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L’anesthésie : clé de la relation avec le patient

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Il est extrêmement difficile de résumer en quelques lignes tout le chapitre de l’anesthésie. Cet article ne se veut donc pas scientifique mais pratique, afin de tenter d’apporter un éclairage différent à cet acte en apparence bénin et pourtant ô combien crucial puisque c’est de sa réussite que dépendra toute la qualité de la relation qui s’établira ensuite avec le patient.

statistiques-anesthesie-dentaire

Il convient de ne pas oublier que l’anesthésie est le plus souvent vécue par le patient comme plus ou moins douloureuse, que l’idée même d’avoir une anesthésie est source de stress pour le patient, et que les échecs en anesthésie ne sont pas rares Fig. 1 à 3.

Définition

L’anesthésie consiste à injecter un produit qui, après avoir traversé la membrane lipidique pour pénétrer à l’intérieur de la fibre nerveuse, va se fixer sur des récepteurs spécifiques et empêcher transitoirement la propagation de l’influx nerveux.

Tous les anesthésiques n’ont pas les mêmes caractéristiques en termes de temps de latence, d’efficacité ou de durée d’action, selon leur formule chimique propre, leur concentration ou leur combinaison à de l’adrénaline en proportions variables.

Les anesthésiques à notre disposition

  •    lidocaïne : 1944

concentrée à 2 % non adrénalinée
adrénalinée au 1/80 000
adrénalinée au 1/100 000
adrénalinée au 1/200 000

  •    mépivacaïne : 1957

concentrée à 3 % si non adrénalinée
concentrée à 2 % si adrénalinée au 1/100 000

  •    articaïne : 1980

concentrée à 4 % non adrénalinée
adrénalinée au 1/100 000
adrénalinée au 1/200 000

Nous voyons ainsi qu’il existe près d’une dizaine de spécialités différentes, alors que le plus souvent une ou deux seulement sont utilisées ;

Or, pour mener à bien une anesthésie qui doit être rapide, efficace, indolore et sans suites pour le patient, il convient d’adapter à la pathologie à traiter le produit et la technique.

La clef de la réussite d’une anesthésie se résume en ces termes : déposer le bon produit (choix de la molécule anesthésique et de la concentration en adrénaline), à la bonne quantité (sans risquer d’être toxique) et au bon endroit (choix de la technique).

À défaut, l’anesthésie ne sera pas obtenue, ou partiellement, ou sur une durée trop brève.

Anesthésie et toxicité

La toxicité d’une anesthésie dépend du produit utilisé, de la dose injectée, de la vitesse et du site d’injection.

Il est rare d’avoir le sentiment de pouvoir atteindre une dose toxique vu la faible quantité d’anesthésique contenu dans une cartouche de 1,8 ml, toutefois il convient d’être vigilant comme le montre les tableaux suivants, le seuil de toxicité passant du simple au double selon les concentrations en anesthésique et pouvant être atteint dès la première cartouche chez l’enfant Fig. 5 et 6.

dose-maximale-admise-anesthesie

À défaut de choisir la technique et la spécialité les plus adaptées, ainsi que la détermination de la quantité nécessaire et suffisante dès le début de l’acte anesthésique, le praticien risque de se trouver dans l’obligation soit de rajouter du produit qui sera de moins en moins efficace (phénomène de tachyphylaxie) soit de multiplier les techniques. (anesthésie loco régionale à l’épine de Spix + anesthésie para-apicale + anesthésie intra-ligamentaire + anesthésie intra-pulpaire en cas de pulpite de molaire mandibulaire par exemple)

Les techniques anesthésiques

Toutes les techniques utilisées de nos jours ont été décrites au début du 20è siècle, seul le matériel permettant leur réalisation ayant évolué.

Il convient de distinguer 2 grands types d’anesthésies : locales et loco-régionales.

