En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies pour vous proposer des contenus et services adaptés à vos centres d'intérêts.

LEFILDENTAIRE est un site réservé aux professionnels de la santé dentaire.
Si vous n'êtes​ pas un professionnel de santé, vous pouvez obtenir des réponses à vos questions par des experts sur Dentagora.fr en activant le bouton Grand Public.

Je suis un professionnel Grand Public

Implication des parodontites dans L’athérosclérose

0

Malgré les progrès considérables réalisés en cardiologie dans la compréhension des facteurs de risques des pathologies cardiovasculaires, il a été souligné qu’environ un malaise cardiaque sur quatre arrivait chez des sujets ne présentant pas de facteur de risque cardiovasculaire classique issu de l’étude de Framingham tel que la dyslipidémie, l’hypertension, le diabète ou encore le tabagisme [1].

Depuis 1989, les infections orales sont suspectées d’être un facteur causal des pathologies cardiovasculaires, l’exemple le plus représentatif étant l’endocardite infectieuse.

La parodontite, pathologie inflammatoire du parodonte d’origine bactérienne, partage avec les pathologies vasculaires de nombreux facteurs de risque qui rendent l’association plus difficile à prouver.

De plus, de l’ADN de bactéries parodonto-pathogènes a été retrouvé dans des prélèvement vasculaires carotidiens, coronariens ou aortiques [2].

L’athérosclérose et ses complications

La définition de l’athérosclérose actuellement utilisée est celle de l’OMS, datant de 1958.

L’athérosclérose constitue « une association variable de remaniements de l’intima des artères de gros et de moyen calibre consistant en une accumulation focale de lipides, de glucides complexes, de sang et de produits sanguins, de tissus fibreux et de dépôts calcaires, le tout s’accompagnant de modifications de la media » [3].

classification-evolutive-des-lesions

Tableau 1 : classification évolutive des lésions d’athérosclérose (schéma refait et traduit en français d’après [18]).

La formation des plaques d’athérome commence dès les premières années de la vie et ces dernières restent asymptomatiques pendant des dizaines d’années. Les différents stades de formation de la plaque sont décrits dans la Figure 1 et le Tableau 1.

etapes-de-la-formation-d-une-plaque-d-atherom

Figure 1 : les étapes de la formation d’une plaque d’athérom Étape 1 : dysfonction endothéliale Étape 2 : accumulation de lipides par les macrophages et transformation en cellules spumeuses (type 1) Étape 3 : accumulation de lipides jusqu’à la formation de coeurs lipidiques avec la présence de couches fibreuses et/ou calcifiées (types II à V) Étape 4 : rupture de la plaque (type VI)

La maladie athéromateuse est à l’origine de la plupart des maladies cardiovasculaires, qui représentent la première cause de mortalité dans le monde [4]. En France, la mortalité cardiovasculaire est de 122/100 000 chez les femmes et 330/100 000 chez les hommes, ces taux étant parmi les plus faibles d’Europe [5].

Les pathologies liées à l’athérosclérose résultent le plus souvent de la rupture d’une plaque d’athérome, provoquant une agrégation plaquettaire et la formation d’un thrombus (Figure 2)

developpement-de-l-atherosclerose

Figure 2 : développement de l’athérosclérose et progression jusqu’à la thrombose et les manifestations cliniques (schéma refait et traduit en français d’après [19]).

  • Les syndromes coronariens aigus sont provoqués par une thrombose des artères coronaires au niveau d’une plaque rompue. Cette thrombose oblitérerait partiellement ou totalement la lumière du vaisseau, donnant une ischémie au niveau du territoire de la coronaire atteinte puis un infarctus.
  • Les accidents vasculaires cérébraux ischémiques se produisent lorsqu’une artère cérébrale est oblitérée par un thrombus. L’étiologie n’est pas systématiquement d’origine athéromateuse.
  • L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs est provoquée par une sténose ou une thrombose des artères qui irriguent les membres inférieurs (artères iliaques, fémorales, poplitées). L’évolution de la plaque d’athérome se fait de manière chronique, silencieuse pendant plusieurs années et les ruptures de plaque sont le plus souvent asymptomatiques.
  • Les anévrismes sont localisés le plus fréquemment au niveau de l’aorte abdominale, en-dessous des artères rénales. Les complications sont les thromboses, les emboles, une fibrose rétro-péritonéale mais surtout la rupture [6].

L’incidence accrue des parodontites chez les patients présentant une pathologie liée à l’athérosclérose

Les preuves actuelles soutiennent le fait que l’incidence des pathologies cardiovasculaires liées à l’athérosclérose (ACVD) est plus élevée chez les patients ayant une pathologie parodontale et/ou un état parodontal aggravé, en comparaison à des patients sans pathologie parodontale ou avec un état parodontal meilleur et ceci indépendamment de plusieurs facteurs de risque cardiovasculaires établis [7].

