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Contrôle sécu : ce qui change en 2014

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“Près de 150 millions d’euros, c’est le montant des fraudes et sommes indues repérés par l’Assurance-maladie en 2012, en hausse de 25 % par rapport à 2011 et dont une majorité est attribuée aux professionnels de santé.

Les 149,4 millions d’euros que pointe le bilan de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude n’ont pas encore été intégralement recouvrés. Parmi les professionnels de santé libéraux, l’Assurance-maladie a détecté un préjudice de 17,3 millions d’euros par les seuls infirmiers”.

“Les prestations fictives, facturations multiples frauduleuses constituent à elles seules plus de la moitié du préjudice subi par l’Assurance-maladie du fait des manquements de ces infirmiers”, pointe le rapport du Monde du 30 octobre 2013.

Suivent :

  • les transporteurs sanitaires (12,7 millions d’euros de préjudice).
  • les médecins généralistes et spécialistes (7,4 millions d’euros).
  • les chirurgiens-dentistes (3,3 millions d’euros).
  • les pharmaciens (2,8 millions d’euros).
  • les masseurs-kinésithérapeutes (2,1 millions d’euros).

L’Assurance-maladie a repéré 57,5 millions d’euros de fraudes et sommes indues dans les hôpitaux et cliniques, en grande partie en raison de surfacturation d’actes. »

Journal régional le 26 décembre 2013
« Une chirurgienne-dentiste a été condamnée à trois ans de prison avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans. Il lui est interdit d’exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant cinq ans. Elle devra aussi verser 53 000 € d’amende, ainsi qu’indemniser les parties civiles à hauteur de 68 800€. La condamnation devra également être affichée au sein des locaux des caisses primaires concernées. »

Comme vous le constatez, il ne fait pas bon frauder et se faire prendre !!!

L’article L315-1 du code de la Sécurité sociale octroie au service médical des caisses d’Assurance maladie la faculté de contrôler les professionnels de santé ainsi que les établissements de santé dès lors qu’il y a délivrance ou facturation de médicaments, produits ou prestations donnant lieu à remboursement par les caisses d’Assurance maladie ou à prise en charge par l’État.

La procédure commence par une phase d’analyse et de contrôle médical. En ce sens, le contrôle médical constitue une véritable phase pré-contentieuse, dont il est préférable que le praticien connaisse le déroulement et ses moyens de défense s’il veut aborder, dans les meilleures conditions, le contentieux qui en découlera éventuellement, en contestant s’il y a lieu la validité des modalités du contrôle médical dont les résultats lui sont opposés.

L’information préalable

Lorsqu’il commence son analyse, le service médical informe le praticien qu’une analyse de son activité est en cours et que certains de ses patients seront convoqués. Le plus souvent, les motifs à l’origine d’une analyse d’activité répondent à des signes d’appels objectifs et extérieurs, tels que le traitement des ententes préalables (cliché radiologique, proposition de cotations), le traitement des feuilles d’honoraires, des SNIR et des relevés d’activités, notamment prothétiques, se démarquant des moyennes locales, ainsi que des plaintes émanant de patients. Les ententes préalables étant aujourd’hui supprimées, les contrôles après réalisation des traitements se multiplient.
À ce stade, le service médical mène son enquête, analyse une cinquantaine de dossiers, convoque un certain nombre de patients, s’assure que les actes cotés ont bien été réalisés et que la cotation est conforme à l’acte.
C’est à ce stade que le service médical accumule les données sans en rendre compte au praticien contrôlé.

Demande de renseignements

Le service médical sollicite le praticien et lui réclame un certain nombre de précisions quant au contenu de certaines consultations, aux traitements réalisés ou cotations notées.
Il convient toutefois de faire attention, car c’est à partir des réponses formulées que la liste des griefs à l’encontre du praticien sera établie. C’est pourquoi la sagesse préconise de solliciter, dès cette phase, l’assistance de professionnels aguerris à ces procédures.

La notification

C’est à partir des réponses fournies par le praticien que le service médical, s’appuyant sur la Nomenclature générale des actes professionnels, la Convention, le code de la Sécurité sociale, le code de déontologie, et les recommandations de la Haute Autorité de santé, va analyser chaque dossier, relever les erreurs ou les fautes commises, et adresser ses conclusions au service administratif. La Caisse primaire d’assurance maladie va alors notifier au praticien « les griefs observés » ; ce dernier disposera alors d’un mois pour être entendu par le service médical.

