En 20 ans, l’implantologie s’est imposée comme une discipline incontournable de l’exercice dentaire. Les taux de succès des implants rapportés communément dans la littérature avoisinent 95 % dans la plupart des indications. La reproductibilité de ces chiffres est bien établie, elle provient de nombreux groupes situés en de nombreux pays. La prédictibilité des implants est tellement élevée que certains praticiens vont jusqu’à renoncer, un peu trop rapidement parfois, à traiter des dents pour les remplacer par des implants au pronostic mieux établi.
Cependant, 95 % de réussite ne sont pas 100 %, cela signifie qu’environ 5 % des implants sont concernés par les échecs. Ces échecs sont d’autant mal vécus par les patients et par les praticiens qu’ils sont rares. Cela nous oblige à mieux les connaître afin de mieux les éviter.
Le but de cet article est d’exposer les différentes erreurs susceptibles de conduire à des échecs et des complications en implantologie orale.
Une classification nous guidera dans leur description. Ils peuvent avoir lieu lors :
- de la préparation du plan de traitement
- de la phase chirurgicale
- de la phase de cicatrisation
- de la phase prothétique
- de la fonction de l’implant.
Les échecs se subdivisent en échecs primaires et échecs secondaires.
L’échec primaire se produit avant la mise en charge des implants (fig 1), Il est caractérisé par l’absence d’ostéointégration. Tout échec implantaire survenant avant ou au cours du deuxième stade de la chirurgie implantaire est considéré comme un échec primaire. L’examen clinique et radiographique permet de constater l’obtention de l’ostéointégration. La non-ostéointégration de l’implant peut se traduire par une mobilité, une douleur et/ou une perte osseuse péri-implantaire importante.
l L’échec secondaire intervient après la mise en charge des implants. Il peut survenir jusque plusieurs années après la pose. Il se caractérise par une perte de l’ostéointégration. Elle est soit progressive soit se déclare rapidement. Un contrôle régulier des implants permet de se protéger contre la perte progressive de l’ostéointégration.
Suite aux exigences élevées que sont devenues les nôtres, une autre classification peut être rajoutée, il s’agit des :
- Echecs objectifs ou fonctionnels
- Echecs subjectifs ou esthétiques
Échecs et complications initiés durant la préparation du traitement
Il s’agit des erreurs liées à une anamnèse incomplète concernant la bruxomanie, une maladie systémique (maladie du métabolisme des os, diabète non contrôlé) ou une maladie rare inattendue. Par exemple, un patient nécessitant un traitement implantaire reçoit 2 implants dans la région postérieure de la mandibule. L’intervention se passe sans complications. L’ostéointégration n’est pas obtenue à la fin de la période de cicatrisation de 3 mois. Une analyse attentive de la cause révèle une displasie fibreuse, maladie occultée durant l’anamnèse.
Échecs et complications initiés durant la phase chirurgicale
Ce sont des échecs objectifs, ils sont une des causes des échecs primaires. La réalisation de toute intervention en implantologie nécessite une connaissance précise de l’anatomie et des principes chirurgicaux. La préparation de l’intervention et une technique opératoire précise, atraumatique et préservant l’environnement tissulaire sont de la plus haute importance.
- Effraction du canal mandibulaire
Elle peut conduire à des troubles sensitifs importants. Le risque de lésion du nerf dentaire inférieur doit être constamment à l’esprit, c’est la raison pour laquelle une distance de sécurité de 2 mm au dessus du canal mandibulaire est introduite. Si l’effraction est constatée, le positionnement de l’implant doit être immédiatement corrigé.
- Échauffement de l’os lors du forage.
Une élévation trop importante de la température au dessus de 47° degrés durant 1 minute est la cause d’une encapsulation fibreuse à l’interface os-implant.
- Compression excessive de l’os,
- Défaut d’asepsie lors de la chirurgie,
- Défaut de stabilité primaire,
Un sur-forage du site implantaire diminue la stabilité primaire. Un environnement biomécanique inadéquat fait que les cellules mésenchymateuses arrivant au site implantaire se différencient dans la lignée fibroblastique et non dans la lignée ostéoblastique.
- Vissage incomplet d’une vis de couverture ou d’un pilier de cicatrisation
Cet évènement peut être sans suite, mais il peut aussi être à l’origine d’une nécrose tissulaire ou d’une infection locale.
- Fenestrations ou déhiscences non détectées
Elles interviennent lorsque le volume osseux est insuffisant. Le défaut osseux en soi ne pose pas problème s’il est détecté lors de la pose car différentes techniques sont à notre disposition pour combler le manque d’os (greffe osseuse, régénération osseuse guidée). En revanche, s’il n’a pas été identifié, il peut conduire à une encapsulation fibreuse.
