendre, il faut regarder de plus près le petit schéma des deux cylindres que vous venez de passer. Vous constaterez que suivant l’appareil que vous avez acquis, le “volume” contenu dans le cylindre virtuel n’est pas toujours suffisant pour contenir toutes les structures dentaires, avec en plus les branches montantes de la mandibule, jusqu’aux ATM et cavités glénoïdes, ce que l’on appelle “un pano”.
La taille du cylindre virtuel d’examen est déterminée par la taille du capteur.
Petit capteur = Petit champ
Le temps passé et le coût final de l’examen n’auront pas de rapport non plus. Par contre, l’interprétation en sera très considérablement améliorée, dans la mesure où l’on aura exploré plusieurs plans (même si on ne les a pas sortis informatiquement ou en impression).
Il faut garder à l’esprit en permanence, que la 3D est capable de donner beaucoup plus d’informations qu’une radio classique, mais elle peut également faire passer à côté de pas mal de choses si on ne place pas ses coupes aux bons endroits et que l’on n’explore pas suffisamment en profondeur “les alentours”.