D’après le Collège National des Enseignants en Prothèses Odontologiques, l’empreinte se définit comme une technique indirecte permettant l’enregistrement en négatif de la topographie d’une région de la cavité buccale ou d’un modèle.
D’autres techniques, dites directes, permettent d’obtenir une maquette en positif de l’élément prothétique. Enfin, l’empreinte optique3 autorise, par une conversion numérique, l’enregistrement dématérialisé de la topographie d’une région de la cavité buccale. Nous voyons ainsi au travers de cette définition qu’il n’existe pas un seul type d’empreinte.
Depuis des décennies nous réalisons des empreintes conventionnelles physico-chimiques (hydrocolloïdes irréversibles, hydrocolloïdes réversibles, polyéthers, élastomères….). Ces dernière années, l’empreinte optique intra buccale émerge et tente de s’imposer, d’après le Pr François Duret, comme « une réponse aux nombreuses imprécisions de la chaine prothétique ».
L’empreinte optique intra buccale
L’empreinte optique intra-buccale réalisée à l’aide d’une caméra est «une étape fondamentale de la Conception Assistée par Ordinateur – Fabrication Assistée par Ordinateur car elle permet à elle seule de casser la chaîne des imprécisions» selon le Pr François Duret (fig. 1). Elle intervient lors de l’étape d’acquisition en CFAO directe ou CFAO semi-directe4,9,13 (fig. 2). La prise d’empreinte optique intra buccale repose sur trois enregistrements distincts :
l’arcade concernée, l’arcade antagoniste, et un enregistrement vestibulaire en position d’intercuspidie maximale permettant la mise en occlusion des deux arcades.
6,7,12,13 La prise d’empreinte peut être arrêtée à tout moment, les données numériques déjà acquises seront conservées. Le temps nécessaire à la réalisation varie en fonction du nombre de piliers à enregistrer et de l’expérience de l’utilisateur.
Il faut compter entre 2 et 5 minutes en fonction de la situation clinique pour un praticien entrainé 1,6 (fig. 3) .
Avantages
Les avantages de l’empreinte optique reposent sur la précision, le caractère inaltérable et ergonomique et la possibilité de compléter une empreinte déjà prise sans matériau, sans tirage et sans protocole de désinfection5. Les patients sont détendus, l’outil informatique et la visualisation de leur arcade aident à la compréhension du traitement. Il nous est aussi offert la possibilité de détecter une imprécision dans une forme de préparation et de la corriger (fig. 4).
Tous ces éléments concourent à un feedback immédiat et une communication praticien-laboratoire de prothèse plus étroite et plus facile. Enfin, en ce qui concerne la gestion du cabinet, cette technique génère moins de stress au sein de l‘équipe soignante, et moins d’étapes fastidieuses.
Inconvénients
L’utilisation de l’empreinte optique nécessite une courbe d’apprentissage plus ou moins longue en fonction du praticien. Dans les prochaines années, les futures générations de confrères seront familiarisées et formées à ces techniques dès leur formation initiale.
Financièrement, l’investissement est conséquent. Un des éléments de choix d’un système d’empreinte optique réside dans la nécessité ou non d’un poudrage de la zone à enregistrer. L’empreinte optique n’enregistrant que ce qu’elle voit, la préparation parodontale, la maîtrise des préparations et des techniques d’accès au sulcus sont des prérequis indispensables à la réalisation d’une empreinte optique intra orale de qualité.2,7
Applications cliniques de l’empreinte optique intra buccale en CFAO semi directe
L’empreinte est avant tout le principal vecteur d’information entre le cabinet et le laboratoire de prothèse.2,8 (fig. 5). Elle ouvre les voies d’une solution prothétique globale dès lors qu’elle est maîtrisée par le chirurgien-dentiste et le laboratoire de prothèse. Une parfaite prise en main du flux numérique et des logiciels utilisés est indispensable. Nous allons présenter des réalisations de prothèses conjointes, adjointes et implantaires, modélisées principalement à partir de fichiers STL : maillage de triangles orientés jointifs donnant la forme aux éléments scannés.
Ces fichiers sont issus d’empreintes optiques intra orales provenant de différentes caméras : Apollo DI® de la firme Sirona™, 3M™ True Definition Scanner de la firme 3M™ Espe™, et 3Shape Trios® de chez 3Shape™. Ils sont transmis par le réseau internet au technicien de laboratoire. Les fichiers STL sont retraités au travers du logiciel 3D Rechaper™, afin de fermer correctement les triangles, de boucher les éventuels trous sur les modèles et d’alléger les fichiers des empreintes pour favoriser la précision et la modélisation.
