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Les technologies numériques au cœur des gouttières d’alignement en orthodontie

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Le numérique est aujourd’hui partout. Les technologies numériques réinventent notre société en investissant progressivement tous les domaines de notre vie quotidienne et tous les secteurs de l’économie. La pratique dentaire est bien sûr concernée. Et le secteur de l’orthodontie bénéficie lui aussi de ces nouvelles technologies à tous les niveaux : du recueil à l’analyse des données jusqu’aux réalisations techniques.

Historique

Tout a commencé il y a une vingtaine d’années lorsque de jeunes ingénieurs américains de Stanford (Kelsey WIRTH et Zia CHISHTI) ont travaillé à la mise au point d’un logiciel de virtualisation des arcades dentaires et d’individualisation des mouvements dentaires dans le but de créer une série de gouttières aligneuses : le set up numérique prenait naissance.

En 1997, ils créèrent la société Align Technology. En 1998, la FDA reconnut le système Invisalign* qui put alors être commercialisé aux USA à partir de 1999. Et c’est en 2000 que ce système arriva en France.

Il ne s’agit pas de principes orthodontiques nouveaux car Nahoum (1964) et Sheridan (1990) avaient déjà développé ce type de système mais d’une façon beaucoup plus artisanale car à leur époque, les technologies numériques n’avaient pas encore atteint le monde dentaire.

Le numérique dans le système des gouttières invisalign*

Les technologies numériques sont véritablement à l’origine du système Invisalign*: au démarrage du système, le numérique est présent à tous les niveaux : depuis la numérisation des empreintes dentaires qui arrivent au laboratoire à l’innovation du set up numérique (Clin Check*) jusqu’à la fabrication des gouttières grâce à la technologie de l’impression en 3D.

La virtualisation des arcades dentaires a permis le développement du Clin Check*, outil de prévisualisation des mouvements dentaires et gingivaux propres au système Invisalign*.

Depuis sa création, le système a connu de nombreuses évolutions dans le but d’augmenter ses performances : il est par exemple possible de calculer l’amplitude des mouvements envisagés et grâce à l’analyse critique du retour des résultats obtenus ou non obtenus, les mouvements limites ou impossibles à obtenir sont mieux détectés ; ceci afin d’anticiper la nécessité de taquets dentaires d’aide aux mouvements ou de prévoir les étapes qui pourraient être associées à des traitements orthodontiques combinés « plus classiques ».

Le numérique entre de plus en plus dans les cabinets car on arrive aujourd’hui à numériser de façon rapide et précise les arcades dentaires directement en bouche grâce aux scanners intraoraux (3Shape*, Itero*, Condor*…)

Le logiciel permet alors de visualiser très rapidement différents scénarios de traitement : par exemple avec et sans extraction dentaire, stripping…

Grâce au numérique, le praticien est de plus en plus maître de ce qu’il envisage puisqu’il peut lui-même travailler et visualiser les différents set up sans surcoût financier: il n’est plus dépendant du seul set up prévu par son technicien de laboratoire.

Les dernières évolutions techniques du système relèvent toujours des apports des progrès dans les technologies numériques : on peut aujourd’hui comparer virtuellement les mouvements prévus avec la situation orthodontique réelle ce qui permet une évaluation plus objective des progrès orthodontiques du patient : le monitoring se numérise.

Visualisation des mouvements

Figure 1’ : Visualisation des mouvements dans les 3 sens de l’espace, Clin Check Invisalign*.

Les avantages du numérique en orthodontie

  • L’hygiène : la numérisation permet de limiter les contaminations croisées,
  • Les traitements orthodontiques sont plus prédictibles,
  • Les set up sont facilement visualisables par le praticien,
  • Le prescripteur est davantage maitre des objectifs de son traitement. Donc contrairement aux idées reçues, le numérique ne déshumanise pas la pratique orthodontique : au contraire, le praticien prescripteur a, grâce au numérique, un outil de travail ultramoderne qui lui permet de personnaliser et d’augmenter la précision de ses plans de traitement ; la phase de laboratoire entre dans le cabinet et ainsi, la qualité du résultat souhaité se trouve augmentée et individualisée par le rapprochement du praticien avec le laboratoire,
  • Le Big Data : il consiste à collecter et à analyser la masse d’informations qui provient du retour des mouvements plus ou moins obtenus : l’exploitation numérique des données numérisées permet d’améliorer le système (détection des mouvements plus ou moins possibles, amélioration des taquets, augmentation du champ d’application du système…) : l’expérience des uns profite à tous,
  • La réalité augmentée : elle consiste à permettre le contrôle numérique des mouvements obtenus par rapport aux mouvements prévus. Une société, Dental Monitoring*, a même développé une application sur smartphone pour contrôler à distance les mouvements dentaires par la prise de simples photos,
  • Et bien sûr, l’archivage des données : zéro papier, zéro plâtre, zéro mètre carré…

Prédictibilité et analyse numérique des mouvements dentaires

Le Clin Check* est le logiciel développé dans le système par gouttières Invisalign*. Il permet à son utilisateur de visualiser le morphing des séries de gouttières, de visualiser différents set up, de superposer les mouvements (fig. 1) et d’ajuster lui-même la position finale des dents dans le plan de traitement (fig 1’). Il a la possibilité d’ajouter différents accessoires tels que les taquets et les découpes de gouttières. La technologie numérique est au cœur de toutes ces évolutions.