  • anesthésie locale : le but est d’interrompre la conduction de l’influx nerveux au niveau d’une ou plusieurs dents par action au niveau de leurs apex.
  • anesthésie loco-régionale : elle vise à faire diffuser le liquide au niveau d’un tronc nerveux assurant l’innervation d’un secteur dentaire.

Anesthésies loco-régionales

Lorsque l’on parle anesthésie loco-régionale, on pense le plus souvent à l’anesthésie à l’épine de Spix qui vise à obtenir le silence clinique du secteur molaire mandibulaire, réputé difficile à anesthésier par d’autres techniques. Mais il existe plusieurs autres anesthésies : anesthésie au trou mentonnier, anesthésie rétro tubérositaire, anesthésie canine haute pour ne citer que les principales.

Ces diverses approches ont en commun leur efficacité dès lors qu’elles sont bien menées, et nécessitent pour cela de bonnes connaissances anatomiques afin que l’extrémité de l’aiguille parvienne au plus près de la « cible » recherchée, mais sont source d’inconfort important et durable pour le patient qui se retrouve avec une portion plus ou moins étendue totalement engourdie avec un risque non négligeable de morsure (anesthésiophagie).

L’anesthésie à l’épine de Spix est curieusement très employée mais aussi la plus source d’échecs, car très opérateur-dépendant. (20 à 60 % d’échecs selon les auteurs) Ces échecs sont généralement dus à des erreurs de technique, l’aiguille se trouvant trop à distance du foramen, à des variations anatomiques ou à des innervations inconstantes par des rameaux des nerfs mylo hyoïdien et lingual. (il convient alors de réaliser un complément d ‘anesthésie par une infiltration linguale sous la ligne oblique interne de la mandibule)

Depuis peu, un matériel d’aide à la réalisation des « Spix » est commercialisé sous forme d’un support censé assurer le positionnement optimum de l’aiguille Fig. 4.

materiel-aide-a-la-realisation-des-spix

Avantages :

  •    technique peu douloureuse pour le patient et utilisable dès 5 ans.
  •    tous types d’anesthésiques autorisés dans le respect des quantités admissibles.
  •    grande efficacité quand bien menée et durée permettant la réalisation d’actes longs.
  •    possibilité d’anesthésier plusieurs dents, en particulier les molaires mandibulaires.

Inconvénients :

  •    difficulté de réalisation.
  •    succès inconstant.
  •    temps de latence très variable (de quelques minutes à plus de vingt)
  •    inconfort important pour le patient et risque majoré de morsure.

instruments-anesthesie

Anesthésies locales

Para apicale

Si un praticien n’utilise généralement pas l’ensemble des techniques à sa disposition il en est une que tout un chacun connait et pratique, c’est « LA » para apicale.

Cette technique simple présente l’avantage d’être peu douloureuse (sauf en regard de la ligne inter incisive maxillaire) puisque l’injection se fait dans une muqueuse lâche qui se laisse facilement distendre.

Son utilisation trouve ses limites dans l’anatomie du patient :

  •    selon l’épaisseur de la corticale osseuse, l’injection d’une même quantité d’anesthésique sera plus ou moins efficace, et dans le secteur molaire mandibulaire l’anesthésie para apicale est réputée inefficace, amenant souvent le praticien soit à injecter de grandes quantités, au risque de se rapprocher de la dose toxique, soit à multiplier les injections ou les techniques.
  •    innervation des racines vestibulaires des 6 maxillaires par des filets nerveux provenant de troncs distincts.

Ses indications sont multiples et l’anesthésie para apicale est indispensable et obligatoire dans toute chirurgie intéressant les tissus mous (élévation d’un lambeau, extraction de 8 inférieures, etc.).

Avantages

  •    peu douloureuse si bien conduite (respecter la vitesse d’injection : 1ml / mn)
  •    réalisable à tout âge
  •    utilisation possible de toute spécialité
  •    efficace
  •    simple à réaliser
  •    court temps de latence. instrument-anesthesie

Inconvénients

  •    anesthésie limitée à 2 voire 3 dents maximum.
  •    peut nécessiter un complément ou un rappel (en particulier palatin, réputé douloureux)
  •    engourdissement des tissus mous important et risque de morsure.

