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Extraction antérieure et alvéole endommagée : gestion des tissus mous lors de l’extraction

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La réhabilitation implantaire est aujourd’hui un moyen de reconstruction prothétique couramment utilisé en pratique quotidienne. Cette racine artificielle est effectivement un outil incontournable dans la réalisation de nos plans de traitement.

Son rôle initial fut initialement de réhabiliter la fonction1. Toutefois, avec l’évolution de nos sociétés, de nos patients, des connaissances scientifiques et des techniques odontologiques, l’objectif esthétique est aussi devenu un enjeu majeur de nos réhabilitations.

Cet aspect esthétique doit être réfléchi et anticipé dès les premières phases de traitement et notamment lors de la phase d’extraction. Cette réflexion est particulièrement exacerbée dans le bloc antérieur maxillaire et encore plus dans les situations cliniques de type 2 décrites par Zuhr (perte de l’os vestibulaire large et os interproximal modérément atteint2). L’objet de cet article est de proposer des techniques muco-gingivales à appliquer lors de l’extraction dentaire pour minimiser la perte de volume de la zone à réhabiliter. Les comblements osseux ne seront pas discutés dans cet article : les délabrements cliniques présentés à la suite (perte majeure de la corticale vestibulaire) sont très conséquents et nécessitent impérativement une reconstruction osseuse ultérieure. Les objectifs de ces techniques muco-gingivales sont donc de préserver le volume muqueux de l’alvéole mais également optimiser le résultat esthétique de la partie dite du ‘rose’.

Reflexions cliniques

pink-esthetic-score

Le résultat esthétique implantaire antérieur est évalué par deux scores que sont : le white esthetic score (évaluation de la couronne) et le pink esthetic score (évaluation de la muqueuse péri-implantaire)3. Les deux paramètres sont aussi importants l’un que l’autre pour un bon résultat. Le pink esthetic score est décomposé en différentes caractéristiques : présence des papilles, niveau gingival, contour gingival, couleur de la muqueuse, texture, procès alvéolaire Fig. 1. Dès lors pour l’obtention d’un bon résultat lorsqu’une greffe osseuse est indispensable, il apparait nécessaire d’anticiper les pertes de volumes tissulaires pour éviter un score délétère sur la partie tissulaire rose. Pour cela, un plan de traitement complet (greffes gingivales, greffes osseuses, implants) doit être envisagé et ce, avec de potentiels gestes techniques dès la première étape de traitement qu’est l’extraction dentaire.

En effet, certaines conditions cliniques (infections, traumatismes etc) créent des défauts osseux non négligeables qui doivent donc être pris en considération au plus tôt. Dans ces situations compromises, il sera impératif de reconstruire le volume osseux nécessaire à l’implantation. Ceci participera également à la bonne reconstruction du volume gingival. Le volume muqueux ne peut qu’être homothétique à celui de l’os sous-jacent. Il est donc important de reconstruire tant l’os que la muqueuse péri-implantaire afin d’obtenir un résultat global satisfaisant.

Lors de reconstructions osseuses, la quantité et la qualité du parodonte doivent être optimales. En effet, différentes étapes et gestes chirurgicaux (extraction, reconstruction osseuse, mise en place de l’implant, deuxième temps chirurgical et dent provisoire) vont prendre place et impacter le parodonte et donc le résultat. En effet, celles-ci nécessitent des incisions, des décollements, des manipulations rendant délicat le résultat final. Il est aujourd’hui acquis que si une exposition survient lors de la reconstruction osseuse (et ce, quelle que soit la technique), le résultat sera moins performant voire négatif (infection possible, perte de volume etc). Dés lors, une qualité optimale des tissus est capitale notamment en terme de résistance pour des gestes opératoires facilitées et donc de qualité (herméticité du site). Une épaisseur conséquente et une gencive kératinisée sont donc souhaitées pour une qualité tissulaire et une belle cicatrisation.

Enfin, si les tissus mous ne sont pas présents en quantité suffisante au moment des reconstructions osseuses, les techniques de sutures amenant à une étanchéité du site, vont déplacer la ligne de jonction muco-gingivale et le fond du vestibule. Ce phénomène de traction perturbe donc l’équilibre muqueux et le résultat esthétique, nécessitant a posteriori une reconstruction de cette zone muqueuse.

