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GÉRER LES COMPLICATIONS DES GREFFES DE SINUS

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A l’examen des révisions systématiques de la littérature concernant l’efficacité des greffes du sinus maxillaire, on s’aperçoit que le taux de survie à 5 ans des implants posés dans des greffes sinusiennes est plus important dans les publications récentes(1) que dans les plus anciennes(2). Ceci est dû au fait que la gestion des complications et leur prévention s’améliore avec le temps. Le problème majeur avec ce type de thérapeutique, c’est l’infection dans 3 à 5 % des cas (3) , elle est toujours le résultat de complications per ou post opératoires. Ce taux n’est pas très élevé mais certaines infections peuvent revêtir une certaine gravité. A travers un cas clinique, nous allons voir comment on peut transformer un échec en succès grâce à une prise en charge appropriée de la complication infectieuse.

 

CAS CLINIQUE

Un patient de 68 ans a subi une greffe du sinus maxillaire droit avec mise en place simultanée de 3 implants en position 14, 15 et 17 (Fig. 1).

Fig 1: radiographie panoramique le jour de la complication

Trois semaines après l’intervention, il se présente à la consultation avec une tuméfaction jugale importante, une douleur et de la fièvre. Ces symptômes évoquent une sinusite aiguë. Une antibiothérapie associant amoxicilline et acide clavulanique d’une part et du metronidazole(3) d’autre part, est aussitôt prescrite. Si le patient avait été allergique à la pénicilline, nous aurions opté pour de la levofloxacine(3) après concertation avec notre ORL référent en raison des effets secondaires souvent observés avec cette molécule(4). Mais la prise en charge ne doit jamais se limiter à une antibiothérapie qui ne ferait disparaître que les signes de l’infection. Il est impératif pour bien traiter le problème de connaitre la raison de l’infection afin de mettre en place une stratégie de traitement appropriée. Pour cela, on interroge le patient sur son comportement après l’intervention. Il avoue s’être mouché énergiquement après l’intervention malgré nos recommandations. Il est vraisemblable que le baro-traumatisme provoqué par le mouchage a entraîné un déplacement du greffon et peut être une lésion de la membrane sinusienne. Ceci est confirmé par l’examen cone beam qui objective un déplacement vestibulaire du greffon (Fig. 2) et la présence d’une bulle au sein du greffon (Fig. 3) qui est à l’origine d’une lésion de la membrane ayant entraîné une fuite de matériau.

Fig 2: coupe axiale: Le matériau de greffe est déplacé en vestibulaire à cause du mouchage (flèches).

Fig 3 : coupe sagittale : Une bulle (flèche) au-dessus de la greffe témoigne d’une lésion de la membrane sinusienne qui est à l’origine d’une fuite de matériau.

De plus, on observe une oblitération complète du complexe ostéo-méatal (COM), ce qui empêche l’élimination du matériau. Cette fermeture du COM est due à la présence d’un cornet moyen dont la convexité est inversée (Fig. 4).

Fig 4 : le sinus droit est complètement opaque et le COM est oblitéré à cause de l’inversion de la convexité du cornet moyen (flèche). Le greffon est déplacé en vestibulaire.

Cette anomalie anatomique est une des causes de la sténose du COM(5) qui, combinée à l’oedème post opératoire de la membrane a entraîné sa fermeture et donc l’impossibilité de drainage qui s’est traduite par le déclenchement d’une sinusite aiguë. Il y a donc une double cause à l’infection. D’abord, la migration vestibulaire d’une partie du greffon qui a provoqué son infection et ensuite une infection de la cavité sinusienne proprement dite à cause de l’impossibilité de drainage. Il va donc falloir agir à deux niveaux. Après quatre jours d’antibiothérapie, afin de refroidir la lésion, on pratique un drainage vestibulaire en élevant un lambeau qui objective la mobilité d’une partie du greffon qui est éliminée ainsi que les implants dont la surface est contaminée (Fig. 5).

