Cette série d’articles sur les connaissances et le choix des matériels équipant le cabinet est destiné à aider les jeunes praticiens qui doivent s’installer, mais aussi les autres pour éviter des erreurs qu’il faut ensuite supporter pendant plusieurs années.
L’aspiration chirurgicale est un maillon essentiel du poste de traitement et pourtant, son choix, lors de l’achat d’un nouvel équipement est bien souvent négligé. On parle de l’aspiration à la fin, dans les options et “bricoles” complémentaires.
70% des pannes en cabinet
Pourtant savez-vous que plus de 70% des pannes de matériel viennent de l’aspiration, que l’apparition depuis plusieurs années des récupérateurs d’amalgame n’a fait qu’entraîner ce chiffre à la hausse, et que pour finir, votre santé est aussi menacée par le choix d’un système inapproprié !
Hormis l’ancêtre pompe à salive, qui fonctionnait avec un système “venturi” grâce à la pression d’eau, il existe 3 grandes familles de systèmes d’aspiration :
- Les pompes “Anneau d’Air”
- Les pompes “Anneau Liquide”
- Les pompes “Anneau Humide”
On parlera de la récupération d’amalgame après cette entrée en matière.
L’Anneau d’Air
C’est le premier vrai type d’aspiration chirurgicale qui est apparu. On utilise une turbine à moteur électrique, qui crée une dépression (comme pour un aspirateur ménager) ensuite, il faut interposer entre ce moteur et les canules d’aspiration, un bac séparateur. Ce bac séparateur a pour fonction de retransmettre le vide créé par le moteur, aux canules, mais aussi et surtout de récolter les liquides aspirés pour les envoyer à la vidange et faire en sorte que le moteur, qui ne doit aspirer que de l’air, ne “boive pas la tasse”.
Ce premier système avait l’inconvénient d’obliger l’utilisateur à nettoyer tous les soirs ce bac, après avoir aspiré le produit de décontamination. Ce processus était des plus repoussant pour beaucoup d’assistantes, qui le faisaient donc plus ou moins bien. Pour remédier à cette délicate procédure, les fabricants ont imaginé des bacs séparateurs automatiques, à rinçage continu, bardés de clapets, de ressorts de membranes et de sondes électroniques en tous genres. L’avantage était de ne plus y mettre les mains, mais la complexité de ces bacs, liée à des entretiens pas toujours rigoureux, posait beaucoup de problèmes de pannes (bacs encrassés, évacuations et filtres bouchés, moteurs noyés…)
L’Anneau Liquide
Aussi appelé “PAL” : Pompe Anneau Liquide. Ce système de pompe, prévu à la base pour traire les vaches, est arrivé dans le dentaire, par le biais des américains.
L’avantage de ces pompes était de ne plus avoir besoin de bac séparateur, donc d’éviter les problèmes de noyade des moteurs.
Le principe est simple, un moteur électrique entraîne une turbine (genre “roue à aubes” de moulin) sur laquelle on précipite de l’eau sous pression, dans le but de créer une étanchéité entre la turbine et le corps de la pompe, afin de générer une dépression en aval de la zone d’étanchéité.
Ces pompes se sont vendues à des milliers d’exemplaires. Or si elles procuraient une sécurité technique, elles n’étaient pas exemptes de gros défauts secondaires, à commencer par une trop forte dépression et un trop faible débit. Ensuite, leur situation dans la structure du cabinet, pouvait également des colmatages de tuyauterie, créant des effets plus sournois.
Pour finir, ce type d’aspiration consomme 300 à 500 litres d’eau par journée de travail ! Sauf quelques modèles à recyclage d’eau usée, proposés par Cattani.
L’anneau Humide
C’est le dernier-né de la famille, et un compromis entre ses 2 aînés.
Il reprend la turbine de l’anneau d’air, de plus grande dimension que celle de la PAL, et tournant à une plus grande vitesse angulaire, ce qui permettra d’augmenter le débit d’air aspiré, et d’autre part, ce système aspire directement les liquides, sans consommer autant d’eau, que les PAL (voir sans en consommer du tout, si il n’y a pas de rinçage automatique).
Le choix !
Il n’est pas possible de dire que le système “Tartempion” est le meilleur. Le choix d’un système d’aspiration dépend avant tout de la configuration des locaux. Les critères prioritaires sont la situation des évacuations des eaux usées du local professionnel, le niveau sonore et la distance entre les différents composants du système.
Ce qu’il ne faut pas perdre non plus de vue, c’est l’efficacité du système et la protection de la santé de vos patients, de vos assistantes, et la vôtre. L’aspiration, comme l’air comprimé ou l’eau du robinet sont tributaires des lois concernant les fluides, à savoir : La pression, qui est la puissance, ou la vitesse du fluide (généralement quantifiée en bars) et le débit qui est la quantité délivrée par unité de temps (généralement en litre/minute).