Cas cliniques en prothèse fixée
Les réalisations cliniques possibles en prothèse fixée résultant d’une empreinte optique intra buccale sont nombreuses : couronnes métalliques, inlay core, bridge, restaurations multiples et réalisables dans une gamme de matériaux élargie : CoCr, titane, Zircone, Céramique, Nano-céramique… Tout l’intérêt de la CFAO semi-directe repose sur un choix de matériau adapté à chaque situation clinique, dans des situations où la CFAO directe dite « chairside » atteint ses limites. La tendance à l’ouverture d’importation des fichiers STL issus des empreintes optiques intra buccales, permet une modélisation sur des logiciels adaptés à des réalisations prothétiques particulières : Sirona Lab™, Lava Lab™, Sensable™, Zirkonzhan™.
Cas clinique 1 (fig. 6) : Inlay core et couronne céramo-céramique IPS Emax Cad Stratifiée14 Le patient se présente en consultation avec une perte de substance marquée sur 33. Le traitement endodontique est réalisé, l’indication d’une reconstitution corono-radiculaire coulée et d’une restauration céramo-céramique d’usage est posée. L’empreinte est ici réalisée avec la caméra 3 Shape Trios®, seule caméra sur le marché permettant la réalisation de reconstitutions corono-radiculaires calibrées, grâce à des scan-posts au travers d’un protocole clair et standardisé. Une première empreinte optique intra orale de la préparation est réalisée, puis dans un deuxième temps une deuxième empreinte scan-post en place est effectuée. Les deux fichiers numériques sont corrélés, c’est-à-dire superposés.
Cela permet la modélisation et l’usinage de la reconstitution corono-radiculaire d’usage. Cas clinique 2 (fig. 7) Le patient s’est présenté avec une mobilité 2+ de 15 au stade de parodontite terminale. Nous avons procédé à son extraction. Un traitement parodontal (détartrage – surfaçage radiculaire) est réalisé. Le remplacement de 15 est envisagé par la réalisation d’un bridge 16 (couronne métallique) – 15 (inter céramo-métallique) et 14 (couronne céramo-métallique). La réhabilitation implanto portée proposée en première intention n’a pas été retenue. Une empreinte des préparations est faite à l’aide de la caméra 3M™ True Definition Scanner. Un modèle stéréolithographique est réalisé pour procéder à la stratification du cosmétique. L’ensemble est ajusté, finalisé avant d’être posé en bouche.
Cas clinique 3 (fig. 8a et 8b) Situation clinique simple de restauration de la dent 16, chez un patient présentant une parodontite chronique généralisée stabilisée. Empreinte optique intra orale à l’aide de la caméra 3M™ True Definition Scanner en vue de réaliser une endo couronne en IPS eEmax Cad maquillée. Il est intéressant de pouvoir contrôler immédiatement la qualité de la préparation avant l’envoi du fichier au laboratoire de prothèse. La modélisation est ici réalisée à l’aide du logiciel Dental Wings. Ce cas pouvait tout à fait s’envisager en CFAO directe, au fauteuil puisque la réalisation est de faible étendue et monolithique.
Cas clinique 4 (fig. 9) Jeune patient de 35 ans qui présente des hypoplasies de l’émail sur les dents maxillaires antérieures. Seule la dent 21 est dépulpée et présente une reconstitution corono- radiculaire. Le plan de traitement prévoit la réalisation d’éléments partiels collés sans préparation, ainsi qu’une nouvelle couronne sur 21. Les facettes pelliculaires d’une épaisseur de 0,3 mm sont collées grâce un composite de collage. Le matériau utilisé est l’Ambarino de chez Creamed®.
Cas cliniques en prothèse Amovible et perspectives futures
La problématique majeure en prothèse amovible partielle résulte de la dualité tissulaire (dent/muqueuse). Les cas traités en empreinte optique intra buccale et transmis par flux numérique au laboratoire de prothèse se limitent, pour l’instant, à des édentements de classe III ou de très faible étendue majoritairement intercalaires. Les principes d’enregistrement restent les mêmes qu’en prothèse fixée, seules la conception et la réalisation changent.
Cas clinique 1 : Prothèse Amovible Partielle en Peek (fig. 10) Un patient âgé de 19 ans se présente en consultation avec 14-15 et 24 extraites 1 mois auparavant pour des raisons traumatiques. Nous expliquons à notre patient les différentes solutions thérapeutiques permettant de compenser son édentement. Les avantages et inconvénients inhérents à chaque type de restauration sont exposés. Le patient fait le choix d’une prothèse amovible partielle sans toutefois exclure dans un avenir proche la solution implantaire. Nous décidons, conjointement, de réaliser une prothèse répondant aux impératifs esthétiques et fonctionnels, assez discrète, dans l’attente de la pose d’implants. Le choix se porte sur la réalisation d’une prothèse amovible partielle en « peek ».
