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LE SYNDROME D’APNÉES HYPOPNÉES OBSTRUCTIF DU SOMMEIL (SAHOS) d’un point de vue neurophysiologique

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Le syndrome d’apnées hypopnées du sommeil est une pathologie de plus en plus recherchée dans la prise en charge des patients adultes ou enfants. En effet, ce syndrome, méconnu auparavant, a pris une place grandissante du fait des conséquences globales qu’il entraîne sur la santé et la qualité de vie des patients. Cet article ne s’intéressera qu’au sujet du syndrome d’apnées hypopnées obstructif du sommeil (SAHOS) chez l’adulte, nous laisserons la problématique des événements respiratoires centraux de côté.

 

Épidémiologie

En 2017, l’INSERM note une augmentation quasi linéaire de l’incidence du SAHOS en fonction de l’âge. Ainsi, par tranche d’âge, on retrouve une incidence de 7,9% des personnes âgées de 20 à 44 ans, 19,7% des 45–64 ans et 30,5% des personnes de plus de 65 ans. Le SAHOS est particulièrement fréquent chez l’homme d’âge moyen, ronfleur, en excès de poids et/ou hypertendu. Chez la femme pour laquelle on rencontre les mêmes facteurs de risque, il s’observe plus fréquemment après la ménopause. Ces chiffres sont probablement sous-estimés compte tenu du caractère asymptomatique du syndrome chez certaines personnes. Ainsi, on retrouve une prévalence plus forte dans certaines études internationales. En 2015, une étude Suisse a rapporté que 50 % des hommes et 23 % des femmes souffraient d’un SAHOS au moins modéré(1) .Aux États-unis, on estime que 82 % des hommes et 93 % des femmes atteints de SAHOS ne sont pas diagnostiqués(2).

Physiopathologie

Le SAHOS est un trouble respiratoire nocturne secondaire à une instabilité des voies aériennes supérieures (VAS) entraînant leur fermeture partielle (hypopnées) ou complète (apnées). Il s’agit donc d’interruptions répétées de la respiration pendant le sommeil. Ces évènements durent au minimum 10 secondes avec un minimum de 5 évènements par heure de sommeil pour être pathologiques. L’origine de l’instabilité peut venir d’un ou plusieurs sites obstructifs (rétrécissement rétro-basi-lingual, bascule du voile du palais…). Le passage de l’air est donc réduit ou aboli ce qui entraîne une diminution de l’arrivée de l’air dans les poumons et donc une baisse de l’oxygénation. Dans ce contexte, plusieurs réactions autonomiques sont déclenchées, avec notamment une accélération du rythme cardiaque, qui amènent finalement à l’activation cérébrale/corticale : le microéveil (éveil de 3 à 15 secondes) ou éveil (> 15 secondes), dont le patient n’a pas forcément conscience. Ceci va permettre de déclencher la contraction des muscles des VAS pour restaurer le passage de l’air. Le patient se rendort jusqu’à l’obstruction suivante.

Diagnostic

Les deux outils diagnostics du SAHOS sont la Polygraphie Ventilatoire (PV) et la Polysomnographie (PSG). La PV est un examen ambulatoire de dépistage très intéressant. Il est facile à mettre en place, disponible dans des délais corrects pour les patients, et le patient dort dans son milieu habituel à domicile. L’essentiel dans l’utilisation de cet examen est de bien en connaître les limites et les situations dans lesquelles il n’est pas indiqué. Les limites essentielles sont : – l’absence de surveillance nocturne pouvant entraîner la perte de capteur au cours du sommeil et donc limiter la fiabilité de l’interprétation – l’absence de données sur l’activité cérébrale : ce qui peut parfois amener à mal estimer l’IAH réel (toutes les hypopnées ou apnées ne sont pas forcément désaturantes, parfois seulement microéveillantes)

Hypnogramme – graphique faisant suite à l’interprétation de l’activité électro-encéphalographique d’une polysomnographie et permettant de visualiser les différentes phases de sommeil et de veille.

  • L’absence d’information sur l’activité musculaire des membres inférieurs ce qui peut faire méconnaître des mouvements périodiques des membres inférieurs qui participent à la dégradation de la qualité du sommeil Les situations principales où la PV n’est pas indiquée sont : l’insomnie, l’épilepsie, la présence de parasomnies, une plainte de syndrome de jambes sans repos.

La PSG est un examen qui se déroule en hospitalisation, avec une surveillance nocturne par une équipe de soins. Il s’agit du gold standard dans l’évaluation des troubles du sommeil, mais il est plus contraignant en termes de capteurs et surtout la disponibilité de cet examen en France est parfois limitée ce qui entraîne des délais notables. Néanmoins, il reste un examen essentiel dans l’évaluation des troubles du sommeil, surtout si la PV n’a pas permis de conclure. La PSG peut être réalisée en ambulatoire avec le même écueil que la PV concernant la perte de capteurs dans la nuit.

