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Douleur et MEOPA

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Le MEOPA (mélange équimolaire oxygène-protoxyde d’azote) est un mélange gazeux à parts égales oxygène et protoxyde d’azote. Il présente des propriétés analgésiques, anesthésiantes, et euphoriques.

Son histoire remonte à la découverte du protoxyde d’azote en 1772 par le chimiste et physicien anglais Joseph Priestley. C’est un autre chimiste britannique, Humphry Davy, qui en 1798 en a découvert les propriétés euphoriques. Il commence alors à se répandre dans les foires de l’époque grâce à sa réputation de « gaz hilarant », un nom qui le suit encore.

C’est un dentiste de la Nouvelle-Angleterre, Horace Wells, qui en 1844 l’a appliqué lors de soins dentaires. Son étude sur les effets anesthésiants du protoxyde d’azote amorce son début comme anesthésique médical.

Le mélange fixe MEOPA couramment utilisé a été développé en 1961, et mis sur le marché en 1965. Son utilisation s’est répandue dans les pays anglosaxons et nordiques, notamment en pédiatrie et aux services d’urgences. Mais ce n’est qu’en 2001 qu’il a reçu son autorisation de mise sur le marché en France, et seulement dans un cadre hospitalier. En 2009, après étude de l’ANSM, l’Afssaps a finalement autorisé son utilisation en dehors du milieu hospitalier, tout en le réservant à l’usage des professionnels.

Propriétés du MEOPA

La substance active du MEOPA est le protoxyde d’azote (N2O). Ce gaz est incolore, quasiment inodore, et non irritant. Il est actif en lui-même et donc il n’a pas besoin de changements dans le corps pour devenir actif. Inhalé, il devient efficace dans le court temps de la circulation poumons-cerveau. Il est très peu soluble dans le sang et ne s’accumule pas. Il est donc presqu’entièrement éliminé par les poumons.

Sur le plan physiologique, le protoxyde d’azote a une triple action :

  •    un effet anxiolytique
  •    un effet analgésique
  •    un effet euphorique et amnésiant, notamment chez les enfants

Ces actions combinées entraînent un état de conscience modifiée. Ce n’est ni un état de sommeil, ni de sédation profonde. C’est le traitement des informations sensorielles par le patient qui est perturbé. On peut à tout moment entrer en contact verbal avec le patient. Le MEOPA reste donc un moyen de sédation consciente.

En termes d’analgésie, le MEOPA possède un faible effet et n’est pas reconnu comme essentiel par l’OMS1. La concentration utilisée, de 50 % protoxyde d’azote, induit une analgésie profonde sans perte de conscience. Son effet analgésiant est assimilé à 10 mg de morphine en sous-cutané2. Il est donc à utiliser seulement pour des gestes peu douloureux (EVA 4 à 6), ou bien en association avec une anesthésie locale. Et à ce titre, l’intérêt du MEOPA, est peut-être celui d’un potentialisateur pour les analgésiants et anxiolytiques plus forts (pour une étude comparative des différentes méthodes de pharmaco-sédation, ainsi que des différents niveaux de sédation – Philippart et Roche3, 2013).

Au niveau pharmacologique, le protoxyde d’azote reste peu compris. L’effet analgésiant semble être de nature opioïde, impliquant les neuromodulateurs de la moelle épinière. Ses effets anxiolytiques et anesthésiques sont encore moins élucidés. Les effets anxiolytiques ressemblent ceux des benzodiazépines, et les effets anesthésiques pourraient impliquer les récepteurs GABAA et N-méthyl-D-aspartate4.

En pratique, les propriétés du MEOPA se traduisent par :

  •    une rapidité d’action de l’ordre de 2 à 3 minutes5
  •    un pic d’activité très rapide de l’ordre de 3 à 5 minutes5
  •    une perte d’effets dès 60 secondes après l’arrêt de l’administration6
  •    une récupération également rapide après administration, de l’ordre de 3 à 5 minutes5

Dans 65 % des cas, Bergia (2007) a constaté une sédation consciente avec anxiolyse en moins de 3 minutes7.

MEOPA en chirurgie dentaire

Depuis son autorisation, le MEOPA se répand de plus en plus dans les cabinets dentaires en France. Plusieurs aspects de la chirurgie dentaire rendent le MEOPA particulièrement adapté comme moyen de sédation :

  •    des soins envahissants mais peu invasifs
  •    une pratique généralisée en cabinet de ville, qui restreint l’utilisation de nombreux autres analgésiques/anesthésiques et anxiolytiques présents dans les hôpitaux
  •    la phobie aux soins dentaires dans la population générale

Ainsi, 10.8 % de la population présente une phobie modérée aux soins dentaires, et 2.6 % une forme sévère, c’est-à-dire que les soins dentaires sont repoussés jusqu’à ce que la douleur devienne insupportable8. Plus généralement, 54 % des français craignent une consultation chez le chirurgien-dentiste, et 46 % ont peur des douleurs possibles associées au traitement9.

