En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies pour vous proposer des contenus et services adaptés à vos centres d'intérêts.

LEFILDENTAIRE est un site réservé aux professionnels de la santé dentaire.
Si vous n'êtes​ pas un professionnel de santé, vous pouvez obtenir des réponses à vos questions par des experts sur Dentagora.fr en activant le bouton Grand Public.

Je suis un professionnel Grand Public

Quadrant d’inlays en une seule séance : la gageure de la CFAO directe

0

La problématique est la suivante : comment réaliser en un seul temps clinique des restaurations partielles pérennes et esthétiques sur plusieurs dents contiguës, en tenant compte de la durée d’une anesthésie locale et d’un planning d’omnipraticien bien dense ? Les avantages seraient multiples : un seul rendez-vous, une seule anesthésie, pas de restauration provisoire, un seul temps de préparation cavitaire, une anatomie d’arcade harmonieuse, une fonction occlusale maîtrisée, un seul temps de collage.

L’unique réponse à ce jour est la CFAO directe : prise d’empreinte optique au fauteuil directement en bouche, conception guidée des éléments virtuels de restauration, usinage rapide automatisé. Ce trio technologique est sorti tout droit de l’imagination fertile du Pr François DURET ; beaucoup se souviennent de leur émotion lors de l’ADF 1985, lorsqu’il a brandi la couronne réalisée en direct sur le plateau de retransmission télévisée, qu’il a ensuite placée et collée dans la bouche de son épouse ! Depuis, son invention a profité de toute la puissance des services de recherche des industries, des évolutions matérielles et logicielles, des biomatériaux et des colles…

Militante et actrice des premiers jours, omnipraticienne confortée par ses résultats depuis tant d’années, je réponds à cette problématique grâce au CEREC AC de la firme SIRONA, seul système à ce jour capable de réaliser la reconstruction tridimensionnelle des fragments coronaires manquants en une séance de la durée d’une anesthésie.

D’autre part, il est important pour moi de respecter les recommandations de préservation tissulaire par des restaurations de type inlay-onlay, suivant en cela le principe du Gradient Thérapeutique cher à J-P. ATTAL et G. TIRLET.

Cette préservation n’est pérenne que par la précision d’adaptation de la restauration, une reconstitution reproduisant l’anatomie du patient, un matériau céramique de comportement proche de l’organe naturel, une réponse globale de l’entité dent-restauration aux contraintes d’occlusion et de mastication grâce au collage. L’esthétique étant une demande croissante de nos patients, ce matériau doit être mimétique : vitrocéramiques feldspathiques enrichies en sanidine ou en leucite, et céramiques en disilicate de lithium. Leur homogénéité et leur densité permettent de répondre à la demande d’un matériau usinable à froid sans risque de micro fêlures et résistant au niveau des bords francs et des zones de fine épaisseur bien utile pour la manipulation de l’élément.

L’idée de la CFAO directe est de « simuler l’élément élaboré en situation dans son environnement réel, recréé virtuellement ou même anticipé. » (Raynal 2007). La notion d’anticipation est utilisée dans la réalisation d’un quadrant, afin de prévisualiser le premier élément en situation sur le modèle virtuel et d’envisager la conception du second alors même qu’il n’est pas encore usiné.

Cas clinique n°1

L’indication de réaliser des inlays-onlays ou mieux des reconstitutions partielles collées (RCP) se pose lorsqu’il s’agit de restaurer la perte de substance coronaire sur dent pulpée, et/ou de rétablir une fonction perturbée – occlusale, proximale, parodontale. Le patient est un tout jeune adulte, présente des reprises de caries sous des amalgames proximaux (Fig. 1 et 2), et consomme des boissons gazeuses sucrées. Après lui avoir fait promettre de corriger ses habitudes alimentaires sous peine de voir nos efforts d’étanchéité périphérique mis à mal, avoir effectué un cliché radio du volume amélo-dentino-pulpaire résiduel, lui avoir montré l’intérêt de remplacer ses soins foulés par des restaurations collées, de lui avoir remis un devis correspondant et qu’il l’ait accepté, nous démarrons le traitement lui-même.

inlays-onlaysUne fiche patient CEREC est établie sur la dent 36, bien que les deux molaires soient restaurées sur la même empreinte optique. Une anesthésie locale est effectuée. L’éviction de l’amalgame et de la dentine cariée se réalise sous spray à l’aide de fraises diamantées cylindriques à bout plat.

Quelle doit-être la forme de préparation ?

Les contraintes de l’empreinte optique et du tout-céramique usiné nous encouragent à réaliser des formes bien architecturées tout en respectant le principe de conservation tissulaire. La précision du joint périphérique est directement liée à son positionnement sur le modèle virtuel. Or il est plus aisé sur une image numérisée de repérer une variation nette d’angulation synonyme de bord qu’une ligne de fuite… Ce qui est vrai pour l’oeil du prothésiste sur une empreinte classique ! Si toutefois une contre-dépouille au niveau d’une paroi interne devait être conservée lors de la dépose d’amalgame, elle ne sera pas reproduite sur l’intrados. On conserve intact le billot occlusal de la 36, puisqu’il n’y a pas d’infiltration des sillons. Nous réalisons deux cavités : une mésio-occlusale et une disto-occlusale sur 36. Un inlay mésio-occlusal est prévu sur 37.