L’entretien avec le service médical

Cet entretien permet d’apporter un nouvel éclairage au service médical sur certaines erreurs ou fautes reprochées, en confrontant les observations du service médical avec les réflexions et justifications du praticien. Un certain nombre de « griefs observés » peuvent ainsi à ce stade disparaître.
Cet entretien permet également au praticien de comprendre les mécanismes et les raisons ayant conduit à l’analyse et le cas échéant, à la remise en cause de sa pratique professionnelle, volet «pédagogique» du contrôle.

Conclusion du service médical et actions mises en œuvre

Le service médical informe in fine le praticien de ses conclusions et confirme en général les termes de l’entretien. Des recommandations écrites ainsi que des mises en garde sont formulées. Le service médical transmet à la Caisse primaire d’assurance maladie la liste des actes avec « anomalies ».

En fonction de la gravité des griefs retenus, la CPAM, en son service administratif, choisit parmi les options procédurales à sa disposition : saisine de la section des assurances sociales, saisine des instances conventionnelles pour un déconventionnement temporaire, action en répétition de l’indu…

Contrôle sécu : ce qui a changé en 2013

Afin de mieux respecter les droits des praticiens contrôlés et de tenir compte de leurs revendications à une procédure équitable et impartiale, un certain nombre de réformes sont intervenues en 2013 visant à faciliter l’exercice de ces droits, bien que tout soit perceptible. Il faut dire que les magistrats de l’ordre judicaire, notamment les tribunaux des affaires de la Sécurité sociale, veillent au grain, le moindre écart dans le déroulé du contrôle pouvant entraîner l’annulation de la procédure.

En matière de contentieux du contrôle technique

Le contrôle technique porte principalement sur l’évaluation de la qualité et de la sécurité des soins octroyés. Le contentieux qui en résulte est ainsi communément porté devant la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance du Conseil régional des chirurgiens-dentistes, qui aura pour mission de vérifier si les anomalies constatées par le service médical constituent des fautes, fraudes et/ou abus.

Les sanctions encourues sont alors particulièrement lourdes, puisqu’elles consistent souvent en une interdiction temporaire d’octroyer des soins aux assurés sociaux, et donc une fermeture du cabinet dentaire.

Le décret n°2013-547 du 26 juin 2013 relatif à l’organisation et au fonctionnement des juridictions du contentieux du contrôle technique des professions de santé est donc venu assurer les garanties d’une plus grande impartialité et objectivité en modifiant les modalités de désignation des assesseurs.

Ainsi, le décret prévoit désormais la nomination des assesseurs des sections des assurances sociales de première instance par le président de la cour administrative d’appel — où la section des assurances sociales de première instance a son siège — et non plus par le préfet de région.

Les assesseurs devront également, et c’est bien la principale nouveauté, ne pas exercer dans la région concernée, afin d’éviter tout risque de conflit d’intérêt ou de partialité.

Le décret précise enfin les règles de procédure applicables devant les sections des assurances sociales, juridictions de l’ordre administratif, en renvoyant largement aux dispositions du code de justice administrative. Mais cette seconde partie du décret, par trop exhaustive, fera l’objet d’un développement ultérieur dans un article spécifique publié dans la présente revue.

Désormais et depuis le 1er septembre 2013 :

  • les chirurgiens-dentistes titulaires chargés du contrôle médical devront siéger dans une autre région que celle du ressort de leur circonscription, et cela afin d’éviter tout risque voire toute apparence de partialité dans le traitement des affaires. Ces praticiens conseils pourront toutefois être désignés, en qualité de titulaire ou de suppléant, pour siéger dans plusieurs sections des assurances sociales des chambres disciplinaires de première instance, sous réserve des incompatibilités prévues aux articles R. 145-5, R. 145-7.
  • il existe désormais une incompatibilité entre les fonctions d’assesseurs au niveau régional et national.
  • le gouvernement a fait le choix de faire désigner les assesseurs de la juridiction de première instance par le président de la Cour administrative d’appel.

En matière de recouvrement de l’indu

L’article 114 de la loi n°2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 était venu par son article 114 réformer le code de la Sécurité sociale en sa « Section 7 : Dispositions relatives au contrôle et à la lutte contre la fraude ».

Dans son prolongement, le décret n°2012-1032 du 7 septembre 2012 modifiant les procédures relatives à la répétition des indus et aux pénalités financières prononcées par les organismes de Sécurité sociale est venu harmoniser un ensemble de dispositions concernant les pénalités financières prononcées par les organismes de Sécurité sociale (Assurance maladie, Assurance vieillesse et Caisse d’allocations familiales) ainsi que le recouvrement des indus.

