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Approche thérapeutique multidisciplinaire orthodontique, implantaire et prothétique

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Introduction

La réponse apportée par le praticien ne peut se limiter à une simple gestuelle thérapeutique esthétique et/ou fonctionnelle mais doit obéir à une prise en charge globale adaptée à la situation clinique. Dans le cadre de patients présentant des malpositions marquées, des édentements importants, une dysharmonie dento-maxillaire, et/ou une perte de dimension verticale, l’approche thérapeutique se doit d’être multidisciplinaire au service du patient et d’un travail en équipe. L’objectif de cet article est d’illustrer au travers d’un cas clinique complexe, cette interconnexion entre les différents protagonistes (implantologiste, orthodontiste, prothésiste) lors des 3 étapes clefs de la démarche thérapeutique que sont : l’information, la réflexion et la réalisation du plan de traitement.

Information

Anamnèse

Une patiente âgée de 54 ans, présentant un bon état de santé général, motivé par son entourage est venu nous consulter au Département d’Odontologie et de Santé Buccale : consultation multidisciplinaire, pour des problèmes d’inconfort liés à ses prothèses amovibles existantes. Elle désire une solution thérapeutique pérenne capable de concilier esthétique et fonction : restauration de son calage postérieur et alignement de ses dents mandibulaires et maxillaires.

Examens cliniques

L’examen exobuccal révèle un visage symétrique et une égalité des étages. Il n’existe pas de pathologie neuromusculaire ou neuroarticulaire. Le sourire est à dominante gingivo-dentaire en présence d’une béance antérieure associée à une fermeture dans le plan sagittal de l’angle nasio-labial. L’examen endobuccal souligne un édentement de classe I de Kennedy (édentement bilatéral postérieur) avec absence de 15 et 25 ainsi que de toutes les molaires. (fig. 1 à 5)

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Fig. 1 : examen clinique endobuccal, vue de face – Fig. 2 : vue Occlusale arcade supérieure – Fig. 3 : vue occlusale arcade inférieure – Fig. 4 : vue endobuccale, côté droit – Fig. 5 : vue endobuccale, côté gauche

Examens complémentaires

Bilan radiographique

L’examen du panoramique révèle la persistance de débris radiculaires en position de 36 et 46 et un volume osseux exploitable en regard du nerf alvéolaire inférieur et en position juxta sinusienne. (fig. 6)

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Fig. 6 : examen complémentaire : radiographie panoramique

Bilan parodontal

Le bilan parodontal met en évidence un parodonte légèrement affaibli mais sain, sans inflammation gingivale ni poche parodontale.

Bilan orthodontique initial et analyse occlusale

La patiente présente un visage harmonieux, une tendance à l’hyperdivergence et un profil sousnasal orthofrontal. Les analyses squelettique et dento-alvéolaire (étude clinique et céphalometrique) montrent un contexte de classe I squelettique associant une proalvéolie incisive maxillaire et une retroalvéolie incisive mandibulaire. (fig.7)

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Fig. 7 : examen complémentaire : téléradiographie de profil

L’examen des ATM est normal, et l’OIM correspond à l’ORC. En occlusion, la patiente présente une classe II,1 modérée (3mm) avec un encombrement modéré (5mm), un surplomb incisif augmenté (5mm) et une bascule frontale du plan d’occlusion en lien avec une déglutition atypique et un tic d’interposition linguale à gauche. Le bilan dentaire révèle une dysharmonie dentodentaire antérieure avec des incisives latérales maxillaires de faible diamètre mesio-distal comparé aux dents adjacentes (indice de Bolton à 87, normalité à 77). (fig. 8a à 8c)

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Fig. 8a, b, c : modèles d’études orthodontique

Réflexion

Diagnostic

Le recueil des données issues de l’anamnèse, de l’interrogatoire et des examens cliniques et complémentaires mettent en évidence d’un point de vue fonctionnel une déglutition atypique avec une interposition linguale latérale gauche, une classe I squelettique, et dans le sens sagittal une birétrognathie. D’un point de vue esthétique, l’angle naso labial est fermé avec une birétrochéilie prononcée. Au niveau dentaire, nous sommes en présence d’une denture adulte : édentement maxillaire et mandibulaire de classe I de Kennedy, avec absence de 5/6/7/8 maxillaires et de 6/7 mandibulaires, d’une courbe de Spee nulle et d’un encombrement mandibulaire de – 5mm.