La situation juxta gingivale comme prévu sur le cliché radio nécessite la pose de fils de rétraction optimisant la lecture optique et le contrôle des fluides sulculaires. Nous n’enregistrons pas l’occlusion antagoniste, car les pentes cuspidiennes résiduelles sont suffisantes pour rétablir la surface occlusale. En cela le logiciel de morphologie biogénérique est d’une redoutable efficacité.

L’empreinte optique

Le champ est maintenu sec dans l’environnement des 36 et 37 : un clamp à ailettes posé sur la dent distale maintient des rouleaux de coton et décale la langue hors du champ de la caméra intrabuccale. On pulvérise un film de dioxyde de titane bleu sur la cavité et les pans résiduels, les dents adjacentes et leurs faces proximales. Ce film mat d’une dizaine de microns est indispensable pour récupérer la totalité de la lumière envoyée par la caméra sur l’objet à numériser. Aucun système de lecture optique ne peut se passer de matifier des corps non opaques ; au laboratoire, des plâtres spécifiques existent pour contourner ce point. La Bluecam du CEREC AC intègre la validation automatique des vues : un dispositif de détection de l’immobilité automatise le déclenchement de la capture et optimise la qualité de l’information recueillie en supprimant les vues floues. Nous prenons 4 vues successives chevauchées, afin de travailler sur un modèle de 34 à 37 (Fig. 3). Nous devons cliniquement apprécier si l’empreinte présente les informations sine qua non : notre responsabilité est la même que pour une empreinte en matériau traditionnel, la différence est l’immédiateté, la visualisation grossie une vingtaine de fois, l’absence de modification volumétrique à la désinsertion et au traitement, le confort pour le patient et le praticien.

La conception assistée en visualisation 3D

Le traitement de l’empreinte numérique se fait par un clic sur l’icône « suite » : création du modèle virtuel tridimensionnel. La corrélation des différentes vues donne un volume matérialisé à l’écran comme un modèle en plâtre classique : c’est la possibilité de faire appel à notre expérience clinique, selon des formes anatomiques connues et non une visualisation 2D déroutante comme cela a été le cas pendant de longues années. La première étape est la séparation du die, afin de réaliser un modèle positif unitaire. Puis un contourage de la préparation est réalisé par une ligne fixée de point en point suivant précisément le bord de la cavité. L’orientation du modèle permet de visualiser toute la cavité et ses bords ; l’axe déterminé n’est autre que l’axe d’insertion de l’élément futur et conditionne le calcul des trajets d’outils lors du fraisage. Dans ce cas, pas de compromis car pas de contre-dépouille. Nous avons simplement incliné le modèle afin de supprimer le surplomb de la face distale de 35 au-dessus de la zone cervico-mésiale de 36.

L’étape suivante est fascinante : le logiciel de modélisation bio-générique modifie l’anatomie de la dent 36 théorique récupérée dans sa bibliothèque de formes afin de la faire coïncider avec la 36 du patient. Le volume obtenu reconstitue l’organe dentaire : respect de l’angulation des pans cuspidiens résiduels du patient, sillons, bombés et pointes cuspidiennes alignés dans l’arcade, réhabilitation de l’embrasure papillaire pyramidale… Nous voudrons forcément modifier un peu cette anatomie selon nos propres critères. Divers outils de visualisation et de design permettent toutes les corrections, de la plus importante (par ex. rotation de l’élément) jusqu’à une micro modification de surface. Ne perdons pas de vue de placer nos trois éléments avant la fin de l’anesthésie… La fonction Trim permet de retirer 35 et de visualiser le contact mésial (vert et jaune). La surface de contact est large, stabilisante.

La conception en quadrant

Après sélection de 36 à nouveau, s’affiche le même modèle incrémenté de l’inlay précédent virtuellement collé. Simultanément, nous lançons son usinage dans un bloc de céramique IVOCLAR EmpressCAD teinte HT A2, volume I8. L’intégration esthétique est amplifiée par le choix de la translucidité du matériau et de sa gamme chromatique. L’usinage se déroule automatiquement, commandé par le logiciel de fraisage. Nous avons quelques minutes pour concevoir le second inlay…

Selon le même déroulement logique, nous visualisons la deuxième maquette et lançons la conception du troisième élément sur 37. L’usinage du premier inlay étant terminé, un bloc identique est inséré dans la chambre d’usinage et fraisé. Son positionnement virtuel est indispensable pour réaliser la face proximale sur laquelle viendra s’appuyer le dernier élément (Fig. 4). C’est dire la confiance que nous avons dans la reproductibilité en bouche de ce qui est préfiguré… Les étapes de conception et d’usinage finies, nous revenons vers notre patient. Celui-ci a montré son vif intérêt lors de chacune des phases CEREC, le tout ayant duré une vingtaine de minutes. Après avoir ôté les ergots d’usinage, nous vérifions l’ajustage des bords périphériques à la sonde et la qualité des points de contact proximaux au fil de soie.