La relation entre maladies parodontales et ACVD est potentiellement de grande importance en santé publique à cause de leurs prévalences élevées. Une revue de la littérature indique que la maladie parodontale est associée aux ACVD, indépendamment de facteurs de confusion connus [8]. Cette information provient principalement d’études observationnelles et, par conséquent, ne démontre pas que la maladie parodontale est une cause des ACVD, ni ne confirme l’affirmation que les thérapeutiques parodontales préviennent ou modifient l’évolution clinique des ACVD [8].

Bien qu’une contribution de la pathologie parodontale aux ACVD soit biologiquement plausible, les pathologies parodontales et cardiovasculaires partagent de nombreux facteurs de risque qui sont des promoteurs prévalents et puissants de la maladie, comprenant le tabagisme, le diabète et l’âge [8].

Les facteurs de risques communs aux deux pathologies

Les facteurs de risque des pathologies parodontales incluent des facteurs locaux, systémiques et génétiques [8]. Les maladies parodontales et les maladies cardiovasculaires liées à l’athérosclérose partagent de nombreux facteurs de risque [9].

Parmi les facteurs de risque non modifiables peuvent être cités l’âge, le sexe et la numération des leucocytes.

Les facteurs de risques modifiables comprennent :

  • Le tabagisme : il aggrave la sévérité, la prévalence et l’évolution des parodontites [9].
  • La consommation d’alcool
  • Le stress : il agirait surtout par acquisition de comportements à risque (tabac, réduction du brossage…) [10] mais aussi par impact sur la réaction inflammatoire et en altérant la réponse de l’hôte aux agressions bactériennes.
  • Le diabète : le diabète est un facteur de risque majeur des maladies parodontales [11] et multiplie par deux à trois la mortalité cardiovasculaire [9].
  • L’indice de masse corporelle (IMC) : des méta-analyses et des revues systématiques ont montré une association entre maladies parodontales et IMC pour l’obésité et le surpoids [12].
  • Les infections bactériennes et virales

Hypothèses des mécanismes associant maladie athéromateuse et pathologies parodontales

Deux mécanismes majeurs, immuno-inflammatoire (indirect) et bactérien (direct), sont évoqués et peuvent s’associer [13,14] :

  • la voie directe : les bactéries parodontales se retrouvent dans la circulation générale suite à la plaie parodontale et se greffent directement sur une lésion vasculaire préexistante.

Elles recrutent des leucocytes (neutrophiles) et participent directement à l’athérogenèse et favorisent la rupture des plaques [13].

  • la voie indirecte : les maladies parodontales provoquent une réaction immuno-inflammatoire qui se traduit par la production de médiateurs pro-inflammatoires, de facteurs pro-thrombotiques qui par circulation systémique, se retrouvent au niveau des plaques d’athérome [14].

Un schéma présenté dans un consensus entre l’Académie Américaine de Parodontologie (AAP) et La Fédération Européenne de parodontologie (EFP), résume l’influence de chaque mécanisme [15] (Figure 3).

EFFET-DES-THERAPEUTIQUES-PARODONTALES

Ath = Athérome B = Bactéries H = Etudes humaines A = Etudes animales V = Etudes in vitro Les cases en pointillés indiquent des preuves limitées/absentes.

Effet des thérapeutiques parodontales sur les marqueurs de l’athérosclérose

Une revue systématique et méta-analyse récente a confirmé que le traitement parodontal améliore les profils lipidique et inflammatoire des patients, surtout chez ceux présentant des comorbidités tels que les patients diabétiques [16].

D’Aiuto et al. ont réalisé une revue systématique publiée en 2013 concluant sur le fait que le traitement parodontal déclenchait une réponse inflammatoire à court terme suivie par une réduction consistante et progressive de l’inflammation systémique (notamment avec une diminution significative des taux de CRP) ainsi que d’une amélioration de la fonction endothéliale [17]. Ils suggèrent des essais cliniques multicentriques à grande échelle afin d’évaluer l’effet de la thérapeutique parodontale sur l’incidence de futures pathologies cardiovasculaires afin de confirmer ou infirmer le lien causal entre parodontite et pathologies cardio-vasculaires.

Comme le mentionnent Tonetti et al. [15], le traitement parodontal nécessitant une intervention professionnelle individuelle, il serait préférable de mettre en place des nouvelles stratégies de prévention primaire pour prévenir la pathologie à l’échelle de la population générale.

Conclusion

Le rôle du chirurgien-dentiste dans la prévention et le traitement de la parodontite prend toute son importance ici dans le sens où la parodontite pourrait contribuer à une inflammation systémique et à l’athérogenèse chez des patients en bonne santé générale.

Les résultats des études interventionnelles montrent que le traitement parodontal semble atténuer des marqueurs de l’athérosclérose asymptomatique telle que la dysfonction endothéliale, qui est la première étape de la formation des plaques d’athérome.