Pédiatrie

Comme en médecine générale, en chirurgie dentaire le MEOPA est devenu particulièrement utile pour les soins pédiatriques. Avec son administration sans douleur, son efficacité rapide, et ses effets euphoriques et amnésiques sur les enfants, le MEOPA est idéalement adapté à de nombreux soins en chirurgie dentaire pédiatrique. Avec prémédication à l’hydroxyzine et en association avec l’imagerie visuelle (hypno-sophrologie), il permet même dans de nombreux cas d’éviter l’anesthésie générale10.

Stomatologie

En tant que potentialisateur d’autres analgésiants, le MEOPA est également adapté à la pratique de la stomatologie. Venchard et al. (2006) recommandent l’association du MEOPA avec le Midazolam en intraveineux pour une meilleure sédation du patient11.

Les principaux inconvénients du MEOPA en chirurgie dentaire sont :

  •    les rares contre-indications
  •    la coopération nécessaire du patient
  •    un taux d’échec de l’ordre de 5 à 30 % et nettement plus marqué pour les moins de trois ans3 – 12
  •    pas de prise en charge par la Sécurité Sociale

masque-meopa

Patients cibles

La sédation ne doit surtout pas être systématique. Plusieurs facteurs doivent être pris en compte par le chirurgien-dentiste dans la sélection des patients:

  •    niveau de peur
  •    niveau d’anxiété
  •    niveau de ressenti de la douleur
  •    présence dehobie
  •    des antécédents médicaux limitant l’utilisation d’autres anesthésiques mais pas du MEOPA, tels les troubles cardio-vasculaires, les AVC ou les affections respiratoires : le MEOPA n’ayant pas de répercussion respiratoire ou hémodynamique franche, il n’est pas contre-indiqué.
  •    déficits intellectuels13
  •    troubles neurologiques tels que les mouvements incontrôlés14

Bien qu’il y ait de nombreux moyens de mesurer les niveaux de ces facteurs (pour la douleur, l’échelle visuelle analogique EVA, l’échelle numérique, l’échelle des visages de Wong et Baker ou l’échelle CHEOPS, et pour l’anxiété, les échelles de Kleinknecht, DBS, Spielberger ou Corah), ils reposent souvent sur l’auto-évaluation et sont peu applicables dans la pratique quotidienne de la chirurgie dentaire en dehors des études.

Le chirurgien-dentiste doit se fier à son jugement en incorporant les différents éléments à sa disposition tels le questionnaire médical et le dialogue avec le patient. L’utilisation du MEOPA reste donc largement subjective, comme les facteurs décisionnels sur lesquels elle repose.

Afin de limiter les abus et la dépendance, l’administration du MEOPA à visée anxiolytique seule, ou à la demande du patient, n’est pas autorisée par l’accord professionnel15.

Méthode d’administration

administration-du-meopaLe cahier des charges de l’utilisation du MEOPA a été validé la dernière fois par le Conseil de l’Ordre le 12 mars 201416. L’administration du MEOPA, standardisée, est très simple. Pour une description technique complète du matériel, et des conseils d’utilisation et de stockage, voir Philippart et Roche (2013)3 ainsi que le site de l’Ordre National des Chirurgiens- Dentistes17, le Plan de Gestion de l’Afssaps (2010) et les fiches des distributeurs18.

Mais il ne faut pas réduire l’administration du MEOPA à une description technique. Ce traitement comporte une grande composante psycho-comportementale. La préparation du patient est essentielle. Ainsi, Bergia (2007) note qu’il est possible de majorer les effets du protoxyde d’azote de 30 % en mobilisant les systèmes de sécrétion des morphines endogènes7. Ceci passe par une explication détaillée de la technique afin d’assurer la coopération du patient. Toute source d’anxiété ou de peur doit être réduite ou éliminée avant et pendant le traitement, et Bergia recommande également la suppression des stimuli tactiles ou auditifs, comme lors d’une induction anesthésique7.

Gestion des risques et contre-indications

De nombreuses études ont confirmé la sécurité du MEOPA, notamment Onody et al.19 (2006) sur 35828 administrations, Gall et al.20 (2001) sur 7500 cas, et Annequin et al. 21 (2000) dans une étude française multicentrique. Témoignant de sa sécurité, son utilisation se répand parmi les spécialités médicales. On l’utilise de plus en plus en cardiologie, gériatrie, et en Suisse on l’utilise même dès 6 mois en milieu médical22.

La présentation obligatoire en mélange équimolaire avec 50 % d’oxygène supprime presque tout risque d’hypoxie. De plus, l’Afssaps conditionne l’utilisation du MEOPA à la nécessité de se former. Elle insiste également sur la nécessité d’une surveillance continue du patient pendant l’administration, et, de plus, recommande la présence d’une tierce personne.