À la vue de ces différents éléments, il semble nécessaire d’anticiper l’aspect muqueux dans les situations de type 22. Cette anticipation passe donc par un renfort des tissus mous dés la phase d’extraction pour pouvoir réaliser dans de bonnes conditions les chirurgies à suivre et obtenir un résultat satisfaisant.

Techniques micro-chirurgicales

Les deux techniques décrites à la suite doivent répondre aux critères de la microchirurgie : l’objectif est de diminuer le traumatisme tissulaire et optimiser la précision de fermeture du site opératoire. Ces deux paramètres jouent un rôle décisif dans les suites et le devenir postopératoires2. La microchirurgie passe par l’utilisation d’outils spécifiques tels que les aides optiques : la qualité de cicatrisation sera alors supérieure à celle obtenue par une chirurgie dite traditionnelle. Les critères de succès de la chirurgie plastique que sont, l’apparence naturelle, la transition harmonieuse entre les différents tissus et l’absence de cicatrices, seront en effet plus facilement acquis par les techniques de microchirurgie. De plus, cela peut réduire le taux de morbidité suivant la chirurgie parodontale2.

Dans un premier temps opératoire, et ce quelle que soit la technique utilisée, il est indispensable de réaliser une extraction atraumatique. Les volumes résiduels sont souvent faibles nécessitant des précautions particulières. Il sera nécessaire de sectionner la dent (par une fraise adaptée à long col), d’utiliser des périotomes, des mini-élévateurs afin de procéder à une extraction la plus délicate possible. Chaque parcelle osseuse est importante à conserver. Un débridement classique sera réalisé afin de ne pas laisser d’éléments infectieux. De plus, le site receveur (bord périphérique du sulcus) aura été, quant à lui, préalablement débarrassé de son épithélium sulculaire afin d‘optimiser la revascularisation du greffon et donc la cicatrisation. Cet acte est réalisé à l’aide d’une lame de bistouri ou d’une fraise à haute vitesse, granulométrie fine.

1 Technique dite du ‘punch’ Fig. 2 – 7

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Cette technique dite du ‘punch’, décrite initialement par Landsberg4 puis reprise par R.Jung en 20045, prendra place après l’extraction.

Elle consiste à réaliser un prélèvement épithélio-conjonctif, au niveau palatin, à l’aide d’un bistouri circulaire. Il est conseillé de posséder un bistouri circulaire de diamètre conséquent ; ceux utilisé en dermatologie par exemple proposent différents diamètres allant jusqu’à 10 millimètres. Un diamètre important du greffon est nécessaire afin que l’alvéole soit complètement obturée par ce dernier : les berges doivent être en contact intime du site receveur pour permettre une revascularisation facile du greffon. Hormis le diamètre, une bonne épaisseur de ce tissu épithélio-conjonctif (environ 2 à 3 millimètres) est souhaitée pour permettre encore une fois une meilleure coaptation des berges et donc une meilleure cicatrisation.

Afin d’obtenir un succès thérapeutique (en évitant notamment la nécrose de ce tissu), la technique de sutures se devra d’être précise afin de maintenir une stabilité du greffon mais aussi une proximité intime du greffon avec le site receveur. L’aiguille de suture devra rentrer perpendiculairement tant dans le greffon que les bords périphériques de l’alvéole (site receveur). Le fil devra quant à lui être un mono-filament : cette caractéristique évitera la colonisation bactérienne du fil. L’aspect non résorbable est aussi nécessaire afin d’éviter un relâchement précoce des sutures et donc une mobilité associée du greffon. De plus, les fils résorbables provoquent par définition de l’inflammation au niveau local : phénomène qui sera à éviter pour une meilleure cicatrisation.

Cette technique présente des limites même si elle semble réduire la perte de volume global. Elle n’amène pas de volume muqueux supplémentaire. Il s’agit essentiellement d’une greffe ‘surfacique’. Une concavité peut se créer par manque de densité de tissu. Toutefois, c’est une chirurgie intéressante par sa rapidité et sa très faible invasivité.

