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Gestion des espaces généralisés chez une patiente adulte : quel rôle pour l’orthodontie ?

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La présence ou l’apparition d’espaces interdentaires chez le patient adulte peut être à l’origine d’une demande de traitement. Les causes de ces espaces sont anatomiques, déséquilibre dans la balance anatomie dentaire / longueur des arcades, agénésies ou consécutives à une pathologie, migrations secondaires dues à une maladie parodontale, extractions…

Ces situations cliniques impliquent souvent l’intervention de plusieurs spécialités et donc une planification minutieuse du plan de traitement en amont. L’avènement de l’implantologie et des nouvelles techniques de dentisterie adhésive ont par ailleurs augmenté les possibilités thérapeutiques vers une amélioration de la prise en charge. Néanmoins elles ne permettent pas de traiter toutes les situations et dans certains cas un temps orthodontique préalable est nécessaire pour un résultat final idéal.

Avec le développement des techniques d’orthodontie invisible linguale et plus récemment des traitements par aligneurs dont les publicités envahissent le paysage urbain et les réseaux sociaux, l’orthodontie de l’adulte devient une option socialement acceptée et très souvent demandée par le patient lui-même. 1 2

Elle est de plus en plus proposée dans les plans de traitement pluri disciplinaires de l’adulte.3

Cet article illustre au travers d’un cas clinique, l’intérêt de l’orthodontie dans une situation de gestion d’espaces généralisés.

Situation initiale

Charlotte. E est une patiente de 29 ans en bonne santé générale sans antécédents médicaux chirurgicaux se présentant en consultation chez le dentiste (Dr Albert Pinto) afin d’évaluer les possibilités de fermer ses espaces qu’elle trouve inesthétiques. (fig. 1.a, 1.b, 1.c)

photographie-du-sourire-initial

Figure 1 : photographie du sourire initial en latéralité droite (a) gauche (b) et de face (c) montrant la présence d’espace antérieurs inégalement répartis maxillaire et mandibulaire

L’anamnèse dentaire révèle l’absence de 45 extraite il y a plusieurs années et jamais remplacée. 35 et 36 ont été réhabilitées par des prothèses implanto-portées solidarisées satisfaisantes. On note plusieurs restaurations conservatrices.

L’anamnèse orthodontique révèle que la patiente a bénéficié d’un traitement orthodontique à l’adolescence avec extraction de 14 et 24.

arcade-maxillaire-initiale

Figure 2 : arcade maxillaire initiale montrant la présence de restaurations 16 26, l’absence de 14 24 et la présence d’espace antérieurs Figure 3 : arcade mandibulaire initiale montrant la présence d’espaces antérieurs et de l’espace d’extraction de 45 non replacée avec version de 44 46. Les prothèses implantoportées 35/36 ont été solidarisées.

Sur le plan parodontal, elle présente un terrain parodontal sain sans perte osseuse sauf au niveau du site d’extraction de 45 avec un affinement de la crête dans le sens vestibulo-lingual. Outre la distance mésio-distale réduite entre 44 et 46, il n’y a pas de contre-indication à la pose d’un implant pour remplacer 45. (fig. 2 et 3)

L’examen clinique initial est complété d’une radiographie panoramique montrant la bonne intégration des implants du secteur 3, une divergence des axes radiculaires des dents bordant les sites d’extraction (fig. 4). Après cet examen, la patiente est adressée chez l’orthodontiste afin d’envisager les possibilités de correction des différents espaces.

radiographie-panoramique-initiale

Consultation chez l’orthodontiste

L’examen met en évidence des rapports occlusaux de classe II molaire et canine à droite. Les rapports occlusaux sont en classe II molaire avec un calage satisfaisant, stable et en classe I canine à gauche (fig. 5 a et b).

rapports-occlusaux-lateraux

Figure 5 rapports occlusaux latéraux initiaux. 5a : classe II molaire complète, classe II bout à bout canine droite, 5b classe II complète molaire, classe I canine gauche.

On note aussi un recouvrement augmenté, un surplomb normal et un décalage du point inter incisif mandibulaire de 2 mm vers la droite (fig. 6).

situation-occlusale-initiale-de-face

Figure 6 : situation occlusale initiale de face : décalage du point inter incisif mandibulaire de 2 mm vers la droite, recouvrement augmenté.

