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Régénération osseuse : la voie des ostéotenseurs matriciels

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Les greffes osseuses autologues, les allogreffes et les hétérogreffes donnent d’excellents résultats. Elles se révèlent indispensables dans des situations anatomiques difficiles, où il faut recréer un volume osseux en adéquation avec l’objectif esthétique, notamment dans le secteur antérieur maxillaire.

Cependant, il existe des situations où ces techniques ne sont ni souhaitées ni souhaitables ou bien ont déjà été tentées, sans atteindre leur objectif. Depuis 2009, une nouvelle approche a été développée à l’aide d’une instrumentation spécifique – les ostéotenseurs matriciels – pour créer un cal osseux post traumatique sans avoir recours à des greffes afin de pouvoir ensuite placer des implants.

osteotenseursPrincipe

Déclencher par des moyens mécaniques (Ostéotenseur®) une ostéogenèse intra- et para-sinusienne pré-implantaire en provoquant une arrivée massive de cellules souches (Fig. 1) dans le secteur à équiper sous la membrane sinusienne et sous le périoste. Cette préparation s’effectue de façon minimale invasive sans aucune élévation de lambeau. Il s’agit de préparer le futur lit receveur de l’implant 45 à 90 jours avant l’implantation.

Ostéotenseurs®

Ces instruments, disponibles en version manuelle, rotative ou pulseur, ont été spécifiquement paramétrés pour déclencher une activation osseuse (« bone activation ») sans entraîner d’effets collatéraux indésirables (débris osseux, blessure d’éléments vitaux, etc.). Leur état de surface poli miroir recouvert de carbone adamantin (Fig. 3a) a été testé en culture cellulaire humaine (Fig. 3b). Sa parfaite innocuité et sa dureté extrême empêchent toute pollution du futur site à implanter. Si la pointe venait à casser, elle peut être laissée sans risque in situ compte tenu de sa biocompatibilité avérée (1).

Cascade ostéogénique

L’Ostéotenseur® réalise une mécanothérapie moléculaire. Il y a formation d’un canal transmatriciel faisant communiquer l’endoste et le périoste. Il s’en suit un phénomène de distraction osseuse entrainant une modification des tensions internes de la matrice. Cette activation entraîne une mobilisation cellulaire locale et à distance le long des parois vasculaires où sont recrutés les progeniteurs. Un caillot suivi d’un cal osseux renforce l’ostéoarchitecture locale. On assiste à une transformation de l’os initial généralement de type IV dans les régions sinusiennes en os de type II actif.

reconstruction-3d-maxillo-mandibulaireDysplasie ectodermique (2,3)

Le patient sujet de cet article a 25 ans, mais il n’en paraît que 12 (Fig. 4). Il est atteint de dysplasie ectodermique, maladie génétique rare (1 pour 100.000) plus répandue chez l’homme que chez la femme. Il a été traité et suivi au CHU de Nice dès l’âge de 5 ans par le Pr. Jasmin, qui a réalisé un traitement prothétique initial à l’aide d’une petite prothèse amovible télescopant quelques dents de lait présentes (Fig. 5, 6). Une relation de confiance s’est établie entre l’enfant et le praticien, qui a adapté cette prothèse en fonction de la croissance. Après avoir rendu service pendant une vingtaine d’années, on est arrivé au bout des possibilités de la prothèse conventionnelle.

A ces difficultés s’ajoutaient des problèmes de communication. Lors de la première consultation, R. J… était handicapé non seulement pour la mastication, mais également lors de la phonation. Devant maintenir en permanence sa mini prothèse amovible avec le dos de la langue, il ne s’exprimait que par bribes, difficiles à comprendre. Il coopérait de son mieux, mais les échanges se faisaient essentiellement au travers de sa mère, omniprésente.

Ce jeune patient, qui par ailleurs affiche un handicap physique et mental, est sous tutelle. Le plan de traitement a été établi en accord avec ses parents. Seule une intervention sous AG était envisageable, car il est très craintif.

Absence de toutes les dents permanentes au maxillaire et à la mandibule

L’examen scanner montre une agénésie totale des dents définitives, ce qui est assez rare dans les dysplasies, où l’on note généralement quelques dents permanentes sur au moins une des deux arcades. R. J… présente l’aspect squelettique d’un enfant de 12 ans, avec de petites mâchoires et une très faible hauteur d’occlusion. Son intellect comporte un retard certain, mais il comprenait l’essentiel et souhaitait ardemment avoir des dents fixes, comme son entourage.

Analyse de faisabilité

Au plan bucco-dentaire

Les modèles stéréolithographiques mettent en évidence un mini maxillaire ainsi qu’une mandibule en lame de couteau.

Après avoir pris les empreintes des mâchoires, deux prothèses complètes ont été fabriquées pour évaluer l’ampleur de l’espace prothétique. Des guides chirurgicaux faisant la fusion entre le montage esthético-fonctionnel et les données scanographiques ont également été réalisées.

Au plan physico-psychique

N’ayant jamais eu de dents fixes, allait-il en supporter le volume ? Est-ce qu’il n’allait pas vouloir par la suite qu’on lui retire tout le matériel, dont la présence n’aurait pas été acceptée par sa langue, sa neuro-musculature et son psychisme ? Le greffé des deux mains qui, en plus d’un lourd traitement anti rejet qu’il refusait de suivre, n’a pas pu les intégrer psychiquement et a finalement demandé d’être amputé, en est un exemple.

C’est donc après plusieurs mois de réflexion, lorsqu’un climat de confiance s’est établi entre le futur opéré, la famille et l’équipe soignante, que la décision a été prise.

