L’appareil photo numérique, appelé également photoscope, a connu ces cinq dernières années une avancée technologique très importante que l’on pourrait qualifier de révolution. Les tarifs ont diminué conjointement à l’augmentation de leurs performances, et l’on trouve désormais des photoscopes de très bonne qualité à prix abordable. La montée en puissance de ces appareils tant sur le plan de la qualité du capteur que sur le plan de la qualité de l’optique se rapprochant désormais de nos meilleurs appareils argentiques, ainsi que l’extraordinaire démocratisation d’Internet font de ce formidable outil comme nous allons le voir, un allié de tous les jours pour le chirurgien-dentiste. Nous allons étudier les applications d’un photoscope dans les différents domaines de notre profession: au cabinet dentaire, dans notre exercice quotidien, mais également dans la communication au prothésiste ou aux autres confrères.
Communication avec le patient
Le photoscope est un outil précieux qui en vertu de ces applications au cabinet dentaire peut devenir vite indispensable, et ce, dès la première consultation.
En effet, lors de la première consultation, des clichés des deux arcades dentaires représentent un complément indispensable à la radiographie panoramique. On pourrait même parler de triade d’outils indispensables à la communication avec le patient par l’utilisation de son cas: des photos numériques affichées sur l’écran de l’ordinateur, de la radio panoramique ainsi que des modèles d’étude du patient.
Les photos numériques vont permettre l’information du patient et la constitution du dossier médical. La visualisation par le patient des clichés de sa bouche va avoir un impact psychologique fort. Dans un premier temps, cela permet de lui faire comprendre dès le départ que tout va être réalisé dans le sens de la prise en charge totale de son cas. Cela permet de le mettre en confiance, ce qui, on le sait, est fondamental lors d’une première consultation.
Cela va également permettre de renforcer sa motivation en visualisant son état parodontal et dentaire en soulignant les problèmes esthétiques et fonctionnels. Cela constitue un support de qualité sur lequel va pouvoir s’appuyer le débat de son plan de traitement.
Le consentement éclairé du sujet en est renforcé. On prendra comme exemple les effets esthétiques néfastes que peut représenter un traitement parodontal de type « effet trou noir » dans les espaces interdentaires lorsque les poches sont profondes. Il est intéressant de pouvoir montrer visuellement au patient ce type de désagrément avant de commencer le traitement.
Un autre exemple est l’apparition possible de tâches blanches réversibles type fluorose sur l’émail des dents après une technique de blanchiment. Là encore, la photo va permettre d’informer le patient de manière claire et précise.
Certains traitements nouveaux, un peu complexes et qui sont assez méconnus de la majorité des patients peuvent gagner à être présenter sous forme de photographies numériques sur l’écran de l’ordinateur afin d’appuyer les explications du praticien. On part finalement du principe bien connu qu’une image vaut bien mieux qu’un long discours, surtout dans notre profession, excessivement visuel. Finalement, quoi de mieux que les clichés de ses propres cas comme support d’explication et d’information au patient ? La base photographique est personnalisée en fonction du mode d’exercice du praticien.
Il faut également préciser que cela fait tout de suite « effet » de pouvoir montrer ses propres cas au patient. L’information est ouverte, la cavité buccale n’est plus la zone d’ombre que les patients ne peuvent visualiser. La transparence est totale et les patients l’apprécient.
Exemple de traitement montré préalablement au patient : photos FIG 1.
Archivage des cas
Les clichés successifs lors de la continuité des soins des différentes étapes du plan de traitement constituent au final un véritable dossier de l’historique des soins. Cela permet à posteriori de répondre à certaines questions que l’on pourrait se poser à distance d’un traitement.
Pour prendre un exemple simple, des clichés préopératoires lors de la première consultation pourront nous aider à mémoriser la dimension verticale initiale du patient.
Dimension verticale esthétique évidemment, il n’est pas question ici de substituer les clichés aux mesures conventionnelles précises de la véritable DV. Mais il est extrêmement intéressant de pouvoir faire un comparatif esthétique à posteriori après une remontée de DV (véritable « lifting » du patient) par exemple. Non seulement d’un point de vue scientifique classique mais également d’un point de vue purement gratifiant. Montrer au patient, à la fin du traitement, les photos avant / après un traitement réussi, est une source de satisfaction qui est finalement toujours recherchée au fond de nous même. Quoi de plus frustrant qu’un patient ne prenant pas conscience de la qualité d’un travail tout simplement parce qu’au fil des séances, il a oublié son propre état initial
Cela est particulièrement important, voire quasi obligatoire dans le cas d’un blanchiment.
