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Apport de l’anesthésie intraosseuse pour les patients atteints de MIH

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L’hypominéralisation molaire et incisive (MIH) constitue un défaut d’origine systémique atteignant une à quatre premières molaires permanentes associé ou non à une atteinte des incisives permanentes. En raison d’une inflammation pulpaire chronique, les molaires mandibulaires affectées sont très souvent réfractaires aux anesthésies locales classiques. Un recours aux anesthésies locorégionales associées ou non aux techniques de sédation est classiquement préconisé. L’objectif de cette étude est d’évaluer l’efficacité d’un système d’anesthésie à injection électronique contrôlée dans la prise en charge du MIH pour pallier aux difficultés d’anesthésie.

Matériel et méthode

22 patients âgés de 6 à 13 ans, présentant un MIH et nécessitant la réalisation d’un soin conservateur sur molaire mandibulaire sont inclus dans l’étude. Chaque patient bénéficie d’une anesthésie prémuqueuse suivie d’une injection ostéocentrale d’articaïne 1/100000ème ou 1/200000ème à l’aide du système QuickSleeper S4.

Résultats

Un silence opératoire est obtenu dans 91 % des cas. Il permet de réaliser le soin sitôt la fin de l’injection. La notion d’échec reste toutefois difficile à apprécier car l’anxiété du soin dentaire qui caractérise ces patients influence fortement leur ressenti.

Discussion

L’utilisation du système Quicksleeper S4 pour la réalisation d’une anesthésie ostéocentrale, parfois associée à une inhalation de MEOPA permet d’obtenir très rapidement un silence opératoire efficace. Cette étude montre l’intérêt de l’anesthésie ostéocentrale réalisée avec un système rotatif à injection contrôlée dans la prise en charge des MIH. Une étude sur un échantillon plus important est nécessaire pour confirmer ces résultats préliminaires.

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Introduction

anesthesie-osteocentrale-en-mesialL’hypominéralisation molaire et incisive se traduit par une atteinte qualitative et/ ou quatitative d’au moins une première molaire permanente fréquemment associée à l’hypominéralisation d’une ou plusieurs incisives permanentes. La sévérité de l’expression varie beaucoup d’un patient à l’autre. Chez un même patient, les anomalies peuvent être de sévérité variable pour un même type de dent. La prévalence varie de 3 à 20 % en fonction des études et du lieu de résidence des patients (Tableau 1). Elle est en hausse constante.

Les étiologies ne sont pas encore clairement définies mais font intervenir des facteurs multiples (événements périnataux (accouchements difficiles, maladies de la petite enfance, prise d’antibiotiques…), exposition à des polluants environnementaux (dioxine, bisphénol…), pathologies chroniques…).

Cliniquement, les dents présentent des colorations blanches ou brunes opaques sur une partie ou toute la surface de la dent (Fig. 1). Cette atteinte peut être légère (émail blanc, opaque), modérée (coloration jaune, brune, surface crayeuse), ou sévère (atteintes associées à des pertes de substances importantes).

Le diagnostic différentiel se fait avec des pathologies telles que l’amélogénèse imparfaite qui touche l’ensemble des dents des deux dentures ou encore des étiologies locales (altération du germe suite à un traumatisme ou une infection de la dent lactéale susjacente). Histologiquement, l’émail est moins minéralisé et la charge protéique augmentée (jusque 80 fois plus importante sur des défauts bruns).

L’émail rugueux constitue un facteur de rétention de plaque et explique le développement rapide de lésions carieuses. Ces dents présentent également une inflammation chronique du fait de l’exposition massive des tubulis. Le patient présente des douleurs spontanées ou provoquées. L’hypersensibilité rend le brossage difficile, ce qui renforce le risque carieux. Etant donné la grande fragilité de l’émail, cette pathologie doit être prise en charge le plus précocement possible (dès l’émergence des pointes cuspidiennes) pour éviter les pertes de substances étendues. Ceci implique des visites dès le plus jeune âge chez le chirurgien-dentiste et la formation des professionnels pour le dépistage de ces lésions qui ne sont pas de simples lésions carieuses.

En effet, de nombreux patients développent une anxiété suite à des soins réalisés sans que le praticien ait tenu compte des particularités de ce type de lésion, notamment les difficultés d’anesthésie. En effet, les anesthésies classiques (périapicales, intraligamentaires…) sont insuffisantes pour obtenir un silence opératoire. Seule une anesthésie locorégionale permet de l’obtenir.

Pour autant, elle présente un certain nombre d’inconvénients : difficulté de réalisation chez les enfants peu coopérants, variations anatomiques, temps augmenté de la durée d’anesthésie des parties molles… Dès lors, les anesthésies intra-osseuses semblent présenter une alternative efficace pour obtenir un silence opératoire tout en évitant les inconvénients des anesthésies locorégionales.

Matériel et méthode

22 patients âgés de 6 à 13 ans sont inclus dans l’étude. Ils présentent un syndrome MIH avec atteinte d’au moins une molaire mandibulaire nécessitant un acte restaurateur. Les dents maxillaires présentant un MIH et nécessitant un soin conservateur sont exclues de l’étude car une anesthésie périapicale classique peut suffire même si l’anesthésie ostéocentrale permet d’obtenir un silence opératoire immédiat.

L’enfant et ses parents sont informés des conséquences d’un MIH sur les difficultés de l’anesthésie. Une anesthésie à l’aide du Quicksleeper S4 de Dental Hi Tec® est proposée et expliquée. Une aiguille DHT de 16 mm et de diamètre 30/100 est utilisée. La solution anesthésique contient de l’articaïne et un vasoconstricteur dosé à 1/100 000 ou 1/200000 en fonction de l’opérateur. L’anesthésie est réalisée.

