Ça y est, Blandine s’est armée de son plus beau sourire et d’un seul coup elle vous a lâché : «Docteur, je veux une augmentation de salaire !» Cette demande a le don de vous prendre généralement au dépourvu ; le premier réflexe est de s’octroyer un sursis et courageusement, de vous entendre répondre : «Eh bien écoutez, je vais voir ce que je peux faire». Si Blandine est de bonne composition, elle se contentera de cette demie réponse, mais on le sait, elle reviendra à la charge… Quoi- qu’il en soit vous êtes face à un double problème : dois-je satisfaire cette demande et, si oui, de combien ?
Le spectre de la revendication surgit : si je lui accorde cette augmentation sans tergiverser, n’est-ce pas avouer que j’aurais déjà dû le faire depuis quelques temps ? N’est-ce pas là une preuve de faiblesse de ma part ? Ou bien, si j’accepte tout de suite, que va-t-elle me demander par la suite ? Germe alors dans notre esprit une solution bâtarde que nous entrevoyons comme une issue: « D’accord je l’augmente, MAIS dans ce cas là je vais lui demander de …». En un mot, ce que je lui donne d’un coté, je le reprends de l’autre et l’équilibre est conservé ! Il n’est pas besoin d’être fin stratège pour s’apercevoir que rien n’a changé… et Blandine la première.
Pour éviter cela, certains mettent en place une augmentation à double détente qui se justifie par : « Blandine, ce n’est pas le bon moment, nous venons de faire l’acquisition d’une panoramique et je reconnais à avoir du mal à… » (Cela veut- il dire qu’il pourrait y avoir un bon moment ?). « Ceci dit, je reconnais aussi que vous méritez quelque chose, aussi je vous propose trente euros dès maintenant, et dès que cela ira mieux, vous aurez une augmentation substantielle ». Cela ne vous rappelle pas un peu « demain, on rase gratis » ?
Parfois, l’agression sert de porte de sortie : «Comment Blandine, vous osez demander une augmentation alors que pas plus tard que la semaine dernière vous avez oublié de sauvegarder les données et que nous avons du faire appel à un professionnel qui nous a 1 300 euros ? » N’importe qu’elle excuse nous aurait paru bonne, parce qu’au fond de nous-même, nous savons que les manquements répétés de Blandine ne justifient pas son augmentation de salaire, et à la limite, on est très content de pouvoir chiffrer l’un de ses manquements.
Ce qui est quasi constant dans les cabinets, c’est l’effet de surprise lorsqu’une telle demande survient. Or, il n’existe rien de plus naturel pour un salarié que de voir son salaire augmenter. C’est un désir légitime. Et il n’y a pas de raison de se sentir agressé ou pris au dépourvu par cette demande.
Lorsque vous vous trouvez désarmé devant cet état de fait, c’est que vous ne vous y êtes pas préparé et que, dans cette situation, vous manquez cruellement de repères, de faits tangibles sur lesquels vous pourriez vous appuyer pour prendre une décision. Ce n’est pas tant d’avoir à donner une augmentation ou non qui pose problème, mais ce sur quoi je vais m’appuyer, comment je vais étayer mon raisonnement ou comment je vais lui dire ce que signifie cette augmentation.
Avez-vous remarqué qu’il est plus facile de donner une prime surprise que d’accéder à une demande qui émane de nos assistantes ? Dans le premier cas, bien sûr, vous jouez un peu les Pères Noël, mais surtout vous savez pourquoi vous donnez cette fameuse prime. Dans votre conscient, il y a eu un service rendu que vous avez jugé comme sortant de l’ordinaire et vous avez trouvé juste (le mot est dit) de le récompenser par un surcroît d’argent.
Ce qui vous paraît simple pour une prime, pourquoi ne le serait-il pas pour l’évolution de la rémunération de vos employés ?
La vraie problématique se situe à ce ni-veau : évaluer l’évolution du salaire. Lors- que j’ai embauché Blandine, c’était pour assurer le poste d’assistante. A ce poste correspond un certain salaire. Qu’est devenu ce poste ? A-t-il évolué ? Et s’il a évolué, le salaire a-t-il suivi ? L’évolution des techniques de soins est telle, que quelque soit le poste considéré, ce dernier est amené à évoluer.
Ou le poste évolue en même temps que le niveau moyen des nouvelles techniques de la profession, c’est-à-dire qu’il suit l’évolution du temps, et alors le salaire suivra l’évolution du temps. Si le poste évolue plus vite, c’est-à-dire si la tenue du poste vous fait gagner du temps et de la sérénité, de la qualité dans vos soins, cela mérite une récompense et le moyen le plus simple, le plus rationnel, celui qui à coup sûr fait plaisir, c’est l’augmentation de salaire.
Reprenons l’exemple de l’arrivée de la panoramique dans un cabinet : ce n’est un effet de surprise pour personne. Il y a eu des devis, des visites de fournisseurs, des études de faisabilité etc. L’assistante peut suivre le courant et se dire : « on verra, je m’y mettrai quand la pano sera là », ou bien elle peut avoir une autre attitude, plus proactive. Elle a demandé à être présente lors de l’installation de la radio, elle a posé des questions, s’est préparé à ce changement, a étudié son fonctionnement, et, le jour même de l’installation, a été en mesure de réaliser la première pano sur un patient l’après-midi. Cette seconde attitude montre une réelle implication. Ce n’est pas une attitude spontanée, c’est un comportement volontaire et c’est cette volonté d’aller au delà de ce que vous lui demandez qui est à récompenser.
Enfin, pour faire face à une demande d’augmentation de salaire il est souhaitable d’avoir franchi trois étapes : Définir clairement et de façon détaillée les tâches du poste, évaluer la valeur de ce poste, en suivre l’évolution.
