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Le bilan parodontal et l’arrêt de la progression des lésions parodontales

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Au cours de la première consultation, la totalité des aspects de la parodontie examinés jusqu’à ce jour (voir chroniques précédentes) sont mis en jeu. Tout se décide pour le patient et le praticien d’un point de vue clinique et humain. Dès le premier contact, nos compétences relationnelles et techniques sont appréciées d’emblée. Il s’agit d’établir rapidement le meilleur diagnostic étiologique possible pour prescrire au patient le premier traitement anti-infectieux afin de stopper l’évolution des lésions parodontales.

Compte tenu du cahier des charges du diagnostic (type de maladie, nature de la flore, état d’activité, stade d’avancement, risque de récidive, facteurs aggravants), on procédera en six étapes chronologiques suivantes :

  • Entretien
  • Examen clinique
  • Examens complémentaires
  • Établissement du diagnostic étiologique
  • Délivrance du traitement anti-infectieux
  • Délivrance d’informations écrites

On peut poser par hypothèse que le patient, consultant pour la première fois en parodontie, se pose les quatre questions suivantes auxquelles nous avons le devoir de répondre le plus rapidement possible :

  • Qu’est-ce que j’ai ?
  • Est-ce que c’est grave ?
  • Que va-t-on me faire ?
  • Combien ça coûte ?

On remarque que ces quatre questions peuvent être formulées autrement en utilisant le langage médical :

  • Quel est le diagnostic ?
  • Quel est le pronostic ?
  • Quelle sera la nature du traitement ?
  • Quel sera le montant des honoraires ?

On observe donc que les deux protagonistes se posent les mêmes questions avec une formulation différente.

L’entretien

L’entretien aura pour objectifs principaux de :

Recueillir la symptomatologie fonctionnelle telle que vécue par le malade, soit :

  • Saignements au brossage, à la mastication et/ ou spontanés
  • Douleurs ou sensibilités (thermique, sucre, acides, spontanées, à la mastication)
  • Abcès et suppurations (localisation, fréquence, durée, traitement local et/ou antibiotiques, fistulisation)
  • Récessions gingivales (localisation, date d’apparition, évolution, préjudice esthétique)
  • Mobilités (localisation, date d’apparition, préjudice fonctionnel)
  • Migrations (date d’apparition, localisation, évolution, préjudice esthétique)
  • Halitose (gêne sociale, moments d’apparition dans la journée, traitements tentés)
  • Tassements alimentaires (localisation, fréquence, moyens d’y remédier)

Évaluer l’intensité du risque de récidive après traitement :

  • Les antécédents familiaux
  • Les éléments médicaux : les hospitalisations et les dernières maladies dont le patient a pu souffrir. En tout premier lieu, on cherchera les susceptibilités aux infections (diabète, SIDA, stress, etc.), les médications qui peuvent compliquer le plan de traitement (immunodépresseurs, anti-coagulants, psychotropes, etc.). Il faudra s’enquérir des éventuels problèmes ou maladies cardiovasculaires et des grossesses actuelles ou programmées.
  • Tabagie : il est nécessaire de s’enquérir de l’éventuelle tabagie : combien de cigarettes par jour et depuis combien de temps.

Appréhender les facteurs qui pourraient compliquer le bon déroulement de l’éventuel traitement parodontal.

Informations diverses

Étant donné la place que représente le contrôle de plaque supragingivale en parodontie, il est évidemment très important que le praticien connaisse les habitudes de brossage des patients.

Puisqu’il s’agira de déterminer la nature de la flore microbienne, il est évidemment très important de savoir si une ou plusieurs antibiothérapies ont été prescrites – quelle qu’en soit la raison – dans les trois mois qui ont précédé puisque les effets rémanents peuvent encore être observés 90 jours après la prise du médicament.

Il est important de s’enquérir des derniers détartrages et de leurs suites éventuelles comme les douleurs, les saignements, les abcès, les mobilités, etc. En effet, si le patient a été « détartré » en période d’infection active, il est possible que cet acte ait déclenché des pertes d’attache actives.

