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Le dentiste, l’hypnose, le patient

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Actuellement, l’hypnose redevient un outil au service du patient par les recherches menées en laboratoire qui prouve la réalité de la transe hypnotique, et son efficacité sur la douleur . Après avoir défini l’hypnose et quelques uns de ses concepts, trois cas cliniques seront décrits : l’utilisation de l’hypnose chez un enfant qui consulte pour une biopulpotomie et deux adultes phobiques : l’une pour un abcès dentaire qui l’amène à retarder des soins jusqu’à la douleur la contraignant à prendre rendez-vous, l’autre pour une pulpite aiguë.

La définition de l’hypnose est aujourd’hui très précise et se décompose en trois dimensions : 

1. C’est un état de conscience naturelle chez l’être humain : l’enfant rêveur à l’école primaire ; l’adulte qui passe d’une conscience attentive à des moments de rêverie ou de réflexion « le regard absent, le regard dans le vague. »

2. C’est une relation de confiance entre le praticien et le patient, soutenu par un contexte particulier très souvent anxiogène. La fonction du chirurgien dentiste sera d’amplifier cet état de conscience naturel. Il sera aidé aussi par la situation : le cabinet dentaire, source d’angoisse et de pensées morbides.

3. C’est une rhétorique, un art de parler du praticien pour mobiliser les ressources imaginaires du patient. Le praticien utilisera des règles de rhétorique facilitant le langage analogique, un langage positif bannissant des termes trop anxiogènes (douleur, piqure, extraction, etc.)

Deux formes d’hypnose dans la communication thérapeutique

1. Une hypnose pratiquement protocolaire. La personne vient chercher de l’hypnose. Il y a pratiquement un canevas à suivre : induction de la transe, travail de suggestions thérapeutiques et retour à une conscience habituelle.

2. Une hypnose basée sur la communication, s’appuyant sur la réalité du patient : le cabinet dentaire, ses préoccupations autour du soin qui lui sera administré, ses passe-temps pour mobiliser sa mémoire et son imagination.

Trois étapes dans le processus thérapeutique suscité par le praticien

1. La focalisation de l’attention du patient. Ce sera généralement la fixation de son attention sur ses différentes sensations ou la focalisation de son attention sur son angoisse ou sa douleur, ses représentations du soin dentaire.

2. Le passage d’une réalité réelle à une réalité virtuelle, suscité par le discours du praticien. C’est la manière qu’a le praticien d’orienter le patient de ce qu’il perçoit du cabinet dentaire vers un ailleurs de confort, en mobilisant l’imagination du patient

3. Le retour pour le patient à une veille attentive. En hypnose, le patient garde une partie de sa conscience présente à l’environnement, à ce qui se passe dans le cabinet dentaire et en même temps il est ailleurs. C’est pour cela que l’on parle de dissociation hypnotique, le retour à la veille attentive est indispensable.

Les effets de l’hypnose thérapeutique

  • Diminuer la douleur, à la fois dans sa composante sensorielle et sa composante émotionnelle
  • Diminuer le stress, l’angoisse. L’anxiété est un exemple d’effet « nocebo » : une intensification de la douleur due aux effets de pensées, (croyances ou attentes négatives).
  • Rendre plus confortable le soin dentaire. C’est permettre une pratique dentaire plus facile. La communication thérapeutique de type « hypnotique » renforce la relation de confiance et la collaboration du patient avec le praticien.

Gain de temps

L’induction de la transe est très rapide : quelques minutes, quand c’est une hypnose formelle, et quelques instants, quand elle s’installe dans la conversation dirigée par le praticien.
Les effets sur la douleur et l’angoisse sont pratiquement immédiats.

Les inductions pour créer l’analgésie et diminuer l’angoisse sont basées sur la dissociation utilisée en hypnose

  • Dissociation corps/esprit : il s’agit d’aider le patient à se détacher de la réalité du cabinet dentaire, très souvent anxiogène, en lui proposant d’être mentalement ailleurs pendant le soin. Cette induction se met en place lors de la relation.
  • Création d’une analgésie, pratiquée sur la main, puis déplacée sur la zone concernée. C’est une pratique très utilisée . On parle d’anesthésie en gant.
  • Réification. On propose au patient de réinterpréter son malaise (douleur ou angoisse, par exemple) en terme d’images.

L’utilisation de la dissociation hypnotique permet d’intervenir dans de bonnes conditions dans des situations complexes. Trois cas cliniques pour illustrer cette approche de la communication thérapeutique.

L’hypnose chez l’enfant

Dans le développement cognitif de l’enfant, la fonction imaginaire est prédominante de 2 ans à 12 ans. L’équivalent de la transe hypnotique, c’est l’enfant rêveur, le regard absent, l’esprit ailleurs.
Ici, c’est un enfant de 8 ans qui a peur des soins. Il vient pour un soin qui s’avère une biopulpotomie. Le praticien commence son discours par légitimer la peur de l’enfant sous forme de questions : « Qu’est-ce qui te fait peur ? », « Pourquoi es-tu ici ? ». L’enfant répond « pour soigner des caries… » Le praticien accepte le discours de l’enfant sans chercher à le rassurer.
Ensuite, il demandera à l’enfant ce qu’il aime et ce dernier lui répondra le football. Après quelques informations données par le gamin, le praticien induit l’hypnose par la demande faite à l’enfant de fixer son attention sur le bras, mis dans une certaine position (catalepsie du bras), puis la fermeture des yeux, et grâce à un « tapis magique », l’enfant se retrouve à jouer à Madrid avec ses joueurs préférés… Pendant ce temps le praticien fait sans anesthésie chimique les soins en bouche. L’enfant revient de sa rêverie, ravi et souriant.

