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Quelques considérations sur les relations endo-parodontales

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L’endodontie et la parodontie ont peu de choses en commun sur le plan des moyens thérapeutiques utilisés. Les pathologies, quant à elles, qu’elles soient d’origine endodontique ou parodontale, conduisent systématiquement à une inflammation chronique parodontale. Dans le premier cas, les manifestations sont apicales (parodontite « apicale ») alors que dans le second, elles sont considérées comme « cervicales ».

La localisation et la nature de la flore bactérienne (à prédominance anaérobie dans les deux cas) dictent les traitements à mettre en oeuvre. Ces thérapeutiques sont toutes les deux basées sur la détersion et la désinfection permettant de supprimer l’agent infectieux causal et de remettre la dent et ses tissus de soutien dans un contexte biologique favorable à la cicatrisation et la « régénération » ou « réparation » tissulaire.

Spécificité de la parodontite apicale

La nouvelle appellation francophone de ce type de lésion (LIPOE : Lésion Inflammatoire Péri Radiculaire, d’Origine Endodontique) insiste à la fois sur le caractère inflammatoire, la localisation péri radiculaire et sur l’origine endodontique de la pathologie.

L’inflammation du parodonte profond se manifeste par la formation d’un granulome ou d’un kyste, conséquence de l’activation de la réaction inflammatoire engageant la voie des ostéoclastes, cellules à l’origine de la destruction osseuse. Cette lésion inflammatoire chronique est indolore et généralement découverte de façon fortuite lors d’un examen radiographique. Le passage en phase aiguë peut survenir après un traitement endodontique ayant conduit à la propulsion de bactéries ou autres produits contaminés dans le péri-apex, ou consécutive à une irritation mécanique et/ou chimique. Elle peut également survenir spontanément, pour des raisons encore mal connues. Un déséquilibre et une augmentation de la charge bactérienne dans l’endodonte, un affaiblissement des défenses immunitaires (passager ou prolongé) sont pour le moment suspectés, sans qu’aucune preuve scientifique ne permette d’expliquer clairement le passage d’une phase chronique indolore vers une phase inflammatoire aiguë.

Contrairement à la pathologie parodontale, la lésion d’origine endodontique est quasi-systématiquement dite à 45 parois et ne présente aucune communication avec l’extérieur. Dans de rares cas, une fistule permet le drainage de l’exsudat inflammatoire ou purulent de la lésion et la met ainsi en communication avec le milieu extérieur ; mais le risque de contamination de ces lésions par des éléments externes reste relativement faible.

parodontie-apicale

La seule éradication de l’infection de l’endodonte suffit pour induire une cicatrisation apicale (ou latérale) de la lésion qui conduit à une reformation ad integrum des tissus parodontaux (Fig. 1a et 1b). Contrairement aux pathologies parodontales où la « régénération » osseuse est très limitée (voire impossible), le retour à la situation initiale, sans perte tissulaire, est spécifique de la parodontie apicale.

Les voies de communications entre l’endodontie et le parodonte

Les tubuli dentinaires

Les tubuli dentinaires sont des canalicules traversant de part en part la dentine ; ils contiennent le prolongement de l’odontoblaste et un fluide dentinaire d’origine pulpaire. Ces canalicules sont obturés à l’extérieur par l’émail au niveau de la couronne et par le cément sur la racine.

Lors des thérapeutiques parodontales, un surfaçage « appuyé » conduit parfois à supprimer le cément radiculaire et à ouvrir ainsi les tubuli vers le milieu extérieur infecté. Cette nouvelle communication entre l’endodonte et le parodonte est à l’origine d’une souffrance pulpaire liée à un processus inflammatoire d’origine irritative d’une part, et d’autre part à la perte du fluide dentinaire qui doit en permanence être compensée par une régénération par le stroma pulpaire.

L’hypersensibilité dentinaire est une complication fréquente des thérapeutiques parodontales. Pour certains auteurs, la pénétration de pathogènes du parodonte vers l’endodonte via les tubuli serait à l’origine de cette sensibilité. Il semblerait plutôt que l’action traumatique et les mouvements des fluides à l’intérieur des canalicules soient à l’origine de ces douleurs.

Le traitement de ces pathologies, parfois également associées à de simples récessions gingivales, reste problématique. L’obturation des tubuli de façon prolongée par « vitrification » de la dentine (laser) ou par l’application de solution d’oxalate de potassium à la surface de la racine par exemple, permettent d’obtenir une diminution de la symptomatologie. Les effets restent cependant limités dans le temps. Il est intéressant de noter que l’élimination complète du cément en parodontologie est actuellement remise en question.