Pour remplir un seau d’eau dans le même laps de temps, on peut avoir une énorme pression avec un débit faible (ex : nettoyeur haute pression) et à l’inverse, un énorme débit, avec une faible pression (ex : la fontaine du village) Le temps sera le même, mais pas les conditions et ses conséquences.
Pour la pratique dentaire, qu’attendons nous de l’aspiration et comment la situer entre ces 2 extrêmes ?
L’aspiration chirurgicale doit pouvoir assumer les rôles suivants :
- Capter les aérosols contaminés sortant de la cavité buccale, lors de tailles sous spray, de détartrage, de projection de poudre de nettoyage, etc.. afin de préserver au maximum les personnes exposées à ces projections non anodines.
- Pouvoir aspirer les résidus générés par le travail mécanique en bouche.
- Pouvoir aspirer la salive en excès du patient, sans lésions sur les tissus (muqueuses).
Donc on n’a pas besoin, ni envie d’aspirer les muqueuses, une centaine de millibars de dépression suffit, et on a besoin de capter un maximum des aérosols contaminés sortant de la cavité buccale, pour éviter d’en prendre plein les lunettes (et la figure au passage) et là, il nous faut environ 300 litres/mn. (données pour 1 poste de travail).
Par contre, attention, qui dit “débit”, dit “passage”, il faut donc avoir des canalisations de dimensions adaptées au système retenu, et avoir également sur les tuyaux d’aspiration, des embouts avec un gros diamètre de passage au niveau des canules. Voyez les embouts d’aspiration des units européens, par rapport à certains de leurs cousins américains, où le diamètre de passage est 2 fois inférieur, ce qui réduira le passage, donc le débit, mais en contrepartie augmentera la dépression, donc des risques pour les muqueuses.
Aujourd’hui les aspirations type “Anneau Liquide” sont de moins en moins vendues, car en dehors de 20 leur consommation d’eau et de leur forte dépression, elles ne répondent pas toutes aux normes de protection contre la contamination de l’eau potable du réseau. Donc nous allons parler de ce qui se vend, à savoir, les 2 autres systèmes.
Parlons d’installation
De plus en plus souvent les équipements actuels sont proposés avec le porte canules d’aspiration attenant à l’unit, c’est une bonne chose, quand les bras d’aspiration sont assez dociles pour avoir une bonne préhension des canules, que l’on travaille à 4 mains, ou que l’on se retrouve ponctuellement seul. Mais derrière ce porte canules, qui peut aussi se trouver sur un bras télescopique mural, se trouve le système d’aspiration, et là il y a 2 possibilités.
On va tenter d’être moderne, de penser à une nouvelle installation, et ne pas aborder les cas particuliers. Donc pour être en conformité avec la loi, nous allons aussi intégrer la récupération d’amalgame.
1ère option : Anneau d’Air
avec le récupérateur d’amalgame mixte, faisant également office de bac séparateur “Eau”/Air. Les units modernes permettent d’incorporer ce récupérateur d’amalgame directement dans l’unit. (En général dans le bloc crachoir).
Le moteur d’aspiration pourra alors être situé à plusieurs mètres, voire dizaines de mètres du fauteuil. C’est de loin le meilleur système, car il donne les bonnes valeurs de débit et de dépression, mais il permet de ne véhiculer les résidus lourds de meulage que dans la partie des tuyaux d’aspiration souples, connectée au porte canules (en orange sur le dessin) et laissera au fil du temps le tuyau de dépression (en général un PVC encastré sous le revêtement de sol) en parfait état de passage maximal d’air.
Cette installation la plus “professionnelle” est néanmoins dépendante d’une bonne évacuation (vidange) des eaux usées en sortie de récupérateur centrifuge d’amalgame (En vert sur le dessin). Si cette vidange n’est pas optimale (pente minimum de 1 à 3 cm/m de tuyau, sans aucune remontée) ce sera la galère assurée ! Dans ce cas, se replier sur le “plan B”.
A noter que si l’on se retrouve avec un porte canules d’aspiration dans le meuble (en position 12H) il existe des récupérateurs d’amalgames en boîtiers muraux.
2e option : “Le plan B”
Autrement dénommé système Anneau Humide. Ce n’est pas la panacée, mais si l’on ne peut faire autrement, il faut le faire !
Dans ce cas de figure, on dispose d’un moteur d’aspiration qui aspire tout, les sécrétions et l’air de la dépression, et qui s’installe en général dans un local technique où doit se trouver une bonne évacuation des eaux usées. C’est souvent pour cette raison que ce type de moteur se retrouve sous l’évier de la “stéril.” où il ne devrait rien avoir à y faire. Au fil du temps, les résidus de meulage les plus fins, ceux qui passent à travers les mailles des filtres d’aspiration risquent, suite à des négligences d’entretien sédimenter au fond du tuyau d’aspiration, et pas seulement ceux de la partie souple, accessibles, mais ceux de l’infrastructure du cabinet, qui se trouvent enfouis sous la chape du sol.
