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Comparaison de deux solutions anesthésiques d’articaïne et de lidocaïne à 4 % au moyen d’une étude diploïque

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Objectifs de l’étude :

1 – comparer l’efficacité de solutions d’articaïne et de lidocaïne de même concentration, soit 4 %
2 – accessoirement, vérifier l’aptitude de l’anesthésie diploïque à comparer 2 solutions anesthésiques

Type d’étude : double aveugle, prospective, en bouche partagée, sur sujets sains volontaires.

Résultats :

1 – le taux de succès, pour l’articaïne, a été de 82,9 % ; pour la lidocaïne, il a été de 75,6 %
2 – le délai d’apparition était similaire, et très court pour les deux solutions
3 – la durée de l’anesthésie pulpaire obtenue était nettement plus longue (+90,6 %) pour la solution d’articaïne (11 min 47 s) que pour la lidocaïne (6 min 11 s) : ce résultat est statistiquement significatif (0,01<p>0,05)
4 – il y a une grande variabilité de réceptivité individuelle aux différentes molécules anesthésiques, puisque, dans 28,57 % des cas, c’est la lidocaïne qui présentait une durée d’action supérieure à l’articaïne (« effet sujet »)
5 – on n’a observé aucun effet indésirable pour les deux solutions

Mots-clés : articaïne 4 %, lidocaïne 4 %, anesthésie diploïque, anesthésie ostéocentrale.

Beaucoup d’études ont cherché à comparer l’articaïne et la lidocaïne avec différentes techniques anesthésiques : il s’agit le plus souvent de solutions d’articaïne à 4 % et de lidocaïne à 2 %, additionnées ou non de diverses concentrations de vasoactifs. Leurs conclusions ont été l’objet de vives discussions, mais laissent cependant entendre que l’articaïne 4 % serait plus performante que la lidocaïne 2 %, ce qui serait logique étant donné la différence de concentration. Qu’en serait-il à concentration identique, et sans vasoactif (Katyal, 2010) ?

C’est pourquoi nous avons réalisé une étude comparant une solution d’articaïne à 4 % et une solution de lidocaïne à 4 %, en utilisant l’anesthésie diploïque ostéocentrale comme technique d’injection.

Matériel et méthode

La technique d’injection

Anesthésie diploïque ostéocentrale [10] réalisée entre les prémolaires mandibulaires, permettant de placer la solution anesthésique au plus près des apex et de limiter au mieux l’impact des variations anatomiques sur les résultats (Fig. 1).

La-technique-d’injection

Les solutions anesthésiques

  • Articaïne à 4 % sans vasoactif provenant de cartouches Septanest 40 mg/ml (SEPTODONT®), le film identifiant ayant été retiré.
  • Lidocaïne à 4 %, de pH 4,9, conditionnée dans des cartouches stériles identiques à celles de la solution d’articaïne (pas de film protecteur identifiant ; piston et capsule de sertissage identiques).

La quantité injectée

Une demi-cartouche, soit 0,9 ml : cette quantité, en anesthésie diploïque, anesthésie deux dents au minimum ; elle permet aussi, à une concentration de 4 %, de ne pas dépasser la dose totale de lidocaïne contenue dans une cartouche du commerce, utilisée pour les anesthésies para apicales et les anesthésies au foramen mandibulaire.

La méthodologie

L’étude a été réalisée par un seul praticien assisté d’une collaboratrice chargée de remplir les fiches de protocole et de déclencher les chronomètres. Une cartouche de chaque solution a été fixée sur une feuille de papier comportant un numéro d’ordre (autant qu’il y avait de sujets) et une référence droite ou gauche.

Chaque produit a été réparti également pour chaque côté. Le sujet a désigné au hasard un lot de deux cartouches ainsi référencées, le numéro du lot étant noté sur sa fiche. Pour chaque sujet, la première injection a été réalisée du côté droit.

Chaque numéro et référence (lidocaïne ou articaïne) droite et gauche ayant été enregistrés sur une feuille placée dans une enveloppe scellée, les injections ont été réalisées en double aveugle, du côté droit puis immédiatement après, du côté gauche, pendant la même séance. L’enveloppe scellée a été ouverte après réalisation des injections et le produit et le côté d’injection ont été notés sur la fiche de compte rendu clinique.

