L’anesthésie transcorticale, technique décrite pour la première fois en 1907 par le Dr Nogué, sous le nom d’anesthésie « Diploïque », est selon la bibliographie (1), une des plus performantes quant à ses résultats. Dans sa réalisation, elle reste, pour certains groupes de dents, assez difficile à mettre en œuvre. C’est pour surmonter ces difficultés que l’anesthésie ostéocentrale à vue le jour en 2008. Elle fait partie, aujourd’hui, des techniques de référence utilisées au cabinet dentaire.
L’anesthésie transcorticale consiste à placer l’anesthésique, après avoir traversé la corticale mandibulaire ou maxillaire, dans l’os spongieux supportant les dents. Elle permet d’obtenir un résultat immédiat pour 2, à 8 dents, sans anesthésie des tissus mous (1, 2).
L’utilisation d’un vasoconstricteur adapté solutionne efficacement l’anesthésie des dents en pulpites et prolonge le temps de travail, sans multiplier les techniques.
Le problème majeur posé à la profession est l’anesthésie des molaires mandibulaires, notamment en pulpites .La réalisation de l’anesthésie transcorticale dans ce secteur soulève quelques difficultés. Elle nécessite une grande précision et une appréciation des angulations qui peut rebuter certains praticiens.
Le protocole de l’anesthésie transcorticale dans la région molaires et prémolaires mandibulaires
Les molaires mandibulaires peuvent être anesthésiées à partir de deux sites d’accès bien différents : le Trigone : le site est facile d’accès. Il ne nécessite pas une extrême précision et l’angulation verticale est très favorable puisque la commissure n’est que très peu sollicitée. L’anesthésie au Trigone permet d’anesthésier deux molaires mandibulaires avec une cartouche d’anesthésie.
En présence d’une pathologie (pulpite), il est bon de se rapprocher de la dent concernée pour obtenir, au plus près de celle-ci, une concentration en anesthésique élevée.
On doit donc dans ce cas opter pour le deuxième site : les espaces interdentaires.
L’aiguille doit traverser la corticale, perpendiculairement à celle-ci, au niveau de l’espace interdentaire.
Dans cette configuration la commissure labiale est souvent gênante et quelques fois, même bouche fermée, les critères de réussite ne sont pas optimisés (fig. 1)
D’autre part, dans cette région se trouve la ligne oblique externe qui est un épaississement important de la corticale. Cette configuration, si elle n’est pas correctement abordée, augmente la difficulté pour traverser la corticale.
L’anesthésie ostéocentrale : une nouvelle voie d’accès pour contourner les difficultés de la transcorticale
Pour contourner ces difficultés anatomiques tout en conservant la même efficacité anesthésique, il a été imaginé de passer par le septum. Il présente une corticale moins épaisse et moins dense (fig. 2).
Une fois le septum traversé, les différentes trabéculations se présentent comme une succession de « mini corticales » faciles à pénétrer (fig. 3). L’injection se fait donc plus facilement et plus profondément dans le diploé.
Pour pénétrer dans cette région, l’angle formé par l’aiguille et l’axe des dents devient plus aigu que pour une Transcorticale. L’angulation est très proche de celle mise en œuvre pour une intraligamentaire ou une intraseptale (30 à 45°) (fig. 4).
Les anesthésies ostéocentrales ont été réalisées avec des aiguilles spéciales 30G – 16 mm, double biseau, qui permettent d’avancer plus facilement et plus profondément dans l’espace interdentaire (fig. 5).
Ce qu’a apporté l’anesthésie ostéocentrale ?
Pour le patient : la perception est plus agréable. La sensation de « perçage » est moindre.
Le risque d’échauffement est réduit à zéro même chez un praticien « à la main lourde », car dans cette configuration l’aiguille traverse une succession de « mini corticales ».