Superposition des positions

Figures 1a et 1b : Superposition des positions dentaires initiales (en « bleu ») et finales (en « blanc ») du cas clinique numéro 1.

Les limites du numérique en orthodontie

L’exploitation du Big Data permet d’améliorer la détection des mouvements difficiles voire impossibles à obtenir par le simple système des gouttières aligneuses. La meilleure détection de ces mouvements limites permet au praticien prescripteur de mieux anticiper les différents accessoires qui seront nécessaires à l’obtention des mouvements souhaités : choix des taquets, utilisation d’attaches orthodontiques collées combinées, élastiques intermaxillaires…

Mais la détection de ces mouvements orthodontiques plus ou moins prédictibles n’exclut pas l’application des principes biomécaniques qui régissent les déplacements des dents au niveau alvéolaire, squelettique et musculosquelettique. Les set up numériques ne sont que virtuels et n’intègrent pas les éléments environnementaux nécessaires à la détermination du plan de traitement global :

  • tel que l’ancrage dentaire (déterminé par le type facial et le rapport couronne clinique/racine clinique)
  • la position sagittale et frontale des maxillaires dans le visage,
  • la ligne du sourire,
  • l’occlusion labiale…

La préfabrication des appareillages orthodontiques peut aussi complexifier les possibilités de réactivité de l’orthodontiste lorsqu’il doit faire face à des situations imprévues.

On peut aussi souhaiter que les constructeurs améliorent l’encombrement des capteurs intra-oraux qui sont, aujourd’hui encore, trop volumineux.

Cas clinique numéro 1 :

Ce 1er cas clinique a pour objet d’illustrer tout l’intérêt du numérique dans la gestion de la particularité anatomique du cas.

radiographie-de-depart

Figure 2 : radiographie de départ, apexification de la 21. Figure 3 : rétromandibulie

Il s’agit de Melle L, 15 ans qui consulte pour le décalage de ses mâchoires: ce qui la gêne c’est l’espace important qu’il y a entre ses incisives supérieures et ses incisives inférieures.

malocclusion-de-classe-2

Figures 4a, 4b, 4c, 4d : malocclusion de classe II, malposition de 21 traumatisée

L’analyse clinique et radiographique confirme une malocclusion de classe II par rétromandibulie (fig. 3, fig. 4 et fig.7). La difficulté de ce cas vient d’un traumatisme important vers l’âge de 6 ans qui a entrainé la mortification de la 21 et qui a empêché l’évolution radiculaire complète de la dent. Un traitement endodontique a toutefois permis de « sauver » la dent et a permis son apexification (fig. 2).

radiographies-post-chirurgicales

Figures 5a, 5b, 5c, 5d : radiographies post-chirurgicales : ostéotomie d’avancée mandibulaire et génioplastie

Pour des raisons de prudence, il est décidé de ne pas déplacer cette dent 21 et de ne pas la solliciter afin d’éviter une résorption radiculaire qui conduirait à la perte de cette dent.

La patiente accepte la petite malposition de la dent (fig.4c) et préfère éventuellement envisager plus tard une facette de compensation de l’alignement coronaire.

malposition-de-21-traumatisee

Un traitement orthodontico-chirugical avec ostéotomie mandibulaire d’avancée associée à une génioplastie est décidé (chirurgie réalisée par le Dr Dominique DEFFRENNES (fig.5 et fig.8). La préparation orthodontique en amont est réalisée par des gouttières Invisalign* (9 mois) : elle a consisté à réaliser une légère expansion à l’arcade supérieure et à aligner les dents à l’exception de la 21 qui n’a pas du tout été ni déplacée, ni sollicitée (fig.1). Un léger programme de stripping a été réalisé. C’est grâce à la technologie numérique des gouttières aligneuses que le traitement orthodontique de ce cas a pu être réalisé de façon simple, précise et parfaitement contrôlée. Le système par multibague, même avec prévision numérique, n’aurait pas pu offrir autant de contrôle sur les mouvements dentaires souhaités et surtout non souhaités.

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Figures 6a, 6b, 6c, 6d, 6e, 6f, 6g, 6h : occlusion de fin de traitement, comparaison avec le Clin Check*.