Conclusions

Lorsque l’entretien est terminé, il est souvent déjà possible d’orienter le diagnostic vers une pathologie déterminée.

L’entretien dure en moyenne vingt minutes après lesquelles on peut indiquer au patient :

  • Qu’il s’agit d’une infection du parodonte.
  • Qu’il est possible d’arrêter rapidement la progression de sa pathologie.
  • Que le traitement est assujetti à des contraintes (observance thérapeutique, respect des rendezvous et versement des honoraires).
  • Que nous lui donnerons le premier traitement qui lui redonnera rapidement du confort.

Examen clinique

Au cours de l’examen clinique, les symptômes seront recueillis (et consignés) non plus tels que les patients l’ont vécu mais tels que le praticien les perçoit. Il est destiné à :

  • Évaluer les signes cliniques de l’activité : saignement, halitose, mobilité, migration, suppuration.
  • Déterminer les conditions locales : prothèses fixes et/ou mobiles, lésions muqueuses, nature de l’occlusion, signes de parafonctions, ouverture de la bouche, dysfonctions de l’appareil manducateur.
  • Préciser l’évaluation du risque de récidive (susceptibilité à la carie par exemple).

On n’effectuera pas de sondage systématique des lésions pour éviter la contamination de site à site, la pénétration de bactéries au sein des tissus parodontaux profonds et les douleurs inutiles. Pour recueillir des données «objectives», des clichés photographiques seront réalisés (fig. 1). Immédiatement après la prise des clichés photographiques, il est procédé à l’enregistrement de ce que la photographie ne peut pas enregistrer : l’halitose et les mobilités dentaires. À ce stade, les éléments de l’entretien associés à ceux de l’examen clinique doivent permettre d’orienter le diagnostic. Le patient peut alors être informé de la confirmation de la nature infectieuse de sa maladie. Tel que proposé, l’examen clinique ne dure que 5 à 10 minutes.

Examens complémentaires

Immédiatement réalisés après l’examen clinique, les examens complémentaires paracliniques auront pour buts de déterminer :

  • La nature de la flore sous-gingivale (signe d’activité microbiologique)
  • Le stade d’avancement de la pathologie (sévérité des pertes d’attache)
  • Les signes biologiques d’activité (bilan sanguin)
  • L’intensité du risque de récidive après traitement (test PST).

Bactériologie

Il s’agit essentiellement de la microscopie à contraste de phase. Les manipulations de prélèvement de plaque sous-gingivale en vue de l’examen bactérien en microscopie sont réduites au minimum. Il suffit de prélever délicatement, à l’aide d’une curette, de la plaque microbienne sous-gingivale après avoir éliminé la plaque et les dépôts mous supra-gingivaux. Cet amas bactérien est ensuite déposé sur une lame et dilué avec une goutte d’eau avant de le recouvrir avec la lamelle (fig. 2). À ce stade, le patient est clairement informé de la confirmation de la nature de sa pathologie grâce au système vidéo relié au microscope (fig. 3).

Radiologie

Le bilan long-cône est le moyen le plus simple, le plus rapide, le moins invasif pour estimer la quantité radiologique d’attache perdue. La radiologie permet d’observer la distribution et la sévérité des pertes d’attache interproximales. Il est alors possible d’établir le diagnostic différentiel entre les parodontites où les pertes d’attache sont localisées, par rapport à celles où elles sont généralisées. Il sera alors temps d’évaluer la présence de lésions apicales, de fractures, fêlures, tumeurs, la forme et la longueur des racines, les furcations, la qualité des soins prothétiques et dentaires.

Tests biologiques et génétiques

Si nécessaire, on prescrira un bilan biologique (numération, formule, vitesse de sédimentation, paramètres sériques, etc.). Si un test PST doit être réalisé, on informera le patient de ses avantages. Cette étape des examens complémentaires ne dure en général que 10 à 15 minutes.

Prescription des soins locaux de contrôle de plaque

Le bilan parodontal se termine donc par la nécessaire et capitale “délivrance” du traitement au patient.