Ici, la photo initiale sera prise avec la dent du teintier Vita correspondant à la teinte initiale des dents. Dans ce cas, il est très important de noter les conditions initiales de luminosité et d’éclairage de la photo ainsi que de mémoriser la balance des blancs sur le photoscope. En effet, ces précautions sont nécessaires afin de ne pas dénaturer la teinte sur la photo entre l’état initial et l’état final.
Il faut également souligner que la prise de clichés lors de la première consultation constitue une preuve médico-légale de l’état initial et permet de répondre aux nouvelles exigences de traçabilité.
La prise de clichés lors de la première consultation constitue une preuve médico-légale de l’état initial et permet de répondre aux nouvelles exigences de traçabilité
Communication avec le prothésiste
Lors de la prise de teinte
La prise d’un cliché lors de la prise de teinte va permettre au prothésiste d’avoir une information précise sur la caractérisation de la dent.
Il n’est pas question ici de prendre directement la teinte avec un appareil photo numérique classique. Les conditions d’éclairage, l’étalonnage de la couleur forcément différent d’un appareil photo à un autre ou d’un moniteur à un autre ne permettent pas cette prouesse.
Par contre, la translucidité d’un bord amélaire, la position verticale du dégradé de la teinte de la dent, la présence de petites tâches blanchâtres type fluorose ou encore la présence de fissures amélaires seront tout un tas de détails que la photo numérique pourra transmettre au prothésiste. Cela se fait très simplement, par Internet ou par disquette. Si le prothésiste est informatisé, il n’y a aucunement besoin d’imprimer les clichés. Il est de toute façon plus pratique pour le prothésiste d’avoir le fichier informatique de la photo ce qui lui permettra de zoomer ou encore de retravailler la photo à posteriori.
Il est également important de noter que le fait de confier la photographie du cas au prothésiste au moment de la réalisation du travail a un impact psychologique non négligeable.
Le fait pour le technicien de réaliser la stratification de la céramique avec la photo sous les yeux ne peut que l’encourager à la qualité.
Il existe également un effet psychologique pour le patient. Le fait de prendre une photo pour la teinte le rassure et élimine de fait toute subjectivité liée au choix.
Lors de la prise d’empreinte en prothèse conjointe
Une idée originale pour améliorer la visibilité de la limite de la préparation par le prothésiste consiste à prendre un cliché de la dent préparée juste après la prise d’empreinte. Aussi parfaite soit elle, l’empreinte peut posséder quelques zones floues au niveau de la limite qui pourraient rendre délicate par endroit l’étape de détourage par le prothésiste. La photo est prise en vue indirecte grâce à un simple miroir numéro 5 en occlusal de la préparation. Cela permet finalement de donner de la couleur (littéralement) à l’empreinte. Comme pour toutes les photos numériques, cet acte est rapide, facile et ne coûte rien. FIG 2
Communication avec les confrères
Il est toujours très intéressant et fructifiant de pouvoir partager ses cas, ses questions et ses réponses avec ses amis dentistes. Ce besoin de communiquer du praticien souvent isolé est un fait bien connu dans notre profession. La photo numérique permet dans ce cas d’imager directement ses cas et permet une base solide sur laquelle peut se construire le débat. Ces photos peuvent transiter très facilement par Internet, soit via email en pièce jointe soit directement sur des sites internet, entre deux séances d’un traitement complexe par exemple. Il existe aujourd’hui une multitude de sites dentaires à base de forum permettant aux praticiens de s’échanger des informations et de se poser des questions précises (exemple: le site www.eugenol.com)
Il est tout à fait possible de s’imaginer la même chose avec la possibilité de montrer des photos des cas. Pourquoi pas dans le cas d’une question qui s’adresserait à un spécialiste correspondant ?
Il est très facile de pouvoir lui envoyer une photo par Internet.
Il faut souligner également dans ce cas de profiter du plaisir simple de montrer ses cas aux confrères. Esthétique, « prouesse » technique (recherche de canaux sup aux ultrasons par exemple), etc… Cette pratique tire tout simplement la profession vers le haut et empêche au praticien de tomber dans la routine.
Exemple de la recherche de canaux sur une 16 avec pulpolithe dans la chambre pulpaire. Au final, 5 canaux sont trouvés !
Conclusion
Cet article passant en revue quelques unes des applications d’un photoscope au cabinet dentaire est loin d’être exhaustif. L’utilisation d’un tel outil au cabinet trouve tous les jours de nouveaux intérêts. D’autre part, l’obligation de la télétransmission qui se met en place entraîne l’informatisation systématique des cabinets et la démocratisation de l’Internet haut débit à des coûts très faible va dans le sens de la création d’un nouvel univers multimédia dans le cabinet dentaire où le photoscope en sera le principal intéressé.