Même si les preuves actuelles ne sont pas suffisantes pour parler de lien bidirectionnel entre parodontite et athérosclérose comme cela existe pour le diabète (la parodontite étant la sixième complication du diabète) ni pour modifier nos pratiques, les dernières études justifient un des rôles de la médecine buccodentaire : Une bonne santé parodontale pour être en bonne santé générale.

Bibliographie

1. magnus P, Beaglehole r. The Real Contribution of the Major Risk Factors to the Coronary Epidemics: Time to End the ‘Only-50%’ Myth. Arch Intern Med. 2001 Dec 10;161(22):2657.
2. meilhac o. Impact of periodontal disease on atherothrombosis. Sang Thromb Vaiss—Sang Thromb Vaiss. 2012 Feb;(2):63–8.
3. World Health Organization. Classification of atherosclerotic lesions: report of a study group (meeting held in Washington, D.C. from 7 to 11 October 1957). Geneva, Switzerland: World Health Organisation; 1958.
4. World Health Organization. Global status report on non communicable diseases 2014 [Internet]. Geneva, Switzerland: World Health Organisation; 2014. Available from: http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/148114/1/9789241564854_eng.pdf
5. montaye m, richard F, Lemaire B, Domanievitcz rm, Lenoir mF, Danet s, et al. [Secondary prevention of coronary disease in France. Result of the EUROASPIRE study: the Lille register of ischemic cardiopathies]. Arch Mal Coeur Vaiss. 1998 Oct;91(10):1211–20.
6. Bonnet J. Athérosclérose. EMC – Cardiol. 2006 Jan;1(1):1–15.
7. Dietrich T, sharma P, Walter C, Weston P, Beck J. The epidemiological evidence behind the association between periodontitis and incident atherosclerotic cardiovascular disease. J Clin Periodontol. 2013 Apr;40:S70–84.
8. Lockhart PB, Bolger aF, Papapanou PN, osinbowale o, Trevisan m, Levison me, et al. Periodontal Disease and Atherosclerotic Vascular Disease: Does the Evidence Support an Independent Association ?: A Scientific Statement From the American Heart Association. Circulation. 2012 May 22;125(20):2520–44.
9. Bouchard P. Parodontologie et dentisterie implantaire. Volume 1, Médecine parodontale. Paris, France: Lavoisier médecine Sciences; 2014. (Odontologie; vol. 1).
10. Breivik T, Thrane Ps, murison r, Gjermo P. Emotional stress effects on immunity, gingivitis and periodontitis. Eur J Oral Sci. 1996 Aug;104(4 ( Pt 1)):327–34.
11. Chávarry NGm, vettore mv, sansone C, sheiham a. The relationship between diabetes mellitus and destructive periodontal disease: a meta-analysis. Oral Health Prev Dent. 2009;7(2):107–27.
12. Keller a, rohde JF, raymond K, Heitmann BL. Association between periodontal disease and overweight and obesity: a systematic review. J Periodontol. 2015 Jun;86(6):766–76.
13. reyes L, Herrera D, Kozarov e, roldán s, Progulske-Fox a. Periodontal bacterial invasion and infection: contribution to atherosclerotic pathology. J Clin Periodontol. 2013 Apr;40:S30–50.
14. schenkein Ha, Loos BG. Inflammatory mechanisms linking periodontal diseases to cardiovascular diseases. J Clin Periodontol. 2013 Apr;40:S51–69.
15. Tonetti ms, van Dyke Te, working group 1 of the joint EFP/AAP workshop. Periodontitis and atherosclerotic cardiovascular disease: consensus report of the Joint EFP/AAP Workshop on Periodontitis and Systemic Diseases. J Clin Periodontol. 2013 Apr;40:S24–9.
16. Teeuw WJ, slot De, susanto H, Gerdes vea, abbas F, D’aiuto F, et al. Treatment of periodontitis improves the atherosclerotic profile: a systematic review and meta-analysis. J Clin Periodontol. 2014 Jan;41(1):70–9.
17. D’aiuto F, orlandi m, Gunsolley JC. Evidence that periodontal treatment improves biomarkers and CVD outcomes. J Clin Periodontol. 2013 Apr;40:S85–105.
18. stary HC, Chandler aB, Dinsmore re, Fuster v, Glagov s, insull W, et al. A definition of advanced types of atherosclerotic lesions and a histological classification of atherosclerosis. A report from the Committee on Vascular Lesions of the Council on Arteriosclerosis, American Heart Association. Circulation. 1995 Sep 1;92(5):1355–74.
19. safar me, Frohlich eD, editors. Atherosclerosis, Large Arteries and Cardiovascular Risk [Internet]. S. Karger AG; 2006 [cited 2016 Feb 7]. (Advances in Cardiology; vol. 44). Available from: http://www.karger.com/Book/Home/232231

Partager

A propos de l'auteur

Dr. Yves LAUVERJAT

Maître de conférences des universités
Praticien hospitalier

Laisser une réponse