Critères d’inclusion

L’étude a été réalisée sur des sujets volontaires sains, hommes et femmes, âgées d’au moins 18 ans, sans pathologie générale connue, ne prenant pas de médicament susceptible d’influer sur la perception douloureuse, et présentant un environnement parodontal sain.

Les dents concernées, prémolaires et canines mandibulaires devaient être vivantes. En cas de prémolaires extraites bilatéralement pour raisons orthodontiques, l’injection a été réalisée entre la prémolaire restante et la première molaire qui devait être vivante elle aussi.

Critères d’exclusion

Avant l’étude on a mesuré à l’aide d’un pulp-tester (Denjoy Dental Co DY 310) et noté le niveau de sensibilité initiale des dents concernées : les sujets présentant un niveau de sensibilité initiale supérieur à 60 ont été exclus.

Une radio préopératoire a été réalisée bilatéralement pour évaluer la largeur des espaces inter-dentaires : en cas d’espace trop faible pour réaliser facilement l’injection, le sujet a été exclu de l’étude (Fig. 2).

Matériel

L’injection a été réalisée à l’aide du système Quicksleeper ® (société DENTALHITEC – France) avec des aiguilles 30/100 de 16 mm de long, à double biseau (société DENTALHITEC – France).

Réalisation de l’anesthésie diploïque ostéocentrale (Gréaud et al, 2008)

Entre la première et la deuxième prémolaire droites, a été faite, sans anesthésie de contact préalable, une infiltration à la base de la papille inter-dentaire jusqu’à percevoir un léger blanchiment de celle-ci (dû à la vasoconstriction mécanique).

Ensuite la pénétration du septum osseux a été réalisée, en son sommet, par la mise en rotation de l’aiguille. La pénétration a été poussée au maximum, presque jusqu’au contact de l’embase de l’aiguille sur les couronnes des dents proximales, soit une pénétration intraosseuse d’environ 11 mm (Fig. 1).

L’injection a débuté en vitesse progressive jusqu’au premier quart de cartouche, puis en vitesse rapide pour le deuxième quart.

taux-de-succès-anesthésique

Collecte des données

Sitôt l’aiguille retirée, le chronomètre pour le côté droit a été déclenché. Sur la fiche de renseignements a été noté le moment exact de l’injection. Un test de sensibilité des trois dents, prémolaires et canine, a été immédiatement réalisé. Si des amalgames proximaux se trouvaient face à face, les dents ont été isolées l’une de l’autre par des matrices en celluloïde. Les niveaux de sensibilité et le temps écoulé depuis la fin d’injection ont été notés sur la fiche de renseignements au nom du sujet pour vérifier que l’anesthésie était totale et immédiate. Ce test a été répété toutes les cinq minutes jusqu’à ce que le niveau de sensibilité des dents concernées repasse au-dessous de 80, pour évaluer la durée d’anesthésie pulpaire produite.

Puis a été réalisée, de même, l’injection du côté gauche, suivie des tests correspondants. Le sujet a été interrogé sur les éventuels problèmes immédiats ressentis, puis contacté sous quatre jours pour signaler des suites postopératoires éventuelles, par exemple, desmodontite (localisation et durée).

Toutes ces informations ont été notées et le sujet, l’assistante et le praticien participant à l’étude ont signé la fiche de renseignements.

Les résultats initiaux à partir des données brutes

Exclusions par l’expérimentateur : l’étude comportait initialement 46 sujets dont 4 ont été exclus.

Restaient donc 42 sujets, 23 femmes et 19 hommes, de 19 à 78 ans.

Les résultats tirés des données brutes sont résumés dans le tableau ci-dessus (Tableau 1).

Deux faits important n’apparaissent pas dans ce tableau :

  • la lidocaïne et l’articaïne ont donné des résultats identiques 4 fois
  • la lidocaïne s’est montrée plus performante que l’articaïne dans 12 cas (Diagramme 1).

Il n’a été signalé aucun effet indésirable immédiat ou retardé.

Collecte-des-données

L’analyse statistique

Réalisée par le laboratoire spécialisé Qualilab.

