La première molaire définitive ou « dent de 6 ans » fait son apparition rapidement sur l’arcade. Elle constitue l’un des acteurs les plus importants dans la fonction masticatrice. Son éruption précoce, sa position centrale et son rôle fondamental dans l’occlusion en fait une dent rapidement mise à l’épreuve.
Première dent définitive à apparaître, elle est également la première à être extraite. L’atteinte carieuse, fréquemment rencontrée dans les premières années post-éruption, peut amener à la réalisation d’un traitement endodontique. La question de la restauration à adopter se pose alors, dans laquelle nos efforts doivent se diriger vers la thérapeutique la moins invasive possible pour faciliter une éventuelle réintervention tout en s’intégrant dans le respect du gradient thérapeutique (1).
Cas clinique
Une patiente vient en consultation pour des douleurs accentuées par la pression sur 46. A l’examen radiographique, des lésions péri-apicales sont observables, cliniquement associées à une nécrose pulpaire. Après une phase de temporisation réalisée en urgence, le traitement endodontique est effectué et un composite est mis en place avant restauration définitive (Fig.1 ).
Choix thérapeutique
Face à l’atteinte et à la perte tissulaire, plusieurs solutions peuvent être envisagées : restauration directe, restauration partielle indirecte, couronne avec ancrage radiculaire. Nous avons opté pour une restauration partielle indirecte de type overlay afin d’éviter tout recours à un ancrage radiculaire, non nécessaire dans le cas présent et pouvant être à l’origine d’une fragilisation(2).
Préparation et assemblage overlay 46
Préparation
Notre choix s’est arrêté vers la réalisation d’un overlay en céramique sur 46 pour les propriétés mécaniques, la pérennité esthétique ainsi que celle des contacts occlusaux et interdentaires du matériau. Dans un premier temps, la dépose de l’ensemble de la restauration composite est effectuée sous champ opératoire (Isodam, Sigma Dental System)(Fig. 2 & 3), puis les excès endodontiques de la cavité d’accès sont éliminés par sablage (Alumine 27μm) (Fig. 4).
L’application d’acide orthophosphorique (Fig. 5) est effectuée, puis d’adhésif (G-Premio BOND, GC) et un composite de restauration est appliqué en fond de cavité (Association EverX Posterior/ Universal G-aenial Universal Flo, GC) (Fig. 6).
La mise en place de la digue facilite la réalisation de la restauration composite selon des conditions d’isolation suffisante. Le champ opératoire est ensuite déposé pour terminer la préparation qui respecte les épaisseurs minimales de préparation avec un recouvrement * cuspidien complet (3, 4).
En opposition à l’épaulement périphérique lingual, une limite de type « butt joint », avec un biseau incliné à 45° ou plus est réalisée en vestibulaire pour parfaire la préparation (Fig. 7). Ce type de finition permet de réponde à un besoin esthétique (meilleure transition dent-restauration), un accroissement de la surface d’émail (meilleure adhésion), ainsi qu’une augmentation de l’espace prothétique périphérique (5, 6). Un point de stabilisation est réalisé en fin de préparation au sein du composite réalisé précédemment. Ceci dans le but d’accroitre la stabilité de la pièce prothétique lors de son positionnement au cours du collage (Fig. 8). Une empreinte physico-chimique et une temporisation par un matériau mono-composant provisoire (Télio CS Inlay/Onlay, Ivoclar Vivadent) viennent clore la séance.
Collage
Après une temporisation de sept jours, nécessaires à la réalisation de la pièce prothétique par le laboratoire de prothèse, l’assemblage peut être réalisé. Le choix du matériau s’est porté ici vers une céramique à base de disilicate de lithium (Initial GC Lisi Press, GC) pour ses propriétés physiques et esthétiques. Sa teneur en phase vitreuse permet de répondre aux principes du collage grâce auxquels la préservation tissulaire peut être respectée. Le premier temps de la phase d’assemblage commence par la mise en place du champ opératoire (Fig. 9) (Isodam, Sigma Dental System) afin d’assurer des conditions d’isolation optimales.
