C’est une question récurrente pour le praticien : quel biomatériau utiliser avec le PRF ? La littérature peut difficilement répondre en raison du nombre réduit de publications traitant de ce sujet. Mais plusieurs pistes peuvent guider le choix :
- la biocompatibilité. C’est un élément important pour évaluer l’acceptation du biomatériau par l’organisme receveur.
- la capacité du matériau à générer une angiogenèse rapide, facteur majeur de l’ostéo-intégration.
- l’étude au microscope électronique permet d’évaluer la nature et la qualité de l’état de surface du biomatériau.
- enfin, quel rôle va jouer le PRF lorsqu’il est mélangé à un biomatériau ?
Biocompatibilité
Tous les biomatériaux utilisés en chirurgie orale sont biocompatibles. Mais le degré de compatibilité n’est pas le même pour tous les biomatériaux.
La réaction du système immunitaire face à un biomatériau est comparable à celle mise en œuvre en cas d’infection : il y a une réaction immunitaire immédiate. Les principaux responsables de ce phénomène sont les lymphocytes T.
Pour comprendre ce phénomène, il faut savoir qu’à la surface de toutes nos cellules sont présentes des molécules, appelées antigènes du système HLA (Human Leucocyte Antigen). Ces dernières permettent aux lymphocytes T de différencier les agents étrangers (greffe, bactéries, virus.) de nos propres cellules.
Chaque individu dispose d’antigènes HLA qui lui sont propres. Avant une greffe d’organe, par exemple, c’est le typage HLA du receveur et du donneur qui va permettre de considérer le greffon comme compatible ou non.
Lorsque le biomatériau est identifié comme « étranger », les lymphocytes vont déclencher l’intervention de cellules tueuses : cellules géantes multinucléées, témoins d’une réaction immunitaire qui va ralentir l’intégration de ces biomatériaux, voire de les encapsuler.
L’os Humain
L’os autogène est considéré comme le « gold standard » car il est « identique » au receveur et il n’y a aucun phénomène immunitaire secondaire.
L’os allogénique, d’origine humaine, présente une typologie HLA quasi-identique, et sera donc immédiatement accepté par le système immunitaire. C’est pourquoi dans les histologies réalisées après une greffe d’os allogénique, il n’y a jamais de cellules géantes multinucléées.
Sans réaction immunitaire, la vascularisation pourra s’installer rapidement et l’ostéointégration ne va durer que 3-4 mois maximum. L’explication de la vitesse d’ostéointégration de l’os humain s’explique par l’acceptation rapide du biomatériau par l’organisme receveur.
Biomatériaux xénogéniques et alloplastiques
Quant aux autres biomatériaux, xénogéniques ou synthétiques, ils vont être obligatoirement confrontés à ces phénomènes immunitaires car ils seront considérés comme des intrus contre lesquels les défenses de l’organisme se mobilisent. La réaction de l’organisme peut aller jusqu’à l’encapsulation. C’est une réaction rencontrée avec les substituts synthétiques, considérés comme un véritable corps étranger.
Cette réaction immunitaire va aussi conduire à une vascularisation retardée. C’est pourquoi les xénogreffes ou les substituts synthétiques demandent au minimum 6 mois pour être intégrés.
Cependant, il existe une graduation dans la biocompatibilité : lorsque le biomatériau ne peut être fourni par un être humain, alors c’est le donneur porcin qui sera préféré, car c’est l’organisme le plus proche de l’homme de par sa typologie HLA. Par exemple, les valves cardiaques sont exclusivement d’origine porcine.
En résumé, plus le biomatériau est compatible et plus il s’intègre rapidement.
Facilitation de l’angiogenese
L’élément clé de l’angiogenèse est la présence de matrice extra-cellulaire. Dans cette matrice, l’élément le plus conséquent est le collagène. Avec la présence de matrice extracellulaire, les vaisseaux se développent très vite, car ils bénéficient d’un soutien immédiat
Les biomatériaux déprotéinisés (xénogreffes) ou synthétiques ne contenant pas de collagène, seul l’os humain, autogène ou allogène, est capable d’en fournir immédiatement et en grande quantité. D’où une angiogenèse puissante et rapide.
Durant le processus de fabrication, l’os humain issu de donneurs vivants est seulement débarrassé de ses corps gras.
Toute la matrice protéique majoritairement collagénique est conservée et donc disponible au moment de l’implantation.
Etude au microscope electronique
Il est intéressant d’analyser le produit final au microscope électronique afin d’évaluer les résultats du procédé de fabrication et l’état de surface final.
Quelle est l’incidence du nettoyage final au niveau de l’ostéointégration ? Il est encore trop tôt pour le dire… Des études sont en cours afin d’évaluer l’incidence de l’état de surface sur la vascularisation et l’intégration du greffon.
Quel role joue le prf ?
Le PRF a une action évidente sur l’angiogenèse: la fibrine, qui est une matrice extra-cellulaire provisoire va permettre une croissance vasculaire rapide. La présence de nombreux facteurs de croissance libérés durant plusieurs jours va accélérer ce phénomène… De nombreuses études ont démontré l’action positive du PRF sur l’angiogenèse.
Le A-PRF, contenant une quantité de cellules blanches largement supérieure au premier PRF, va être plus actif, car on sait que les cellules blanches pendant toute la phase inflammatoire vont sécréter beaucoup de cytokines angiogéniques.
Le PRF va donc stimuler l’intégration de tous les biomatériaux, sans exception. Mais avec une puissance plus élevée lorsqu’il sera ajouté à un substitut d’origine humaine (présence de collagène).
Un protocole intéressant est de mélanger l’os humain avec une xénogreffe. L’os autogène mélangé à une xénogreffe est la technique Saussage (I. Urban). Mélanger l’os allogénique à une xénogreffe est tout à fait judicieux car cela va permettre de mieux maintenir le volume du greffon pendant les premières semaines. Les granules xénogéniques gardent leur volume car elles ne subissent pas d’oxydation, comparativement aux protéines de l’os humain. Le choix de la xénogreffe se fera en fonction du degré de compatibilité lié à l’origine de la xénogreffe (Type d’animal donneur).
Récemment, le protocole « sticky bone » a été introduit. Il permet d’obtenir un greffon compact en mélangeant du PRF liquide au biomatériau. La réduction des mouvements des granules et leur enveloppement par de la fibrine enrichie en facteurs de croissance va ainsi concourir à une vascularisation encore plus rapide tout en facilitant la manipulation du greffon.
Conclusion
Le biomatériau le plus apte à être mélangé au PRF est sans conteste l’os humain, autogène ou allogénique. La synergie entre un biomatériau totalement accepté et la fibrine imprégnée de facteurs de croissance sera optimale. Ceci permet d’envisager des réouvertures précoces (3 mois) avec un os d’excellente qualité. Dans ces cas-là, l’utilisation d’une membrane de collagène devient superflue.