Les principales contre-indications à l’utilisation du MEOPA sont :

présence de poches d’air telles que le pneumothorax, les bulles d’emphysème, les accidents de plongée (certains auteurs déconseillent l’utilisation du MEOPA si le patient a fait de la plongée dans les 24h précédentes7), occlusion intestinale, atteinte de l’oreille moyenne

  •    obstruction des voies aériennes
  •    hypertension crânienne
  •    altération de l’état de conscience
  •    trauma facial qui empêcherait une pose du masque correcte
  •    troubles psychiatriques
  •    patients toxicomanes
  •    traitements nécessitant l’usage du bistouri électrique ou de toute source de chaleur lors des soins

Les principaux effets secondaires possibles du MEOPA sont les céphalées, nausées, vomissement, amnésie (notamment chez les enfants), paresthésie. En cas d’effet secondaire, il est recommandé d’arrêter le traitement dès que possible.

En France, on dispose de seulement 5 années de recul sur l’utilisation du MEOPA en cabinet de ville. Tout effet indésirable grave ou inattendu lors de l’utilisation du MEOPA doit être déclaré au centre régional de pharmacovigilance (CRPV).

Depuis son introduction en cabinet de ville en France en 2009, le MEOPA connaît un franc succès parmi les chirurgiensdentistes. Les propriétés du protoxyde d’azote et sa méthode d’administration se traduisent par la rapidité d’action du MEOPA, la courte période de récupération et sa sécurité. Plus qu’un anesthésique et anxiolytique, en soi, le MEOPA est souvent un potentialisateur pour ces derniers. La sédation consciente est devenue une pratique incontournable de la chirurgie dentaire moderne. Le MEOPA est devenu un des traitements de choix pour les patients très difficiles, ou avec des contre-indications aux autres anesthésiants et anxiolytiques. Ces propriétés du MEOPA, combinées avec les très rares contre-indications, continueront à augmenter son acceptation par les chirurgiens-dentistes et les patients. Son plus grand succès étant peut-être de permettre de soigner des patients qui jusque-là préféraient éviter le dentiste plutôt que de se faire soigner.

A lire

1. WHO Model List of Essential Medicines. Rep. WHO, Oct. 2013. Web. 4 Apr. 2015 <http://www.who.int/medicines/publications/ essentialmedicines/18th_ EML.pdf>
2. «Morphine Et Sujet Agé.» Université D’Angers, Angers. Université D’Angers. Web. 4 Apr. 2015. <http://www.med.univangers.fr/fr/formation-1/ fmc/capacites/ capacite-gerontologie/_attachments/Morphine_ PA.pdf?download=true>.
3. Philippart , Frédéric, and Yvon Roche. Sédation Par Inhalation De MEOPA En Chirurgie Dentaire. Paris: Quintessence International, 2013. Print.
4. Emmanouil , Dimitris E., Raymond M. Quock. «Advances in Understanding the Actions of Nitrous Oxide.» Anesthesia Progress 54.1 (2007): 9-18. Web.
5. Clark , Morris S., and Ann L. Brunick. Handbook of Nitrous Oxide and Oxygen Sedation. St. Louis, MO: Mosby/Elsevier, 2008. Print.
6. «Entonox.» Anaesthesia UK. N.p., 26 Jan. 2009. Web. 04 Apr. 2015. <http://www.frca.co.uk/article.aspx?articleid=100364>.
7. Bergia , Jean -Marc. «L’utilisation Du Meopa Dans La Prise En Charge De La Douleur.» Soins Supplement.712 (2007): 22-23. Web.
8. Hennequin , M., D. Faulks , V. Collado , B. Bullier , E. Nicolas. «Dental Anxiety in a French Adult Population: A Pilot Study.» Congress of the International Association for Dental Research. Dublin. 2006. Lecture.
9. «IFOP/Air Liquide Sante France.» N.p., 2012. Web. <www. plusjamaispeurdudentiste.com>.
10. De San J., Fulgencio , V. Roy , C. Maudier , C. Wood. «TO14 – Soins Dentaires Sous Sédation Consciente Au Mélange Oxygène – Protoxyde D’azote (MEOPA) à L’hôpital Robert Debré.» Douleurs : Evaluation – Diagnostic – Traitement 5 (2004): n. pag. Web.
11. Venchard G.r., P.j. Thomson , R. Boys. «Improved Sedation for Oral Surgery by Combining Nitrous Oxide and Intravenous Midazolam: A Randomized, Controlled Trial.» International Journal of Oral and Maxillofacial Surgery 35.6 (2006): 522-27. Web.
12. Annequin, D. Le MEOPA. Rep. N.p., n.d. Web. 5 Apr. 2015. <http://www.cnrd.fr/IMG/pdf/LE%20MEOPA.pdf>.
13. Faulks D., Hennequin M., Albecker -Grappe S., Mani ère M-C., Tardieu C., Berthet A., Wolikow M., Droz D., Koscielny S., Onody P. «Sedation with 50% Nitrous Oxide/oxygen for Outpatient Dental Treatment in Individuals with Intellectual Disability.» Developmental Medicine & Child Neurology 49 (2007): 621- 25. Web.

Liste exhaustive sur www.lefildentaire.com

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A propos de l'auteur

Dr. Adriana AGACHI

Pédodontiste
DU de Journalisme Médical Professionnel
DU de Chirurgie buccale et Implantologie
Master : Droit de l'expertise appliqué à l'odontostomatologie


Adresse : 50 Rue de Passy, 75016 Paris, France

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