Statistiques descriptives des données sources (Tableau 2)

L’étude portait sur 46 sujets dont 23 femmes et 23 hommes (répartition par sexe homogène), entre 19 et 78 ans (moyenne 42,5 ans). Ont été exclus par l’investigateur : un sujet pour un seuil de sensibilité initiale trop élevée ; un autre pour une fuite d’anesthésique unilatérale interdisant donc la comparaison ; deux pour un échec total bilatéral, sur lequel nous reviendrons dans la discussion.

Les échecs de l’anesthésie s’établissent comme suit : pour la lidocaïne, 13 sujets (7 femmes et 6 hommes), et pour l’articaïne 10 sujets (6 femmes et 4 hommes) ; parmi ces sujets, trois concernaient les deux solutions testées (sujets 3, 6, 7). Les exclusions liées au produit sont donc pour la lidocaïne seule de 10/41 et pour l’articaïne seule de 7/41 soit en pourcentage d’échecs, respectivement 24,4 % et 17,1 %, ou 13/44 et 10/44 soit 29,5 % et 22,7 % en incluant les échecs communs aux deux molécules. Donc, les échecs se répartissent de manière homogène entre les deux solutions.

Suite à ces exclusions, les statistiques montrent :

  • pour la lidocaïne, pour un effectif de 33 sujets : une durée moyenne d’environ 6 minutes, avec un écarttype de 4,33 (soit 4 minutes et 20 secondes) ; les durées sont comprises entre 1 et 26 minutes, avec la médiane à 5 minutes et 75 % des données entre 1 et 7 minutes.
  • pour l’articaïne, pour un effectif de 36 sujets, une durée moyenne proche de 11 minutes, avec l’écarttype de 10. Les durées sont comprises entre 1 et 40 minutes, la médiane à 7 (soit le Q3 de la lidocaïne) et 75 % des données entre 1 et 17 minutes.

Les durées exprimées en moyenne sont donc respectivement pour la lidocaïne de 5,97 +/- 4,33 et pour l’articaïne de 10,92 +/- 9,79 : donc, la durée d’anesthésie est augmentée pour l’articaïne de 83 % par rapport à la lidocaïne, mais en pondérant car la dispersion des résultats est bien plus grande avec l’articaïne.

Le ratio des écarts-types est de 2,26 ce qui donne plus rigoureusement sur le plan statistique un ratio de variances de 5,11 : ceci suggère un effet sujet non négligeable tant par la réponse dichotomique (sur le mode succès ou échec) que par son amplitude.

On constate en outre que les exclusions déséquilibrent peu le plan expérimental mais le réduisent de fait (13 avec lidocaïne et 10 avec articaïne).

L-analyse-statistique

Exploitation statistique des données

Pour appliquer un modèle statistique approprié, but de l’étude, on a exclu tout sujet ayant présenté un échec avec l’articaïne ou la lidocaïne : ceci a conduit à une exploitation finale comparative de durée d’anesthésie sur 28 sujets : pour la lidocaïne la moyenne observée est alors de 6,18 (5,97 avant exclusions), et 11,79 pour l’articaïne (10,92 avant exclusions), soit une augmentation de durée de 90,6 % en faveur de l’articaïne. Les écart-types demeurent de même ordre de grandeur ainsi que les 3 quartiles. Ces dernières exclusions ont donc peu d’impact sur les évaluations des statistiques descriptives, et en renforcent les tendances.

Description des différences observées

Les statistiques ont été réalisées sur 28 sujets :

  • 8 sujets sur 28, soit 28,57 %, présentent une durée d’anesthésie avec la lidocaïne plus longue qu’avec l’articaïne (-13 à -2 minutes)
  • 3 sujets présentent le même temps avec les deux solutions (avec respectivement des durées égales à 4, 3, 3 minutes)
  • 17 sujets présentent une durée supérieure avec l’articaïne (différences observées entre +1 et +38 minutes).

Cette analyse confirme l’effet sujet préalablement décrit.

utilisation-du-pulp-tester

Résultats des tests statistiques

L’analyse statistique par les tests conforte les statistiques descriptives.