Une empreinte optico-numérique est prise à l’aide de la caméra 3M ™ True Definition Scanner : arcade maxillaire, arcade mandibulaire et enregistrement de l’occlusion bilatéralement. Le fichier est transmis par voie numérique au laboratoire de prothèse. L’étude du modèle, la mise en évidence des contres dépouilles, et la conception de la future prothèse sont réalisés virtuellement. Un modèle physique imprimé permet le contrôle de l’ajustage de la prothèse en PEEK avec les dents. La prothèse est essayée en bouche au stade du châssis. Une fois cette étape validée, le montage des dents est réalisé et la prothèse terminée. Remarque : La prothèse amovible partielle en châssis PEEK répond dans ces cas clinique aux impératifs de la prothèse : esthétique et fonction, avec une intégration au sein de l’harmonie dento- gingivo-labiale de notre patient. L’absence de métal est séduisante. Néanmoins tout nouveau matériau demande utilisation prudente, un prothésiste aguerri à son utilisation et un chirurgien- dentiste à même de déterminer dans quelles indications cliniques utiliser ce type de matériau.
Cas clinique 2 (fig. 11) Perspectives en Prothèse Amovible Complète11 En ce qui concerne la prothèse amovible complète, nous avons mené des essais sur modèle issu d’une empreinte secondaire physico-chimique anatomo-fonctionnelle. La prothèse ainsi réalisée en résine avec base PMMA rose et des dents Ambarino Creamed (matrice organique contenant des mélanges de polymères réticulés -Bis-GMA, Uréthane Di Méthacrylate et Butanediol Di Méthacrylate- et charge anorganique en céramique vitreuse représentant 70.1% du poids total). Cette résine permet d’usiner des dents de la morphologie désirée, mieux adaptée que les dents du commerce, esthétiquement satisfaisantes avec des valeurs de résistance supérieures aux dents du commerce.
Les perspectives offertes sont séduisantes et intéressent fortement les firmes commercialisant des dents artificielles du commerce. Dans ce cas, l’empreinte primaire et la relation intermaxillaires sont réalisées par une empreinte optique. Le porte empreinte individuel est modélisé et usiné. Il permet une empreinte secondaire classique. Cette empreinte, une fois numérisée, est superposée à l’empreinte primaire. Le laboratoire dispose ainsi de tous les éléments nécessaires à l’élaboration d’une prothèse adjointe complète selon une technique CFAO intégrale.
Conclusion
La réalisation d’une empreinte optique intra orale obéit aux mêmes exigences et conditions de réalisation qu’une empreinte physco-chimique. Les caméras en empreinte optique n’enregistrent que les structures parfaitement visibles et ne vont pas à la différence des matériaux utilisés lors d’une empreinte physico chimique défléchir les tissus ou enregistrer la dualité tissulaire. Lors de la réfection d’anciennes prothèses présentant des limites de préparation intra sulculaires profondes, l’empreinte optique peut, dans certains cas atteindre ses limites.
Lors de la réalisation d’une empreinte optique intra-orale, le praticien se doit de :
- respecter les principes et règles de préparation liés aux matériaux utilisés
- maîtriser les techniques d’accès aux limites cervicales
- se former à la gestuelle de l’empreinte otique
- se conformer aux exigences de l’empreinte optique
- connaitre les biomatériaux et les procédures d’adhésions.
Le respect de règles et protocoles de réalisation codifiés, le sens et l’observation clinique doivent guider nos gestes cliniques, que nous réalisions une empreinte physico chimique ou optique intra orale pour restaurations céramo-céramique. Au-delà de l’opposition des techniques de prise d’empreinte, l’empreinte optique intraorale est efficace et séduisante, elle nécessite un apprentissage pour en tirer tous les atouts au-delà du domaine de la prothèse fixée dento-portée et une connaissance pleine et entière de nos prothésistes techniciens de laboratoire qui rappelons-le sont équipés aujourd’hui à plus de 43% d’un système de CAO-FAO contre 3 à 4 % des praticiens en CFAO directe et semi-directe. Leur expertise, leur compétence dans ce domaine sont un atout majeur pour œuvrer au bien-être de nos patients et répondre à la demande esthétique et fonctionnelle.
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