Intra-ligamentaire

Avantages

  •    peu douloureuse si anesthésie muqueuse préalable en regard du point de pénétration
  •    réalisable à tout âge
  •    recommandation d’utilisation de spécialité adrénalinée à 1/200 000 max
  •    efficace
  •    action immédiate
  •    pas d’engourdissement des tissus mous.

Inconvénients

  •    anesthésie difficile à réaliser (pression d’injection très importante indiquant l’utilisation de seringue spécifique (crémaillère, assistance par électronique)
  •    anesthésie strictement limitée à une dent
  •    risque d’arthrite post opératoire douloureuse
  •    contre indiquée en cas de patient atteint de cardiopathie.( possibilité de passage de bactéries dans la circulation via le sulcus ).

Intra-septale

Avantages

  •    indolore si anesthésie préalable de la papille
  •    réalisable à tout âge
  •    efficace
  •    action immédiate
  •    pas d’engourdissement des tissus mous.

Inconvénients

  •    difficile à réaliser (perforation du septum pouvant nécessiter plusieurs tentatives, risque de fracture d’aiguille ou d’éclatement de la cartouche indiquant l’utilisation d’une seringue spéciale (crémaillère, assistance par électronique).
  •    anesthésie de une à deux dents maximum
  •    risque de nécrose post opératoire du septum ou de la papille
  •    recommandation de spécialité adrénalinée au 1/200 000 max (sauf chez l’enfant ou la vascularisation plus importante autorise tout type d’anesthésique).

Intra-pulpaire

Au début du 20e siècle, cette anesthésie se pratiquait en enfonçant brutalement, à l’aide d’un maillet, un petit morceau de bois préalablement taillé et ajusté à l’entrée de l’orifice canalaire afin de sidérer le paquet vasculo nerveux sous l’effet de compression brutale. La douleur ainsi générée était intense mais très brève, et le praticien pouvait alors retirer le filet nerveux sans plus créer de sensibilité.

Au 21e siècle, la technique de l’anesthésie intra pulpaire devrait être bannie des cabinets mais certains praticiens la pratiquent encore en cas d’insuccès de toute autre technique, quand d’autres la préconisent en assurant qu’elle conserve sa place dans l’arsenal thérapeutique !

Avantages :

  •    efficacité
  •    immédiateté
  •    utilisation possible de toute spécialité
  •    pas d’engourdissement des tissus mous.

Inconvénients

  •    extrêmement douloureuse (risque de lipothymie)
  •    anesthésie d’une seule dent.

Palatine

Avantages

  •    efficacité (possibilité d’utiliser une seringue spécifique : Anaeject, SleeperOne®, Quick Sleeper.)

Inconvénients

  •    douloureuse (muqueuse palatine attachée ne se dilatant pas)
  •    risque de nécrose si quantité injectée trop importante ou concentration en vaso trop élevée.

Diploïque

Première technique anesthésique locale, décrite dès la fin du 19è siècle, la difficulté de sa réalisation, compte tenu des moyens de l’époque, a fait qu’elle a été rapidement abandonnée au profit des techniques décrites plus haut.

Toutefois, elle regroupe de nombreux avantages, et se développe de nouveau aujourd’hui grâce aux matériels modernes.