Fig 5 : la partie mobile du greffon est curetée et les implants sont déposés

Le site est rincé au sérum physiologique et un putty de doxycycline(6) est mis en place pendant 2 minutes (Fig. 6) avant d’être éliminé par un nouveau rinçage au sérum physiologique.

Fig 6 : le putty de doxicycline est mis en place pendant 10 minutes.

La zone est ensuite curetée afin de favoriser la formation d’un caillot (Fig. 7) et le site est refermé. Le patient est maintenu sous antibiothérapie jusqu’à sa prise en charge, qui doit être très rapide, par l’ORL qui va pratiquer une antrostomie (7) afin de rétablir le drainage et rétablir un sinus sain. La lacune centrale pourra être greffée à nouveau (6) si nécessaire au moment de la pose des implants.

Fig 7 : le site est à nouveau cureté afin de provoquer la formation d’un caillot

Le patient est revu 4 mois plus tard pour un cone beam de contrôle (Fig. 8a, b) qui objective la bonne cicatrisation du greffon avec toutefois une lacune à l’endroit qui avait été cureté au niveau de 15. De nouveaux implants ont été posés au niveau de 14,16 et 17 sans qu’il soit nécessaire de compléter le comblement au niveau de 15.

Fig 8a: coupe axiale le greffon est bien consolidé en mésial et en distal alors que la lacune au niveau de 15 n’est pas comblée.

Fig 8b : coupe coronale : 4 mois après l’antrostomie, le sinus est sain. Le cornet moyen à convexité inversée a été retiré. Le greffon présente une lacune centrale au niveau de la zone curetée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au contrôle à 5 ans la situation est stable (Fig. 9).

Fig 9 : panoramique à 5 ans

DISCUSSION

Les complications devront d’abord être évitées en sélectionnant le patient de façon rigoureuse (7) car d’après la littérature, les complications post opératoires infectieuses ne surviennent que chez des patients qui ont des prédispositions (8) pour cela. Il nous faudra donc détecter ces facteurs de risque qui pourraient perturber (7) la physiologie du sinus maxillaire après la greffe en altérant la perméabilité du COM qui est primordiale pour une bonne santé du sinus. Pour cela, un bilan radiographique incluant un cone beam montrant la partie haute de la cavité sinusienne est indispensable afin de vérifier aussi la perméabilité du COM. Dans le cas clinique décrit plus haut, l’oblitération du COM aurait pu être évitée si la présence d’un cornet moyen à convexité inversée avait été décelée avant l’intervention.

Le patient aurait été adressé à l’ORL pour avis qui aurait sans doute préconisé une turbinectomie moyenne afin de rétablir une bonne perméabilité du COM. De même, la prévention de la contamination à long terme de la greffe passera par la détection, au contact du sinus à greffer, de dents présentant des lésions endodontiques ou des risques de fracture radiculaire(9). Avec l’ORL, l’existence de pathologies de la cavité sinusienne devra être prise en compte afin de savoir si elles constituent des contre-indications relatives ou absolues. Enfin, l’état de santé du patient devra être évalué en collaboration avec le médecin traitant.

De même, la survenue de complications per-opératoires pourra être anticipée par la mise en évidence de facteurs favorisant ces complications. Par exemple, lors d’une approche latérale, l’hémorragie liée à la présence d’une artère alvéolo-antrale intra-osseuse pourra être évitée en détectant sa présence sur des coupes coronales et gérée avec une technique chirurgicale appropriée. Lors d’une approche crestale, le risque de déchirure de la membrane lié à son épaisseur et à l’étroitesse du sinus pourra conduire à envisager une autre voie d’abord. De façon générale, et ceci quelle que soit la technique employée, la perforation de la membrane sinusienne reste la complication per opératoire majeure de ce type d’intervention. Il est donc primordial d’en connaitre les facteurs de risque (10), de les éviter, de savoir les traiter après les avoir détectées en sachant que la manœuvre de Valsalva n’est d’aucune efficacité (11) pour cela, contrairement à ce qui est trop souvent affirmé.