C’est presque inévitable, car ces fines particules de métaux, d’émail, de dentine, ciment et autres matières solides, sont véhiculées à grande vitesse dans les conduits d’aspiration, surnageant au milieu d’un flux plus ou moins liquide, qui perd une bonne partie de ses suspensions dans chaque coude de l’installation et qui tombe littéralement sur le fond du tuyau à chaque arrêt de l’aspiration, si l’arrêt de celle-ci n’est pas temporisé.
La conséquence de tout cela est qu’au fil des ans, le tuyau d’arrivée d’aspiration au fauteuil se colmate, et entraîne une réduction du passage, donc une chute du débit, qui déplace le point de dépression sur la courbe d’aspiration.
La dépression devient plus forte, et l’efficacité générale de l’aspiration de plus en plus critique. On va vers le point de contact avec la courbe de la partie orangée, et on peut encore aller avec celui de la partie rouge, avec des valeurs du genre – 300 millibars de dépression et 50 litres minutes de débit. Très bonnes valeurs pour aspirer les moquettes, mais pas pour la dentisterie.
Pour ralentir le processus d’encrassement des tuyaux d’aspiration par colmatage, il faut régulièrement aspirer de l’eau entre chaque patient (un gobelet) si l’unit n’est pas équipé d’un système de rinçage automatique.
Et plus que tout, ne JAMAIS terminer une journée de travail, même s’il est 22 H, sans effectuer la décontamination et le nettoyage de l’aspiration AVEC les produits préconisés par les fabricants de l’aspiration que vous avez (Dürr-Dental, Cattani ou Metasys, qui à, eux trois doivent représenter 99 % des aspirations vendues) et non avec les produits des vendeurs de produits miracles à des prix miraculeux. L’addition se réglerait alors en journées de travail perdues et en systèmes endommagés. Les économies doivent se faire à bon escient !
Autres recommandations
Il faut respecter scrupuleusement les critères techniques fournis par les fabricants : Longueurs et diamètres des tuyaux entre autres, et surtout l’efficacité des vidanges, avec des mises à l’air libre. Essayer de vidanger une pipette de laboratoire en laissant le doigt dessus !
Bannir aussi les coudes à angle droit, ils “cassent” la vitesse de passage des fluides, décantent les résidus en suspension et font perdre environ 15 % de puissance par raccord de ce type.
Petits ruisseaux ou grande rivière ? Parlons gros sous !
Je parle ici pour les cabinets à fauteuils multiples.
Faut-il choisir un système centralisé d’aspiration pour nos 2, 3, 4 ou x fauteuils, avec un seul récupérateur d’amalgame en sortie du moteur central d’aspiration, ce qui d’emblée fait une belle économie, ou opter pour des systèmes indépendants ?
Je dirais qu’il faut bien y réfléchir, et plutôt très bien, car l’économie à la base peut coûter très cher à l’usage. Si vous avez retenu en début de cet aspirant article, qu’au moins 70 % des pannes en cabinet étaient dues aux aspirations, vous penserez peut-être comme moi, qu’il vaut mieux sécuriser les choses. Une de vos journées de travail, additionnée à celles de vos confrères, heureux co-locataires de l’aspiration centralisée, ça monte à combien ?
La “santé” de l’aspiration en général est tributaire d’un entretien RI-GOU-REUX, quotidien et enquiquinant il faut le dire. Si votre journée potentielle d’exercice avec aspiration, dépend de la rigueur de Louisette, votre précieuse assistante, il faudra aussi compter sur celles de Sarah et de Mathilde, les assistantes de vos co-propriétaires d’aspi.
Pour ma part, je défends avec vigueur depuis plus de 30 ans les aspirations individuelles : Anneau d’Air et en seconde solution (plan B) depuis qu’elles existent, les aspirations Anneau Humides. C’est aussi moins stressant à gérer.
Hygiène et sécurité
Il est impératif de traiter le rejet d’air vicié. Une aspiration aspire des sécrétions, mais aussi beaucoup d’air (au moins 300 l/mn) ce rejet d’air est contaminé et ne sent pas toujours très bon, il faut donc l’évacuer vers l’extérieur du local professionnel, par un simple tuyau allant à l’extérieur du bâtiment, dans un lieu ou personne ne séjourne (arrêt bus,…) et si ce n’est pas possible, monter sur la sortie d’air vicié de l’aspiration, un filtre bactériologique (à changer 1 fois l’an). Nous parlerons dans un autre article de l’entretien spécifique de ce matériel.
Extrait du cours sur le plateau technique du cabinet, proposé par Foxy études & développement