Il est important de réaliser que le traitement commence dès le bilan de première consultation, car il est destiné à rétablir une flore compatible avec la santé parodontale afin de stopper les pertes d’attache.

Il s’agira donc de faire la démonstration en bouche, par le praticien lui-même, des soins locaux de contrôle de plaque supragingivale. La méthode choisie sera adaptée aux informations recueillies au cours de l’entretien, de l’examen clinique et des examens complémentaires.

Cette démonstration aura lieu au fauteuil, par le praticien et non pas par l’assistante ou l’hygiéniste. On évitera les mots humiliants tels que “sale”, “propre”, “bien”, “mal” et surtout “hygiène”.

Il sera clairement expliqué au patient que la technique de brossage n’a rien à voir avec une hygiène habituelle mais consiste plutôt en soins locaux en relation avec un traitement.

Le contrôle de plaque supragingivale

Il consiste en quatre étapes :

  • Mise en évidence de la plaque supragingivale
  • Contrôle de plaque strictement « mécanique »
  • Contrôle de plaque à l’aide d’antiseptiques adaptés
  • Désinfection des muqueuses de bouche avec une solution antiseptique

Étape n°1 – Mise en évidence de la plaque supragingivale

Pour mettre en évidence la plaque dentaire, le praticien déposera une ou deux gouttes d’un révélateur de plaque liquide sur les incisives centrales mandibulaires et maxillaires, et demandera au patient d’étaler le produit avec la langue sur toutes les surfaces dentaires puis de se rincer la bouche. À l’aide d’un miroir face à main, le patient et le praticien regardent ensemble où se trouvent les dépôts de plaque.

Étape n°2 – Brossage « mécanique » des surfaces dentaires

Le praticien prendra la brosse à dents adaptée et effectuera un brossage dont le principe est d’introduire les poils de la brosse à dents dans les embrasures et de réaliser des mouvements rotatoires “sur place” (fig. 3). Le brossage des faces palatines est réalisé grâce à des mouvements selon le grand axe de la dent sans jamais perdre le contact avec la dent (fig. 4). Cette démonstration se fera au maxillaire supérieur uniquement.

Le praticien passera ensuite lui-même, sans hésitation, les brossettes adaptées dans tous les espaces interdentaires (fig. 5). Cette démonstration se fera au maxillaire supérieur uniquement. En cas de parodontites actives, ce type de brossage induit des douleurs relativement importantes, mais uniquement au cours des soins locaux. Elles cessent en général huit jours après le début du traitement. Il faut également indiquer au patient qu’il peut se produire un saignement au brossage abondant.

On le rassurera en expliquant que ce saignement est anormal mais logique compte tenu de l’infection, qu’il diminuera rapidement, jour après jour, pour cesser complètement en huit à dix jours environ.

Le praticien expliquera au patient que ce premier brossage mécanique sans dentifrice a pour but de détacher les bactéries de la surface des dents sans pour autant les éliminer (désorganisation du biofilm). Si la méthode s’arrêtait à ce stade, il ne s’agirait alors que d’hygiène bucco-dentaire.

Étape n°3 – Brossage à l’aide d’antiseptiques

Le deuxième brossage utilisera exactement la même technique que celle décrite dans l’étape 2 mais en déposant sur la brosse et les brossettes les antiseptiques adaptés.

Étape n°4 – Désinfection avec un antiseptique liquide

La dernière étape de cette méthode laisse une grande place à l’utilisation des antiseptiques en bain de bouche (principalement la chlorhexidine) au cours du traitement des parodontites sévères.

Le contrôle de plaque sous-gingivale

La technique décrite ci-dessus affecte la nature de la flore supra-gingivale mais n’a que peu ou pas d’effets sur la plaque sous gingivale. En fonction des éléments de l’entretien, des paramètres cliniques, radiologiques et microbiologiques, le praticien peut donc quelquefois estimer qu’il est dans l’obligation de prescrire un antibiotique pour contrôler la plaque sous gingivale.

