Au bout d’un mois, de nombreux praticiens déchantent : « Au début ‘‘elle’’ était très bien, maintenant elle a l’air moins motivée : la concentration diminue, les erreurs se multiplient ». Ils attribuent cette baisse de régime au fait que la nouvelle assistante pense que c’est gagné une fois la période d’essai terminée. Et si c’était autre chose ?
L’assistante dentaire travaille rarement dans le secteur public, l’hypothèse d’une moindre implication pour cause de «fonctionnarisation» est peu plausible : Si son entente avec son nouvel employeur n’est pas satisfaisante, elle sait très bien qu’elle sera licenciée. Un recrutement est le fruit d’une rencontre humaine avec toute sa dimension subjective. Il faut se rendre à l’évidence, le problème de la démotivation de la fin de la période d’essai ne vient pas seulement de notre collaboratrice qui ne serait pas à la hauteur ou n’aurait pas tout dit, mais souvent, avant tout, d’un manque de communication interne.
Tout, tout de suite, trop vite … Apprendre à hiérarchiser ses besoins au fauteuil
Trop de praticiens s’attendent à un travail efficace dans les jours qui suivent l’arrivée de leur assistante et espèrent en deux mois avoir une assistante parfaite. C’est illusoire vu la complexité du travail au cabinet. L’assistante en contrat de professionnalisation sort à peine du système scolaire et a besoin d’un encadrement et d’un suivi pour comprendre les réflexes de son nouveau métier. Si elle est expérimentée, les procédures mises en oeuvre dans le cabinet précédent étaient sans doute très différentes. Elle aura tendance à les reproduire malgré ses efforts d’adaptation, sauf si vous cadrez d’emblée son activité. Après tout, notre formation initiale de praticien a duré six ans et, nous non plus, n’étions pas 100 % opérationnel pendant nos deux premiers mois de collaboration.
D’autres ne prennent pas le temps de discuter avec leur assistante à tête reposée des problèmes de la journée ou de la semaine. Combien d’entre nous se contentent de grommeler :« Vous avez compris Sandra ? ». À quoi elle répond poliment « Oui, docteur » et n’en pense pas moins. Peu d’assistantes ont le courage de dire : « Docteur, je ne comprends pas vos explications. » ou « Docteur, on court tellement que vous ne prenez pas le temps de me dire comment faire. »
Résultats : du temps perdu et un agacement réciproque qui « plombe » l’ambiance du cabinet.
Donnez-vous des objectifs clairs : C’est à nous, praticiens, de fixer les règles du jeu et de les rappeler à nos assistantes. Un manager performant donne des objectifs clairs à lui même et à son équipe, et les moyens de progresser. Pour éviter les malentendus qui dégénèrent, il est souhaitable d’assurer dès le début les conditions d’une communication fluide.
Posez-vous deux questions :
- Qu’est-ce qui est important pour moi au fauteuil et à l’accueil ?
- Sur quoi doit-elle être au point en premier ?
Un petit truc : commencer par tout ce qui est perceptible par le patient.
Montrez à l’assistante comment l’installer, la bonne position de l’unit, l’endroit précis où vous voulez que le plateau soit posé et faites de même pour la préparation du fauteuil entre deux patients.
Vous pouvez lui dire : « Sandra, voilà comment il faut faire, je reçois en moyenne douze patients par jour, au bout de deux jours vous aurez eu l’occasion de faire ce protocole environ 25 fois, pensez-vous pouvoir y arriver ? »
Attendre sa réponse et conclure : « Dans deux jours, l’installation du patient sera chose acquise et nous passerons à autre chose ». Pendant ces deux jours, reprenez-la gentiment à chaque fois que ce n’est pas exactement comme vous le voulez : « Le plateau est dix centimètres trop loin, ce n’est pas pratique pour moi … »
Si, après deux jours ce n’est pas parfait, cette personne n’est pas faite pour être assistante dentaire, c’est tout ! Si c’est intégré, continuez l’apprentissage : l’endodontie est un acte qui demande beaucoup d’attention. « Je souhaite que les instruments sur le plateau soient présentés selon le protocole défini, voici la photo d’un plateau d’endo, je vous demande de le reproduire avec exactitude. Je fais 6 à 7 endo par semaine, je vous donne deux semaines pour acquérir ces procédures, pensez-vous pouvoir y arriver ? »
La clé de la motivation est la suivante : tolérance zéro pour ce qu’on lui a appris et on passe sur tout le reste …
Dès que l’assistante commencera à se sentir à l’aise entre vous et le patient, vous pourrez lui apprendre par exemple la saisie des actes, l’affutage des instruments de paro, la coulée des modèles …
Etablissez un calendrier précis de ce qu’elle doit connaître : c’est rassurant pour les deux parties.