Définir les tâches du poste
Cette définition ne dépend que de vous : qu’attendez-vous de votre assistante fauteuil, jusqu’où ira son autonomie ? Certains préfèrent être entourés de « zombies », d’autres au contraire demandent à leurs assistantes d’être très autonomes et d’assumer des responsabilités : ce n’est ni le même profil de personne, ni le même salaire. L’idéal est d’établir cette définition des tâches déléguées avant même de recruter. L’énorme avantage est de ne pas être influencé par la personne qui tient déjà le poste. Mais alors, n’est-il pas trop tard si l’assistante est déjà dans le cabinet? Bien sûr que non, mais la méthode va changer.C’est avec votre assistante que vous définirez le contenu de son poste. Vous y consacrerez peut être une après-midi, ce n’est pas du temps perdu mais un investissement et une excellente opportunité pour mettre tout à plat dans un climat serein.
Valoriser le poste : deux règles d’or
Plus le poste demande de l’autonomie, plus sa valeur augmente ; et quelque soit ce degré d’autonomie, le contrôle reste indispensable. Superviser et contrôler ne sont pas synonymes de flicage. Toute la différence en management est là, et la nuance est importante !
Un poste d’assistante au fauteuil « simple » (stérilisation, préparation de plateaux classiques, préparation du fauteuil, installation du patient et assistance au fauteuil) ne requiert que le minimum syndical. Si vous attendez que votre assistante soit responsable des stocks, qu’elle prenne une part active dans le respect de vos procédures, qu’elle vous obtienne moins de 5 % de chèques en attente dans le tiroir, qu’elle rappelle les patients après une séance de soins inconfortables ou anxiogènes, qu’elle obtienne de vos fournisseurs un dépannage immédiat, qu’elle sache anticiper les rendez-vous manqués et autres temps improductifs, qu’elle devienne l’interlocuteur de choix de votre prothésiste… cela vaut beaucoup plus. Une fois que vous avez fixé la valeur du poste (disons une fourchette entre le Smic et 2 000 euros ….), il vous reste à en suivre l’évolution.
Suivre l’évolution de la tenue du poste
Il arrive qu’en fin de journée un sentiment de plénitude vous envahisse. Vous avez pris tous vos patients à l’heure, aucun retard, aucune annulation, le carnet de rendez vous s’est rempli confortablement, Blandine a été souriante du matin jusqu’au soir, aucun produit ne manquait dans le réassort des matériaux et instruments utilisés, aucune panne ne s’est produite, vous avez même été averti au bon moment que le prothésiste, pour un problème de cosmétique, vous remettrait son travail avec six heures de retard… Dites-vous bien que lorsque cela vous arrive, ce n’est jamais par hasard. C’est grâce à vous et grâce à votre équipe. Ce jour-là, chacun a réalisé sa fonction du mieux qu’il le fallait.
Les rendez-vous en interne sont un incontournable en management. Dans une journée, créez et planifiez des rendez-vous de mise au point officiels. Bannissez la communication « entre deux portes » sujette à contresens et à controverses. C’est au cours de ces rendez-vous dédiés à la communication interne que vous sanctionnerez ce qui ne va pas et surtout, valoriserez tout ce qui va bien. C’est votre premier moyen de contrôle efficace. Le second prendra la forme d’un rendez vous semestriel ou annuel pendant lequel, avec votre assistante, vous ferez une évaluation de la tenue de l’ensemble des tâches de son poste. Par exemple : « Je vous ai demandé de décrocher le téléphone avant la troisième sonnerie, j’ai remarqué que vous avez fait des progrès. Je vous ai demandé de mettre les séances de maintenance en fin de journée et les premières consultations en début d’après-midi et là, près de 40% des créneaux donnés qui ne rentrent pas dans le cadre demandé…»
Évidemment, pour pouvoir faire ce type de constat, il faut avoir préparé cet entretien. Vous ne pouvez pas surprendre votre employée au cours de cet entretien.
Vous devez tous les deux le préparer. Votre employée a le droit de savoir sur quoi elle va être jaugée. C’est là que la charte de poste définie auparavant est importante et va vous servir. Elle décrit bien évidemment l’ensemble des tâches qui incombent à la personne, mais se réfère également au comportement et à l’aspect général du salarié. Remettez à votre assistante, quinze jours avant l’entretien, un questionnaire qui lui permettra de s’évaluer, et vous, de votre côté faites la même chose. C’est un moment privilégié qui s’anticipe et se prépare de part et d’autre.
Cet entretien servira à établir la tenue du poste de façon quantitative et surtout qualitative. Le but sera de vous mettre d’accord sur les points à améliorer. Et pourquoi ne pas mettre une prime à la clé pour l’atteinte d’objectifs particuliers, importants pour le cabinet ? Dans ce contexte, l’augmentation ou non de salaire, intervient naturellement.
Déterminer le montant de l’augmentation
Maintenant, vous êtes d’accord sur un point avec votre assistante : elle mérite bien son augmentation de salaire. Il reste là encore une ambigüité : votre assistante parle en net et vous cela vous coûte en brut ! Il existe plusieurs façons d’augmenter le salaire. Soit vous augmentez le salaire et donc la masse salariale, soit vous augmentez la rémunération. Lorsqu’on augmente le salaire, on augmente les charges. Eh Oui. Pour échapper à cette augmentation de charges, l’Etat nous propose diverses solutions, profitez en. Une fois que vous aurez épuisé les avantages des tickets repas, du CESU, des chèques voyages, de la participation, du plan épargne entreprise, de la cotisation à un plan retraite, vous pouvez faire oeuvre d’imagination en proposant des horaires plus flexibles, des journées libérées rémunérées…