Complications cardiovasculaires

Le SAHOS a de nombreuses conséquences sur la santé et la qualité de vie des patients concernés. Il est aujourd’hui bien connu qu’il favorise le développement de troubles cardio-vasculaires : syndrome métabolique (prise de poids et obésité abdominale, hypercholestérolémie), athérosclérose, diabète type 2, hypertension artérielle (HtA), troubles du rythme cardiaque (3) . Par un phénomène de cascade, cela va augmenter le risque d’accident cardiovasculaire comme l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral. L’hypoxie intermittente et le stress oxydatif jouent un rôle essentiel dans ce contexte. Il est aussi maintenant connu que la fragmentation du sommeil au niveau cortical favorise notamment la résistance à l’insuline et donc le développement du diabète de type 2.

Conséquences cérébrales

Au-delà des complications cardiovasculaires que nous venons de rapidement d’évoquer, il est essentiel de ne pas méconnaître les conséquences neurologiques/neurocognitives du SAHOS. En effet, le sommeil est un temps essentiel pour l’équilibre physiologique du corps humain. Ses fonctions sont multiples et vitales: fonctions restauratrices, repos cardiovasculaire et respiratoire, régénération cellulaire, équilibre des sécrétions hormonales, apprentissage et mémorisation. Des études récentes ont aussi montré que le sommeil est impliqué dans l’élimination des protéines toxiques et des déchets métaboliques accumulés au niveau cérébral pendant l’éveil via le système des aquaporines des cellules astrocytaires(4) . Cette découverte est essentielle, car elle implique un lien entre maladies neurodégénératives, notamment maladie d’Alzheimer (MA), et détérioration du sommeil. Chez l’animal, des études ont montré un lien entre la génération, la production et la clairance d’Aβ et la présence d’un sommeil perturbé (5 et 6) . Il y aurait une augmentation du dépôt d’Aβ en lien avec l’hypoxie intermittente et la fragmentation du sommeil. La privation chronique de sommeil seule entraînerait un doublement des dépôts d’Aβ. Chez l’Homme, il aurait été mis en évidence une diminution des taux d’Aβ42 et une augmentation du ratio tau/Aβ42 dans le liquide céphalo-rachidien de patients SAHOS non traités par rapport aux patients SAHOS traités (taux normaux) et aux sujets témoins (7 et 8) . Ainsi, il existe une haute probabilité que le SAHOS favorise l’accumulation de plaques amyloïdes et de protéine tau dans le cerveau par une dégradation de la capacité de filtration de ces éléments.

Avant d’aller plus loin, il est important de rappeler que le sommeil n’est pas un état homogène. Il est divisé en cycles successifs (3-4 en moyenne chez l’adulte, durée 90-120 minutes) eux-mêmes divisés en stades de sommeil : sommeil lent très léger (N1), sommeil lent léger (N2), sommeil lent profond (N3) et sommeil paradoxal (REM). Le début de nuit est plus riche en sommeil lent profond, alors que la fin de nuit est plus riche en sommeil paradoxal. Ces différents stades de sommeil vont avoir un rôle essentiel au niveau neurocognitif et leur perturbation par le SAHOS va être responsable de nombreux troubles tels que la dégradation du raisonnement inductif et déductif, de l’attention, de la vigilance, de l’apprentissage et de la mémoire (9) . Les mécanismes suggérés par les études sont l’hypoxie intermittente, un déséquilibre hormonal et/ou d’une inflammation systémique, la fragmentation du sommeil par les microéveils. On mesure à ce niveau l’importance de pouvoir évaluer précisément la qualité électroencéphalographique du sommeil, car le SAHOS, par les microéveils multiples qu’il induit, va entraîner une diminution et fragmentation du sommeil lent et du sommeil paradoxal, mais aussi des changements très probables dans les fuseaux du sommeil et les complexes K selon certains auteurs. Or, l’on sait que la qualité du sommeil lent et du sommeil paradoxal est essentielle pour la consolidation mnésique.

