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MEOPA, anesthésie générale : pourquoi et comment orienter les patients ?

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Plusieurs solutions existent pour prendre en charge les malades fragiles (enfants phobiques, handicapés…). Parmi elles, la sédation consciente et l’anesthésie générale sont particulièrement efficaces pour résoudre l’impossibilité ou l’échec de soins au fauteuil. Les conditions et les contraintes opératoires changeant entre ces deuxtypes de sédations, les omnipraticiens se posent souvent la question du choix.

La Sédation consciente

L’analgésie relative ou « sédation consciente » correspond à la disparition de la perception douloureuse avec conservation des réflexes laryngés par inhalation du Mélange Equi Molaire Oxygène Protoxyde d’Azote (MEOPA). Le protoxyde d’azote, gaz utilisé en dentisterie dès le XIXe siècle est actuellement utilisé sous sa forme MEOPA et à usage exclusivement hospitalier pour l’odontologie (1) (Fig. 1).

L’inhalation du MEOPA entraîne un détachement de la réalité tout en maintenant la conscience du sujet (réponse à un stimulus psychique et à des commandes verbales) ainsi qu’un effet amnésiant. Le patient peut ressentir des paresthésies (picotements, fourmillements) ; une sensation de lourdeur, de chaleur, de légèreté, avoir des visions ou des distorsions auditives.

Quelques effets indésirables ont été décrits dans la littérature :

  • une sensation de malaise, des nausées voire des vomissements, dans moins de 5 % des cas ;
  • une excitation paradoxale ou une certaine somnolence ;
  • une dysphorie chez certains enfants très anxieux, surtout si le terrain psychologique n’est pas bien préparé.

Indications

En odontologie pédiatrique, la sédation consciente est particulièrement intéressante pour :

  • les actes de courte durée (30 minutes maximum) et peu nombreux (3 à 5 dents à traiter) ;
  • les enfants phobiques, opposants ou handicapés (si la déglutition et la ventilation sont normales) ;
  • les actes simples en chirurgie dentaire courante (extractions, soins coronaires).

Contre-indications liées à l’état général

Elles sont rares mais absolues :

  • Accident de plongée, de pneumothorax ou d’occlusion digestive
  • Épanchement gazeux
  • Hypertension intracrânienne non dérivée
  • Traumatisme crânien non évalué, accident cérébrovasculaire

Altération de la conscience non évaluée Fracture des os de la face La prudence est recommandée en cas d’insuffisance hépatique ou rénale, de drépanocytose et de greffes d’organes. L’association avec les benzodiazépines (ValiumTM, HypnovelTM) ou les opioïdes (Coden- fantTM) doit être évitée en raison de la potentialisation de la dépression respiratoire.

Contre-indications liées à l’acte

  • Durée d’intervention trop longue, ou atteinte de nombreuses dents
  • Interventions itératives répétées à moins d’une semaine d’intervalle
  • Intensité nociceptive trop grande (incision d’un abcès), sans possibilité d’anesthésie locale
  • Impossibilité de respiration par le nez (sinusite, bronchite, rhume des foins)
  • Non-acceptation du masque

Protocole opératoire

Avant le geste. Lors d’une séance préalable, il est essentiel d’expliquer le principe de l’inhalation à l’enfant et à ses parents, de prévenir des différentes sensations possibles, de montrer et faire essayer un masque au patient, et enfin de permettre au patient de poser des questions.
L’enfant n’a pas besoin d’être à jeun. Tous les équipements (bouteille, tuyaux, évacuation) sont vérifiés. Après 3 à 5 minutes d’induction, réaliser l’anesthésie locale et commencer les soins.

Pendant le geste. Selon la nature de l’acte et le patient, l’inhalation est fractionnée ou continue (Fig. 2). Pensez à assurer un monitorage clinique.

Après le geste. Laisser le patient au repos jusqu’au retour à un état de vigilance habituel et/ou à la disparition totale des effets indésirables éventuellement survenus, 5 minutes en principe. L’enfant peut manger normalement dès qu’il le souhaite après l’inhalation.

Protocole-opératoire

Fig. 1 : Salle de soins et équipe MEOPA. Fig. 2 : Enfant handicapé auto-inhalant le MEOPA avant les soins.

Discussion

Le MEOPA seul est peu efficace s’il n’est pas accompagné de techniques psycho-comportementales (relaxation, hypnose) et/ou d’une prémédication sédative. L’utilisation d’une méthode d’analgésie ne doit pas faire négliger une organisation générale réfléchie et adaptée aux besoins et au bien-être de l’enfant (2, 3).