Un certain nombre d’éléments sont à prendre en compte :

  • Le biotype parodontal épais et stabilisé
  • La motivation de la patiente

Objectifs

Les objectifs thérapeutiques visent à rétablir une normoclusion avec un guide incisif fonctionnel et la réhabilitation des secteurs prémolomolaires en utilisant l’espace postérieur pour résoudre l’encombrement mandibulaire et la classe II occlusale.

Solutions thérapeutiques

Pour atteindre ces objectifs fonctionnels et esthétiques, un set-up de fin de traitement est confectionné permettant la quantification des déplacements dentaires orthodontiques nécessaires pour rétablir une normoclusion et résoudre l’encombrement mandibulaire sans vestibuloversion incisive. (fig. 9) Ce set-up guide la position des futurs implants en prévisualisant les futures couronnes prothétiques en 15, 16, 25, 26, 36 et 46. Il a été décidé de manière collégiale et en accord avec la patiente de restaurer le calage postérieur en 6 sans remplacer la deuxième molaire. (arc court)

mise-en-evidence-du-projet

Fig. 9 : set Up initial, mise en évidence du projet thérapeutique d’usage

Concernant les déplacements orthodontiques, la distalisation des prémolaires et canines mandibulaires est évaluée à 2,5 mm par coté (valeur de l’encombrement mandibulaire), celle des secteurs latéraux maxillaires à 4 mm par côté (valeur de l’encombrement mandibulaire et la quantité de II à résoudre).

La fin de traitement est prévue en légère classe II d’Angle au niveau canin en lien avec la dysharmonie dento-dentaire. Le pronostic est jugé favorable si l’ancrage osseux supplémentaire requis (couronnes transitoires implantoportées) est présent. Le temps d’exécution est fixée à 24 mois.

Une autre possibilité de distalisation des secteurs latéraux aurait pu être envisagée par l’utilisation de mini – implants d’ancrage. Cependant, cela aurait nécessité une étape chirurgicale supplémentaire, une mécanique de recul plus délicate à mener nécessitant souvent un déplacement des mini-implants en cours de recul et surtout une réhabilitation provisoire des secteurs latéraux différée, envisageable qu’en fin de traitement orthodontique. Or un des motifs de consultation de la patiente était la réhabilitation de ses secteurs postérieurs.

Réalisation

Décision

La patiente avertie des avantages et inconvénients respectifs des différentes solutions thérapeutiques a pu choisir en toute connaissance de cause la solution la mieux adaptée à sa situation personnelle et à ses possibilités financières. Un délai de 15 jours de réflexion lui a été accordée avant de recevoir son consentement éclairé.

Séquences de traitement

Le plan de traitement comprend différentes phases :

Odontologie Chirurgicale et Parodontologie

Les débris radiculaires en position de 46 et 36 sont extraits de manière atraumatique. Deux séances de détartrage sont nécessaires pour (re)sensibiliser la patiente à la maîtrise et au contrôle de plaque bactérienne.

Kinésithérapie

La patiente est prise en charge par un kinésithérapeute spécialiste en rééducation maxillo-faciale dès le début de traitement pour rééduquer sa déglutition atypique et supprimer la parafonction linguale.

Implantologie (fig. 10)

La mise en place des implants est réalisée conformément à la planification sur « set up » de l’orthodontiste. La difficulté consiste à poser les implants par rapport aux dents adjacentes, sans tenir compte des critères habituels, à savoir ici :

  • 2,5 mm plus distal pour les implants mandibulaires
  • 4 mm plus distal pour les implants maxillaires

odontologie-chirurgicale

Les implants 25 – 15, 16 – 46 –36 (fig. 10 a et b) ne présentent pas de difficulté chirurgicale majeure. L’implant 26 est mis en place avec une technique d’ostéotomie par voie crestale.