Si un antibiotique doit être prescrit,il le sera per os en s’assurant auparavant que :

  • Les bactéries incriminées sont sensibles à la molécule prescrite,
  • La molécule respecte la flore compatible avec la santé parodontale,
  • La molécule n’induit pas de résistance,
  • Qu’il n’existe pas d’autres moyens de contrôler la plaque sousgingivale.

Délivrance des informations écrites au patient

Les patients, malgré une écoute attentive, ne retiennent pas toujours la totalité des informations qui leur sont délivrées au cours de l’entretien, de l’examen clinique, des examens complémentaires et de la démonstration des soins locaux. Par conséquent, dès la fin de la première consultation, on remettra aux patients une série de documents écrits personnalisés et destinés à préciser les points qui auraient pu rester obscurs.

Lettre d’accueil

Cette lettre représente en quelque sorte « une charte de qualité » indiquant aux patients ce à quoi toute l’équipe soignante s’engage envers eux.

Lettre d’information

Ce document a pour buts de laisser une trace écrite de : ce que le patient a bien voulu nous confier au cours de l’entretien, ce que nous avons observé au cours des examens clinique et complémentaires, ainsi que des améliorations et bénéfices qu’ils peuvent attendre du traitement en cas d’observance thérapeutique.

Soins locaux

Les quatre étapes de la méthode de contrôle de plaque sont clairement indiquées et sont la fidèle reproduction de ce qui a été démontré au patient. Ce document évite souvent les demandes de consultation pour une nouvelle démonstration ou des précisions à propos des soins locaux.

Ordonnance

Les prescriptions sont indiquées clairement sur une ordonnance.

Questionnaire médical

Malgré le fait que l’entretien aborde en détail les aspects médicaux de la consultation parodontale, il est important (et requis par la loi) que nous remettions un questionnaire médical aux patients.

Compte rendu des observations

Le patient est autorisé à demander un second avis. Pour ce faire, et pour éviter de multiplier inutilement les examens, on remettra au patient un double de son dossier.

Entente directe

La majorité des praticiens exercent leur activité dans le cadre du système dit «libéral». Ce type d’exercice suppose donc que nous percevions directement de la part du patient, sous la forme d’honoraires, la plus grande partie de la rémunération de notre travail. La relation et le contact avec l’argent associé aux honoraires est donc de ce fait inévitable.

D’un point de vue pratique, on rédigera donc une’”entente directe” ou un “contrat de soins” où les engagements des deux parties sont clairement indiqués.

Conclusions

Ainsi, les toutes premières étapes du bilan parodontal (entretien, examen clinique, examens complémentaires) nous ont permis de répondre aux six questions qui nous étaient posées : type de pathologie, nature des bactéries infectantes, état de repos ou d’activité de la pathologie, stade d’avancement de la maladie et risque de récidive et facteurs aggravant. Nous avons également été capables de donner au patient des éléments de réponses à ses quatre questions : Qu’est-ce que j’ai ? Est-ce que c’est grave ? Que va-t-on me faire ? Combien cela va me coûter ?

Ceci a été rendu possible parce que nous avions présent à l’esprit les quatre conditions expliquant les destructions du parodonte : présence de bactéries virulentes, absence de bactéries protectrices, environnement défavorable aux bactéries protectrices et défaillances de l’hôte.

Au total, nous avons été capables de donner au patient les méthodes de contrôle de plaque supra et sousgingivale adéquates pour que les pertes d’attache soient stoppées.

Les résultats cliniques, microbiologiques et quelquefois radiologiques sont très souvent spectaculaires avec disparition rapide, en quelques jours ou en quelques semaines, d’une très grande partie des symptômes dont se plaignaient les patients (Fig 6).

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A propos de l'auteur

Dr Jacques Charon

Parodontiste exclusif, Lille

Dr. Frédéric JOACHIM

Parodontiste/Implantologiste, Lille

Dr. Sébastien DUJARDIN

Parodontiste/Implantologiste, Lille
Post Graduate in Periodontics, Temple University, Philadelphia, USA

Dr. Joël BEAULIEU

Dr en Médecine dentaire, Laval, QUEBEC
Formateur à l’Académie de Paro (Aix en Provence)

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