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Bridge collé cantilever en céramique de haute ténacité assemblé à l’aide d’une colle réactive

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Le remplacement d’une incisive centrale à l’adolescence est un traitement délicat à un âge où la thérapeutique implantaire n’est pas encore possible. L’objectif du traitement est, en attendant cette thérapeutique, de compenser l’édentement en veillant à la moindre mutilation dentaire.

Parmi les solutions traditionnelles, le bridge collé métallique, associé ou non à un temps orthodontique (Lehman et al, 2006), est une solution bien décrite dont le bilan est très positif (Brabant, 1993 ; Samama, 1996 ; Girot, 1994). Dans le cas clinique présenté, l’espace mésiodistal de l’édentement est plus important que le diamètre de la dent à remplacer. Par ailleurs, la maman de ce jeune patient souhaite un traitement « sans métal ». Il ne faut généralement pas céder à ce type de pression, sauf si une solution alternative, évaluée cliniquement, répond à cette demande.

Cet article décrit et argumente une solution originale par la réalisation d’un bridge collé cantilever (en extension) en céramique infiltrée de haute ténacité (Zirconia).

Cas clinique

fin-traitement-orthodontique

Clément, 14 ans, vient de finir un traitement orthodontique de 2 années pour le traitement de sa classe II d’Angle (orthodontiste: docteur Martine Philippart-Rochaix). Pendant ce traitement, une extrusion de la racine de 11 a été réalisée sur la demande du pédodontiste suite à un trauma pour tenter de sauver la racine de 11. Mais la dent s’est fissurée créant des épisodes infectieux à répétition (Fig. 1 et 2). Il a fallu se résoudre à extraire cette dent. Clément porte durant quelques semaines une petite prothèse adjointe. Le patient, et sa maman qui l’accompagne, souhaitent une solution esthétique et, si possible, sans métal. Clément découvre peu lors du sourire.

Choix thérapeutique

 

Choix-thérapeutique

Fig. 3, 4 et 5 : Vues vestibulaire, de profil et palatine de la situation clinique. Les dents sont indemnes de caries et de restaurations. L’espace mésio-distal est plus important que le diamètre de la dent à remplacer. Notons l’occlusion défavorable (peu d’espace prothétique) avec un recouvrement incisif de 4 mm (susceptible d’engendrer lors de la fonction des forces horizontales défavorables).

Après avoir écarté la solution implantaire compte tenu de l’âge de ce patient (14 ans), notre choix thérapeutique s’oriente vers deux possibilités (bien entendu, nous n’évoquons pas ici, pour des raisons évidentes, la réalisation d’un bridge périphérique 21-12) :

1. Bridge collé métallique ou zirconia avec appui sur 21 et 12

Cette solution ne peut pas être retenue compte tenu de l’importance du diamètre MD qui aboutirait, quelque soit le choix du matériau, à une visibilité de l’infrastructure, à moins de réaliser une dent trop large. Les anses palatines métalliques proposées pour éviter cette disgrâce esthétique sont déconseillées d’un point de vue parodondal.

2. Bridge collé métallique ou zirconia cantilever (en extension) avec appui sur 21

epaulement-a-angle-interne-arrondiAprès avoir vérifié auprès de l’orthodontiste la stabilité du traitement orthodontique, cette solution est envisageable car elle permet de laisser un diastème en distal de 11. Les bridges collés cantilever sont rarement décrits en France mais leur longévité est validée par la littérature scientifique. Une revue de la littérature récente (Van Dalen et al., 2004) montre que dans toutes les études sélectionnées (notons toutefois qu’aucune de ces études n’était contrôlée et randomisée) le pourcentage de succès est supérieur pour les bridges cantilever à une ailette par rapport aux bridges à deux ailettes. Dans une étude clinique rétrospective, Botelho et al. (2006) confirment le très bon comportement de ces bridges cantilever (95 % de taux de succès sur une période moyenne de 52 mois). De plus dans une étude sur 15 ans, certains auteurs vont plus loin en rapportant que le risque de décollement des bridges collés à deux ailettes est deux fois supérieur aux bridges cantilever (Djemal et al., 1999).