Je ne maquille pas les inlays postérieurs : le polissage mécanique donne un état de surface reproduisant le satiné amélaire, et le brillantage des micro grains de leucite booste leur translucidité permettant, une fois l’espace cavité-intrados comblé par le composite de collage, une intégration qui ne cesse de me fasciner. L’économie de temps réalisée est appréciable par tous, patient et praticien, et permet de baisser le coût final des restaurations.

Collage simultané des reconstitutions partielles

La digue est posée sur 36 et 37. Les interfaces sont préparées selon un protocole désormais classique : mordançage des intrados céramique par application d’acide fluorhydrique à 5 %, silanisation des trois inlays. Selon le produit de collage utilisé, ici Multilink Automix IVOCLAR, réalisation du mordançage amélaire puis bonding des cavités. Nous plaçons le matériau composite dans la cavité mésioocclusale de 36, insérons passivement le premier élément, puis photopolymérisons 2 secondes afin d’ôter les excès de colle. Une seconde photopolymérisation entraîne la prise complète du matériau. Les deux autres cavités sont enduites de colle à leur tour, les éléments CEREC placés simultanément sans forcer. Même technique de photopolymérisation en deux temps, passage en proximal d’un fil de soie avant polymérisation complète. Après retrait de la digue, nous vérifions l’occlusion statique et dynamique : en ce cas précis, pas de correction à réaliser. Les volumes sont adaptés, les crêtes marginales de même hauteur, les points de contact proximaux de qualité. Le polissage avec meulettes siliconées et pâte à polir donne l’état de surface attendu. Le patient confirme ! (Fig. 5).

Une séance d’une heure dix a été nécessaire pour réaliser la restauration de deux dents contiguës par trois inlays collés en céramique, en utilisant la CFAO directe au fauteuil.

Cas clinique n°2

La patiente consulte pour une gêne permanente lors des repas par bourrage alimentaire entre 24 et 25. Il faut restaurer les fonctions proximale et occlusale (Fig. 6). La rétraction pulpaire physiologique due à son âge favorise le choix du collage plutôt qu’un ancrage mécanique intraradiculaire. Nous réalisons l’empreinte optique de 23 à 26 et enregistrons l’occlusion statique par un mordu en silicone. Il nous donnera l’anatomie des faces occlusales antagonistes et leurs positions en intercuspidie maximale. Nous concevons d’abord l’inlay MODL sur 24 puis en mode quadrant l’onlay MOL sur 25 en intercalant les usinages (Fig. 7). La vérification de l’adaptation marginale, de la passivité à l’insertion, du contact proximal sont réalisés. Le collage intervient selon le même protocole. Le réglage occlusal après collage nécessite une retouche du pan interne vestibulaire restauré sur 25, supprimant l’interférence en latéralité. Après polissage mécanique, le rendu est satisfaisant.

Nous avons obéi au principe d’économie tissulaire (Fig. 8).

Cette séance aura duré 55 minutes. Le défi est encore une fois relevé. À six mois, nous constatons l’absence d’inflammation papillaire, la qualité du joint périphérique, l’intégration esthétique et occlusale (Fig. 9).

Conclusion

Dans un exercice d’omnipratique, le CEREC permet la restauration de l’intégrité biomécanique structurelle et esthétique des dents en respectant les tissus dentaires et parodontaux, le schéma occlusal du patient, sa disponibilité et son porte-monnaie ! Mon expérience clinique est tous les jours confortée par la somme de travaux scientifiques venant prouver les valeurs exceptionnelles de ces céramiques dans leur comportement mimétique de l’élément naturel, validant les collages dans la durée. De façon indissociable, la CFAO directe est aujourd’hui le système amenant au cabinet dentaire une technologie fiable de récupération des données, de conception de l’élément à restaurer, de sa fabrication rapide. Les indications ne cessent d’augmenter, notre sens clinique se doit de changer de paradigmes dans l’établissement de nos plans de traitement

Bibliographie

1. Mörmann W.H., State of the Art of CAD-CAM Restorations, 20 Years of CEREC, Quintessence Publishing 2006.
2. Attal J.P. , Tirlet G. : Spécial Esthétique, L’Information Dentaire, 41/43, Nov, 2009.
3. Archien C., Reiss B. and Coll: Tout sur le «tout céramique», A.C.D., 2008.

Partager

A propos de l'auteur

Dr. Fabienne JORDAN

Exercice libéral à Chamalières (63)
Formatrice CEREC, agréée ISCD

Laisser une réponse