Elle consiste en une anesthésie prémuqueuse avec une orientation de l’aiguille à 20° par rapport à la muqueuse (Fig. 4 – 12). Quelques gouttes de solution anesthésique suffisent à faire blanchir la gencive attachée. L’aiguille est ensuite positionnée au niveau de la papille préalablement anesthésiée afin de réaliser une anesthésie ostéocentrale.

L’aiguille est orientée avec un angle de 30 à 45° en position vestibulolinguale. Parfois, l’angle est augmenté pour tenir compte des contraintes de l’environnement local (Fig. 6 – 7 – 13). L’aiguille est mise en rotation afin de pénétrer l’os cortical puis l’os spongieux. L’injection est réalisée puis l’aiguille est retirée délicatement.

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Résultats

La moyenne d’âge des patients est de 7,25 ans. Les dents concernées sont réparties en 12 premières molaires permanentes mandibulaires gauches (36) et 10 premières molaires permanentes mandibulaires droites (46). Les patients concernés ont été inclus après au minimum un échec d’anesthésie autre qu’une anesthésie intra- osseuse.

Ces patients présentent souvent une forte anxiété et pour 11 d’entre eux, une sédation consciente par inhalation de MEOPA est associée à l’anesthésie intra-osseuse. Une rotation de l’aiguille est suffisante dans 8 cas. Deux rotations ont été nécessaires dans 13 cas, et trois pour un cas. L’aiguille a été obstruée dans 4 cas mais le changement d’aiguille n’a été nécessaire qu’une fois. La quantité moyenne d’anesthésie est de 0,78 cartouche (contenance de la cartouche : 1,8 ml). Le silence opératoire est obtenu dans 20 cas.

Discussion

Les hypersensibilités sont fréquemment rencontrées chez les patients présentant un syndrome MIH. Les mesures d’hygiène bucco-dentaire sont difficiles à mettre en place et le risque carieux individuel augmente rapidement. Ces patients se présentent donc avec des lésions souvent importantes après des échecs de soins répétés et une anxiété importante, ce qui a justifié le recours au MEOPA pour 11 séances. La réalisation d’une préanesthésie muqueuse permet ensuite une pénétration indolore de l’aiguille dans la majorité des cas lors de la perforation osseuse.

Chez l’enfant, la rotation est souvent inutile en dessous de 7 ans du fait de la porosité de l’os. Après 7 ans, une à deux rotations suffisent pour pénétrer la corticale osseuse. Le ressenti des patients est très bon dès lors que la sensation et le bruit occasionné par la rotation de l’aiguille lui sont expliqués. L’aiguille a été obstruée dans 4 cas. Cette obstruction s’explique par l’interposition de débris osseux lors de la rotation. Leur élimination lors de l’injection peut créer une douleur fugace.

En cas de blocage et d’impossibilité d’injecter, le changement de l’aiguille s’impose. Lors de l’injection, il est parfois possible que le patient ressente une accélération cardiaque. Le silence opératoire est obtenu de manière immédiate et permet de démarrer l’acte directement. Une insensibilité labio-mentonnière (signe de Vincent) est observée de manière inconstante. Par contre, le patient présente toujours une sensation de « dent dure » en intercuspidie maximale.

L’anesthésie des tissus mous est très limitée lors d’une anesthésie intra-osseuse, ce qui réduit le risque de morsure per et postopératoire. Cette technique d’anesthésie permet d’obtenir un très bon taux de succès. Les échecs sont relatifs et sont plus à mettre en relation avec l’anxiété importante des 2 patients qui avaient des difficultés à différencier douleur et ressenti. Par mesure de prudence, la séance a tout de même été reportée.

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Conclusion

L’utilisation du système Quicksleeper nécessite un léger apprentissage afin d’adopter les bonnes positions de travail et d’injecter en toute sécurité. La réalisation d’une radiographie préopératoire est également indispensable. Elle permet de vérifier la quantité d’os, l’espace interdentaire, et la qualité de l’os. L’injection ne doit pas être réalisée en terrain inflammatoire

Bibliographie

1. Beneito-Brotons R, Penarrocha-Otra D, Ata-Ali J et al. Intraosseous anesthesia with solution injection controlled by a computerized system versus conventional oral anesthesia : a preliminary study. Med Oral Pathol Oral Chir Bucc. 2012 ; 1 ; 17(3) :e426-9.
2. Jedeon K, De la Dure-Molla M, Brookes S.J. et al. Enamel defects reflect perinatal exposure to bisphenol A. The American J of Pathol. 2013 ; 183(1) : 108-118.
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4. Noirrit-Esclassan E, Dominé S, Vergnes J-N. Anesthésie intra-diploïque chez l’enfant : quelles conséquences sur la fréquence cardiaque ? Clinic. 2013 ;
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7. Sixou J-L, Marie Cousin A, Huet A. et al. Pain assessment by children and adolescents during intraosseous anaesthesia using a computerized system (Quicksleeper). Int J Paediatr Dent. 2009 ; 19(5) : 360-6.

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A propos de l'auteur

Dr. Marie BOROWSKI

Assistant hospitalo universitaire
Unité fonctionnelle d’Odontologie pédiatrique CHRU Lille

Dr. Emilie DEHAYNIN

Assistant hospitalo universitaire
Unité fonctionnelle d’Odontologie pédiatrique CHRU Lille

Dr. Caroline DELFOSSE

MCU-PH
Unité fonctionnelle
d’Odontologie pédiatrique
CHRU Lille

Dr. Thomas TRENTESAUX

MCU-PH Odontologie pédiatrique
CHRU Lille Université Lille 2 Droit et Santé

Dr. Mathilde LAUMAILLE

Attachée hospitalière
Unité fonctionnelle d’Odontologiepédiatrique CHRU Lille

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