Pour le praticien : l’utilisation d’un vasoconstricteur adapté au temps de travail et à la pathologie est sans risque. Le produit est déposé dans la zone centrale de l’os, la nécrose potentielle de la papille est supprimée et le risque d’obstruction de l’aiguille tend vers zéro. L’accès est simplifié même dans les zones postérieures grâce à une angulation beaucoup plus verticale.
La phase de perforation diffère entre les 2 techniques :
- Pour l’anesthésie transcorticale, elle se traduit par la perception d’un seul “déclic “.
- Pour l’anesthésie ostéocentrale, il y a une succession de plus plusieurs “déclics” (de 3 à 6) correspondant à la traversée des “mini corticales” que forment les trabéculations. Ces “mini corticales”, de plus en plus espacées, sont très faciles à perforer. L’angulation est plus verticale, et les repères pour visualiser les points de pénétration sont plus précis (triangles interdentaires et sommets de papilles) (fig. 6).
Quelles sont les limites de la technique ostéocentrale?
Les terrains parodontopathiques sont évidemment à proscrire, ainsi que les espaces interdentaires ne comportant pas d’os spongieux.
Discussion
Si l’anesthésie ostéocentrale apporte de la facilité et de l’efficacité dans la réalisation de l’anesthésie des molaires mandibulaires (1), elle peut s’appliquer à tous les autres espaces radiculaires aussi bien maxillaires que mandibulaires.
Que reste-t-il alors pour l’anesthésie transcorticale?
Il reste tous les sites où l’anesthésie ostéocentrale ne peut être réalisée, soit :
- les emplacements sans espace interdentaire suffisant, (espaces édentés et le Trigone)
- les terrains parodontopathiques
Depuis 2008, l’utilisation de l’anesthésie ostéocentrale s’est développée et a évolué. On réalise maintenant des injections entre les racines de 36 ou 46 pour une efficacité optimum sur ce secteur. Cette évolution provient, en partie, du matériel qui a beaucoup évolué (3), y compris les aiguilles qui disposent aujourd’hui de modèles spécifiques en 30G-16mm ou 27G-16mm.
C’est aujourd’hui une technique enseignée en faculté au même titre que les techniques classiques (paraapicale, tronculaire, intraligamentaire..) qui restent bien évidemment d’actualité mais l’injection à proximité des apex apporte logiquement une efficacité, une immédiateté et un confort avantageux dans une pratique quotidienne.
Conclusion
En 2008, l’anesthésie ostéocentrale a remplacé avantageusement l’anesthésie transcorticale. Très proche, au niveau des angulations, des anesthésies intraseptales et intraligamentaire, elle permet aujourd’hui un accès et une réalisation aisée sur tous les secteurs.
Un pas de plus a été franchi pour faciliter la réalisation de l’anesthésie des molaires mandibulaires, en pulpite ou non, dans le respect du confort du patient et la diminution du stress du praticien. Cette évolution fait indéniablement partie des innovations marquantes de ces 10 dernières années, pour le patient et le praticien.
Bibliographie
1. Cavaroz. C « Contribution à l’étude de l’anesthésie Diploïque » thèse, Paris 1909.
2. Gaillard et Nogué : traité de stomatologie “Anesthésie” page 286, 366 J.B.Baillière et Fils Paris 1912.
3. Alain VILLETTE 500 anesthésies transcorticales réalisées en 1ère intention : le bilan. Le Chirurgien-Dentiste de France. 17/27 juillet 2003
4. Pourquoi pratiquer l’anesthésie intraosseuse en 1ère intention ? La Lettre de la Stomatologie. Avril 2001
5. Stanley F. Malamed Handbook of local anesthesia (5ème édition). Elsevier Mosby. 2004
6. Thierry COLLIER L’anesthésie transcorticale de 1ère intention. L’information Dentaire. 25/01/2006
7. Jean-Louis SIXOU et Maria-Elizena BARBOZAROGIER Apports de l’anesthésie transcorticale chez l’enfant et l’adolescent. Le Chirurgien- Dentiste de France. 06/04/2006