Pour fixer des objectifs réalistes à votre équipe, nous vous proposons la règle « SMART » comme :
Spécifique : préparer les plateaux avec précision, répondre au téléphone selon les termes demandés… Motivant (sinon c’est inutile) : préparation de la salle, accueil du patient, développement du taux d’acceptation des plans de soins…
Mesurable : ponctualité, prise de rendez-vous longs, maîtrise d’Excel…
Accessible : l’objectif doit être réalisable sans effort démesuré (un mois pour la gestion du classement en retard, six mois pour prendre un appel simple en anglais…) ;
Responsable et réactualisable : accepter une certaine souplesse en fonction des impondérables (évolution législative, installation d’un confrère à proximité du cabinet, récession économique…) ;
Temporisé : donner des délais précis de réalisation et évaluer le temps nécessaire à une tâche.
Il est performant et souhaitable d’établir une grille claire d’outils de motivation en fonction des objectifs fixes en début d’année (Prime Borloo, chèques cadeaux, PEE, formation, congés supplémentaires…) et de la situation de votre cabinet. Chaque membre de votre équipe a également besoin d’un entretien annuel formalisé d’une heure ou deux, avec une grille d’auto-évaluation à remplir, une charte de poste, un compte-rendu et … une grille claire d’outils de motivation.
Droit à l’erreur : ne pas confondre avec laxisme
Nos collaborateurs ont bien sûr droit à l’erreur ; cette dernière est inévitable. Il est cependant indispensable de signaler ce qui ne va pas et de s’inscrire dans une démarche de prévention. En effet, l’analyse de l’erreur étape par étape, permet d’éviter sa répétition. Nous préconisons une tolérance zéro mais de prendre le temps nécessaire à la formation pour éviter une dérive sérieuse en quelques mois. Par exemple, l’idéal ne serait-il pas de prendre deux heures pour refaire avec elle les gestes appris au cours d’une formation « tubs et trays » ? Être pédagogue, c’est donner à son assistante les moyens de devenir responsable et impliquée dans son travail.
Quand cette démarche est mise en place, on a toutes les chances d’échapper à l’étiolement des résultats en quelques semaines. Cette démotivation réside dans un problème relationnel. Déçue par votre comportement, elle « laisse couler » sans donner le meilleur d’elle-même. Elle pratique une stratégie d’évitement, par exemple en se réfugiant dans la salle de stérilisation ou en paniquant au moindre imprévu. Déstabilisée, elle a des griefs informulés dont nous avons dressé une liste non exhaustive.
Les pensées d’une assistante démotivée
- Vous parlez trop fort, j’ai l’impression de me faire crier dessus toute la journée ;
- Vous parlez trop de votre vie privée, c’est gênant d’étaler votre intimité ;
- Vous racontez vos prouesses à tous les patients qui ne comprennent pas un mot à vos explications techniques ;
- Vous parlez trop de votre réussite professionnelle, je me sens toute petite à côté ;
- Je vois des sommes importantes défiler dans votre cabinet mais vous refusez de m’augmenter sans autre argument que les charges ;
- Vous vous plaignez de la dureté des temps devant tout le monde. Pourtant, vous n’êtes pas à plaindre ;
- Vous me demandez de faire des heures supplémentaires sans rémunération ni récupération horaire ;
- Il faut tout faire très vite mais vous n’expliquez rien ;
- Vous ne me faites jamais de compliment, même quand je me suis défoncée.
Le complexe de Cendrillon
Le point commun de ces reproches est l’absence de valorisation et de reconnaissance. L’assistante ne met pas en cause nos compétences mais elle peut avoir l’impression d’être Cendrillon. Elle a souvent des capacités ignorées, qui s’épanouiront si nous prenons le temps de stimuler son potentiel.
Notre handicap, c’est souvent de n’avoir bénéficié d’aucune formation en management au cours de notre cursus universitaire… alors que le métier de patron, ça s’apprend ! Le recours à des formations et des spécialistes de l’organisation du cabinet vous aidera à acquérir de nouvelles compétences et à motiver votre collaboratrice …