Ce décret prévoit que la notification des indus et des pénalités mentionne, d’une part, un délai de deux mois pour acquitter les sommes en cause ou pour contester la décision prise par l’organisme de Sécurité sociale et, d’autre part, les modalités de leur recouvrement par retenues sur les prestations futures versées par l’organisme de Sécurité sociale à l’intéressé.

Le décret a ainsi porté ce délai de un mois à deux mois.

En cas de non-paiement à l’issue de ce délai, il est adressé une mise en demeure de payer qui mentionne un délai d’un mois pour acquitter la dette.

Le décret retient, pour le recouvrement des indus des professionnels de santé qui méconnaissent les règles de tarification et de facturation, les mêmes dispositions que celles prévues pour les pénalités financières pour ce qui est de la majoration de 10 % due en cas de non-paiement des sommes en cause. La majoration sera applicable aux indus non réglés à l’issue du délai d’un mois mentionné dans la mise en demeure et non plus à la date de l’envoi de la mise en demeure.

En revanche, les dispositions dérogatoires existantes pour les pénalités financières prononcées par l’Assurance maladie et pour les indus des professionnels de santé qui prévoyaient la possibilité de contester la décision de l’organisme de Sécurité sociale devant la commission de recours amiable dans le délai d’un mois suivant l’envoi de la mise en demeure ont été supprimées.

Sur la procédure de déconventionnement

Conclu le 31 juillet 2013 entre, d’une part, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam) et, d’autre part, la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) et l’Union nationale des organismes complémentaires d’assurance maladie (Unocam), l’avenant n°3 à la convention nationale des chirurgiens-dentistes a été publié au Journal officiel du 30 novembre 2013.

Cet avenant marque l’intégration de l’Unocam au sein de la Commission paritaire nationale (CPN), via la création d’une formation spécifique de la CPN (CPN plénière) au sein de laquelle l’Unocam siège avec voix délibérative en plus de la formation restreinte, habituelle, qui réunit des représentants de l’Uncam et des chirurgiens-dentistes.

La procédure conventionnelle pour non-respect des règles conventionnelles a aussi été aménagée par cet avenant, afin de prendre en compte la spécificité des chirurgiens-dentistes spécialistes en orthopédie dento-faciale, dont le mode de facturation est semestriel.

Ces mesures entreront en vigueur six mois après la date de parution de l’avenant au Journal officiel, soit le 1er juin 2014, selon les conditions prévues par l’article L.162-14-1-1 du code de la Sécurité sociale.

Sur le respect de la procédure de contrôle d’activité

Enfin, la jurisprudence judicaire apparaît de plus en plus pointilleuse sur le respect des droits de la défense en cours d’analyse d’activité, les tribunaux aux affaires de la sécurité sociale n’hésitant plus à prononcer l’annulation des contrôles non conformes.

Le tribunal des affaires de la Sécurité sociale de Cergy a ainsi considéré dans son jugement du 16 septembre 2013 que le délai de trois mois prévu par l’article D.315-3 du code de la Sécurité sociale pour se prononcer sur les suites envisagées est un délai impératif qui, « à défaut de prise de position équivaut à une renonciation à poursuivre la praticien ». Le non-respect du délai de forclusion de trois mois devient ainsi une cause d’annulation de la procédure.

Ce même tribunal a également confirmé l’irrecevabilité d’un recouvrement de l’indu sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.

Rappelons in fine l’arrêt de la cour de cassation du 14 février 2013, qui a également prononcé la nullité d’une procédure de contrôle pour défaut d’information préalable par le praticien conseil de l’identité des patients contrôlés : « il résulte de ces dispositions que le service du contrôle médical ne peut agir ainsi qu’après avoir informé le professionnel de santé de l’identité des patients qu’il entend auditionner et examiner ».

L’année 2013 a donc marqué un premier virage dans la recherche d’un équilibre entre les prérogatives des organismes de contrôle de l’Assurance maladie et les droits de la défense des praticiens objets de ce contrôle.

La Cour européenne des droits de l’homme nous dira prochainement si ces compromis ont été suffisants.

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A propos de l'auteur

Dr. Elie ATTALI

Docteur en chirurgie dentaire
Expert près la Cour d’Appel de Paris

Maître Laurent DELPRAT

Avocat à la Cour
Docteur en droit
Lauréat de l’académie nationale de chirurgie dentaire 2007

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