Évidemment, dans ces études, les bridges cantilever sont souvent sélectionnés dans des conditions cliniques favorables avec de faibles contraintes occlusales sur l’élément en extension. C’est ce qui expliquera que nous ferons en sorte d’éviter tout contact occlusal sur l’intermédiaire.

Bridge-collé-métallique

Fig. 7 à 11 : Vues de différentes étapes de laboratoire. Il a été choisi ici de réaliser cette restauration par CFAO indirecte. On visualise le maître modèle en plâtre qui va permettre le scannage par le Cerec In lab (Sirona). Nous obtenons après scannage une image virtuelle du modèle qui permet la CAO (Conception Assistée par Ordinateur). Une fois celle-ci réalisée, l’ordre est envoyé à la machine outil pour l’étape de FAO (Fabrication Assistée par Ordinateur). Fig. 10 : L’élément prothétique est usiné à partir d’un bloc en zirconia (InCeram-Vita). Fig. 11 : Le prothésiste réalise alors l’infiltration de l’infrastructure qui précède la cuisson de la cosmétique. Pour des raisons occlusales et de préservation tissulaire (limiter au maximum la préparation), l’ailette en zirconia a été recouverte d’une mince couche de glaçure

Nous choisissons donc, sur ce bridge cantilever de deux éléments (appui sur 21), à partir du projet esthétique, de laisser un diastème résiduel afin de respecter l’harmonie des diamètres mésio-distaux de 11 et 21.

Il reste à sélectionner le matériau : métal ou céramique ?

choix-du-matériau

Fig. 12 : Le choix de la colle et de son protocole correspond à celui que Kern décrit dans son article, à savoir l’application du Panavia F 2.0 (Kuraray) précédée d’un simple sablage (oxyde d’aluminium 50μm) sans l’application d’un silane. Cette étude clinique corrobore d’autres travaux in vitro qui confirment l’excellente qualité de l’adhésion procurée par les groupements MDP du Panavia sur les céramiques infiltrées et même sur la zircone (Kern et Thompson, 1995 ; Wegner et Kern, 2000). Notons de plus que le vieillissement hydrothermique des joints collés avec cette colle a été démontré dans ces articles comme étant le plus performant. Cela s’explique par le fait que le groupement MDP possède un potentiel d’adhésion intrinsèque aux oxydes métalliques comme l’aluminium et le zirconium (Blatz et al, 2003). Au total, dans une revue récente de la littérature Soares et al. (2005) indiquent que le protocole utilisé (sablage + Panavia) est le meilleur choix possible pour le collage du zirconia. Fig. 13 : Sourire du patient le jour du collage.Vue vestibulaire. Notons comme nous l’avions anticipé que le diastème distal a été conservé afin d’éviter des différences de largeur entre les deux centrales. Fig. 14 : À l’échelle du visage, notons la bonne intégration esthétique de la restauration en zirconia. Fig. 15 : L’intermédiaire en extension a été déchargé des contacts occlusaux en OIM et lors de la propulsion. Fig. 16 : Le contrôle à 3 mois montre une parfaite intégration de ce bridge en extension que ce soit au niveau biologique, mécanique et esthétique. Notons la qualité du profil d’émergence de l’intermédiaire en extension. Fig. 17 : Le cliché radiographique à 3 mois atteste la qualité d’ajustage du bridge.

Le patient et ses parents ont exprimé le souhait d’éviter la présence d’alliages métalliques. Nous n’aurions pas cédé à cette demande si nous n’avions pas trouvé une solution validée cliniquement. Notons que le choix d’un alliage métallique peut être à l’origine d’un effet de grisaillement de la dent support.