Au plan économique

La famille ne dispose que de revenus modestes. Aucune aide n’a été possible au niveau Sécurité Sociale malgré les démarches entreprises. L’intervention a pu se dérouler dans le cadre du Diplôme d’Implantologie Basale de l’Université de Nice-Sophia Antipolis où les chirurgiens ont opéré à titre gracieux. Elle a eu lieu à la Clinique Saint Jean à Cagnes-sur-Mer qui dispose du plateau technique spécifique pour l’implantologie basale.

osteodistractionPréparation ostéogénique initiale 60 jours avant la mise en place des implants (4)

Début 2012, l’extraction de dents de lait mobiles et douloureuses a été réalisée au fauteuil. Dans la même session, une préparation à l’aide d’ostéotenseurs matriciels a permis de réaliser de petites perforations manuelles au maxillaire et rotatives à la mandibule. Toute l’intervention s’est déroulée sous anesthésie locale sans ouverture de lambeau. Il n’y a eu aucune suite.

Déroulement de l’intervention

Celle-ci a débutée à 9h00 le vendredi 16 mars 2012 sous anesthésie générale et s’est terminée à 12h30. R. J… est le premier patient porteur de cette anomalie génétique à avoir bénéficié d’une implantation totale des deux mâchoires avec mise en charge suite à une préparation ostéogénique initiale 60 jours auparavant, sans recours à des greffes osseuses préalables. Compte tenu du très faible volume osseux initial, des greffes avaient certes été envisagées par prélèvement crânien et/ou iliaque. La lourdeur de l’intervention, la nécessité d’une temporisation compliquée, et la présence d’handicap à la fois moteur et central empêchant une coopération post opératoire rigoureuse ont fait écarter cette option thérapeutique.

C’est finalement l’utilisation des ostéotenseurs puis de l’implantologie basale qui a permis la pose de huit implants axiaux (Fractal® Victory) totalement « flapless » au maxillaire suivie d’une approche « full flap » à la mandibule, entièrement équipée avec 5 racines artificielles à insertion latérale (Diskimplant® Victory) et deux implants axiaux expanseurs de crête (Fratex® Victory) au niveau prémolaire. L’ensemble a été recouvert avec l’os autologue récupéré lors du forage maxillaire et par des membranes PRF également autologues.

Phase prothétique

(Fig. 11-13)

Les empreintes ont été prises directement au bloc sous AG ainsi que l’occlusion, à l’aide des appareils complets préparés à l’avance, largement évidés au niveau des émergences implant puis rebasés au calginate.

Les dents fixes maxillaires et mandibulaires (titane-chrome/cobalt-résine) ont été vissées en place en ambulatoire le lundi suivant. Une barre de conjonction transpalatine a été réalisée dans la coulée monobloc du bridge fixe maxillaire avec deux vis d’ostéosynthèse centro-palatines installées avec une petite anesthésie locale. Ce dispositif assure une stabilité primaire de grande qualité. Cette barre sera retirée dans 6 mois.

dispositif-osteocentre-et-bridgeLe suivi

Les suites opératoires ont été excellentes, de même que l’acceptation psycho fonctionnelle. Ce dernier point était de loin le plus critique, car il a fallu compter avec l’adaptation linguale, phonétique et psychique qui, au final, s’est réalisée de façon simple et naturelle.

Six mois après l’intervention, l’examen clinique et radiologique montre une bonne ostéointégration et une parfaite adaptation de la gencive péri implantaire ainsi qu’une satisfaction totale de ce jeune patient et de sa famille au plan esthético-fonctionnel. Aux dires de ses parents, il est même devenu « bavard », lui qui, auparavant, s’exprimait peu, de peur que ses dents lui « échappent ».

Un an plus tard, la barre transpalatine a été retirée. Deux ans et six mois après l’intervention, les implants sont parfaitement ostéointégrés et les dents fixes sont à la fois fonctionnelles et esthétiques, pour le plus grand bonheur de ce patient fortement handicapé. L’apport des ostéotenseurs matriciels permettant, par le recrutement des cellules souches, une régénération naturelle, a été un élément décisif dans le succès de cette réhabilitation.

Conclusion

L’évolution des connaissances et des techniques a permis ce jeune invalide buccal permanent de retrouver sans délai d’attente et en toute sécurité des dents fixes. Cet exemple illustre les possibilités qui sont offertes aux professionnels et aux patients grâce à l’introduction de nouvelles approches thérapeutiques qui sont à même de sécuriser et simplifier des procédures auparavant lourdes et complexes.

Bibliographie

1. Doglioli P, Scortecci G. Characterization of endosteal osteoblasts isolated from human maxilla and mandible : An expérimental system for biocompatibility tests. Cytotechnology 1991, 7 : 39-48
2. Garagiola U, Maiorana C, Ghiglione V, Marzo G, Santoro F, Szabo G. Osseointegration and guided bone regeneration in ectodermal dysplasia patients. J Craniofac Surg 2007, nov 18 (6) : 1296-304
3. Menetray D, Scortecci G, Odin G, Ansel A, Cotten P. Dysplasies ectodermiques. Enfants atteints du syndrome de Christ-Siemens-Touraine et implantologie basale. Implantologie, mai 2011 : 11-21
4. Scortecci G, Misch C, Binderman I, Philip P. Intérêt des ostéotenseurs matriciels en implantologie. Implantologie, février 2009 : 5-17

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A propos de l'auteur

Dr. Gérard SCORTECCI

Responsable DU d'Implantologie Basale, Université de Nice-Sophia Antipolis

Dr. Itzhak BINDERMAN

Professeur, Goldschleger School of Dental Medecine, Tel Aviv University, Tel Aviv, Israël

Dr. Patrick PHILIP

MCU-PH, Faculté de Médecine, Université de Nice-Sophia Antipolis

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