Qu’a fait le praticien :

  • reconnaître les peurs de l’enfant
  • l’interroger ensuite sur ce qu’il aime
  • fixer l’attention de l’enfant sur la position du bras et la fermeture des yeux
  • emmener l’enfant jouer au football avec ses joueurs préférés

L’induction utilisée, c’est la dissociation corps/esprit. En mobilisant l’imagination de l’enfant, ce dernier part du cabinet dentaire (la réalité) pour se rendre sur le stade de Madrid (la rêverie). Il suffit de quelques minutes pour que le corps de l’enfant s’adapte à cette situation, beaucoup plus rassurante que le cabinet dentaire.

L’hypnose dans la douleur aiguë, chez une adulte

hypnose cabinet dentaireMme G. a une phobie du dentiste. La dernière rencontre avec un dentiste remonte à trois ans. C’est une douleur insoutenable qui la contraint à venir consulter (soins effectués : endodontie, chirurgie).
Le praticien, après avoir installé cette femme sur le fauteuil, reconnaît la peur de cette femme et lui demande de donner une couleur à cette peur : « une couleur bleu foncée » dit-elle.
Nous savons tous que la douleur est souvent vécue comme une effraction, impossible à dominer. Là, le dentiste, par la réification (donner une forme, une couleur, etc.) permet à cette femme de reprendre du contrôle sur la nociception. Ensuite, il lui demandera de lui parler de ses centres d’intérêt, de ses désirs. Nous sommes dans la phase d’une construction d’une dissociation corps-esprit. Il utilisera aussi « l’anesthésie en gant » pour ensuite déplacer l’analgésie vers la mâchoire. Cette analgésie une fois installée, il fera une extraction. Son travail accompli, il fait revenir la patiente en lui enlevant l’analgésie. Elle se plaint du retour de la douleur. De nouveau induction de l’hypnose et de l’analgésie qui durera autant de temps que la patiente en a besoin.
Malgré, cette phobie initiale chez la patiente, le dentiste lui propose de créer une analgésie hypnotique. Comme l’ont démontré les recherches de M-E Faymonville , l’utilisation de l’hypnose permet de réduire, voire de supprimer, et la sensation nociceptive, et la résonnance émotionnelle.

Autre exemple : la gestion d’une pulpite, avec l’hypnose.
Mme C., phobique vient à la consultation avec une douleur aiguë : « Je n’en peux plus ! » dit-elle, « une douleur à se cogner la tête contre le mur… ». Elle souffre d’une pulpite. Après avoir reconnu la plainte de cette femme, le dentiste lui propose deux outils hypnotiques : la réification, déjà utilisée dans le cas de Mme G. et la dissociation hypnotique Le dentiste demande de chosifier la douleur : « Si c’était une couleur ?… Si c’était une odeur ?… Si c’était un goût ?… Un bruit ? » A chaque question, elle répondra : « du rouge sang…; une odeur d’ammoniac…; le goût de l’œuf pourri…; Le bruit d’un train qui passe… » Ensuite, le praticien lui propose de se retrouver dans un endroit qu’elle aime : « Etre avec son fils, dans la chambre de ce dernier et peindre ». Le praticien lui convie d’aller dans cette rêverie qu’elle a choisie. Il propose alors qu’elle est dans la transe hypnotique, de modifier la couleur, de réduire l’odeur, d’estomper le bruit, etc. Et ce travail de substitution des sensations et de dissociation permet de créer réellement une anesthésie qui va persister jusqu’au soin suivant. Et pour la patiente, cela lui redonne confiance pour le soin suivant, en prenant conscience qu’elle a des ressources pour ne pas être submergée par des émotions et par la douleur. La douleur redevient ce qu’elle doit être : un signal pour aller consulter.

Conclusion

Le fondement de cette approche de la communication thérapeutique est que n’importe quel stress comme un acte chirurgical ou anesthésique ou dentaire, ou même une simple hospitalisation, induit une modification de l’état de conscience similaire à l’hypnose et augmente la suggestibilité.
Le modèle de communication, proposé en hypnose dentaire semble être aujourd’hui le modèle le plus efficace de la communication thérapeutique : gain de temps, réduction des apports médicamenteux, utilisation de l’imagination du patient, confort des deux protagonistes. La pratique de l’hypnose permet de prendre conscience, à quel point corps et esprit sont interdépendants.

 

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A propos de l'auteur

Dr. Claude PARODI

Chirurgien-dentiste
Conférencier international

Dr. Kenton KAISER

Chirurgien-dentiste
Conférencier international

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