Au seuil 5 %, il n’y a pas de raison d’accepter l’hypothèse nulle d’égalité des durées entre les deux solutions anesthésiques.

Le test paramétrique t de Student pour séries appariées et le test non paramétrique des rangs signés, assimilé à un test de Wilcoxon pour séries appariées conduisent à une probabilité observée comprise entre 0,01 et 0,05. Cependant, sur ces données, la puissance du test à 0,7 conduit à une certaine prudence dans l’interprétation.

L’analyse statistique permet de conclure à une différence statistiquement significative de durée d’anesthésie en faveur de l’articaïne 4 % par rapport à la lidocaïne 4 % (0,01<p>0,05). Cependant pour 28,57 % des sujets retenus (8/28), la lidocaïne produit une anesthésie plus longue, ce dont nous discuterons plus loin.

Cette étude mériterait d’être étayée ou confirmée avec des effectifs plus élevés au regard du niveau d’échecs rencontrés et d’un effet sujet-sensible sur l’amplitude de la durée.

Discussion

L’utilisation du pulp-tester

Nous avons utilisé le pulp-tester électrique pour comparer l’anesthésie pulpaire obtenue pour les deux solutions anesthésiques : selon les études de Dreven et al (1987), Certosimo et Archer (1996), l’absence de réponse du patient à une stimulation électrique correspondant à une lecture de 80, signerait l’anesthésie pulpaire pour des dents vitales et asymptomatiques.

Ces auteurs ont aussi montré que, lorsque la valeur lue sur le pulp-tester était inférieure à 80, il y avait douleur lors des soins de dentisterie restauratrice. Donc, le pulp-tester avant un soin dentaire sur dents vivantes et asymptomatiques fournit une indication fiable de l’anesthésie pulpaire.

L’utilisation de solutions à 4 %

Dans la très vaste majorité des études réalisées à ce jour, la comparaison s’est faite entre l’articaïne à 4 % et la lidocaïne à 2 %, (Kaytal, 2010) ce qui ne manque pas d’étonner : en effet, l’articaïne a été introduite en Europe, dans les années 70, et le premier essai clinique en dentisterie pour tester l’efficacité du chlorhydrate d’articaïne a été mené au Danemark en 1972 par Winther et Nathalang.

Des comparaisons ont été faites entre l’articaïne 2 % avec et sans adrénaline à 1 : 200 000 et la lidocaïne 2 % avec et sans adrénaline à 1 : 200 000 et d’autres composés anesthésiques. Les résultats ont montré que l’articaïne avec adrénaline était significativement supérieure à la lidocaïne avec adrénaline (et autres composés anesthésiques) sur « la fréquence, la durée et l’étendue de l’analgésie ». Muschaweck and Rippel (1974) ont conclu que, comparativement à la lidocaïne, l’articaïne avait une activité anesthésique 1,5 fois plus grande en anesthésie de conduction (= régionale), « nettement supérieure » en anesthésie d’infiltration, une efficacité équivalente en anesthésie topique et une faible toxicité tissulaire locale similaire à la lidocaïne. Ruprecht et Knoll-Köhler (1991) ont montré que l’articaïne était plus efficace que la lidocaïne, si l’on comparait des solutions équimolaires.

Curieusement, alors que la solution à 2 % d’articaïne n’avait pas de résultat inférieur à la solution à 4 %, on s’est cependant orienté vers l’utilisation systématique d’articaïne à 4 %.

Certains observateurs n’ont pas manqué de faire remarquer que le simple bon sens permettait de comprendre qu’une solution à 4 %, donc doublement concentrée aurait de fortes chances d’être plus efficace qu’une solution à 2 %, et ont appelé de leurs vœux des études vraiment comparatives avec des solutions équimolaires (= de même concentration) (Schertzer, 2000 ; Weaver, 1999) : et tout le monde de s’accorder sur ce point (Malamed, dans sa réponse à Schertzer), tout en s’abstenant consciencieusement de conduire les études dans ce sens.

