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L’implantologie sans lambeau : analyse et réalités cliniques en 2013

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L’avènement de l’implantologie moderne initiée par l’École Suédoise s’adressait en premier lieu aux édentés totaux mandibulaires chez qui la présence de crêtes plates et résorbées, associée au relèvement du plancher mylohoïdien, entraînaient une instabilité chronique des prothèses.

Aggravé par le jeu musculaire de la langue et des lèvres, ce constat entraînait refus du port et repli des patients sur eux-mêmes, dès lors exclus par cet handicap de toute vie sociale.

La mise en place de 5 à 6 implants sous prothèse fixe dans la région symphisaire a permis d’endiguer ces situations délétères

  • sur le plan fonctionnel par un potentiel masticatoire multiplié par 3
  • sur le plan psychologique par une confiance, une sécurité et un confort retrouvés
  • sur le plan anatomique par une remise en norme et en tension de la musculature du visage signifiant un véritable lifting anatomique.

Il s’agissait d’une chirurgie à grand lambeau (Fig. 1) de dégagement pour assurer la nécessaire visualisation peropératoire de l’anatomie.

Le temps des incisions, du décollement des lambeaux, leur repositionnement par les sutures, pouvaient influer sur la durée de l’intervention.

Ajouté à la nécessaire charge de l’anesthésie, le risque de désunion des points dans une zone musculaire mobile, la difficulté de repositionnement des anciennes prothèses et des suites opératoires plus impressionnantes qu’inquiétantes, ces interventions restaient un marqueur fort dans la vie professionnelle, sociale et intime des patients (Fig. 2).

Cicatrisation-accélérée

En se calquant sur les progrès de la chirurgie générale issus de l’imagerie médicale moderne, de l’informatique, de la robotique, nous pourrions moduler notre intrusion chirurgicale par une simple effraction des tissus mous.

Déjà utilisée en 1961 par SCIALOM, cette technique consistait à autoforer la muqueuse et l’os par des implants aiguilles et de les placer en trépied pour solidariser leurs têtes.

Une certaine audace, quelques succès et de nombreux échecs (Fig. 3 et 4) ont mis fin à ce système. Aujourd’hui, le concept contact implant-os étant bien ancré, une nouvelle approche a minima des tissus mous est standardisée par l’utilisation au choix :

  • d’une fraise diamantée plate cylindrique sous irrigation
  • d’un bistouri manuel (Tissue Punch)
  • du foret à trois lames autotaraudant (Champions Implant) (Fig. 5)

Une telle gestion de la muqueuse, la non exposition osseuse et une limitation de l’intervention dans le temps et l’espace peuvent-elles avoir un impact prédictif sur le devenir du site implantaire ?

Vascularisation-améliorée

Incidence sur les tissus mous

Les études de CAMPELLO [1] ont montré que l’absence d’élévation des lambeaux influait sur le traumatisme chirurgical en le réduisant (moins de douleurs, moins d’oedème, moins de saignements) tout en assurant des suites biologiques meilleures sur la cicatrisation (Fig. 6).

Cicatrisation accélérée

L’explication de MUELLER CK [2] fait état d’une concordance entre la loge muqueuse et la loge osseuse induisant une adhésion instantanée des tissus mous au col implantaire. Y participe une véritable unité fonctionnelle associant des hémidesmosomes (cellules ventouses), des mucopolysaccharides (colle biologique) et la présence de fibres élastiques, l’ensemble fonctionnant comme un vrai sphincter, responsable d’une réelle coaptation (Fig. 7).

A contrario, toute chirurgie à lambeau crée, au-delà des sutures, un minigap dont le manque d’herméticité peut être à l’origine de micro-inflammations retardant le processus de cicatrisation (Fig. 8).

À ce retard s’ajoutent le contact irritant des fluides salivaires et alimentaires, les difficultés de maintenance, sans compter la persistance de brides cicatricielles inesthétiques surtout dans les secteurs antérieurs.