L’examen fonctionnel met en évidence une absence de guidage canin dans les mouvements de latéralité avec une fonction de groupe. Néanmoins, l’examen des articulations temporo mandibulaires est normal. De plus, la patiente présente une déglutition secondaire normale.

Cet examen clinique orthodontique est complété par une téléradiographie de profil (Fig. 7) afin d’évaluer les rapports dento-alvéolaires et squelettiques.

L’analyse céphalométrique met en évidence une classe II squelettique par rétro-mandibulie (défaut de croissance mandibulaire), des incisives maxillaires linguo-versées et des incisives mandibulaires légèrement vestibulo-versées.

De plus on notera un schéma facial hypodivergent ce qui implique :

  • une difficulté à fermer des espaces postérieurs
  • une tendance à l’aggravation du recouvrement dans le temps
  • une certaine tolérance à la vestibulo-version des incisives mandibulaires4
teleradiographie-de-profil

Figure 7 : téléradiographie de profil montrant une classe II squelettique par rétromandibulie sur un schéma hypodivergent avec une vestibulo-ver

Plan de traitement

La réflexion du plan de traitement tourne surtout autour de la question d’ouvrir ou fermer les espaces de prémolaires maxillaire et mandibulaire.

Au maxillaire

Il a été décidé de fermer les espaces postérieurs. En effet, une ouverture des espaces prémolaires maxillaires impliquerait de décompenser la classe II squelettique de la patiente qui s’exprimerait cliniquement par une augmentation du surplomb avec des conséquences fonctionnelles. La correction d’un tel surplomb chez un patient adulte sans croissance est nécessairement chirurgicale. Or, un calage en classe II molaire tel qu’il existe du côté gauche est équilibrée, sans préjudice esthétique et convient parfaitement à la patiente dont l’examen des ATM est normal. C’est pourquoi il a été décidé de fermer les espaces postérieurs. 5

A la mandibule

Si fermer les espaces maxillaires dans le cas de cette patiente est très favorable du fait de l’occlusion mais aussi de la nature de l’os maxillaire, une fermeture à la mandibule s’avèrerait beaucoup plus laborieuse. En effet, le mouvement radiculaire à réaliser est important et l’os mandibulaire très « compact » ce qui impliquent une durée de traitement importante et décourageante pour la patiente pour aboutir à une occlusion asymétrique.

A l’inverse ouvrir l’espace de 45 se fait dans une durée limitée, elle permet de participer au nivellement de l’arcade mandibulaire et donc de corriger le recouvrement.

Aussi, il a été décidé d’ouvrir l’espace dans le secteur de 45 en vue d’une restauration implanto-portée.

maquette-montrant-le-set-up-numerique

Figure 8 : maquette montrant le set up numérique à partir duquel l’appareil lingual complètement individualisé a été réalisé

Déroulement du traitement

L’appareil mis en place est un appareil lingual autoligaturant entièrement individualisé. Un set up numérique permet de prévisualiser le résultat final et la répartition des espaces notamment l’ouverture de l’espace de 45 et la fermeture des autres espaces (fig. 8).

situation-apres-collage

Figure 9 : situation après collage, maxillaire (a) et mandibulaire (b). Des cales blanches de surélévation maxillaires ont été mise en place pour une durée de 3mois.

implant-remplacant-quarante-cinq-en-place

Figure 10 : implant remplaçant 45 en place avec pilier de cicatrisation (Dr Albert Pinto)

Une fois le set up validé par l’orthodontiste, un appareil sur mesure est réalisé. Des attaches ont été collées de deuxième molaire à deuxième molaire maxillaire et de deuxième molaire mandibulaire droite à deuxième prémolaire gauche. 35 et 36 étant solidarisées, on évite ainsi de gêner la patiente en ajoutant des brackets sur 36 et 37 (fig. 9).

L’implant remplaçant 45 a été posé en cours de traitement après avoir rétabli une distance mésio-distale suffisante et parallélisé les axes 46 44 (Dr Albert Pinto) (fig. 10). Poser l’implant durant le traitement orthodontique garantit de ne pas perdre l’espace et le parallélisme des axes radiculaires crées.