L’ANESTHÉSIE GÉNÉRALE (Fig. 3)

L’anesthésie générale (4) a un triple but :

  • Provoquer la perte de conscience et supprimer la douleur
  • Relâcher les muscles
  • Prendre le relais du cerveau « mis au repos » afin d’assurer les fonctions vitales, la surveillance des fonctions respiratoires et cardio-vasculaires étant permanente avant, pendant et après l’intervention
L’ANESTHÉSIE-GÉNÉRALE

Fig. 3 : Induction anesthésie générale au bloc opératoire odontologie.

Les différentes composantes de l’anesthésie générale sont : [5]

  • la narcose pour obtenir l’inconscience du patient, induite par les “narcotiques” injectés par voie veineuse ;
  • l’analgésie par les morphiniques, pour diminuer la perception douloureuse et par conséquent les besoins en narcotiques ;
  • la protection neurovégétative par les neuroleptiques afin de réduire les réactions neurovégétatives à la douleur (hypertension, tachycardie), même inconscientes ;
  • les gaz halogénés pour entretenir l’anesthésie.

Avantages et indications

Le principal avantage de l’anesthésie générale réside dans ses propres indications. Ce n’est jamais une technique dans laquelle le praticien doit rechercher une solution de facilité.

L’anesthésie générale est parfaitement légitime lorsque :

  • l’anesthésie locale est formellement contre-indiquée ;
  • l’enfant présente un grand nombre de caries à traiter, et que son âge et/ou son état ne permettent pas un traitement au fauteuil ;
  • les sujets sont psychotiques, caractériels ou infirmes moteurs cérébraux – des patients cardiaques ont besoin d’extractions multiples avant greffe ;
  • les malades sont hémophiles ou sous anticoagulants ;
  • les malades sont ASA III, (Tableau I) ;
  • des malades nécessitent des interventions de chirurgie maxillo-faciale.

L’anesthésie générale induit une amnésie chez le patient et donc une absence de traumatisme pour ce dernier, vis-à-vis du dentiste. Cela contribue aussi à un retour de l’enfant dans le circuit normal des soins.

Tableau I

American Society of Anesthesiologists

  1. ASA I : sans affection autre que celle nécessitant l’hospitalisation
  2. ASA II : affection modérée d’une grande fonction
  3. ASA III : affection sévère d’une grande fonction
  4. ASA IV : affection grave faisant courir un risque vital imminent
  5. ASA V : moribond chance de survie à 24 h faible

Contre-indications

Il n’existe pas de contre-indication à l’anesthésie générale.

Limites

Contre-indications

Fig. 4 : équipe anesthésie générale en salle de réveil.

Les Risques. Pour Schneck (6), l’anesthésie générale pour des soins dentaires ne doit jamais être considérée comme un acte mineur. Il n’y a pas de « petite anesthésie générale ». Des complications peuvent survenir à chaque étape de l’intervention avec des conséquences graves voire fatales. Le praticien qui pose l’indication d’une anesthésie générale pour son patient doit être conscient du risque existant en s’assurant que toutes les autres solutions sont inopérantes. Ce risque devra également être clairement expliqué aux parents (7).

Les conditions de travail. L’opérateur ne dispose pas de tous les matériaux et de tout le matériel du cabinet dentaire, notamment le cône de radiographie.

Le pédodontiste hospitalier doit arriver à s’intégrer dans une équipe toujours différente (Fig. 4). Le praticien doit réaliser la remise en état complète de la cavité buccale en un temps réduit, avec un taux de succès maximal, car souvent sans possibilité de ré-intervention.
Il est alors difficile de prétendre réaliser tous les soins de la même manière et avec la même qualité qu’en pratique courante (Fig. 5, 6). Ceci implique des choix thérapeutiques sensiblement différents d’autant plus qu’il existe un conflit de lieu entre les conditions opératoires de l’anesthésie et celles du pédodontiste.

Le coût. L’anesthésie générale est une technique onéreuse en matériel et en personnel. Pour l’hospitalisation privée, il faut ajouter aux honoraires classiques du pédodontiste, ceux de l’hospitalisation et de l’anesthésie (6).

Rôle de l’omnipraticien

Fig. 5 : Enfant présentant des polycaries. Fig. 6 : Extraction des molaires temporaires et composite 83.

Discussion

La loi rend le chirurgien-dentiste et l’anesthésiste solidairement responsables du déroulement de l’intervention et dit que nul ne peut ignorer ce que fait son collaborateur. L’anesthésie générale est une thérapeutique lourde et toujours à risques, injustifiée pour traiter une ou deux dents. Dans ce cas, la pathologie buccodentaire pourra être temporisée par des soins locaux simples sous prémédication ou analgésie relative, des règles d’hygiène alimentaire et bucco dentaire et une fluoration adaptée (9).