Vascularisation améliorée

La pratique des incisions sur les tissus mous initie une rupture des ponts vasculaires. Il en résulte une réaction cicatricielle de type fibreux au détriment d’une vascularisation appropriée.

En comparant les deux techniques, il s’avère pour KIM JL [3] que le taux de vascularisation diminue de moitié par la pratique des incisions. Dès lors, les processus de nutrition et de défense s’en trouvent altérés en repoussant la vitesse de cicatrisation avec des conséquences non négligeables sur la qualité de celle-ci.

Morphologie renforcée

L’élévation, l’étirement et le repositionnement des lambeaux peuvent entraîner une cicatrisation de type rétractile imprévisible, actée visuellement surtout dans les secteurs antérieurs (Fig. 9).

Pour LEE DH [4], ce processus est inhibé dans la technique Flapless.

Mieux, les analyses de YOU-TM [5] et JEONG [6] voient une épaisseur tissulaire significativement accrue du site implantaire, une meilleure stabilité dans le temps avec à terme une optimisation de l’esthétique par la préservation des structures papillaires (Fig. 10 à 12).

Morphologie-renforcée

Influence du contact tissus mous-implant

Les études de IVANOFF CS, SENNERBY [7] ont démystifié le contact de l’implant avec les tissus mous, celui-ci étant sans incidence sur la réussite de l’ostéointégration.

Toutefois, il y a lieu en même temps qu’une préparation initiale préalable des tissus, d’envisager un protocole de rinçage pré-opératoire pendant 10 minutes avec une solution de Chlorhéxidine.

Dans ce contexte, l’acte majeur et premier restera toujours le contact avec le sang du patient, véritable flux laminaire mécanique et physiologique.

Incidence sur les tissus durs

perforation-vestibulaire

Le périoste

Membrane resistante ayant pour mission la protection de l’os par une large vascularisation. Il en assure la réparation par ses cellules orientées vers l’ostéogénèse.

Toute incision amenuise ce processus en retardant l’acheminement des cellules mésenchymateuses indifférenciées périvasculaires : leur transformation en néo-ostéoblastes et en futur tissu osseux sera retardée (MELCHER AH) [8].

Le tissu osseux

En perpétuel remaniement sous l’action combinée du binôme ostéoclastes-ostéoblastes, différentes phases s’y réfèrent :

  • une phase d’apposition par les ostéoblastes de collagène, futur canevas de la charpente osseuse
  • une phase de repos
  • une phase de résorption par les ostéoclastes des phases minérale et organique sous l’action de mucopolysaccharides acides et d’enzymes protéolytiques
  • une phase de repos

La simple mise à jour de l’os et a fortiori son effraction fera toujours repartir le cycle par une phase de résorption initiée par le chimiotactisme des ostéoclastes.

L’étude de JEONG SM [9] évalue une perte d’os de 1 mm en exposition osseuse par rapport à une technique sans lambeau.

L’avenir bio mécanique

L’équipe d’AL JUBOORI [10] confirme une meilleure stabilité dans le temps sur les plans statique et dynamique de la structure osseuse. L’addition et la convergence des facteurs favorables précités pourraient expliquer un meilleur équilibre osseux.

Conclusions récentes (2012) de TSOUKAKI [11]

Dans une étude randomisée sur 20 patients et portant sur 30 implants, les résultats cliniques, radiographiques, mucobiologiques et immunologiques vont dans le sens de cette technique.

Protocole par essence « à l’aveugle »

Il sous-entend la prise en compte avec précision des structures sous-jacentes pour éviter toute imprécision ou inexactitude dans le geste chirurgical vis-à vis des obstacles anatomiques (Fig. 13 à 16).

Dès lors, l’argumentation médico-légale axée sur le principe de précaution et l’obligation de sécurité reposera sur un socle diligenté par :

  • la panoramique dentaire qui,outre une idée de la faisabilité, permettra une approche bi-latérale comparative
  • les clichés rétro-alvéolaires en coupes orthogonales n le Cone Beam statuant sur la longueur, le diamètre, l’emplacement et l’orientation de l’implant
  • un montage esthético-fonctionnel préfigurant la future prothèse
  • un guide chirurgical prenant en compte l’épaisseur des tissus mous
  • des butées de forets adaptées à la longueur des implants
  • une distance de sécurité de 2 mm vis-à-vis des structures anatomiques stratégiques À ce titre et dans ces conditions, nous éviterons des contresens générateurs de futurs conflits.