Classiquement, le sommeil lent favoriserait la mémoire déclarative alors que le sommeil paradoxal favoriserait la mémoire procédurale. Peigneux et al. ont montré que le sommeil lent facilite le transfert de nouvelles informations de l’hippocampe (qui intervient dans les premiers stades du mécanisme de mémorisation) vers le cortex préfrontal où elles sont stockées et peuvent être retrouvées 6 mois, 1 an, 10 ans après l’apprentissage (10) . Cette vision dichotomique entre sommeil lent et paradoxal a été remise en question et, aujourd’hui, on considère que le sommeil lent et le sommeil paradoxal interviennent ensemble dans la consolidation synaptique en jeu dans la mémoire : la Potentialisation à Long terme (PLt)(11) . Globalement, la fragmentation du sommeil liée au SAHOS favorise et majore la diminution des performances cognitives, un trouble de l’humeur, une irritabilité/ agressivité, le stress, et une asthénie voire somnolence diurne. Certaines études sur modèles murins suggèrent même que les conséquences neurologiques d’une fragmentation chronique de sommeil sont majeures avec destruction neuronale au niveau du Locus Coeruleus sans récupération totale après normalisation du sommeil. Enfin, les différents stades de sommeil ont un impact différent sur la stabilité des VAS. En effet, le sommeil lent profond est associé à une très bonne stabilité des VAS avec une respiration régulière alors que le sommeil paradoxal est associé à une respiration irrégulière et une majoration de l’instabilité des VAS. L’index d’apnées hypopnées (IAH) peut donc être très différent en fonction du stade de sommeil dans lequel se trouve le patient. Ainsi, dans certains cas, le SAHOS n’est présent qu’en sommeil paradoxal avec un IAH sévère et des désaturations profondes alors qu’il y a peu de modifications du débit respiratoire dans le sommeil lent. De fait, si l’on considère uniquement l’IAH global sur un examen du sommeil, notamment avec la PV, on peut passer à côté d’un SAHOS du sommeil paradoxal qui en altère la qualité, et donc la fonction sur la totalité de la nuit. Or, comme nous venons de le voir, c’est bien la qualité préservée de tous les stades de sommeil qui importent pour un bon fonctionnement neurocognitif. un SAHOS sévère en sommeil paradoxal doit donc être traité et pour cela il est nécessaire que le patient ait pu bénéficier d’une PSG afin de le mettre en évidence.

 

CONCLUSION

Le SAHOS a donc des conséquences plus complexes et plus globales qu’il n’y parait de prime abord. Son impact direct sur la qualité du sommeil entraîne une détérioration des fonctions physiologiques de ce dernier, notamment au niveau neurocognitif. Il semble même être un facteur de risque de maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer. Il est donc important de considérer le SAHOS au-delà d’un simple trouble ventilatoire. Dans ce contexte, la PV reste un examen de dépistage intéressant, mais si cet examen ne vous apporte pas de réponse claire, alors que le patient a une plainte clinique marquée de sommeil non réparateur, trouble de l’attention en journée, asthénie, il faut aller plus loin et proposer une PSG. De plus, pour les patients concernés par un traitement par PPC, il est important d’insister sur la nécessité d’une observance sur la totalité de la nuit, car c’est bien la fin de nuit qui est plus riche en sommeil paradoxal et donc la période la plus à risque sur le plan du SAHOS. Enfin, les améliorations cliniques sur le plan neurocognitif après mise en place d’un traitement efficace du SAHOS peuvent prendre du temps, jusqu’à 6 mois de traitement bien conduit, voire plus. Bien entendu, plus le traitement sera suivi irrégulièrement par le patient, moins les effets bénéfiques seront présents.

 

Bibliographie

  1. Heinzer R, vat S, Marques-vidal P, et al. Prevalence of sleep-disordered breathing in the general population: the HypnoLaus study. Lancet Respir Med 2015; 3(4):310–318.
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  3. Salman LA, Shulman R, Cohen JB. Obstructive Sleep Apnea, Hypertension, and Cardiovascular Risk: Epidemiology, Pathophysiology, and Management. Curr Cardiol Rep. 2020 Jan 18;22(2):6. doi: 10.1007/s11886-020-1257-y. PMID: 31955254.
  4. Haydon PG. Astrocytes and the modulation of sleep. Curr Opin Neurobiol. 2017 Jun;44:28-33. doi: 10.1016/j.conb.2017.02.008. Epub 2017 Mar 8. PMID: 28284099; PMCID: PMC5511068.
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  6. Kang Ee, lim MM, bateman RJ, et al. Amyloidbeta dynamics are regulated by orexin and the sleep-wake cycle. Science. 2009;326(5955):1005- 1007. doi:10.1126/science.1180962.
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  9. Lal C, Strange C, bachman D. Neurocognitive impairment in obstructive sleep apnea. Chest. 2012 Jun;141(6):1601-1610. doi: 10.1378/chest.11-2214. PMID: 22670023.
  10. Peigneux P, laureys S, Fuchs S, Collette F, Perrin F, reggers J, Phillips C, Degueldre C, Del Fiore G, Aerts J, luxen A, Maquet P. Are spatial memories strengthened in the human hippocampus during slow wave sleep? Neuron. 2004 Oct 28;44(3):535-45. doi: 10.1016/j.neuron.2004.10.007. PMID: 15504332.
  11. Rasch B, Born J. About sleep’s role in memory. Physiol Rev. 2013 Apr;93(2):681-766. doi: 10.1152/physrev.00032.2012. PMID: 23589831; PMCID: PMC3768102.

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A propos de l'auteur

Dr. Laura Hatchondo

Docteur en Psychiatrie (MD)
Docteur en Neurosciences (PhD),
Titulaire du DIU du Sommeil et sa Pathologie
Titulaire du DIU Pathologies de l'éveil et du sommeil de l'enfant

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