Situation finale

Le traitement orthodontique a répondu à la demande esthétique de la patiente en fermant les espaces maxillaire et mandibulaire.

La durée du traitement a été de 15mois. Les rapports occlusaux latéraux obtenus sont stables et symétriques calés en classe II thérapeutique (fig. 11 a et b).

rapports-occlusaux-lateraux

Figure 11 a et b : rapport occlusaux latéraux droit (a) et gauche (b) en classe II thérapeutique .

Pour l’arcade mandibulaire, un fil lingual de contention de canine à canine a été collé le jour de la dépose de l’appareil et une gouttière de contention mandibulaire à port nocturne remise à la patiente. L’objet de cette gouttière est de maintenir la situation du secteur 4 durant les étapes de réalisation de la prothèse implanto-portée.

situation-occlusale-face-finale

On note un alignement des points inter incisifs maxillaire et mandibulaire et une correction du recouvrement avec le rétablissement du guidage canin dans les mouvements de latéralité (fig. 12).

L’examen du sourire final montre que celui-ci est plus harmonieux, symétrique, ne comportant plus d’espaces qui déplaisaient à la patiente (fig. 13).

photographie-du-sourire-final

Figure 13 : photographie du sourire final en latéralité droite (a) gauche (b) et de face (c) montrant un sourire harmonieux et symétriques où les espaces ont été fermés

Discussion

Le nombre de patients adultes demandeurs de traitement d’orthodontie n’a cessé d’augmenter ces dernières années.

Plusieurs facteurs sont à l’origine de ce phénomène : une meilleure acceptation sociale, favorisée par les importants moyens publicitaires déployés par les laboratoires, le développement et le perfectionnement des techniques d’orthodontie invisible notamment linguale avec des appareils individualisés d’une grande précision.

A cela s’ajoute la tendance à la dentisterie minimalement invasive au moyen de techniques de dentisterie adhésive de plus en plus fiables.

Contrairement au jeune patient, une dentition adulte a « vécu », elle peut avoir déjà bénéficié d’un traitement orthodontique, présenter une malocclusion primaire ou acquise à laquelle peuvent s’ajouter d’autres facteurs comme un terrain parodontal affaibli, l’absence d’une ou plusieurs dents qui viennent compliquer le tableau clinique.

Dans les cas délicats de présence d’espaces généralisés dans le secteur esthétique, l’orthodontie permettra de mieux répartir ou fermer ces espaces.7 8 9 Cela dépendra de la demande du patient et de la faisabilité du traitement. La fermeture des espaces est une solution attrayante pour le patient dans la mesure où elle représente une solution définitive pas nécessairement suivie d’un temps prothétique.

L’ouverture des espaces quand elle est nécessaire implique toujours une prise en charge multi disciplinaire10. Plusieurs facteurs penchent en faveur d’une ouverture. Parmi eux, un profil concave avec des lèvres fines, un sourire étroit, un schéma facial court, une anatomie dentaire non favorable etc.

Dans les secteurs postérieurs l’absence d’une dent manquante non remplacée depuis longtemps entraine une version des dents bordants l’édentement ainsi que de la dent antagoniste. La pose d’implant nécessite un parallélisme des axes radiculaires et une distance inter-dentaire suffisante.

Aussi, un traitement orthodontique localisé sur une durée courte peut être envisagé pour rétablir les conditions nécessaires à la bonne intégration de l’implant. Celui-ci pourra être posé en cours de traitement orthodontique et la couronne posée après la dépose de l’appareil comme cela a été le cas présenté dans cet article. Aussi, la durée du traitement est optimisée en synchronisant les actes et donc la communication entre les différents intervenants

Conclusion

La présence d’espaces chez l’adulte est multifactorielle et sa correction se situe au carrefour de plusieurs disciplines. Aussi, l’orthodontie peut-elle jouer un rôle très intéressant en solutionnant tout ou partie du problème ce qui fait de cette discipline un atout non négligeable dans l’établissement de la stratégie thérapeutique.

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A propos de l'auteur

Dr. Myriam DIB

Master clinique spécialité Orthodontie (3ème année), Université Dentaire de Londres

Dr. Adrien Marinetti

Spécialiste Qualifié en Orthopédie-dento faciale
CECSMO Paris VII Garancière
Ancien président de la Société Française d’Orthodontie Linguale

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