Les portes de sorties du réseau canalaire

Le système endodontique ne se limite pas à un simple canal, mais s’organise en un véritable réseau comportant de nombreuses ramifications et autres anastomoses. Le foramen apical n’est donc pas la seule voie de communication entre l’endodonte et le parodonte. Chaque canal latéral ou accessoire est susceptible de se comporter comme une zone de passage des pathogènes de l’endodonte vers le parodonte.

La fêlure/fracture

trait-de-fractureL’origine de l’infection (endodontique ou parodontale) est dans ce cas plus complexe. Une fêlure apicale ou ne communiquant pas avec le tiers coronaire de la dent, se comporte alors comme une complication anatomique supplémentaire susceptible de retenir des bactéries et surtout inaccessible aux instruments et solutions de désinfection endodontique. Une fêlure ou fracture plus franche s’apparente, elle, à une nouvelle porte d’entrée bactérienne. La flore bactérienne impliquée ici est vraisemblablement différente de la flore endodontique pure qui est à prédominance de germes anaérobies à Gram négatif. Les conséquences parodontales sont très localisées mais dévastatrices (Fig. 2).

Cliniquement, cette pathologie est diagnostiquée par des douleurs à la mastication rapportées par le patient et un sondage parodontal localisé très ponctuel. Dans le cas d’une pathologie parodontale « pure », même s’il reste localisé à une seule dent, l’approfondissement de la poche parodontale est progressif, alors que dans le cas d’une fêlure, il est brutal. On parle d’un sondage en « U » dans le premier cas, et d’un sondage en « V » dans le second. Cette différence permet d’établir un diagnostic différentiel.

Les perforations

perforation-iatrogene

La perforation iatrogène, qu’elle soit coronaire ou apicale, se comporte comme une porte de sortie supplémentaire vers le parodonte. Si la perforation est supra-gingivale, elle devient une voie de communication du milieu extérieur vers l’endodonte (et une nouvelle infection du système endodontique est à craindre), mais également de l’endodonte vers le parodonte. La toxicité de produits pharmacologiques ou des matériaux utilisés en endodontie peuvent provoquer, par diffusion, une réaction parodontale parfois importante (Fig. 3a à 3e).

Les fistules

Le drainage d’une lésion (inflammatoire ou infectée) parodontale profonde peut se faire soit par la formation d’un abcès, soit par une fistule dont l’ostium apparaît sur la muqueuse ou la gencive attachée. Elle peut également s’extérioriser par le ligament parodontal. Cette fistule doit être considérée comme un défaut parodontal localisé, mais dont le traitement sera purement endodontique (Fig. 4a et 4b). Néanmoins, si la lésion est ancienne, elle a pu se comporter à son tour comme une nouvelle voie de pénétration bactérienne, être devenue le siège d’un dépôt de plaque dentaire et de tartre et entretenir ainsi le défaut parodontal localisé. Dans ce cas, une thérapeutique parodontale est nécessaire pour compléter le traitement de ces deux lésions associées.

fistule-desmodontale

Si les communications entre l’endodonte et parodonte sont potentiellement nombreuses, deux lésions (endodontiques et parodontales) peuvent coexister sur une même dent sans avoir aucune relation de cause à effet.

Les lésions endo-parodontales vraies

Une dent peut présenter deux pathologies associées. L’une endodontique, l’autre parodontale. Ces lésions, chacune de taille variable, peuvent même se rejoindre et former une lésion unique (Fig. 5, 6a à 6e).

Pathologies-endodontiques

Dans ces cas, le diagnostic doit être clairement posé afin de déterminer l’origine (simple ou double) de la lésion. Le traitement endodontique sera toujours fait en première intention (après éventuellement un premier « assainissement » parodontal) suivi secondairement par le traitement parodontal complet. Cette séquence opératoire est importante dans le cas des lésions combinées ; la persistance d’un problème endodontique peut compromettre à lui seul la cicatrisation parodontale en maintenant un foyer infectieux au contact du tissu pourtant convenablement désinfecté. La décision de traiter et donc de conserver la dent concernée doit prendre en considération les risques cumulés d’échec de chaque thérapeutique. Le coût pour le patient et la durée du traitement peuvent être considérables, et d’autres options thérapeutiques peuvent parfois être considérées dans l’objectif d’optimiser le bénéfice coût/sécurité.