La préparation orthodontique a été parfaitement respectée ce qui a réduit la phase orthodontique post-chirurgicale à 4 mois car aucune finition orthodontique n’a été nécessaire. La prédiction numérique obtenue avec le Clin Check* a bien fonctionné (fig.5d et fig. 6) et le traitement orthodontique a été très rapide.

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Figures 7a, 7b, 7c : photos de départ du visage.

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Figures 8a, 8b, 8c : visage enfin de traitement, après chirurgie d’avancée mandibulaire et génioplastie.

Cas clinique numéro 2 :

Ce 2ème cas clinique illustre l’amélioration des possibilités des déplacements dentaires ainsi que la qualité de la prédictibilité des déplacements dentaires par le système des gouttières issues des set up numériques.

Il s’agit de Melle A., 20 ans, qui souhaite réaligner ses dents suite à une récidive de traitement orthodontique adolescente.

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Figures 9a et 9b : malocclusion de classe II,2.

Melle A. présente une malocclusion de type Classe II,2 (fig.9 et 11). Il a été décidé de réaliser un traitement orthodontique associé à une chirurgie d’avancée mandibulaire complétée par une génioplastie (chirurgie réalisée par le Dr Dominique DEFFRENNES) (fig.10 et fig.12).

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Figures 10a et 10b : ostéotomie d’avancée mandibulaire et génioplastie et vue de l’occlusion post-chirurgicale.

La préparation orthodontique a consisté à aligner les arcades dentaires et à corriger la supraclusion incisive. Un programme de stripping a été réalisé. Cette préparation a été réalisée par le système des gouttières Invisalign* et a duré 18 mois. Les prévisions dentaires ont été justes (fig.10b et fig.12) et il n’a pas été nécessaire de compléter le traitement par de nouvelles gouttières post-chirurgicales. La stabilisation post-chirurgicale a duré 6 mois.

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Figures 11a, 11b : photos de départ du visage.

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Autres applications du numerique en orthodontie

D’autres grandes innovations sont nées en orthodontie grâce aux technologies numériques : il s’agit de la fabrication d’appareils orthodontiques multibagues linguaux et la fabrication d’arcs orthodontiques individualisés (systèmes Incognito*, WIN*, Harmony*, Suresmile*…).

Aujourd’hui, les laboratoires de prothèses orthodontiques font aussi évoluer leur pratique en s’équipant d’outils issus des nouvelles technologies numériques : des scanners de laboratoire, des logiciels de traitement des données numériques et de set up numériques.

Les imprimantes 3D sont également des outils indissociables à l’évolution numérique des laboratoires.

comparaison-avec-le-Clin-Check

Figures 12a, 12b, 12c, 12d, 12e, 12f: visage et occlusion en fin de traitement, après chirurgie d’avancée mandibulaire et génioplastie, comparaison avec le Clin Check*.

Cela leur permet de proposer la possibilité d’archiver les modèles de travail et de réaliser des appareils orthodontiques issus de modèles imprimés en 3D. Les laboratoires proposent aussi des systèmes de gouttières d’alignement (sous différents noms commerciaux) grâce aux logiciels de set up numériques auxquels ils peuvent aujourd’hui avoir accès avec l’ouverture des brevets.

Les technologies numériques n’ont pas fini de faire évoluer notre pratique orthodontique : elles tentent de proposer de suivre les progrès dans les traitements par la superposition de scanners (Invisalign Progress*) et aussi par le développement d’applications sur smartphone qui permettent un contrôle à distance des mouvements dentaires par la simple prise de photos (Dental Monitoring*).

Conclusion

Les applications des technologies numériques en orthodontie sont relativement récentes puisqu’elles ont commencé il y a à peine une vingtaine d’années avec un système de gouttières d’alignement développé par la société américaine Align Technology. Les progrès des techniques numériques étant constants, le numérique nous plonge inexorablement dans une période d’évolution voire de révolution de notre pratique orthodontique. Cela constitue bien sûr une avancée dans le domaine orthodontique car ce sont de nouveaux outils qui ont pour but de nous aider à augmenter la prédictibilité et donc la qualité de nos traitements.

Les applications numériques s’enrichissent chaque jour. Et pour se tourner davantage vers le futur, il est à noter que le développement des Big Data fait maintenant entrer l’Intelligence Artificielle dans le monde orthodontique.

La révolution numérique continue…Mais il faudra toujours se rappeler que le repositionnement des dents se fait au sein d’un système squelettique et musculaire complexe qui ne pourra se résumer à une simple problématique de numérisation.

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A propos de l'auteur

Hoa-Cuc TRAN-MINH

Spécialiste Qualifiée en Orthodontie, CECSMO, Paris 7
Ancien interne des hôpitaux de Paris,
Maîtrise en Sciences Médicales

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