- Malposition de l’implant
L’implant est posé dans une position dictée par la présence d’une quantité osseuse disponible et non par les besoins prothétiques.
Il peut être ostéointégré mais ne répond pas aux exigences esthétiques, la position est trop mésialée, trop distalée, trop vestibulée (fig 2) ou trop palatine par rapport à l’axe de la dent réhabilitée. C’est alors un échec esthétique plus que fonctionnel. Dans l’exemple montré à la figure 2a, une déhiscence importante (fig 2b) conduit à la dépose de l’implant (fig 2c). Deux implants bien positionnés avec greffe de matériau de comblement osseux (fig 2d) vont répondre aux besoins prothétiques et esthétiques.
Échecs et complications initiés durant la phase de cicatrisation
Ces échecs objectifs sont aussi une des causes des échecs primaires.
- Forces incontrôlées exercées sur l’implant
Le patient exerce des forces trop importantes sur la tête de l’implant. Cela peut survenir quand des pressions répétées compulsives sont exercées avec la langue ou quand une alimentation dure est introduite trop rapidement après la chirurgie. Une autre cause est due à la prothèse de temporisation qui touche l’implant et exerce des forces sur les piliers de cicatrisation.
- Infection
Le patient néglige son hygiène et une inflammation de la gencive et des tissus durs se déclare. Elle porte atteinte au capital osseux. Le premier stade, la mucosite, est réversible, elle n’atteint pas l’os entourant l’implant. En revanche, la péri-implantite entraîne des pertes osseuses, elles peuvent à terme remettre en cause le pronostic de l’implant. De nombreuses études ont montré l’origine bactérienne de la pathologie dont la flore est proche des parodontites dentaires.
Les traitements et les mesures de prévention sont semblables à ceux utilisés en parodontie : nettoyage des sites, antibiothérapie, comblement avec des biomatériaux, motivation pour maintenir une hygiène adaptée.
Échecs et complications initiés lors de la phase prothétique
A la fin de la période de cicatrisation, la phase prothétique est initiée. Des erreurs durant cette phase peuvent mener à l’échec ou la complication. Ces échecs objectifs sont aussi une des causes des échecs secondaires.
- Prise d’empreinte non précise induisant un défaut de passivité
Des contraintes élevées sont exercées sur les implants ankylosés, elles induisent une résorption osseuse péri-implantaire.
- Scellement prothétique avec fusée de ciment dans le sulcus
La présence de ciment exerce une irritation chronique au niveau de l’os ou de la gencive, une péri-implantite peut se développer et causer la perte de l’implant.
- Éléments vissés avec un torque trop faible
Les vis des piliers ou les vis occlusales sont mal serrées, en dessous du torque recommandé par le fabricant. Le dévissage peut avoir des conséquences mineures, cependant il peut aussi induire une fracture de composant qui exige la dépose de l’implant.
- Surcharges occlusales
Elles sont le résultat d’un défaut d’équilibrage de l’occlusion. Les prématurités concentrent des contraintes élevées en un point, elles induisent une lyse osseuse qui peut aller jusqu’à la perte de l’implant.
- Rapport couronne clinique/implant inapproprié
Cette erreur s’inscrit dans les considérations mécaniques générales. Le schéma occlusal, le dessin prothétique et le nombre d’implants font parti également des critères à considérer pour réduire le taux de complication prothétique.
Échecs et complications initiés durant la fonction de l’implant
- Dévissage d’un composant
Le dévissage peut intéresser tous les composants vissés de la réhabilitation, pilier, vis de pilier ou vis occlusale. La figure 3 montre la présence d’une fistule en 22 (fig 3a), la radiographie révèle un pilier dévissé (fig 3b). Le revissage du pilier fait disparaître la cause de l’épisode infectieux localisé (fig 3c). Si les torques de vissage recommandés par le fabricant ont été appliqués, l’origine du dévissage doit être identifiée. Toutes les «erreurs» classiques sont alors passées en revue : nombre d’implants insuffisants, orientation ou position inadéquates des implants, piliers inadaptés, extensions exagérées, mauvaise occlusion, contraintes trop élevées.
- Fracture de vis
La fracture est mineure quand la dépose de la vis fracturée est obtenue, en général à l’aide d’ultra- sons. Elle est majeure quand elle ne peut être dévissée, dans ce cas l’implant ne peut remplir sa fonction prothétique et sa dépose doit être envisagée.
Une fracture signale toujours un problème biomécanique latent. Toutes les causes énumérées au paragraphe précédent sont alors passées en revue.
- Fracture de l’implant
C’est l’échec le plus redoutable car il faut procéder à la dépose de l’implant. Elle est souvent associée à une lyse osseuse de la crête (fig 4a). La dépose se fait habituellement avec un trépan (fig 4b), l’intervention est toujours invasive. Quand la largeur de la crête à ce niveau est limitée, le passage du trépan laisse un défaut trop large pour remettre un implant au même endroit. Parfois la dépose complète de l’implant ne peut être obtenue.