Sédation ou anesthésie générale : comment choisir ?

En première intention, la prémédication sédative et les soins au fauteuil doivent être tentés. En cas d’échec, l’anesthésie générale est indiquée (10) :

  • Chez les enfants porteurs de 4 caries profondes, au minimum, peu ou non coopérants
  • Chez les enfants timorés, en cas d’extractions multiples ou d’actes de chirurgie dentaire lourds
  • Chez le patient handicapé non coopérant après échec des soins au fauteuil
  • Chez les enfants ASAIII présentant des caries multiples
  • En cas de contre-indication à l’anesthésie locale
  • En cas de difficulté d’accès aux soins : la multiplicité des séances et l’éloignement par rapport au praticien sont également à prendre en compte pour favoriser le succès et le suivi des soins

Rôle de l’omnipraticien traitant référant le patient (11)

Pour orienter le patient le référant doit réunir un certain nombre d’éléments : un questionnaire médical du patient ; une évaluation de la motivation des parents et de l’enfant sur le plan de la santé buccodentaire avec un à priori favorable pour les parents qui font la démarche de consulter ; un bilan buccodentaire précis ; un bilan orthodontique ; un bilan fluor, alimentation et brossage ; une radiographie panoramique ; un courrier pour le pédodontiste avec les remarques ou exigences particulières concernant le traitement.

Conclusion

Le choix du MEOPA ou de l’AG correspond à des critères liés à la clinique et au contexte. Dans certains cas, sous conditions médicales strictes, ce type d’intervention offre davantage de possibilités et/ou de sécurité que la prise en charge au fauteuil.

Le praticien traitant doit garder à l’esprit que, sauf refus express de sa part, le suivi post opératoire immédiat et trimestriel/semestriel du patient, sera réalisé dans son cabinet, le Pédodontiste intervenant uniquement en bloc opératoire.

Le praticien traitant habituel doit rester le chef d’orchestre de la prise en charge des enfants et des patients handicapés.

Bibliographie

1. Andersen J. La sédation consciente par inhalation du MEOPA. Fil dentaire, 2008 ;36 : 31-32
2. De San Fulgencio J., Roy V., Maudier-Rocle C. Efficacité de la sédation consciente au MEOPA à l’hôpital Robert Debré. Journ odontostomatol Pediatr 2004 ; 11(3) : 131–137
3. Maudier-Rocle C. La prise en charge de l’enfant en odonto-stomatologie : une méthode efficace : soins sous sédation consciente. 2003 ; J. Odontostomatol. Pediatr. 10(2) : 77-82
4. Bandon D., Nivet S., Brun-Croëse N., Prévost J., Nancy J., Foti B. Soins dentaires des enfants sous anesthésie générale. À propos de l’activité de l’unité d’odontologie pédiatrique de l’hôpital Nord de Marseille. Chir dent fr. 2004 ; 1155 : 41-46
5. Lacroix-Gaucci C. Anesthésie générale et chirurgie dentaire. Alpha-Omega, 1988 ; 5 : 10-11
6. Schneck H., Vedet-Richard D., Dagot V., Wilson T. Indication des mises en état de la bouche sous anesthésie générale. Chir dent fr. 1991 ; 554 : 45-48
7. Bandon D., Nancy J., Vaysse F., Maudier C., Goldsmith M.-C., Delbos Y., Moulis E., Roy V. Constitution du dossier patient soigné sous anesthésie générale. Chir dent fr. 2006 ; 1275 : 41-47
8. Bandon D., Delbos Y., Roy V., Chabadel O. Traitements buccodentaires sous anesthésie générale des enfants et des patients handicapés : responsabilité et couts. Chir. dent. fr. 2008 ; 1359 : 35-47
9. Bandon D., Nancy J., Prévost J., Vaysse F., Delbos Y. Apport de l’anesthésie générale ambulatoire pour les soins dentaires des enfants et des patients handicapés. Arch ped. 2005 ; 12 : 635-640
10. Sixou J.-L. Anesthésie générale et soins bucco-dentaires. Chir dent fr. 2005 ; 1214 : 31-34
11. Bandon D., Brun-Croëse N., Dajean S., Goldsmith M.-C., Nancy J., Sixou J.-L., Delbos Y. Propositions pour la prise en charge du patient porteur de handicap. Chir dent fr. 2007 ; 1296/1297 : 51- 58

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