Conclusion

En excluant toute intervention de reconstruction osseuse ou de remodelage muqueux nécessaires dans certaines situations, ce protocole reste biologiquement légitimé par :

  • une cicatrisation accélérée
  • une vascularisation améliorée
  • une morpho-histologie renforcée
  • un périoste préservé
  • un tissu osseux protégé

Si nous ajoutons à notre confort clinique une durée d’intervention diminuée et des suites opératoires minorées, l’acceptation psychologique par nos patients dans ce type d’intervention mini-invasive ne sera que meilleure.

Bibliographie

1. CAMPELLO LD, CAMARA JR. Flapless implant surgery: A 10-Year clinical retrospective analysis. Int J Oral Maxillofac Implants 2002; 7: 271-276.
2. MUELLER CK, THORWARTH M, CHEN J, SCHULTE-MOSGAU SA. Laboratory study comparing the effect of ridge exposure using tissue punch versus mucoperiosteal flap on the formation of the implant-epithelial junction. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod. 2012 Jan 25.
3. KIM JI, CHOI BH, LI J, XUAN F, JEONG SM. Blood vessels of the periimplant mucosa: a comparison between the flap and flapless procedures. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod. 2009; 107: 508-512.
4. LEE DH, CHOI BH, JEONG SM, XUAN F, KIM HR. University Wonju, South Korea. Effects of flapless implants surgery on soft tissue profiles: a prospective clinical study. Clim Implant Dent Relat Res. 2011 Dec; 13(4): 324-9. Doi: 10.1111/j. 1708-8208.2009.00217.x. Epub 2009 Aug 5.
5. YOU TM, CHOI BH, LI J, XUAN F, JEONG SM, JANG SO. Morphogenesis of the peri-implant mucosa: A comparison between flap and flapless procedures in the canine mandibule. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 2009; 107: 66-70.
6. JEONG SM, CHOI BH, LI J, KIM HS, KO CY, JUNG JH, KIM YH, LEE SH, ENGELKE W. Flapless implant surgery: an experimental study. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 2007; 104: 24-28 Pmes.
7. IVANOFF CJ, SENNERBY L, LEKHOLM U. Influence of soft tissue contamination on the integration of titanium implants. Clin Oral Implants Res. 1996 Jun; 7 (2) : 128-32.
8. 8-MELCHER AH, EASTOE JE. The connective tissue of the periodontum. In: Biology of the Periodontum. New York, Melcher et Bowen. Acad. Press. Edit. 1969.
9. JEONG SM, CHOI BH, LI J, AHN KM, LEE SH, XUAN F. Bone healing around implants following flap and mini-flap surgeries: a radiographic evaluation. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 2007; 106: 32-34.
10. AL JUBOORI MJ, BIN ABDULRAHAMAN S, SUBRAMANIAM R, TAWFIQ OF. Less morbidity with flapless implant. Dent Implantol Update. 2012 Apr; (4): 25-30.
11. TSOUKAKI M, KALPIDIS CD, SAKELLARI D, TSALIKIS L, MIKROGIOIGIS G, KONSTANTIMIDIS A. Clinical, radiographic, microbiological and immunological outcomes of flapless vs. Flapless dental implants: a prospective randomized controlled clinical trial. Clinic Oral Implants Res. 2012 Jun 18.

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A propos de l'auteur

Dr. Jean-Pierre CHETRY

Diplômé de la faculté de médecine de Marseille
DU d’implantologie chirurgicale
DU de prothèse implantaire
Chargé de cours à la faculté
Expert judiciaire près la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence
Membre associé national de l’Académie nationale de chirurgie
Membre de la Commission de législation

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