Cette fracture aussi signale un problème biomécanique latent. Comme lors du dévissage, toutes les causes biomécaniques possibles doivent être passées en revue afin d’en identifier la cause.
- Fracture du matériau cosmétique ou de l’infrastructure prothétique
Les fractures de céramique sont assez rares, cependant elles peuvent atteindre jusque 15 % des prothèses. Elles sont classées en fractures mineures et majeures. La fracture mineure intéresse une cuspide, elle ne met pas à jour la structure métallique sous-jacente et n’intéresse pas le point de contact. Les autres fractures remettent en question l’esthétique ou la fonction de la prothèse, cette dernière doit être refaite.
- Péri-implantite
L’hygiène est négligée, une inflammation de la gencive et des tissus durs se déclare. La résorption du tissu osseux péri-implantaire peut menée à une fracture de l’implant.
Échecs esthétiques
Ils font parti des échecs subjectifs, l’implant ou les implants sont ostéointégrés mais le résultat esthétique est décevant.
L’esthétique de la prothèse sur implants n’était pas la principale préoccupation des développeurs de l’implantologie. Les premières réalisations se focalisaient sur l’acceptation biologique de l’implant. A présent que des taux élevés d’ostéointégration sont acquis, l’aspect esthétique des prothèses constitue lui aussi un élément essentiel dans le succès de la thérapeutique.
Certaines situations en zone postérieure sont satisfaisantes pour le patient mais pas pour le praticien. Dans le secteur antérieur, l’échec esthétique est souvent déploré par le patient (fig 5). Il peut être du à un mauvais positionnement de l’implant ou un mauvais choix de la largeur de l’implant. La figure 6 montre en 22 une couronne implanto-portée au profil d’émergence inesthétique. Il est du à la présence d’un implant en 1 temps de diamètre standard, trop large pour le site de l’incisive latérale.
L’échec esthétique est difficile à corriger. Une analyse prothétique pré-implantaire rigoureuse peut permettre d’éviter cet écueil: modèles d’étude, cire de diagnostic, appréciation du volume osseux. Une greffe de tissu conjonctif par tunnelisation permet de redonner un volume gingival compatible avec une esthétique satisfaisante.
Conclusion
De nombreuses erreurs et complications peuvent être encore évités en procédant de manière précise et rigoureuse à chaque étape du traitement. Connaître les erreurs les plus courantes permet de les éviter.
Cependant, chaque patient constitue un cas particulier avec ses spécificités propres, elles exigent parfois de s’adapter à la situation clinique. C’est en partageant les échecs que les réponses données aux situations spécifiques seront les plus adéquates.
Les Auteurs
Dr Mitridade DAVARPANAH Médecin Stomatologiste, Chef de Service du Centre de Réhabilitation Orale (ORC) de l’Hôpital Américain de Paris. Certificat en Parodontologie de l’université de Californie du Sud (USC). Diplomate de l’American Board of Periodontology. Dr Serge SZMUKLER-MONCLER Professeur-Associé Université Paris VI, Consultant international, Bâle, Suisse Dr Adriana AGACHI Docteur en Chirurgie Dentaire, DU de Journalisme médical Dr Mihaela CARAMAN Docteur en Chirurgie Dentaire, DU de Parodontologie et d’Hygiène buccale, Maîtrise en Sciences Biologiques et médicales Dr Paul M. KHOURY Docteur en Chirurgie Dentaire, CES d’Orthodontie, CES d’Anatomie-Physiologie,
3 commentaires
Quels sont les complications qui peuvent survenir chez un diabétique (insulino-dépendant) au niveau des implants et de l’os mandibulaire ?
J’ai actuellement 6 implants, mâchoire supérieure en vue pose appareil fixe et 2 mâchoires inférieure pour appareil amovible;
Le dentiste a été averti de mon affection
C’est ça le problème chez les diabetiques, l’infection et la maladie des vaisseaux
bonjour
suite à la pose d’implant dentaire une douleur s’est déclarée au niveau de la machoire, remontant le long de l’oreille gauche . Le dentiste a prescrit du Tegretol 400 qui n’a pas été efficace, il a poursuivi la pose( malgré ma demande de l’oter) Voila 3 ans que cet implant me fait souffrir. qu’en pensez vous
je souffre irrégulièrement et surtout aucun soir ne me soulage sans 6 cp de paracetamol codéiné qui m’assomme .
le lendemain j’ai bien sur à nouveau mal.
Perdu 15 kg et un etat général affaibli. dois je continuer à vivre ainsi?