Les techniques de chirurgie guidée permettent aujourd’hui d’intégrer le set up de l’orthodontiste dans le logiciel de planification chirurgicale, assurant ainsi une optimisation de la future reconstruction prothétique.

pose-au-controle-radiographique

Fig. 10 : implant en position de 36, de la planification, à la pose au contrôle radiographique

Prothèse transitoire

Après la phase d’ostéointégration de 3 mois, nous procédons à la mise en place de couronnes transitoires transvissées supraimplantaire en place de 36, 46, 15 et 25 qui serviront d’ancrages forts durant la phase orthodontique. Au fur et à mesure du recul des arcades et des mouvements engendrés nous procéderons à des coronoplasties mésiales de nos couronnes transitoires (stripping). (fig. 11, 12a et b)

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Fig. 11 : réouverture, deuxième temps chirurgical, visualisation du positionnement implantaire en adéquation directe avec le set up initial. Fig. 12a et b : couronnes transitoires mandibulaires transvissées sur modèle maxillaire et mandibulaire

ODF

Le nivellement complet de l’arcade maxillaire est suivi de la distalisation en masse (c’est-à-dire le recul simultané des secteurs latéraux et antérieur) avec appui sur les couronnes provisoires supra-implantaires 15 et 25. A la mandibule, un recul sectoriel est effectué. Les prémolaires mandibulaires sont d’abord nivelées et distalées par appui sur les couronnes provisoires 36 et 46, et les canines et incisives ne sont alignées qu’après création de l’espace disponible pour se faire. Au maxillaire et à la mandibule, sont appliquées des forces de distalisation de 100g par côté, et une réduction du diamètre mésio-distal des couronnes provisoires est réalisée à mesure du recul effectué.

Après coordination – intercuspidation des arcades dentaires et les finitions orthodontiques, la dépose du multibagues est effectuée. La patiente porte une contention collée à vie (fils tressés coaxiaux collés de 13 à 23 et de 33 à 43). (fig. 13 à 16)

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Fig. 13 à 16 : déroulé du traitement orthodontique

Prothèse d’usage

Les couronnes transitoires sont déposées, (fig. 17) une empreinte des implants à l’aide transferts pick up et d’un porte empreinte individuel au polyether est exécutée pour confectionner nos piliers anatomique d’usage. Un ré enregistrement des rapports maxillo mandibulaires est réalisé sur les piliers à l’aide de résine Duralay Rouge (fig. 18) avant confection des couronne d’usage qui seront scellés sur les piliers vissés à 25N/cm selon les recommandations fabricant. (fig. 19 et 20)

prothese-d-usage

Fig. 17 : vue des fûts implantaires après le dévissage des couronnes transitoires Fig. 18 : enregistrement des RMM à l’aide Duralay Rouge sur piliers implantaires Fig. 19 et 20 : vue endobuccales, prothèses d’usage en place

Réévaluation et maintenance

Une maintenance régulière personnalisée à la patiente est instaurée tous les 3 mois la première année, puis 2 fois par an. (fig. 21)

Conclusion

Au travers d’un cas clinique d’apparence complexe lors de la première consultation, l’approche collégiale (orthodontiste, implantologiste et prothésiste) permet de transformer et d’aborder ce cas en une succession d’étapes simples et parfaitement codifiées. L’information et la réflexion pouvant parfois paraitre chronophages sont les garants du succès de la réalisation de la thérapeutique.

Remerciements

Au Dr Christophe BOU, chef du service d’Odontologie et de Santé Buccale pour sa bienveillance et sa confiance durant nos fonctions respectives d’assistants hospitalo-universitaires.

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A propos de l'auteur

Dr. Arnaud SOENEN

Ancien Assistant Hospitalo-Universitaire sous-section 58-02 : Prothèse(s), Université de BORDEAUX

Dr. Pierre-Marc VERDALLE

Attaché Universitaire en Parodontologie (Bordeaux)
Ancien Assistant Hospitalo-Universitaire en Parodontologie
Ancien Interne des Hôpitaux de Bordeaux
International Certificate in Periodontology and Implantology (NYU)
Diplômes Universitaires de Parodontologie et d'Implantologie Orale
Responsable Scientifique du CEIOP

Dr. Caroline CAZENAVE

A CECSMO. Assistant hospitalouniversitaire Bordeaux II
Praticien libéral BRIVE

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