Le taux de succès anesthésique

  • le taux de succès anesthésique global, sur données brutes, avec 80,95 % pour l’articaïne et 78,57 % pour la lidocaïne, est en accord avec les taux obtenus lors de l’utilisation de divers systèmes d’anesthésie diploïque : Leonard (1995) : 88 % ; Coggins et coll. (1996) 75 % ; Replogue et coll. (1997) 74 % ; Brown (1999) : de 45 à 93 % ; Chamberlain et al. (2000) : 95 % ; Turner et coll. (2002) : 93 % ; Gallatin et coll. (2003) : 81 à 95 % ; Beneito Brotons (2008) : 92,9 % ; Remmers et al. (2008) : 87 % ; Villette et al. (2008) : 77,3 %, mais sur des dents mandibulaires en pulpite irréversible ; Augelloet al. (2009) : 91 % pour des extractions.
  • les deux échecs complets donnent un taux de 4,5 %, sur données brutes : pour l’un, un homme, l’échec provient selon nous d’un volume mandibulaire très grand pour lequel la quantité injectée n’était pas suffisante pour produire à l’apex la concentration minimale pour obtenir un début d’anesthésie. Pour le deuxième cas, une femme, la longueur des racines expliquerait un défaut identique de concentration de molécule anesthésique à l’apex.
  • les variations de succès anesthésique : le seuil de lecture de 80 au pulp-tester, signant une anesthésie effective de durée plus ou moins longue, a été obtenu, sur les données brutes, 33 fois pour la lidocaïne et 34 fois pour l’articaïne. Respectivement nous avons obtenu 9 et 8 cas d’anesthésie qui n’était pas totale : dans ces situations, les mesures effectuées montrent une augmentation du seuil de sensibilité sans atteindre 80 : l’anesthésie n’est pas un échec en tant que tel, mais les conditions requises pour aboutir au seuil de 80 n’étaient pas réunies.

Pour obtenir une anesthésie, il faut apporter à l’apex de la dent une concentration minimale, nécessaire et suffisante pour atteindre, sur le pulp-tester, le seuil de 80. Si cette concentration minimale n’est pas atteinte nous avons une anesthésie partielle.

Aussitôt que l’anesthésique a quitté l’extrémité de l’aiguille la concentration de celui-ci diminue, par dilution dans les liquides environnants.

La technique ostéocentrale est la seule permettant de déposer l’anesthésique au plus près de l’apex, cependant cela ne signifie pas que l’anesthésique est déposé à l’apex, et de façon identique pour toutes les dents.

Seul un scanner réalisé lors de chaque injection – très difficile à mettre en place techniquement, et donc non envisagé ici – permettrait de connaître la distance exacte séparant l’extrémité de l’aiguille de l’apex.

La dilution commence dès le début de l’injection – par processus physique – et se poursuit après l’injection – par métabolisation – pour aboutir à la disparition de l’anesthésie.

Il faut donc, pour obtenir une anesthésie, une quantité minimale qui, en fonction de la distance du point d’injection par rapport à l’apex, produit cette concentration.

Si la concentration minimale n’est pas atteinte, on obtient une augmentation du seuil de sensibilité mais pas une anesthésie totale. Si la concentration minimale est dépassée, on obtient une anesthésie totale d’autant plus longue que la concentration initiale à l’apex a été plus élevée (Diagramme 2).

Les différentes courbes du schéma expriment bien cette variation de la concentration qui permet de dire que : la puissance et la durée d’une anesthésie sont obligatoirement liées et qu’il ne peut pas y avoir d’anesthésie puissante de courte durée.

La courbe représente ce qui se passe lors d’une anesthésie diploïque ; mais, avec des anesthésies paraapicale ou de bloc, l’anesthésique, pour atteindre son but, doit parcourir une distance variable ; il va donc se diluer avant d’atteindre la cible avec une concentration suffisante : ceci impose au départ d’injecter une quantité plus importante pour compenser la dilution de l’anesthésique lors de sa migration vers l’apex (anesthésie para-apicale) ou le foramen mandibulaire.

Un autre élément est à prendre en considération dans toutes les techniques anesthésiques : les variations anatomiques (texture et densité osseuse, plans musculo-aponévrotiques pour le bloc mandibulaire)

peuvent faire que l’anesthésique ne diffuse pas uniformément dans la structure concernée mais suit un chemin de moindre résistance qui peut le faire migrer à distance de l’apex ou du foramen mandibulaire, voire l’éviter totalement.