2 Technique de la greffe épithélio-conjonctive en selle

technique-de-la-greffe-epithelio-conjonctive-en-selle

Les figures 8 à 12 illustrent cette technique pour une extraction unique ; les figures 13 à 18 pour deux extractions contiguës. Cette greffe prendra aussi place suite aux manoeuvres indiquées précédemment (extraction traumatique et préparation du site receveur). L’idée de cette technique est de fermer l’alvéole avec un greffon epithélio-conjonctif et par la même occasion d’augmenter le volume vestibulaire par un greffon qui ne sera que conjonctif. Cela permet de répondre aux exigences gingivales de volume, d’épaisseur, de résistance, nécessaires pour l’ensemble des chirurgies à venir. Les reconstructions osseuses (ROG, greffes en onlay etc) nécessitent une fermeture complète du site. Or, celle-ci n’est jamais aisée même si des fils de sutures type PTFE et des incisions périostées peuvent nous y aider. La traction sera relativement importante et la qualité gingivale (résistance et épaisseur) apparait un atout indéniable pour une bonne étanchéité et donc une bonne cicatrisation. Une mauvaise qualité de tissu peut engendrer des décollements difficiles par manque d’homogénéité de tissu et des déchirures lors des sutures par une résistance faible de ces tissus etc… Il est donc nécessaire d’anticiper la qualité et la quantité muqueuse.

Le site receveur sera préparé en deux étapes :

  •    préparation d’un tunnel vestibulaire en demi-épaisseur afin de positionner la partie uniquement conjonctive du greffon,
  •    préparation de la zone accueillant la partie épithélio-conjonctive par excision de l’épithélium sulculaire (lame ou instrument rotatif ).

La préparation vestibulaire du site receveur nécessite des instruments adaptés tels que des mini-décolleurs et des mini-lames2. En effet, ce geste doit être minutieux et précis afin d’éviter d’éventuelles perforations ou traumatismes quelconques. Certaines mini-lames ont la possibilité d’être courbées pendant l’acte chirurgical permettant une plus grande facilité du geste opératoire notamment en présence de convexité alvéolaire importante. Pour les mini-décolleurs qui participent aussi à la création du tunnel par des mouvement de reptation, il peut être utile qu’ils soient légèrement courbes afin de de faciliter la procédure.

Le prélèvement sera réalisé classiquement : un prélèvement epithélio-conjonctif de la taille adéquate pour combler l’alvéole en largeur (environ 10 millimètres pour une incisive centrale). Au niveau longueur, cela devra correspondre à la taille de l’alvéole ainsi que le versant vestibulaire à greffer (15 millimètres minimum). Une fois, ce greffon prélevé, une extrémité sera débarrassée de la couche épithéliale : l’épithélium ne doit correspondre qu’à l’alvéole d’extraction. La partie conjonctive seule sera à la suite glissée par le jeu des sutures dans le tunnel créé en vestibulaire, puis l’ensemble sera suturé. Il est important que le greffon soit fixe pour une cicatrisation optimale. La vascularisation de ce greffon sera assurée d’une part en vestibulaire (la partie conjonctive étant glissée dans un site en demi-épaisseur), d’autre part par l’alvéole en ellemême. Une technique différente peut également consister à ne prélever qu’en demi-épaisseur sur la partie nécessaire (laissant l’épithélium en place donc) et en pleine épaisseur sur l’autre partie6.

Cette technique du greffon en selle, un peu plus conséquente que celle dite du ‘punch’, permet une meilleure conservation de volume global du futur site à implanter. Elle passe par la réalisation d’un lambeau vestibulaire. Ces greffes avec lambeau semblent être plus favorables que les techniques dites ‘flapless’. Aucune évidence scientifique n’est en faveur d’une technique chirurgicale, d’un biomatériau. Toutefois, il est observé un effet positif lors de la réalisation d’une chirurgie à lambeau. Il n’existe cependant aucune conclusion sur le potentiel à long terme de ces manipulations tissulaires sur les thérapeutiques implantaires7.

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Conclusion

Ces techniques muco-gingivales permettent une optimisation tissulaire du résultat implantaire final. Il semble important d’anticiper dans le plan de traitement ce type de geste afin de faciliter l’ensemble du processus de reconstruction et de réhabilitation. Leur réalisation doit être précise et minutieuse en terme de gestuelle. Il est dès lors nécessaire d’être équipé des bons instruments (mini-décolleurs, mini-lames, sutures 6/0 ou 7/0 etc) mais également d’aides optiques, indispensables à la qualité de chaque geste opératoire dans ce type de reconstruction.

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A propos de l'auteur

Dr. Renaud NOHARET

Ancien Interne en Odontologie
Maître de Conférence des Universités
Praticien Hospitalier
Docteur de l'Université de Lyon
Exercice Libéral (Lyon)

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