Dans la gestion d’une complication avérée de type infectieux, le succès dépend de la précocité du diagnostic qui va permettre d’identifier la véritable cause et permettre la mise en place rapide d’une stratégie de traitement ciblée nécessitant souvent l’intervention de l’ORL. En aucun cas, la seule prescription d’antibiotiques à l’aveugle ne saurait être un traitement efficace car l’infection n’est pas la cause de la complication mais une conséquence de celle-ci.

 

CONCLUSION

La greffe du sinus maxillaire ne pourra être mise en oeuvre que si nous sommes capables d’en gérer les aléas en ayant conscience de nos limites. Il est donc important, à la lumière des examens pré-opératoires et de l’interrogatoire, d’évaluer le degré de difficulté du cas afin de bien sélectionner le patient. Pour cela, une approche pluridisciplinaire est indispensable en choisissant nous même un ORL qui connait parfaitement tous les aspects de la technique et qui sera à nos côtés en toutes circonstances.


BIBLIOGRAPHIE

  1. Raghoebar GM, Onclin P, Boven GC, Vissink A, Meijer HJA : Long-term effectiveness of maxillary sinus floor augmentation: A systematic review and meta-analysis. J Clin Periodontol. 2019 Jun;46 Suppl 21:307-318.
  2. Del Fabbro M, Testori T, Francetti L, Weinstein R : Systematic review of survival rates for implants placed in the grafted maxillary sinus. Int J Periodontics Restorative Dent. 2004 Dec;24(6):565-77
  3. Testori T, Drago L, Wallace SS, et al. Prevention and treatment of postoperative infections after sinus elevation surgery: clinical consensus and recommendations. Int J Dent. 2012;2012:365809. doi:10.1155/2012/365809
  4. Stephenson AL, Wu W, Cortes D, Rochon PA. Tendon Injury and Fluoroquinolone Use: A Systematic Review. Drug Saf. 2013;36(9):709-721. doi:10.1007/s40264-013-0089-8
  5. Lee JW, Yoo JY, Paek SJ, et al. Correlations between anatomic variations of maxillary sinus ostium and postoperative complication after sinus lifting. J Korean Assoc Oral Maxillofac Surg. 2016;42(5):278-283. doi:10.5125/jkaoms.2016.42.5.278
  6. Urban IA, Nagursky H, Church C, Lozada JL. Incidence, diagnosis, and treatment of sinus graft infection after sinus floor elevation: a clinical study. Int J Oral Maxillofac Implants. 2012;27(2):449-457.
  7. Valentini P, Hadchiti W, Abensur D, Testori T, Herman P. Maxillary sinus grafting: A proposal for avoidance of postoperative complications. Annals of Oral & Maxillofacial Surgery 2013 Aug 01;1(3):23-28
  8. Timmenga NM, Raghoebar GM, Boering G, van Weissenbruch R. Maxillary sinus function after sinus lifts for the insertion of dental implants. J Oral Maxillofac Surg. 1997; 55(9):936-940. doi:10.1016/s0278-2391(97)90063-x
  9. Greenstein G, Cavallaro J Jr. Management of a perplexing sinus lift complication. J Periodontol. 2010;81(5):776-782. doi:10.1902/jop.2010.090639
  10. Krennmair S, Malek M, Forstner T, Krennmair G, Weinländer M, Hunger S. Risk Factor Analysis Affecting Sinus Membrane Perforation During Lateral Window Maxillary Sinus Elevation Surgery. Int J Oral Maxillofac Implants. 2020;35(4):789-798. doi:10.11607/jomi.7916
  11. Nkenke E, Schlegel A, Schultze-Mosgau S, Neukam FW, Wiltfang J. The endoscopically controlled osteotome sinus floor elevation: a preliminary prospective study. Int J Oral Maxillofac Implants. 2002;17(4):557-566.

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A propos de l'auteur

Dr. Pascal Valentini

Université de Corse Pascal Paoli
Institut Universitaire de Santé
Unité de chirurgie Implantaire CH
Corte-Tattone

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