L’essayage de la pièce prothétique est réalisé au préalable grâce à un gel de glycérine (Gradia Plus Air Barrier, GC). Cette étape validée, le sablage de la préparation (alumine 27μm- Rondoflex, Kavo) est effectué. Une bande matrice métal est positionnée au préalable pour protéger les dents adjacentes des particules d’alumine projetées (Fig. 10 & 11).
Cette même bande matrice est utilisée dans un deuxième temps lors de l’application de l’acide orthophosphorique pour garantir la protection des dents avoisinantes de l’etching (Fig. 12).
Ont lieu ensuite un rinçage abondant ainsi qu’un séchage avant la mise en place de bandes de téflon. Elles sont stabilisées par des “plots” de digue liquide (Opaldam, Utradent) et ont pour but d’isoler les dents à proximité de l’adhésif et du composite de collage (Fig. 13). L’adhésif (G-Premio BOND, GC) est appliqué puis photopolymérisé (selon les recommandations du fabriquant). En parallèle, l’overlay céramique est mordancé par la mise en place au niveau de son intrados d’acide fluorhydrique (Porcelain Etch, Ultradent), puis par l’application d’acide orthophosphorique afin de garantir l’élimination des excès de surmordançage de la céramique. La pièce est séchée
et le silane est apposé (G-Multi PRIMER, GC). La restauration est enfin enduite de composite de collage (G-Cem LinkForce, GC) avant mise en place. Le matériau est également appliqué au niveau des limites de préparation afin d’éviter la création de bulles au niveau de la limite. Il a la particularité d’être de type dual ce qui permet de s’assurer d’une prise complète même sous d’importantes épaisseurs de céramique (7).
Les excès sont éliminés grâce à un pinceau imprégné de liquide de modelage (Modeling Liquid, GC) (Fig. 14) et la photopolymérisation à ensuite lieu (Fig. 15).
Elle est terminée sous gel de glycérine (Gradia Plus Air Barrier, GC) afin d’éviter la prise incomplète de la couche superficielle inhibée par l’oxygène de l’air. (Fig. 16). Les excès n’ayant pu être éliminés initialement le sont après dépose du champ opératoire. Un cliché radiographique vient s’assurer de l’absence d’excédent de composite de collage, notamment en inter-dentaire. L’occlusion est contrôlée avant polissage complet de la pièce prothétique (Fig. 17).
Conclusion
Grâce aux techniques apportées par le collage, cette dent ayant subi une perte tissulaire importante a pu être restaurée sans recours à un moyen d’ancrage radiculaire. Les techniques adhésives permettent de s’inscrire dans la mouvance décrite par Pascal Magne(8) et augmentent la durée de vie de la dent sur l’arcade tout en assurant la préservation des tissus de manière optimale et en rendant possibles et plus aisées toutes les ré-interventions futures.
Bibliographie
1. Tirlet G, Attal J.P. Le gradient thérapeutique : un concept médical pour les traitements esthétiques. Inf. Dent. 2009 ; 41/42 :2561-68
2. Dietschi D, Duc O, krejci I, Sadan A. Biomechanical considerations for the restoration of endodontically treated teeth : A systematic review of the literature. Part 1. Composition and micro- and macrostructure alterations.Quintessence Int. 2007 38(9) : 733-43
3. Rocca G.T, Krejci I. Crown and post-free adhesive restorations for endodontically treated posterior teeth : from direct composite to endocrowns. Eur. J. Esthet. Dent. 2013 ; 8(2) : 154 – 177.
4. d’Incau E, Zunzarren R. Evolution des formes de préparation pour inlays/ onlays postérieurs à la mandibule. Réal. Clin. 2014 ; 25(4) : 317-26.
5. Veneziani M. Posterior indirect restorations : updated inducations and the Morphology Driven Preparation Technique Int. J. Esthet. Dent. 2017 ; 12(2) :204-230.
6. –Ferraris F. Posterior Indirect Adhesive Restorations (PIAR) : preparation designs and esthetics clinical protocol. Int. J. Esthet. Dent. 2017 ; 12(4) : 482-502.
7. 1-Linden JJ, Swift EJ, Boyer DB, et al. Photo-activation of resin cements through porcelain veneers. J. Dent. Res. 1991; 70:154-177.
8. Magne P. Interview. Brit. Dent. J, 2012 213(4) : 189-91