Avantages

  •    indolore (si anesthésie muqueuse bien maîtrisée.)
  •    simple à pratiquer après apprentissage.
  •    toute spécialité autorisée.
  •    efficacité immédiate.
  •    anesthésie de toute zone y compris molaire mandibulaire.
  •    pas ou très peu d’engourdissement des tissus mous.
  •    absence de suite post opératoire.
  •    anesthésie possible de 1 à 6 (bloc incisivo- canin en particulier) voire 8 dents Fig. 8.

techniques-anesthesiques
Inconvénients :

  •    utilisation de matériel spécifique (X tip, Stabident, Anesto, Quick Sleeper)
  •    parfois discrète tachycardie transitoire (selon la quantité injectée et la concentration en adrénaline)
  •    nécessite une phase d’apprentissage.

aiguilles-a-biseau

Le matériel

Les seringues

Elles se divisent en seringues classiques, seringues à crémaillères (paroject, cytoject, etc), seringues assistées par électronique (STA, Anaeject, SleeperOne®, Quick sleeper).

Seringues autorisant la réalisation d’anesthésie diploïque (rotation de l’aiguille qui agit comme un foret : Anesto, Quick Sleeper).

Les aiguilles

Aux aiguilles traditionnelles sont venues depuis quelques années se rajouter des aiguilles à biseau modifié, permettant une pénétration de la muqueuse plus efficace et quasi indolore. (Dental Hi Tech, Septodont) Fig. 11.

Conclusion patient-et-soins-indolores

L’anesthésie ne devrait plus être perçue comme un geste anodin, mais comme un soin à part entière nécessitant toute l’attention du praticien afin d’être réalisé de façon indolore, efficace, et sans induire de suite post opératoire.

La bonne gestion de cette étape incontournable permettra de plus d’obtenir en toute circonstance le silence clinique, y compris dans les situations d’urgence qui s’intègreront alors sans difficulté dans le planning journalier.

Certes, un temps plus long que celui qui lui est habituellement consacré peut être nécessaire, mais une technique bien maitrisée est le gage de la qualité de la relation qui va se créer avec le patient, révolutionnant ainsi le rapport patient/praticien et assurant un exercice serein en toute circonstance, et permettant souvent aux patients les plus anxieux de retrouver le chemin des cabinets…

A LIRE

1. Journal dentaire du Québec vol 38 Médecine buccale et chirurgie vol 9 N° 2. La revue prescrire tome 23 N° 239
2. Société française de chirurgie orale VAN DER AUWERA Thèse doctorat Université Louis Pasteur, Strasbourg 1
3. Le CDF N° 848 Revue d’odonto stomatologie sept 2011
Efficacy of preoperative ibuprofen on the success of inferior alveolar nerve block. Noguera et coll. IEJ 2013
4. Comparison of the anesthetic efficacy between bupivacaine and lidocaine in irreversible pulpitis of mandibular molar. JOE S0099
Traité de stomatologie Gaillard et Nogué

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2 commentaires

  1. Pierre Verpeaux

    bonjour,
    je vous remercie de l’intérêt que vous manifestez à cet article toutefois je ne peux agréer votre proposition de soin.
    En effet, si vous souhaitez réaliser une anesthésie intra septale, vous disposez de 3 moyens:
    – soit une seringue classique ou à crémaillère, avec aiguille de longueur et diamètre adaptés.
    – soit une seringue à injection assistée par électronique ( les plus connues étant le sleeper one et le wand) que vous utiliserez de la même façon mais avec la délivrance de l’anesthésique contrôlée par l’électronique.
    – soit une seringue permettant la rotation de l’aiguille qui agit alors un peu comme un forêt et pénètre facilement le septum. ( quick sleeper)
    En réalisant un “avant trou” avec une fraise boule vous prenez le risque:
    – d’échauffer l’os et d’avoir une nécrose post op
    – d’élargie la perforation et de voir l’anesthésique refluer
    et vous risquez d’avoir du mal à retrouver l’orifice.
    Cette approche est un peu celle du x type qui permet de réaliser une perforation tout en laissant en place un trocard dans lequel vous glisserez l’aiguille.
    Mon conseil est donc de rester pragmatique et si vous maitrisez bien votre geste vous ne casserez pas d’aiguille.
    Bien confraternellement,
    Pierre VERPEAUX

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