Difficile de faire la part des choses entre nécessité, principe de précaution et abus de convenance, ces derniers étant souvent décriés à type de causes probables du développement des résistances bactériennes aux antibiotiques (1, 2).
Mis à part les discours orientés qui diffèrent selon les sensibilités et les causes défendues par ceux qui les prononcent, il faut reconnaitre que la littérature scientifique est peu abondante et non manichéenne en la matière si l’on y cherche moyen de faire simplement et sûrement la part des choses.
Nous pouvons également nous référer aux recommandations de bonnes pratiques(3), mais là encore l’éclairage est relatif : « L’utilisation d’antibiotiques comporte des risques individuels et collectifs ; il convient de les prescrire de manière parcimonieuse et rationnelle, donc dans des situations cliniques pour lesquelles l’étiologie bactérienne est fortement suspectée et l’efficacité des antibiotiques démontrée ou fortement présumée. La notion de balance bénéfice/risque a été retenue en considérant que le bénéfice se situe à l’échelon individuel (prévenir ou traiter une infection), tandis que le risque se situe à l’échelon individuel et collectif (prévenir ou minimiser le développement de souches bactériennes résistantes aux antibiotiques)… Dans tous les cas, ces recommandations sont générales et ne pourraient se substituer au jugement clinique du praticien face aux situations individuelles. »
Outre les recommandations de bonne pratique des soins dentaires en général et des soins chirurgicaux en particulier qui assurent un environnement qualitatif préventif des infections nosocomiales(4), il importe de penser les précautions également au regard de l’état de santé du patient, du risque inhérent à l’acte chirurgical ainsi qu’aux éventuelles conséquences des moyens mis en oeuvre ou non sur les résultats à court-moyen-long termes non seulement à l’échelle du patient mais aussi à l’égard de la macro-économie de la santé et de l’écologie (vaste programme !). A l’échelle individuelle, c’est essentiellement l’état de santé générale du patient et son l’histoire dentaire qui devront peser le plus sur l’intérêt du recours à l’antibiothérapie de couverture ainsi que sur le choix du spectre et la durée du traitement.
A l’échelle macro économique, il relève évidemment de notre conscience et de notre responsabilité de ne pas abuser de ce recours. En tant que thérapeutes, notre espace de liberté et d’autonomie en termes d’appréciation de ces valeurs est encore grand, mais rien ne dit qu’il en sera toujours ainsi(5) ! Concernant l’acte implantaire en particulier, les données significatives dont on dispose confirment :
- Que si la prophylaxie antibiotique n’est pas un prérequis obligatoire chez les patients saints et immunocompétents (6, 7), elle semble favoriser tout de même légèrement les taux de succès implantaires (7) ;
- Que la bonne appréciation de l’état de santé du patient et la mise en oeuvre de conditions de traitement adaptées permettent d’obtenir d’aussi bons résultats chez les patients considérés comme médicalement à risque (diabétiques, immunodéprimés, tabagiques) que chez les patients sains(8) ;
- Enfin, les résultats obtenus par une très récente NMa (network meta-analysis) montrent que, dans les cas où il est indiqué d’opérer sous couverture antibiotique… le meilleur protocole (pour minimiser le risque d’échec implantaire) semble être l’administration d’une dose de 3g d’amoxicilline une heure avant l’intervention, alors que le protocole le plus usité consiste en la prescription (bien moins efficace) préopératoire d’une dose de 2 g d’amoxicilline(9) ! a nous de bien disposer en fonction ces données et d’adapter notre exercice en les agrémentant de notre propre expérience professionnelle, nonobstant l’espoir de moduler prochainement ces appréciations à l’aune de nouvelles donnes telles que l’avènement annoncé des peptidomimétiques(10) !
Bibliographie
1. OMS – résistance aux antibiotiques : campagne du 05 février 2018
2. Jean Carlet, Pierre Lecoz – Propositions du groupe de travail spécial pour la préservation des antibiotiques. rapport juin 2015 à la lettre de mission du Ministère de la Santé
3. AFSSAPS – Prescription des antibiotiques en pratique bucco-dentaire
4. Ministère de la Santé et des Solidarités – Guide de prévention des infections liées aux soins en chirurgie dentaire et en stomatologie. 2ème édition juillet 2006
5. Union Dentaire – recommandations et prévention des risques d’infection liés aux soins dentaires. 04 janvier 2019
6. Khouly I, Braun S, Chambrone L – antibiotic prophylaxis may not be indicated for prevention of dental implant infections in healthy patients. A systematic review and meta analysis. Clin Oral Invest, 2019; 23: 1525-1553
7. Hemchand Surapaneni, Pallavi Samatha Yalamanchili, Md. Hafeez Basha, Sushma Potluri, Nirupa Elisetti, andM. v. Kiran Kumar – antibiotics in dental implants: a review of literature J Pharm Bioallied Sci. 2016 Oct; 8(Suppl 1): S28–S31
8. Manor Y, Simon R, Haim D, Garfunkel A, Moses O – dental implants in medically complex patients. a retrospective study. Clin Oral Investig. 2017 Mar; 21(2):701-708
9. Mario Romandini, Ilaria De Tullio, Francesca Congedi, Zamira Kalemaj, Mattia D’Ambrosio, Andreina Laforí, Ciro quaranta, Jacopo Buti, Giorgio Perfetti – antibiotic prophylaxis when placing dental implants: what is the best protocol? J Clin Periodontol; March 2019, 46 (3): 382-395
10. Irène Nicolas, valérie Bordeau, Arnaud Bondon, Michèle Baudy-Floc’h, Brice Felden- Novel antibiotics effective against gram-positive and -negative multi-resistant bacteria with limited resistance. PLoS Biol 17(7): e3000337. Csaba Pál, Biological research Center, HuNGarY
Un commentaire
Très intéressant. Je suis d’accord avec cet éclairage. Primum non nocere