Fonctionnement-d’une-anesthésie

La durée de l’anesthésie

  • On pourrait s’étonner que les durées d’anesthésie obtenue soient relativement courtes : cependant, elles sont parfaitement en accord avec les résultats obtenus par ailleurs avec des solutions sans vasoactifs : Replogue et al. (1997) obtiennent un taux de succès de 43 % avec de la mépivacaïne 3 %, et 24 % des dents sont anesthésiées à 20 min, 17 % à 30 min, et 7 % à 40 min.
  • Globalement, on obtient une durée d’anesthésie avec l’articaïne supérieure de 90 % par rapport à la lidocaïne mais curieusement, pour 12 sujets, en données brutes, la lidocaïne est plus performante que l’articaïne.

En effet, la durée moyenne d’anesthésie obtenue dans les 12 cas où la lidocaïne est plus efficace que l’articaïne, est de 7 minutes 45 s alors que la moyenne pour l’ensemble des 30 cas est de 3 minutes 12 s. Pour ces 12 sujets, la durée moyenne d’anesthésie obtenue avec l’articaïne est de 2 minutes alors que la moyenne pour les 30 autres cas est de 11 minutes 57 s (Diagramme 1).

Nous pensons que ces 12 cas (28,57 %) ont pour origine une réceptivité particulière du sujet à la lidocaïne, alors que l’articaïne est peu performante chez eux.

Ceci signifie a contrario que si la lidocaïne est plus performante dans 28,57 % des cas, c’est que l’articaïne n’est pas performante chez 28,57 % des sujets !

On rejoint le propos de Malamed (2004) sur les variations individuelles de réponse à un médicament : environ 70 % des patients sont normo-répondants, 15 % hypo-répondants, et 15 % hyper-répondants, ce qui correspond à une courbe de distribution dite normale.

Ceci suggèrerait, avant de pratiquer une anesthésie, de réaliser un test comparatif de sensibilité entre lidocaïne et articaïne, afin de choisir l’anesthésique le plus performant pour chaque individu et de ne pas multiplier injections et échecs. En l’état actuel, on ne peut que conseiller, face à des échecs répétés, alors que les techniques utilisées sont correctes, de tenter de changer de solution anesthésique.

Accessoirement, sur l’utilisation de l’anesthésie diploïque ostéocentrale

Elle nous paraît présenter un triple intérêt :

1 – elle permet de réduire au mieux la distance entre point d’injection et nerf cible, ici, les rameaux dentaires du nerf alvéolaire inférieur et de tous les nerfs participant accessoirement à l’innervation sensitive des dents [7]

2 – elle a un temps de latence extrêmement court (inférieur à 30 secondes, selon Malamed, confirmé par tous les auteurs) : en raison du délai nécessaire à l’exécution de l’anesthésie et à la mise en place du dispositif expérimental, il est fort probable que l’anesthésie a commencé avant qu’on puisse faire les premiers tests (Jensen et al. 2008)

3 – elle est au moins aussi efficace en première intention que les techniques conventionnelles

Conclusions

  • Sur la comparaison lidocaïne 4 % vs articaïne 4 % : l’articaïne et la lidocaïne à même concentration (4 %) ont un taux de succès anesthésique très voisin, mais l’articaïne procure globalement une durée d’anesthésie plus longue de 90,6 % par rapport à la lidocaïne. Il apparaît cependant que, pour 28,57 % des sujets, l’articaïne ne serait pas la molécule la plus performante.
  • Sur le fonctionnement des anesthésies : cette étude consistant à mesurer l’efficacité immédiate d’un médicament injecté (un anesthésique) montre néanmoins que les résultats sont globalement assez variables, en temps et en efficacité. Nous avons confirmation du fait qu’une anesthésie est sujet-dépendante, et qu’il y a une très grande variabilité individuelle de réceptivité aux solutions anesthésiques.

Bibliographie

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A propos de l'auteur

Dr. Alain VILLETTE

Docteur en Sciences Odontologiques

Dr. Thierry COLLIER

Docteur en Chirurgie Dentaire
BORDEAUX

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