Une publication d’un cas clinique récent a montré qu’il était possible d’envisager un bridge cantilever en zircone (Komine et Tomic, 2005) mais aucune étude rigoureuse ne valide cette proposition. La zircone est un matériau que nous ne pouvons pas sélectionner.

En revanche, une étude clinique (Kern, 2005), menée sur 5 ans d’observation, a montré que le bridge collé cantilever alumina ou zirconia (céramique infiltrée de haute ténacité – InCeram) était une technique plus fiable que ces mêmes bridges avec 2 ailettes. Le taux de survie du groupe « bridge cantilever » était de 92,3 % et de 73,9 % dans le groupe « 2 ailettes ».

bridge-collé-cantilever

Fig. 18 : Le contrôle à 12 mois ne met en évidence aucun mouvement dentaire du pilier prothétique, et ce, malgré le diastème distal, ce qui confirme les résultats de Kern (2005) et de Botelho et al. (2002). Dans le cas de ce patient avec une bonne hygiène, nous pouvons constater à 12 mois la bonne qualité de la réponse parodontale à ce bridge cantilever corroborant ainsi les résultats de l’étude de Rashid et al. (1999).

Enfin, le zirconia est intéressant pour ses propriétés mécaniques (dent en extension), pour la qualité de la liaison céramo-céramique et pour ses qualités optiques.

L’ensemble de ces raisons nous conduit à choisir le matériau zirconia pour la réalisation de ce bridge cantilever. Rappelons que notre objectif de traitement est de trouver une solution qui permette le remplacement de cette incisive centrale entamant le moins possible le capital dentaire des dents adjacentes et nous permettant d’atteindre l’âge implantaire.

dents-adjacentes

Fig. 19 : Le contrôle à 28 mois montre la stabilité du résultat obtenu.

Bibliographie

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2. Botelho M.G., Chan A.W., Yiu E.Y., Tse E.T. Longevity of twounit cantilevered resin-bonded fixed partial dentures. Am J Dent 2002 ; 15 : 295-299.
3. Botelho M.G., Leung K.C., Ng H., Chan K. A retrospective clinical evaluation of two-unit cantilevered resin-bonded fixed partial dentures. J Am Dent Assoc 2006 ; 137 : 783-788.
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6. J Oral Rehab 1999 ; 26 : 302-320. Girot. Bridges et attelles collés : un bilan. Real Clin 1994 ; 5 : 491-516.
7. Kern M., Thompson V.P. Bonding to glass infliltrated alumina ceramic : adhesive method and their durability. J Prosthet Dent 1995 ; 73 : 240-249.
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11. Rashid S.A., Al-Wahadni D., Hussey L. The periodontal response to cantilevered resin-bonded bridgework. J Oral Rahab 1999 ; 26 : 912-917.
12. Samama Y. La prothèse adhésive : 10 ans de recul. Analyse, bilan et perspectives thérapeutiques. Deuxième partie : bilan et perspectives. Rev Int Parodontol.Dent. Rest 1996, 16 : 52-59.
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14. Van Dalen A., Feilzer A.J., Kleverlaan C.J. A literature review of two-unit cantilever FPDs. Int J Prosthodont 2004 ; 17 : 281-284.
15. Wegner S., Kern M. Long-term resin bond strength to zirconia ceramic. J Adhesive Dent 2000 ; 2 : 139-145.

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A propos de l'auteur

Dr. Jean-Pierre ATTAL

Praticien libéral
Maître de Conférences des Universités
Praticien hospitalier
Responsable du pôle clinique de l'URB2i
Président de la Société Francophone de Biomatériaux Dentaire (SFBD)

Dr. Lionel COUDRAY

Prothésiste dentaire
Groupe Smile

Dr. Gil TIRLET

Praticien Libéral
Maître de Conférences des Universités
Praticien hospitalier
Responsable de la Consultation de Bioémulation (Hôpital Charles Foix, Ivry-sur-Seine)

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