Pulpite a retro

Un défaut parodontal profond peut atteindre « radiologiquement » l’apex de la dent. Le diagnostic différentiel avec une pathologie d’origine endodontique vraie est posé grâce à une réponse positive de la dent aux tests de vitalité et le sondage parodontal de la lésion suivi d’un cliché radiologique. Dans ce cas, la pulpectomie et le traitement endodontique de la dent n’apporteraient rien sur le plan thérapeutique puisque l’origine de la pathologie n’est pas pulpaire. Néanmoins, elle doit parfois être envisagée de manière préventive, en première intention, si une rupture du paquet vasculo-nerveux apical est à craindre lors du passage des curettes et autres instruments utilisés dans le cadre du traitement parodontal. Dans ce cas précis, la section de la vascularisation pulpaire conduirait à la nécrose du tissu. Ce dernier, qui est ensuite susceptible de s’infecter, se comportera secondairement comme un agresseur empêchant la cicatrisation des tissus parodontaux pourtant traités convenablement.

L’inflammation pulpaire dite a retro, a souvent été décrite, mais elle n’a jamais été clairement démontrée histologiquement. Si elle existe, elle reste néanmoins très rare (1) (2). La pathologie pulpaire serait liée à une contamination par les bactéries issues de la poche parodontale via le foramen apical de la dent (3).

L’endodontie au service de la parodontologie/implantologie …

La destruction osseuses liée à une pathologie endodontique peut parfois être importante et compromettre à elle seule les thérapeutiques parodontales et/ou implantaires. Dans le cas de ce jeune homme âgé de 16 ans au moment du traitement, la taille de la lésion d’origine endodontique est impressionnante (Fig. 7a et 7b).

En cas d’extraction, les conséquences post opératoires peuvent s’avérer dramatiques, mais surtout les thérapeutiques reconstructrices à venir seront largement compromises.

radio-retro-alveolaire

Si les greffes osseuses se sont largement démocratisées ces 5 dernières années et sont de plus en plus souvent intégrées dans les plans de traitement implantaires, l’endodontie peut également jouer un rôle important dans le maintien et la régénération osseuse. Dans le cas présent, le traitement endodontique de l’incisive latérale a suffi pour obtenir une régénération ad integrum des structures osseuses (Fig. 7c et 7d). Si dans l’avenir, cette dent devait être extraite et remplacée par un implant, le chirurgien sera probablement ravi de pouvoir intervenir en toute sérénité dans des conditions plus propices à une restauration durable.

Conclusion

Dans ces quelques lignes, les relations étroites entre l’endodonte et le parodonte ont été brièvement rappelées. Les spécificités de chaque entité sont telles qu’elles nécessitent des approches thérapeutiques aux objectifs semblables mais aux moyens mis en oeuvre différents. Dans les deux cas la détersion fait appel à une débridement mécanique, manuel ou mécanisé avec l’aide de solutions désinfectantes. Le maintien dans le temps de la désinfection est assuré par une obturation du canal en endodontie et par la maintenance du patient en parodontologie. Les voies de recherche modernes de chaque discipline restent cependant différentes. En endodontie, la microbiologie, la mécanique et les solutions de désinfection restent les sujets les plus investigués.

En parodontologie, une nouvelle ère s’est affirmée ces dix dernières années et tend de plus en plus à essayer de comprendre les processus immunologiques de la pathologie et notamment la défense de l’hôte. La défense de l’hôte est également omniprésente dans la prise en charge du patient en cariologie. Curieusement, elle est rarement prise en considération en endodontie. Tout praticien a en mémoire des traitements endodontiques insuffisants sans que pour autant la dent ne présente de pathologie apicale, et inversement des échecs récurrents sur des dents dont les traitements sont radiologiquement corrects. L’intérêt de la prise en considération de la réponse de l’hôte dans le processus de cicatrisation et dans les études épidémiologiques apparaît de plus en plus évident. Les endodontistes ont donc beaucoup à apprendre des parodontistes qui ont su abandonner partiellement les curettes et bistouris pour s’orienter vers une parodontie plus médicale et probablement moins iatrogène.

Bibliographie

1. Harrington, G.W. The perio-endo question : differential diagnosis. Dent Clin North Am 23 (4) : 673 – 90, 1979
2. Torabinejad, M. and R.D. Kiger. A histologic evaluation of dental pulp tissue of a patient with periodontal disease. Oral Surg Oral Med Oral Pathol 59 (2) : 198 – 200, 1985
3. Langeland K., Rodrigues H., Dowden W. Periodontal disease, bacteria and pulpal histopathology. Oral Surg 1974, 37: 257-270

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A propos de l'auteur

Dr. Stéphane SIMON

DCD, Master recherche, Docteur ès Science, PhD, Habilitation à Diriger des Recherches
Professeur des Universités (Paris Diderot, paris 7)
Praticien Hospitalier (CHU Rouen)
Directeur du Diplôme Universitaire Européen d'Endodontologie Clinique
(Paris Diderot, Paris 7)

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